SECTION II. DU CONTRAT DE BAIL
Le contrat de bail est l'un des plus usités dans notre
droit positif congolais. La majorité de la population est locataire, ce
qui illustre l'importance que revêt le bail dans notre droit.
§1. Prodrome et notion
Avant 1888, année de la promulgation du texte
régissant le bail, ce dernier relevait pour l'essentiel de la
liberté contractuelle. Le CCC L III met en oeuvre des règles
supplétives à la volonté des contractants et constitue le
droit commun du bail résultant principalement des arts. 374 à 407
pour les baux des maisons et des biens ruraux et des arts. 408 à 416
pour les baux à loyer ou baux des maisons d'habitation.
En effet, l'art. 370 dispose : « on peut louer toutes
sortes de biens meubles ou immeubles ». Il s'agit sous cette
disposition du louage des choses
soit mobilières soit immobilières. Ce louage
consiste en un contrat par lequel l'une des parties s'oblige de faire jouir
l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que
celle-ci s'oblige de lui payer.1
Déduisons que le contrat de bail est un des types de
contrats de louage des choses.
Le bail exerce un rôle économique et social de
premier plan et croissant ; en dissociant propriété et
jouissance, il permet une utilisation rationnelle de richesses : au locataire,
il procure l'usage du bien, son utilité ; au bailleur, ses fruits.
Aussi, rencontre-t-on le louage des choses dans tous les rouages de la vie
sociale. Le bail immobilier satisfait le besoin essentiel de logement d'un
côté ; de l'autre, fait tirer profit, fournit au commerçant
le local où il attire et retient la clientèle,...
La distinction entre les baux immobiliers dépend de la
destination convenue de l'immeuble loué : habitation, exercice d'une
profession,... c'est la nature de l'immeuble loué, plus que la
volonté des parties qui en détermine la
destination.2
§2. Caractéristiques du bail
La définition du contrat de louage de choses attendue,
deux éléments caractérisent le contrat de bail : d'un
côté le droit de jouissance (A), de l'autre le
droit personnel (B).
A. Le contrat de bail engendre un droit de jouissance
Par le contrat de bail, le bailleur s'oblige à faire
jouir le preneur à bail d'une chose pendant un certain temps. Comme
beaucoup d'autres contrats « relatifs » à une chose (vente,
dépôt) ou comme l'usufruit, le bail permet au preneur
d'appréhender matériellement la chose.3 Tel est
d'ailleurs la cause de l'obligation du preneur à bail.
Titulaire d'un droit de jouissance, le preneur use de la chose
et peut en percevoir les fruits mais non en altérer la substance.
Temporaire également -le droit de jouissance-, la restitution de la
chose s'impose à
1 Voir art. 371 du décret du 30 juillet 1888 relatif aux
contrats ou aux obligations conventionnelles.
2 P. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil : Les contrats
spéciaux, 11e éd., T.VIII, CUJAS, Paris, 1998,
p.343.
3 P. MALAURIE et L. AYNES, Op.cit., p.347.
l'expiration du contrat. Tel est le point convergeant et du
bail et de l'usufruit. A ce titre, le locataire et l'usufruitier exercent
concomitamment les mêmes prérogatives.
B. Le contrat de bail engendre un droit
personnel
Si la cause de l'obligation du preneur à bail est la
jouissance de la chose louée et qu'en contrepartie celle du bailleur est
la perception du loyer, il est déductif que la jouissance du preneur est
due par le bailleur, conséquemment, le bailleur est titulaire d'un droit
de créance.
Ainsi, le bail -droit de créance- ne porte pas
directement sur la chose plutôt sur des personnes ; il permet au bailleur
-sujet actif de l'obligation- d'exiger une prestation de donner de la part du
preneur à bail.
Eu égard à ce qui précède, le bail
s'éloigne plus ou moins de
l'usufruit :
Le bail est un contrat synallagmatique, d'où les causes
des obligations se servent réciproquement. Le locataire dépend
totalement du bailleur. Il n'a aucun droit direct sur la chose. Tandis,
l'usufruitier est totalement indépendant de son nu-propriétaire,
excepté certaines limites. Il exerce directement son pouvoir sur la
chose, objet de son usufruit.
§3. Des droits et obligations des parties au contrat
de bail A. Des obligations du preneur
L'art. 358 CCC L III dispose : « le preneur est tenu
de deux obligations principales :
1. d'user de la chose louée en bon père de
famille, et suivant la destination que lui a été donnée
par le contrat de bail, ou suivant celle présumée d'après
les circonstances, à défaut de convention ;
2. de payer le prix de bail aux termes convenus
».
Deux obligations en découlent :
1. L'usage de la chose en bon père de
famille
User de la chose en bon père de famille, c'est notamment
honorer les charges locatives et procéder aux réparations
locatives.1 Il
1 LUTUMBA WA LUTUMBA, Op.cit, p.53.
convient de préciser que les réparations
locatives ou de menu d'entretien dont le locataire est tenu, s'il n'y a clause
contraire, sont celles désignées comme telles par l'usage des
lieux.1
Quant à la portée exacte des réparations
locatives dont le locataire est tenu, la loi présente un
caractère abrégé en se contentant de dire que c'est
l'usage des lieux qui les détermine. Par ces termes, nous estimons que
la loi confère au juge des larges pouvoirs d'appréciation en cas
de litige. Ainsi, a-t-il été jugé que des travaux tendant
à rendre plus agréable ou plus commode l'usage du bien
loué constituent des réparations locatives.2
S'agissant de l'obligation d'honorer les charges locatives, il
a été jugé que le défaut de payer les factures de
consommation d'eau et d'électricité ainsi que les frais de
vidange de la fosse septique commune constitue un motif de résiliation
du contrat de bail. Le fait pour le locataire de n'avoir pas payer les frais
relatifs à ces charges est une violation de l'obligation d'user la chose
en bon père de famille.3
Généralement, la pratique admet que le bailleur
puisse exiger les réparations locatives en fin de bail. A cette
opportunité, il a le droit de faire constater l'état de lieux. Si
les réparations ne sont pas exécutées, il a le droit et
l'action en justice contre le locataire. Cependant, si le bail s'est
constitué avec une garantie locative, il est d'équité que
le bailleur défalque les coûts de réparations à
effectuer proportionnellement de la garantie locative s'il est suffisant
d'après un état de lieu établi contradictoirement. A
défaut d'accord, le juge tranche.4
Somme toute, le locataire ne peut être tenu que de
l'entretien normal et des réparations locatives par l'usage des lieux ou
par la loi. Malheureusement, les bailleurs forts de leur situation
économique sur le marché imposent au locataire des charges autres
que celles précitées qui, en principe sont les leurs ; ce, sous
peine d'expulsion du lieu loué.
1 Voir art. 410 du décret du 30 juilet 1888 relatif aux
contrats ou aux obligations conventionnelles.
2 Léo., 11 juin 1929, R.J.C.B., p.27 cité par P.
PIRON et J. DELVOS, Codes et lois du Congo belge : Matières
civiles et commerciales, T1, 8e éd., Maison Ferdinand Larcier et
Ed. des codes et lois du Congo belge, Bruxelles et Léopoldvile,
1959-1960, p.132.
3 TGI/Matete, RC 987 du 26 février 1998, inédit ;
Léo, 11 juin 1929, R.J.C.B., p.257 cité par LUTUMBA WA LUTUMBA,
Op.cit., p.53.
4 NGOMBA TSHILOMBAYI, Vers un nouveau droit des baux à
loyer : liberté contractuel ou dirigisme contractuel, R.J.Z.,
supplément annuel 19887, pp 33-44, cité par LUTUMBA WA LUTUMBA,
Op.cit, p.53.
2. le paiement du loyer tel que stipulé dans le
contrat de bail
Le paiement du loyer, cause de l'obligation du bailleur, est
une dette dont la valeur doit être déterminée d'avance dans
le contrat ainsi que la date d'exigibilité.
Etant donné que le contrat de bail est un contrat de
type synallagmatique à exécution successive dont les obligations
de parties se servent réciproquement des causes, il a été
jugé que le défaut de payer le prix aux termes convenus constitue
un motif de résiliation du contrat.1
Egalement le bailleur peut disposer, en cas de non paiement,
de la garantie locative pour se faire payer.
Somme toute, l'obligation du locataire de payer le prix du
bail - le loyer- est de l'essence même du contrat de bail pour le
bailleur. Elle est d'ailleurs la cause intrinsèque de ses obligations. A
ce sujet, pas mal d'abus se commettent. Il existe des bailleurs avides
d'argent, cupides exigeant le paiement anticipatif du loyer de 3, 6 voire 12
mois aux locataires, cela à ajouter à la garantie locative. Il en
existe d'autres exigeant du loyer avant l'arrivée du terme : fait que le
législateur devra combattre.
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