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B.P. 204 GOMA
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PRIVE ET JUDICIAIRE
DE LA PROBLEMATIQUE DU
LOYER PERÇU ANTICIPATIVEMENT
PAR L'USUFRUITIER D'UN IMMEUBLE
A USAGE RESIDENTIEL
Travail de fin de cycle présenté et
défendu en vue de l'obtention du diplôme de graduat en
Droit.
Par : PONY MATSANDE Médard
Directeur : KATEMBO ZAWADI
Assistant.
Année académique 2007-2008.
a
EPIGRAPHES
<< Pas plus qu'un locataire, l'usufruitier ne
pourra devenir propriétaire par le mécanisme de la
prescription acquisitive».
PONY MATSANDE Médard
<< Nul ne peut s'enrichir sans juste cause aux
dépens d'autrui ».
PRINCIPE GENERAL DU DROIT
b
A tous nos lecteurs présents et avenir ;
A tous les usufruitiers-bailleurs d'immeuble à
usage résidentiel ;
A tous ceux qui aiment, respectent et appliquent
l'équité, la justice ;
A nos parents géniteurs KATEMBO MATSANDE
et KAHAMBU MUSAVULI ;
A tous nos frères et scours germains : DEDIEU
MULEKYA, MIREILLE NYAVINGI, CRHISTIAN KAKULE,
FIDELE LWANZO et CHRISTELLE MUGHOLE;
Nous dédions le présent travail.
PONY MATSANDE Médard
REMERCIEMENTS
En guise de reconnaissance et surtout de gratitude, il nous
plait d'adresser nos probes remerciements à tous ceux qui, de
près ou de loin, nous ont soutenus tout au long de notre cursus de
formation scientifique.
En fin de ce premier cycle universitaire, remercions
particulièrement :
Nos parents géniteurs KATEMBO MATSANDE et KAHAMBU
MUSAVULI,qui, les premiers nous ont conduit vers l'école aux fins
d'acquérir la base de toute notre instruction ;
La famille de l'oncle maternel MARTIN MUSAVULI et KAVUGHO
MUNAGHA, madame son épouse, pour leur encadrement et tous les bienfaits
aussi grandioses qu'inexprimables ;
Notre directeur KATEMBO ZAWADI, qui en dépit de ses
multiples occupations, a accepté l'encadrement de notre travail.
Nous ne pouvons pas oublier d'exprimer notre profonde
gratitude au grand-frère Christophe MAMBOLEO ZAWADI ainsi qu'à
son proche collaborateur NZANZU Blaise pour leur initiation pratique à
certaines notions de droit dont certains fruits ont été
présentés à travers cette oeuvre. Aussi, à tous nos
frères et soeurs, cousins et cousines notamment JOELLE MATHE, VICTOIRE
MUSAVULI, FLORENT MUSAVULI, MIRYAM MUSAVULI, DIVINE MUSAVULI, ... pour leur
soutien fraternel chaleureux ; et alliés JEANINE MUGHOLE, SOLANGE
MATUMAINI...
Que mademoiselle Liliane KATYA KAHEMULWA trouve ici
l'expression de notre profonde gratitude pour l'encadrement sympathique,
cordial, affectueux, tendre et intime qu'elle nous a toujours offert.
En fin, nous ne pouvons pas passer sous silence nos amis et
compagnons de lutte jusqu'à ce jour : ZOE AKILI, TRESOR MUSUBAO, MOISE
KANYUNYI, ...
d
SIGLES ET ABREVEATIONS
art : article
C.R.D.F. : Centre de Recherche et de Diffusion Juridiques
Cass.civ : chambre de Cassation Civile
CCC L III : Code Civil Congolais Livre trois
éd. : édition
Elis. : Elisabethville
J.O.Z. : Journal Officiel du Zaïre
Jur.Col. : Revue de doctrine et de Jurisprudence Coloniale
Léo. : Léopoldville
Op.Cit. : Opere Citato (intitulé d'un ouvrage
déjà cité pour le même auteur). p. : page
P.F.D.U.C. : Publication des Facultés de Droit des
Universités du Congo
pp. : pages
R.J.C.B. : Revue Juridique du Congo Belge
R.J.Z. : Revue Juridique du Zaïre T. : tome
INTRODUCTION
1. Problématique
Tout le droit dont nous nous servons est relatif aux
personnes, aux biens et aux obligations. Il est évident qu'entre
l'être et l'avoir, entre les personnes et les biens, il existe un lien
naturel, psychologique, économique ... que le Droit enregistre et
organise. L'ensemble des relations juridiques qui se tissent ainsi entre les
personnes et les biens peut dès lors constituer le toile de fond d'un
« droit des biens » au sens large.1 Ce droit des biens est
la branche du droit civil répartissant, entre ces personnes, leurs
avoirs. Ainsi, la propriété confère un bien à une
seule personne ; l'usufruit démembre la propriété en usus
et fructus excluant l'abusus ; l'indivision met en concurrence plusieurs
propriétaires sur un même bien ;...Ce droit des biens correspond
à l'étude d'une partie des droits patrimoniaux dans son objet
bien précis, l'autre partie étant constituée par le droit
des obligations ; et ces deux constituent les branches maîtresses du
droit patrimonial.
Ainsi, les biens ou droits patrimoniaux sont de trois sortes :
les droits de créance ou d'obligation, les droits réels et les
droits intellectuels.
Les seuls droits réels sont : la
propriété, la concession perpétuelle, les droits
d'emphytéose, de superficie, d'usufruit, d'usage et d'habitation, les
servitudes foncières, le gage, le privilège et
d'hypothèque.2
Le droit des obligations, détermine les obligations
réciproques des parties par rapport à un bien, à une
source d'obligations bien déterminée. Ainsi, dans le contrat de
bail notamment, le bailleur donne en location son bien et en assure jouissance
paisible3, le locataire doit à son tour paiement du loyer
conformément à leur contrat.
1 KANGULUMBA MBAMBI, Précis de droit civil : les
biens, T1, Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, « Bibliothèque
de Droit Africain » 2007, p. 24.
2 Voir art. 1 Al. 1 et 2 de la loi n°73/021 du 20 jullet
1973 portant Régime général des biens, Régime
foncier et immoblier et Régime des sûretés telle que
modifiée et complétée par la loi n°80/008 du 18
jullet 1980.
3 H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, Les grands arrêts
de la jurisprudence civile, T1, 11e éd., Dalloz, Paris,
2000, p. 349.
Le bailleur peut être soit le propriétaire soit
l'usufruitier d'un immeuble à usage résidentiel. Dans la
deuxième alternative, les actes de l'usufruitier peuvent se montrer
préjudiciables aux intérêts futurs du nupropriétaire
surtout lorsqu'il y a eu perception anticipative du loyer par ce premier, et ce
pour le temps où il n'aurait plus dû le percevoir du fait de
l'extinction de son droit (d'usufruit) surtout par sa mort. Aussi, cette
situation suscite-t-elle une réflexion et nécessite-t-elle une
solution adéquate.
Pour ce faire, un certain nombre d'interrogations trouve son
mérite :
1. l'usufruitier d'un immeuble à usage résidentiel
peut-il le donner à bail ?
2. si oui, ce bail peut-il produire des effets à
l'égard du nu-propriétaire tant en cours qu'en fin d'usufruit
?
3. que dire de l'administration du bien grevé d'usufruit
et objet du contrat de bail ?
4. à l'extinction de l'usufruit, quel sera le sort du
loyer perçu anticipativement - et au-delà du terme - par
l'usufruitier ?
Voilà autant d'interrogations auxquelles nous tenterons de
donner solution tout au long des développements du présent
travail.
2. Hypothèses
D'entrée de jeu, disons que les hypothèses sont
des solutions - réponses- anticipées et provisoires aux
interrogations posées dans la problématique qui seraient en fin
du travail infirmées ou confirmées.
Tout d'abord l'usufruit, démembrement de la
propriété, confère à son titulaire le droit d'usage
et le droit de jouissance sur une chose. C'est ainsi que l'usufruitier est en
relation immédiate, directe avec la chose -objet de son droit. Il
reçoit une partie de prérogatives inhérentes à la
propriété et les exerce directement sur la chose1.
Aussi, l'usufruitier pourrait-il prendre
1 Ch. ATIAS., Droit civil : Les biens, 4e
éd., Litec, Paris, 1999, p. 166.
qualité de bailleur car titulaire surtout du
fructus. En ce sens, il pose un acte d'administration sur l'objet de
son droit.
Ensuite le contrat de bail, en principe, ne pourrait produire
effet à l'égard du nu-propriétaire. Il n'y est pas partie.
Exceptionnellement, en fin d'usufruit les effets intrinsèques du contrat
de bail pourraient lui être opposés pour au tant qu'il
acceptât de continuer à percevoir le loyer, il en assumerait alors
toutes les obligations de bailleur.
Quant à l'administration du bien grevé
d'usufruit et objet du contrat de bail, l'usufruitier assumerait toutes les
obligations inhérentes à tout bailleur sans préjudice des
caractéristiques de l'usufruit, bien entendu. Autrement, en concluant
bail, il doit sauvegarder l'intérêt du nu-propriétaire. Du
coté du locataire, il assumerait d'ordinaire les siennes.
En fin, le bail consenti par l'usufruitier peut troubler la
jouissance du nu-propriétaire s'il a perçu un loyer et que par la
suite son usufruit s'éteigne. A l'extinction du droit d'usufruit, la
propriété devient ipso facto effective dans le chef du
nu-propriétaire. Ainsi, considérant la conclusion du contrat de
bail par l'usufruitier, qui de bonne ou de mauvaise foi a perçu le loyer
pour une période au-delà de l'extinction de son droit d'usufruit,
le nupropriétaire serait en droit de revendiquer ce loyer qui, en
principe, lui revient de droit, car étant devenu pleinement
propriétaire. Le sort de ce loyer excédent serait le
remboursement par l'usufruitier-bailleur.
3. Intérêt et choix du
sujet.
Notre travail présente un intérêt certain,
indéniable, tant sur le plan pratique (sociologique) que sur le plan
théorique.
Au plan pratique, il y a intérêt de porter
à la connaissance de tous les usufruitiers surtout d'immeubles à
usage résidentiel qu'ils ont le droit de donner à bail leur
immeuble en vue de les faire fructifier toute en conservant leur valeur. Pas
mal de veuves ont déniché cet intérêt. Ainsi, quant
aux obligations et droits, ce document peut être tenu comme
référence pour les intéressés. C'est surtout tout
nu-propriétaire qui trouvera grand intérêt dans la
présente étude. Il pourra non seulement se rendre compte de la
possibilité du remboursement du loyer indûment perçu par
l'usufruitier-bailleur en fin
d'usufruit mais aussi et surtout prendre connaissance des
outils nécessaires pour se faire remettre dans ses droits.
Au plan théorique, ce travail démontre les
lacunes de la législation congolaise en matière d'usufruit. Mais
ces lacunes ne constituent du tout pas un blocage à la constitution
d'usufruit sur tout autre bien que le sol en RDC. Ce travail en apporte plus ou
moins un débouché par l'ordonnance du 14 mai 1888 en son art. 1.
Cette ordonnance permettant ainsi de nous référer au code civil
Napoléon et d'appliquer ses dispositions en RDC en tant que principes
généraux de droit. Ainsi, l'usufruit peut porter sur tout autre
bien, les immeubles notamment. Quant à la destinée du loyer
indûment perçu par l'usufruitier-bailleur, ce travail la
présente sous un angle théorique (voir dernier chapitre).
Pas mal d'étonnements constituant davantage une des
interrogations de notre problématique ont convergé au choix du
présent sujet. Ce choix porte ainsi sur le bail consenti par
l'usufruitier d'un immeuble à usage résidentiel et toutes les
conséquences y afférentes.
4. Délimitation du sujet
La finalité du présent travail ne pourrait
être aisée sans pour autant le limiter dans l'espace, dans le
temps et dans la matière.
Dans l'espace, notre travail couvre la RDC car analysant la
législation congolaise notamment la loi n°73/021 du 20 juillet 1973
portant Régime général des biens, Régime foncier et
immobilier et Régime des sûretés telle
complétée et modifiée par la loi n° 80-008 du 18
juillet 1980 ; le décret du 30 juillet 1888 portant des contrats ou des
obligations conventionnels ainsi que les principes généraux de
droit ayant trait à notre sujet.
Dans le temps, notre recherche va de l'entrée en
vigueur du décret précité jusqu'à nos jours.
Il s'agira dans notre travail d'analyser ces trois sources
formelles de droit afin d'apprécier la destinée du loyer
perçu anticipativement par l'usufruitier-bailleur pour le temps
où son droit est éteint.
5. Méthodes et techniques de
recherche
Les démarches raisonnées, ordonnées et
suivies nous permettant de vérifier nos hypothèses ci-haut
mentionnées suivent :
> la méthode exégétique
: nous permettant de comprendre et d'interpréter les textes de lois
ci-haut évoqués.
> la méthode comparative : Par
cette méthode, avons mis en parallèle la législation
française en matière d'usufruit conventionnel se suivant du
contrat de bail et celle de notre pays en la même matière.
> La technique documentaire : celle-ci est
passée par la lecture doctrinale, y cueillant ainsi les opinions des
auteurs en vue consolider notre réflexion.
> La technique cybernétique :
technique actuellement en vogue, nous a permis de récolter des
données électroniques.
7. Enoncé du plan
S'il s'avère indispensable et nécessaire de
considérer sous une perceptive générale l'usufruit et le
contrat de bail au chapitre premier, il nous faudra non seulement
présenter au chapitre deuxième la manière dont est
administré l'immeuble à usage résidentiel grevé
d'usufruit et donné à bail mais aussi et surtout présenter
le sort du loyer perçu anticipativement par l'usufruitier-bailleur pour
le temps où son droit est éteint au chapitre troisième, et
ce ; hormis l'introduction et la conclusion.
CHAPITRE PREMIER DES CONSIDERATIONS GENERALES SUR
L'USUFRUITIER ET LE CONTRAT DE BAIL
Il sied, au préalable, pour le présent travail
de pouvoir décortiquer en humbles détails les notions
générales de base en vue d'une bonne appréhension. Il
s'agira dans le présent chapitre d'épingler deux grandes notions
présumées connues pour les initiés : l'usufruit (SECTION
I), et le contrat de bail (SECTION II). Les deux notions sont la base
constitutive de notre travail. En fin de ce chapitre nous présenterons
les dissemblances et les ressemblances entre les deux notions (SECTION III).
SECTION I DE L'USUFRUIT
L'article 109 de la loi n°021 du 20 juillet 1973 telle
que modifiée et complétée par la loi n° 80-008 du 18
juillet 1980 énumère divers droits de jouissance sur le sol qui,
d'après le législateur, sont des droits réels, et sont
dits par ce dernier comme étant des « concessions ordinaires
». Parmi ceuxci, on trouve l'usufruit dont il importe d'appréhender
le prodrome et la définition (§1) d'abord ; ensuite, relever le
caractère lacunaire de la réglementation d'usufruit en droit
positif congolais (§2); suivront les caractères de d droit
d'usufruit (§3) ; enfin déterminer les droits et obligations de
l'usufruitier et du nu-propriétaire (§4).
§1. Prodrome et définition
Prodrome exige de souligner qu'avant 1973 la notion d'usufruit
était fort méconnue par le Droit congolais. Ce n'est qu'en cet an
qu'il apparaît mais d'application restreinte, et ce avec
l'avènement de la loi dite foncière.
Cette nouvelle réglementation, ainsi adoptée,
avait pour objet essentiel le bien fonds concédé par l'Etat
congolais alors que ce droit d'usufruit est dans sa
généralité à même de frapper bien d'autres
biens que le sol en l'occurrence les biens meubles corporels, les biens
immeubles, etc.
Le Droit congolais définit la notion
d'usufruit proportionnellement à son application et à son
objet. C'est la première
optique que l'article 132 de la loi n°021 du 20 juillet
1973 telle que modifiée et complétée par la loi n°
80-008 du 18 juillet 1980 dispose : « l'usufruit concédé
par l'Etat à une personne sur le fonds est le droit pour elle d'user et
de jouir de ce fonds, comme l'Etat lui-même, mais à la charge de
le conserver dans son état »1. Cette
définition restrictive accorde à l'Etat congolais seul la
probabilité d'être nu-propriétaire et dans ce cas
d'espèce seul le sol est susceptible d'être grevé
d'usufruit. Dans la deuxième optique et quatorze ans plus tard, le code
de la famille institut deux types d'usufruits : l'usufruit des parents sur les
biens de leurs enfants mineurs et l'usufruit du conjoint survivant sur la
maison habitée par les deux époux et les meubles meublants ainsi
que la moitié de l'usufruit des terres attenantes que l'occupant de la
maison exploitait personnellement pour son propre compte et du fonds de
commerce y afférent.
Cependant en Droit français, cette notion d'usufruit
date de l'entrée en vigueur du Code civil Napoléon de 1804. Avec
tout intérêt et vu les faits sociaux contemporains,
déjà ce code définit en son article 578 la notion
d'usufruit. Cette est définition englobante : « l'usufruit est
le droit de jouir d'une chose dont un autre a la propriété, comme
le propriétaire luimême, mais à charge d'en conserver la
substance2».
De l'intersection de ces deux définitions
légales des Droits congolais et français, il découle que
la propriété se trouve démembrée et deux de ses
trois attributs sont à l'honneur de l'usufruitier dont le « jus
fruendi » et le « jus utendi ». Le
propriétaire ne conserve que le « jus abutendi » qui
était assurément la partie la plus profonde de son droit, mais
non la plus visible ni la plus vivante. Dépouillée de l'usus et
du fructus, la propriété n'est plus qu'une
nue-propriété, mais elle a en elle la certitude de revenir un
jour pleine propriété ; car l'usufruit est un droit
essentiellement temporaire et, en général viager : destiné
à s'éteindre à la mort de son titulaire3.
1 Voir article 132 de la loi n°73/021 du 20 juillet 1973
portant Régime général des biens, Régime foncier et
immobilier et Régime des sûretés telle que modifiée
et complétée par la loi n°80/008 du 18 juillet 1980.
2 Voir art.578 in A. LUCAS, Code civil, 25 éd.,
Litec, Paris, 2006, p. 360.
3 LUKOMBE NGHENDA, Droit civil : Les biens, P.F.D.U.C,
Kin, 2003, p. 581.
La doctrine, notamment celle de François TERRE et de
Philippe SMILER, définit l'usufruit comme un droit réel viager
qui confère à son titulaire le pouvoir d'user et de jouir durant
sa vie, des biens appartenant à une autre personne, comme celle-ci en
userait et en jouirait, mais à charge d'en conserver la
substance1
Cette définition, pour nous innovatrice, est beaucoup
plus matérielle par rapport aux deux autres légales. Elle y
inclut un déterminant de grande taille : le déterminant temps
-durée- car sans elle, il n' y aurait usufruit. Cependant, ces auteurs
n'ont du tout pas atteint perfomance. En effet, le droit d'usufruit ne
s'éteint exclusivement par la mort de l'usufruitier. D'autre mode existe
tel que l'arrivée du terme, la consolidation,...
Considérant l'innovation ci-haut dégagée,
nous proposons définir l'usufruit comme étant le droit d'user et
de jouir (percevoir les fruits) d'un bien dont une autre personne a la
propriété, comme le propriétaire luimême à
charge d'en conserver la pleine substance, et ce pendant une période
bien déterminée, à la limite déterminable.
§2. Du caractère lacunaire de la loi
n°021 du 20 juillet 1987 telle que complétée et
modifiée par la loi n° 80-008 du 18 juillet 1980 quant à
la notion d'usufruit
Cette loi dite restrictivement foncière traite bien
d'autres matières en l'occurrence : le régime
général des biens, le régime immobilier et le
régime des sûretés. Cette nouvelle réglementation
inclut dans l'arsenal juridique écrit congolais une notion très
nouvelle : celle de l'usufruit. Nouveauté que nous saluons vivement.
Cette loi, innovant et modifiant certaines dispositions de
l'ancien code civil livre II a, avec toute consternation, régi
l'usufruit de manière lacunaire. Cette lacune découle du fait que
cette loi n'avait institué que l'usufruit concédé par
l'Etat congolais sur son fonds, alors que le droit d'usufruit est susceptible
de porter sur différents biens notamment meubles, immeubles ou les
droits et biens incorporels. Ainsi, ignore-t-elle à tort tout autre
usufruit ne portant pas sur le sol.
1 F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil: les biens,
Dalloz, Paris, p. 591.
Tout compte fait, la loi congolaise du 20 juillet 1987 est
lacunaire vu que les règles posées ne concernent pas les droits
d'usufruit portant sur les biens autres que le sol.
Ce caractère lacunaire incite en nous un
étonnement : la loi n°021 du 20 juillet 1987 ne régissant
pas l'usufruit autre que celui portant sur le sol, lequel est uniquement
concédé par l'Etat, n'aurait-elle pas par ce silence interdite la
constitution de l'usufruit sur d'autres biens et ce par des particuliers!
Absolument pas, car s'il s'agissait d'interdire, le législateur l'aurait
dit expressément. Comme il n'est d'interdiction, en cas de constitution
d'usufruit ; quel sera le fondement juridique de cette constitution ! N'y
aurait-il pas absence de fondement juridique !
Pour y pallier, invoquons les dispositions de l'art.1 de
l'ordonnance de l'administration générale au Congo du 14 mai 1886
approuvée par le décret du 12 novembre 1886 : Quant la
matière n'est pas prévue par un décret, un
arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les
contestations qui sont de la compétence des Tribunaux du Congo seront
jugées d'après les coutumes locales, les principes
généraux de droit et l'équité ».
La position du Professeur LUKOMBE NGHENDA consolide la notre :
« il s'impose de faire appel à l'application de l'ordonnance
administrative du 14 mai 1886 : faute des règles légales
écrites ou coutumières, l'usufruit sur les biens autres que le
sol sera régi par des principes généraux de droit à
tirés de l'application des règles posées dans le livre II
du code civil Napoléon (dit belge ou français) relatives à
l'usufruit qui porte sur les biens autres que le sol
»1.
Ainsi, outre les dispositions de la loi dite foncière
en matière d'usufruit, aux termes de l'art. 581 CCC L III, l'usufruit
peut être établi sur toute sorte de biens meubles ou
immeubles.2
§3. Des caractères de l'usufruit
Qu'il s'agisse du droit d'usufruit sur le fonds qui est plus ou
moins systématiquement réglementé en RDC par la loi dite
foncière ou du
1 LUKOMBE NGHENDA, Op.cit., p.580.
2 Voir art.581 code civil Napoléon, in A. LUCAS,
Op.cit., p.355
droit d'usufruit sur tout autre bien que le sol, les
caractères de l'un ou de l'autre côté sont similaires.
A. L'usufruit est un droit réel
Ce caractère ressort de deux dispositions
légales
définitionnelles de l'usufruit et ce, par l'expression
: « comme le propriétaire lui-même ». Par cette
expression, les deux dispositions font allusion au droit de
propriété que son titulaire pouvait lui-même exercer sur sa
chose. Le droit qu'a l'usufruitier est quasi-identique à celui du
propriétaire. Et on peut affirmer sans doute que par cette expression
les deux articles (578 pour le code civil Napoléon et 132 pour la loi
dite restrictivement foncière) entendent considérer le droit
d'usufruit comme droit réel.
Davantage, ce caractère peut être
démontré par un autre raisonnement. Ce dernier part même de
l'acception du droit réel. Par droit réel, il est entendu les
prérogatives ou pouvoirs reconnus et qu'exerce son titulaire sur une
chose immédiatement, directement ; sans passer par un
intermédiaire quelconque. Ces prérogatives sont bien reconnues et
accordées à l'usufruitier. Ce dernier est en relation directe et
immédiate avec le bien lui assujetti. Ce caractère résulte
de la négation de tout intermédiaire entre la chose et lui;
autrement il n'est pas en relation personnelle avec le nupropriétaire,
de surcroît qui n'a aucune obligation envers lui.1
B. L'usufruit est un droit de jouissance
L'usufruit est un droit de jouir d'une chose ... L'usufruitier
détiendra la chose, l'utilisera, en percevrant les fruits, (...). Il
n'est qu'un simple détenteur précaire à l'égard du
droit de propriété, c'est-à-dire qu'il ne pourra jamais
posséder à titre de propriétaire. Par conséquent,
pas plus qu'un emprunteur ou un locataire, l'usufruitier ne pourra devenir
propriétaire par le mécanisme de la prescription acquisitive.
Cependant, les deux textes légaux signifient que
l'usufruitier est titulaire d'un droit réel comme l'est le
propriétaire lui-même ; ils ne sauraient signifier que la
jouissance de l'usufruitier est la même que celle du propriétaire,
et cela, non seulement parce que l'étendue des droits de
1 Ch. ATIAS, Op.cit., p. 1661.
l'usufruitier est moindre, mais encore parce que, même
réduite à la jouissance, cette dernière n'est pas aussi
grande que celle du propriétaire. Au demeurant, ces deux textes le
laissent entendre, puisqu'ils obligent l'usufruitier à conserver la
substance de la chose (et la restituer en fin de son droit -en ce sens il est
détenteur précaire de l'objet d'usufruit-) d'une part, et que
d'autre part, l'usufruitier n'a pas l'abusus sur la chose (en ce sens il est
possesseur pour le nu-propriétaire de l'objet d'usufruit). Cet abusus ou
droit de disposer (matériellement ou juridiquement) appartient au
nupropriétaire1.
Affirmons que l'usufruitier ne peut ni détruire
matériellement la chose - objet de son droit- ni disposer juridiquement
de cette même chose. A ceci, il ne revient pas à dire qu'il ne
peut juridiquement disposer de son droit portant sur cette chose. Ainsi, il
peut aliéner, céder son droit d'usufruit, mais avec cette
réserve que la chose reviendra au nu-propriétaire en fin
d'usufruit soit à la mort de l'usufruitier originaire -auteur de
l'aliénation- soit à l'arrivée du terme. Par contre si le
cessionnaire vient à décéder avant l'usufruitier
originaire, ce droit pourra être transmis aux héritiers du
cessionnaire, qui l'exerceront jusqu'à la mort de l'usufruitier
originaire. C'est donc la vie de ce dernier qui doit être prise en compte
et non celle du cessionnaire2. A ce sujet hélas l'art. 139 de
la loi congolaise n°021 du 20 juillet 1973 interdit la cession du droit
d'usufruit.
Du reste, on notera que même pour l'exercice de l'usus
et du fructus par l'usufruitier, il y a absence de caractère absolu des
prérogatives de l'usufruit -malgré la définition de ce
dernier en un droit réel. En effet, même limité à
l'usus et au fructus de la chose, on ne saurait permettre à
l'usufruitier d'exercer ces deux prérogatives aussi librement et d'une
façon aussi complète que pourrait faire un propriétaire.
On conçoit que la jouissance de la chose ne soit pas aussi
étendue que celle du propriétaire, l'usufruitier étant
tenu de la restituer ; ce qui implique dans l'intérêt du
1 LUKOMBE NGHENDA, Op. cit., p.587.
2 Idem, p.593.
propriétaire, qu'il n' en abuse pas par cette jouissance
en altérant la substance de la chose1.
Par conséquent, la jouissance de l'usufruitier est
limitée, ce qui se manifeste par l'existence de certaines obligations
dont il est tenu.
C. L'usufruit est un droit
temporaire
Ce droit est l'essence de la constitution de l'usufruit. Tel a
été le mérite de la définition doctrinale brillante
au niveau de la notion de durée d'usufruit malgré la redondance
usée par leurs auteurs -François TERRE et de Philippe SMILER
-traduisant ainsi l'insistance de ces derniers à ce propos : «
l'usufruit est un droit réel viager qui (...) durant sa
vie, des biens (...). Mais, la faiblesse de cette définition est
d'avoir restreint le facteur vie de l'usufruitier au seul mode normal
d'extinction d'usufruit alors que l'arrivée du terme extinctif en est un
autre mode normal.
La précision de la durée de l'usufruit est
très capitale. A ce sujet, ni l'article 578 du code civil
Napoléon ni l'article 132 de la loi dite restrictivement
foncière, ne font allusion au caractère temporaire de l'usufruit,
alors qu'il s'agit là d'un élément essentiel. Ce qui
différencie d'ailleurs la jouissance de l'usufruitier d'avec celle du
propriétaire. Ce caractère temporaire ressort de l'article 671 du
code civil Napoléon relatif à l'extinction de l'usufruit et
l'article 135 de la loi congolaise n°021 du 20 juillet 1973.
La raison d'être de la durée est que l'usufruit
est généralement constitué à titre personnel
(intuitu personae) c'est-à-dire qu'il est conféré
à une personne pour la satisfaction de ses besoins et que, par ricochet,
il doit disparaître au plus tard avec elle, au moment de son
décès.
Si donc l'usufruit est constitué au profit d'une
personne physique, il ne peut durer au maximum que jusqu'à son
décès. Il est donc au plus un droit viager. Mais le
caractère viager n'est pas d'ordre public et l'acte constitutif peut lui
assigner une durée moindre en fixant un terme. De la même
façon, l'usufruit peut être accordé en prenant en
considération non
1 LUKOMBE NGHENDA, Op. cit., p.593.
pas la vie de l'usufruitier, mais celle d'un tiers ou encore un
âge limite d'un tiers1.
S'il s'agit d'un usufruit constitué au profit d'une
personne morale, étant donné que la durée de cette
personne peut être très longue, ce qui entraînerait à
considérer que l'usufruit serait à la limite perpétuel,
l'art. 619 du code civil Napoléon en a limité la durée
à trente ans tandis que pour l'usufruit sur le fonds, l'art. 135 de la
loi congolaise n°021 du 20 juillet 1987, a fixé le terme à
vingt-cinq ans renouvelable.
C'est surtout à travers cette disposition, dit LUKOMBE
NGHENDA que l'on saisit bien le caractère temporaire de l'usufruit : ce
caractère est dicté non seulement par le fait que l'usufruit est
accordé pour la satisfaction des besoins d'une personne
déterminée, mais encore parce que l'usufruit entraîne une
paralysie de la propriété et que cette paralysie ne saurait
être perpétuelle, sous peine de ruiner totalement la
propriété2.
L'usufruit perpétuel ne l'est pas. Il pêcherait
à la règle de la
restitution.
Soutient également à ce sujet Vincent KANGULUMBA
MBAMBI que si l'usufruit était de caractère perpétuel, il
y aurait là une atteinte à l'un des attributs du droit de
propriété. Or, tout démembrement est temporaire,
conséquemment l'usufruit en tant que tel l'est aussi3.
Et donc l'usufruit est un droit temporaire.
§4. Des obligations et droits des usufruitier et
nu-propriétaire
Leurs droits et obligations varient selon que l'on se situe
avant, pendant ou après la constitution de l'usufruit.
A. Avant la constitution de l'usufruit
1° Les obligations pesant sur
l'usufruitier au moment de son
entrée en jouissance sont justifiées par le fait
que l'usufruit est un droit temporaire et que, par conséquent
l'intégralité des prérogatives de la
pleine propriété sera recouvrée par le
nu-propriétaire à la fin de l'usufruit. Or, ce
1 Voir art. 620 code civil Napoléon A. LUCAS,
Op.cit, p. 445.
2 LUKOMBE NGHENDA, Op.cit, p. 588.
3 KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., p. 270.
dernier a le droit d'être garanti contre toute
éventualité de ne pas recouvrer tous les biens attribués
à l'usufruitier et contre celle de ne pas les récupérer en
bon état, la responsabilité de l'usufruitier pouvant être
retenue en cas de détérioration, notamment si celle-ci est due
à un abus de jouissance1.
Pour ce faire, le code civil Napoléon a mis à la
charge de l'usufruitier deux obligations pour permettre d'entrer
régulièrement en jouissance :
· Faire tenir un inventaire des meubles éventuels et
de l'état de l'immeuble et ce, contradictoirement et à ses
frais.
· Il doit fournir sûreté pour garantir le
nu-propriétaire contre l'éventualité d'une
inexécution des obligations qui pèsent sur lui pendant la
durée de l'usufruit et à la cessation de celui-ci. Cette
sûreté peur être personnelle (physique ou morale : caution)
ou réelle.
En principe, s'il n'y a pas de sûreté il n'y
aurait d'usufruit .Mais la dispense est possible. Celle-ci peut être
légale ou conventionnelle. Ainsi, légalement les père et
mère sont réputés servir de caution pour l'usufruit de
leurs enfants2.
2° le nu-propriétaire n'en a presque
pas sinon qu'il s'agit d'une obligation négative : il ne doit rien
faire.
B. Pendant l'usufruit
1° Les obligations de l'usufruitier
pendant la durée de l'usufruit
proviennent de deux idées : d'abord, la jouissance de
l'usufruitier ne pouvant être absolue en raison de l'intérêt
du nu-propriétaire, il convient de la limiter par certaines obligations
; ensuite, certaines charges grèvent les revenus, charges qui doivent
être supportées par l'usufruitier et non le
nupropriétaire.
Ainsi, pendant la jouissance, deux types d'obligations incombent
à l'usufruitier :
· les obligations ancrées à son droit de
jouissance ;
1 LUKOMBE NGHENDA, Op.cit., p.601.
2 KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., p. 277.
· l'obligation de supporter certaines charges dites
charges usufruitières.
Les premières sont instituées comme dit ci-haut
dans l'intérêt du nu-propriétaire et en cas
d'inexécution de ces obligations il peut lui être dû des
dommages et intérêts, la déchéance de l'usufruitier
pouvant également être prononcée pour abus de
jouissance.
L'usufruitier doit jouir en bon père de famille en ce
sens qu'il doit se comporter dans sa jouissance en un jouisseur raisonnable,
diligent et consciencieux de la bonne conservation de la chose.
LUKOMBE NGHENDA enseigne que dès lors l'usufruitier ne
jouit plus en bon père de famille, il y a abus de jouissance ;
d'où peut intervenir la déchéance1.
La deuxième regorge l'ensemble des dépenses qui
doivent être effectuées avec les revenus de la chose -fruits-,
revenus dont l'usufruitier a le profit complet. Il s'agit essentiellement des
impôts, taxes, redevances qui sont payés périodiquement sur
les revenus2. Sont en ligne de compte les réparations
d'entretien conformément à l'art. 605 du code civil
Napoléon.
Au titre des droits pendant la jouissance, l'usufruitier a
droit à l'usage et à la jouissance de la chose, les fruits
produits sont siens. Il a le droit d'administration sur la chose, il peut le
céder aussi, il a le droit de disposition sur son droit d'usufruit et
non sur la chose.
2° le nu-propriétaire a un droit
réel sur la chose. Quant aux attributs de la propriété, il
a exclusivement l'abusus. A ce sujet, il peut disposer juridiquement de la
chose. Il a le droit à tous les produits.
A l'opposé, il ne doit pas troubler l'usufruitier dans
sa jouissance. Il a la charge des grosses réparations auxquelles
l'usufruitier dispose d'une action pour contraindre le nu-propriétaire
à effectuer les gosses réparations devenues indispensables en
cours d'usufruit et il peut recouvrer à charge du nu-propriétaire
le coût de ces réparations.3
1 LUKOMBE NGHENDA, Op.cit., p. 603.
2 Ibidem.
3 KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., pp. 277-278.
C. En fin d'usufruit
1° En ce moment-ci, l'obligation sine
qua none qui incombe à
l'usufruitier est celle de restituer la chose dans son
état initial ainsi que les fruits au cas où il n'y aurait plus de
droit.
Si l'usufruitier a seul procédé aux grosses
réparations, il a droit au remboursement des dépenses ainsi
effectuées, car elles reviennent au nupropriétaire.
2° le droit le plus intuitif du
nu-propriétaire est de reconstituer son droit jadis
démembré. Il devient pleinement propriétaire, titulaire de
droit de propriété. Il a ainsi le jus abutendi, le
jus fruendi, le jus utendi.
Le nu-propriétaire doit rembourser le prix de
dépenses effectuées par l'usufruitier si ce dernier a
procédé aux rosses réparations.
§5. Durée du droit d'usufruit
L'usufruit est toujours temporaire. Il est limité dans
le temps, au maximum viager. C'est-à-dire, en général, il
dure autant que son titulaire et prend fin avec la mort de celui-ci ; et en
particulier, il s'éteint soit à l'arrivée du terme soit
à la consolidation,... La cession du droit d'usufruit n'a aucun effet
sur sa durée.
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