2.1. Les approches explicatives du recours à
l'avortement
La recherche sur la pratique de l'avortement en Afrique a
été pendant longtemps axée sur l'exploitation des
statistiques hospitalières concernant les femmes victimes des
complications abortives. Bien que non représentatives, ces
données ont permis d'avoir des informations importantes sur cette
pratique dans bon nombre de pays. D'après certaines enquêtes et
études, le recours à l'avortement provoqué en Afrique
s'expliquerait par des facteurs d'ordre démographique, socioculturel,
socio-économique et institutionnel.
2.1. 1. Approche Sociodémographique
A. Une pratique de tous âges
Le retard dans l'entrée en vie sexuelle des femmes en
Afrique est dans la plupart des cas dû à un recul de l'âge
au mariage. Pour les hommes la situation est différente puisque les
rapports sexuels sont de plus en plus précoces. Ces conditions
d'entrée dans la sexualité contribuent à l'allongement de
la période d'activité sexuelle avant le mariage avec pour
conséquence une exposition de plus en plus marquée aux risques de
grossesses non désirées (Delaunay et Guillaume,
2004).
Dans leur ouvrage sur l'avortement dans les pays en
développement, Mundigo A.I. et Shah I.H (1999) cités par
Guillaume. A. (2004) montrent que l'avortement concerne les femmes
à différents âges et moments de leur vie. Elles y recourent
aussi bien en fin de vie féconde pour limiter leur descendance qu'au
tout début pour retarder leur entrée en parenté.
Au Gabon, la prévalence de l'avortement qui varie entre
15 et 23% chez les femmes de plus de 20 ans est faible chez les femmes les plus
jeunes (4%). Lorsqu'on analyse rétrospectivement l'âge des femmes
à leur premier avortement, il apparaît que 44% d'entre eux se sont
produits avant l'âge de 20 ans (Barrère, 2001). A
Yaoundé et Douala, une enquête menée auprès de 1638
femmes a révélé que c'est à 25-30 ans que les
femmes avortent le plus (30,3%), suivi de celles âgées de 45-49ans
(29,7%). Peu de femmes ont été rencontrées avant 25 ans
ayant déjà subi un avortement (12%) dans ces deux
localités (Ngwé et al. 2005). En Tunisie,
l'âge moyen à l'avortement est d'environ 30 ans, mais il semble
que cette pratique soit fréquente chez les jeunes femmes
célibataires, «les relations sexuelles prénuptiales
étant socialement prohibées et condamnées
».(Gastineau B., 2002 ;Guillaume A., 2004). A Bamako et
à Abidjan, des enquêtes auprès des femmes en consultation
dans les centres de santé montrent que l'avortement concerne surtout les
femmes de moins de 25 ans et célibataires. (Konaté M.K et
1993 ; Guillaume A. et Desgrées du LOÛ A., 1999).
L'avortement est fréquemment pratiqué par des jeunes
femmes en début de vie féconde qui,
par cette pratique, interrompent leur (s) première (s)
grossesse (s) par un avortement (Okpaniet Okpani, 2000 ; Guillaume
2003). Deux enquêtes menées au Cameroun soulignent la
forte
prévalence de l'avortement chez les jeunes adolescentes
sans enfants et instruites ou en cours de scolarisation (Leke, 1998).
Les études auprès des femmes qui ont eu des
complications d'avortement aboutissent à des conclusions quelque peu
différentes. Au Mozambique et en Zambie, les femmes hospitalisées
pour des avortements clandestins sont des femmes jeunes, célibataires,
peu instruites ou encore scolarisées, sans enfants et de milieux sociaux
défavorisées (Hardy et al. 1997; Guillaume
2004).
A Accra au Ghana, selon une étude
réalisée en milieu hospitalier, un quart des femmes de moins de
20 ans venus accoucher pour la deuxième grossesse avait interrompu
clandestinement leur première grossesse.
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