A. L'Avortement, comme moyen d'espacement ou de limitation
des naissances ?
Par ailleurs, une catégorie de femmes avorte pour espacer
les naissances lorsque l'intervalle inter génésique est court ou
quand la parité a été atteinte.
Au Gabon, une femme sur huit a décidé d'avorter
parce que ses naissances étaient trop rapprochées. En outre, 19%
de l'ensemble des femmes ont des besoins non satisfaits en matière de
contraception, dont la plupart (14%) pour espacer les naissances
(Barrère, 2001).
L'importance du recours à l'avortement dans de nombreux
pays africains et la nature des motivations amènent à
s'interroger sur son rôle de cette pratique dans le contrôle des
naissances.
Selon les enquêtes démographiques de Côte
d'Ivoire en 1994 et 1999, l'indice synthétique de
fécondité est passé de 5,7 enfants par femmes lors de la
1ere enquête (1994) à 5,2 enfants par femme lors de la seconde
(1999). Au cours de cette même période, la pratique contraceptive
a légèrement augmenté mais reste faible: seulement 6% de
femmes en 1994 et 10% en 1999 utilisaient une méthode moderne de
contraception (Guillaume, 2000). D'après
l'enquête d'Abidjan auprès des consultantes, la diminution de la
descendance des femmes imputable à l'avortement est estimée
à 10% et cette proportion atteint 15% chez les jeunes femmes. Les femmes
qui ont utilisé la contraception par le passé ont une
probabilité trois fois plus élevée d'avoir
déjà avorté que celles qui n'ont jamais eu recours
à la contraception. Elles utilisent donc conjointement les deux
méthodes pour réguler leur fécondité
(Guillaume, 2000).
Cependant, la plupart des enquêtes et études ont
montré que l'expérience d'un avortement amène les femmes
à chercher à maîtriser leur fécondité en
pratiquant la contraception.
2. 1. 2. Approche socioculturel
A. La crainte d'un rejet social ou
familial
Les rapports sexuels sont partout un des aspects du
comportement social le plus entouré d'interdits culturels, du moins en
Afrique. Du point de vue de la morale religieuse, les rapports sexuels ne
devraient par exemple intervenir que dans le cadre d'une union socialement
reconnue et devraient exclusivement être réservés pour la
procréation.
Dans les faits, la morale sociale est de plus en plus remise
en question, comme l'atteste des pourcentages non négligeables de
naissances hors mariage dans certains pays, notamment chez les adolescentes.
La grossesse de la jeune fille reste cependant perçue,
à tort ou à raison, comme une fatalité dans les
sociétés africaines parce que non désirée. Elle
conduit, très souvent, à des avortements pratiqués dans la
clandestinité. La crainte de la réaction des parents ou de la
famille face à une grossesse considérée comme inacceptable
(jeunes femmes, célibataires ou censées ne pas avoir de relations
sexuelles) et les problèmes de couples (mésententes, grossesses
pré maritales, refus de paternité, partenaires occasionnelles,
grossesses adultérines) expliquent certaines interruptions de grossesses
(Kasolo, 2000, Guillaume 2004). Ces motifs sont d'une
importance variable selon l'âge des femmes et leur situation
matrimoniale.
La décision d'avorter est pour les jeunes femmes largement
dépendante de la réaction du partenaire et de sa capacité
à accepter la paternité (Webb, 2000).
Les études menées en Côte-d'Ivoire,
mettent l'accent sur le poids des raisons familiales dans les décisions
de pratiquer l'avortement : unions instables, refus de reconnaître
l'enfant par le père, demande du partenaire, problèmes de
couples, crainte d'un scandale ou de réaction des parents
(Guillaume et al. 1999).
A Douala et Yaoundé, « la peur d'être
rejetée par les parents ou la famille » a été
cité comme premier motif d'avortement chez les jeunes filles (52,8%).
(Ngwé et al. 2005).
A Bamako au Mali, dans trois centres de santé, les
raisons principales du recours à l'avortement mentionnées par les
femmes sont le célibat (38 à 64% des réponses), la
pression familiale (31 à 45%) et la rupture avec leur partenaire
(1,7 à 14,6%) (Konaté et al.
1999).
La crainte des parents a aussi été
mentionnée comme motif d'avortement, particulièrement par les
jeunes femmes : 16,4% des femmes de moins de 20 ans ont avorté pour
cette raison au Gabon (Barrère, 2001), 22% au
Bénin 7,1% au Togo 17% en 1996 au Nigeria et 26% en Ouganda
(Alihou, et al. 1996; Renne, 1997; Bazira, 1992). Au
Sénégal, 21% des femmes ont mentionnée la crainte des
parents et 20% la peur des critiques de l'entourage (Diadhiou et al.
1995).
|