2.5. L'APPLICABILITE DE L'ARRET DU 10 OCTOBRE 2002 :
RETROCESSION DE LA PENINSULE DE BAKASSI.
La question qui nous vient à l'esprit est celle de
savoir si l'arrêt rendu par la C.I.J. devrait automatiquement être
mis en application sans qu'un quelconque mécanisme pacifique de mise en
oeuvre ne soit appliqué. Rendre un arrêt est une chose, le mettre
en pratique est une autre chose. Les parties au litige ont-elles positivement
reçu cet arrêt rendu par la C.I.J. ? Nous osons croire si
l'une l'a reçu avec jouissance, ce n'était pas le cas pour
l'autre partie. D'où, le mécanisme de coopération bi et
multilatérale devrait entrer en jeu pour procéder à
l'applicabilité dudit arrêt. Du 15 au 16 Novembre 2002, c'est la
« rencontre de Genève ». Les deux présidents
(OBASANJO et BIYA) renouvellent leur engagement à renoncer à
l'usage de la force et à rechercher des moyens pacifiques de
régler leurs différends frontaliers ; Création d'une
commission mixte dirigée par un représentant de l'Organisation
des Nations Unies et composée de 12 membres, six Camerounais et six
Nigérians, et destinée à se réunir,
alternativement, à Yaoundé et Abuja. Le représentant
spécial de Kofi ANNAN (ex Secrétaire Général des
Nations Unies) pour l'Afrique de l'Ouest basé à Dakar, M. Ahmadou
OULD-ABDALLAH est désigné comme représentant de
l'Organisation des Nations Unies.
Cette deuxième tripartie intervient un peu plus d'un
mois après le verdict de la C.I.J., le 10 Octobre 2002 :
Objectif : ouvrir la voie à la mise en oeuvre des dispositions
pertinentes du verdict de la Cour.
GENEVE, 31 Janvier 2004 :
Constat : Les deux Chefs d'Etat et l'ex Secrétaire
Général de Nations Unies notent avec satisfaction les
progrès significatifs réalisés :
- Adoption d'un programme de travail détaillé
jusqu'à l'horizon 2005 ;
- Retrait sans heurts de l'administration civile de
l'armée et des forces de police de la région du Lac Tchad ;
- Transfert d'autorité à la partie Camerounaise.
Perspectives : Les deux Chefs d'Etats
conviennent de :
- Renforcer les mesures de confiance, par l'échange
d'Ambassadeurs et ouverture des Consulats le long de la frontière
commune ;
- Mettre en place des patrouilles mixtes de forces de
sécurité ;
- Examiner la conclusion d'un traité d'amitié et
de non-agression.
GENEVE, 11 Mai 2005 :
Constat : Les deux Chefs d'Etats et l'ex
Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies
notent avec satisfaction que :
- Les visites sur le terrain, visant à préparer
la démarcation poursuivent ;
- Les retraits et transferts d'autorité se sont
effectués sans heurts le long de la frontière terrestre en
Juillet 2004 ;
- Le personnel d'observation de la Commission Mixte poursuit
son travail dans d'excellentes conditions.
Perspectives :
- Un nouveau programme de retrait des troupes
nigérianes sera mis au point ;
- Les deux Chefs d'Etat se disent résolus à
prendre toutes les mesures voulues pour garantir le bien-être et
préserver les intérêts des populations concernées.
GREENTREE 12 Juin 2006 :
signature de l'accord entre la République du Cameroun et la
République Fédérale du Nigeria concernant les
modalités de retrait et de transfert d'autorité dans
la péninsule de Bakassi. Le Nigeria reconnaît que
la souveraineté sur la presqu'île de
Bakassi est camerounaise
conformément à l'arrêt de la C.I.J. du 10 Octobre 2002 dans
« l'affaire de la frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigeria ». Le Cameroun et le Nigeria reconnaissent la
frontière terrestre et maritime entre les deux pays telle qu'elle est
délimitée par l'arrêt et s'engagent à poursuivre le
processus de mise en oeuvre déjà entamé. Le Nigeria
s'engage à retirer l'ensemble de ses forces armées de la
presqu'île de Bakassi dans les 60 jours à compter de la date de la
signature du présent accord. Si des circonstances exceptionnelles
l'exigent, le Secrétaire Général des Nations Unies peut
prolonger ce délai, mais pour une durée totale n'excédant
pas 30 jours.
AKWA (BAKASSI), le 14 /08/
2006 : Retrait effectif des forces armées
nigérianes de la péninsule de Bakassi et transfert
d'autorité à la République du Cameroun. Ce, en application
de l'arrêt du 10 Octobre 2002 de la C.I.J. et en conformité avec
l'accord de Greentree du 12 Juin 2006.
CALABAR (NIGERIA), le 14 Août
2008 : Cérémonie officielle de transfert
définitif d'autorité dans la presqu'île de Bakassi au
Cameroun par le Nigeria conformément à l'accord de Greentree en
présence des représentants des quatre Etats témoins
(Etats-Unis, France, Allemagne et Grande Bretagne) et du représentant
spécial du Secrétaire Général de l'Organisation des
Nations Unies, Président de la commission mixte Cameroun-Nigeria, SAID
DJINNIT. Quinze années environ après le déclenchement du
différend, huit années après une logue et très
coûteuse procédure judiciaire ayant débouché sur
l'arrêt de la C.I.J. de la Haye du 10 Octobre 2002, reconnaissant la
souveraineté du Cameroun sur la Péninsule de Bakassi, le
processus de rétrocession de Bakassi arrive à son terme le 14
Août 2008. « Le Nigeria a estimé, Jeudi 14 Août
2008 que la rétrocession au Cameroun de la péninsule de Bakassi
est une soumission au Droit International et au bon
voisinage. Cependant, le Cameroun qui a remporté la
bataille juridique va devoir maintenant s'attaquer à
l'insécurité qui règne dans cette région difficile
d'accès »(1). « Les conflits frontaliers
sont nombreux et réglés soit par voie juridictionnelle ou
d'arbitrage, soit font objet d'un affrontement
armé »(2). Bref, retenons que la
péninsule de Bakassi, l'extension de
la péninsule de Calabar dans l'océan Atlantique,
précédemment administrée par la République
Fédérale du Nigeria, un jugement de la C.I.J., rendu le 10
Octobre 2002, attribue la souveraineté de ce territoire au Cameroun. Et
le 14 Août 2008, c'est la fin de ce très long processus
judiciaire.
(1) Disponible sur http : // fr.
allafrica. Com
(2) ROCHE, C., op.cit, p.
52.
CONCLUSION
Nous voici au terme de notre étude
axée sur l' « arrêt de la Cour Internationale de
Justice du 10 octobre 2002 portant règlement de différend
frontalier sur la péninsule de Bakassi ». Cette étude
nous a permis de comprendre la racine de la crise frontalière
camerouno-nigériane, le problème de droit posé et la
solution juridique retenue conformément au Droit international.
En effet, nous nous sommes posé un certain nombre
de questions dont la teneur est la suivante : la C.I.J. a-t-elle
joué un rôle primordial dans la résolution de
différend frontalier opposant le Cameroun au Nigeria ? Dans
l'affirmative, par quels mécanismes juridiques a-t- elle
réglé ce litige ?
En réponse aux questions susmentionnées,
nous avons émis l'hypothèse suivante : plus la C.I.J.
intervient dans un différend interétatique, plus elle
contribuerait à restaurer un climat de bon voisinage, au respect
scrupuleux du Droit international public qui est l'émanation des
volontés des Etats.
A l'issue de notre travail, nous avons abouti au
résultat selon lequel la C.I.J. a indubitablement joué un
rôle primordial dans le règlement de la crise frontalière
sur la péninsule de Bakassi.
Du point de vue de la procédure, nous sommes parti
de la saisine par le Cameroun de la C.I.J., ensuite des exceptions
préliminaires soulevées par le Nigeria, enfin de la
recevabilité de la requête introductive d'instance et
additionnelle du Cameroun par ladite Cour suivie de l'arrêt du 10 octobre
2002, prélude à la rétrocession de la péninsule de
Bakassi.
Conformément audit arrêt, la
souveraineté qui s'exerce sur la presqu' île de Bakassi est
désormais camerounaise. La République Fédérale du
Nigeria, en application dudit arrêt, l'a rétrocédée
le 14 août 2008 prouvant ainsi son respect des règles de droit. En
définitive, nous pouvons croire en l'action de la C.I.J., organe
judiciaire principal des Nations Unies en ce sens que grâce à son
intervention dans l' affaire de différend frontalier entre le Cameroun
et le Nigeria, ce contentieux a pris fin le 14 août 2008 à
Calabar. La souveraineté de l'Etat camerounais s'étend sur
Bakassi, qu'ils s'agissent des eaux, de l'espace aérien situé au
dessus ou du fond et du sous-sol de cette péninsule. Le Cameroun y
exerce donc sa souveraineté tout entière, comme sur son
territoire.
A titre des suggestions, nous souhaitons que les Etats en cas
de conflit de nature juridique, portent leur affaire devant la C.I.J. en vue
d'une résolution pacifique et qu'une certaine marge de l'action
judiciaire internationale en terme de saisine soit accordée à
ladite Cour pour qu'elle joue pleinement son rôle. Nous proposons que le
Cameroun exerce sa souveraineté avec une limitation découlant du
droit de passage inoffensif qui est reconnu aux navires étrangers en
conformité avec la Convention des Nations Unies sur le Droit de mer
(Convention de Montego Bay de 1982).
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