Chapitre Troisième
CERP - GALA LETU ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE A
KISANGANI
Dans ce dernier chapitre qui constitue le socle de notre
étude, nous analysons l'impact des microcrédits octroyés
par le CERP - Gala Letu sur la réduction de la pauvreté à
Kisangani.
III.1. Aperçu sur l'activité du CERP - Gala
Letu à Kisangani
III.1.1. Historique et organisation
Le CERP - Gala Letu est une institution de micro finance
créée depuis 2005. Elle a ouvert officiellement ses portes
à Kisangani le 1er septembre 2007. Elle emploi 14
travailleurs dont un Gérant, un Comptable, un Chargé de
crédit et onze autres agents de collaboration et/ou d'exécution.
En vue d'une organisation efficace du travail, quatre guichets sont ouverts
pour la caisse recettes ou versements, la caisse recettes, la documentation et
le visa. La direction générale du CERP - Gala letu est
basée à Goma avec huit agences à Kinshasa, Lubumbashi,
Mbuji-Mayi, Bukavu, Bunia, Beni, Butembo et Kisangani.
III.1.2. Effectif des abonnés ou membres de CERP -
Gala Letu à Kisangani
Tableau 4 : Effectif des abonnés ou membres de CERP
- Gala Letu à Kisangani
Catégorie membre
|
Nombre
|
%
|
Catégorie I
|
802
|
38,39
|
Catégorie II
|
392
|
18,76
|
Catégorie III
|
306
|
14,65
|
Catégorie IV
|
246
|
11,78
|
Catégorie V
|
267
|
12,78
|
Catégorie VI
|
76
|
3,64
|
TOTAL
|
2 089
|
100
|
Source : Rapports du CERP - Gala Letu
A la lecture de ce tableau, nous découvrons que le
CERP - Gala Letu enregistre un effectif de 2089 membres répartis selon
le choix de chacun, à :
· 38,39 % pour la catégorie I, celle qui paye 5
usd de droit d'adhésion et a droit à un crédit qui va de 1
à 100 usd maximum ;
· 18,76 % pour la catégorie II, qui paye 10 usd
de droit d'adhésion et peut emprunter jusqu'à 500 usd
maximum ;
· 14,65 % pour la catégorie III, avec 20 usd de
droit d'adhésion pour un crédit maximum de 2 000
usd ;
· 11 ;78 % pour la catégorie IV, qui paye 30
usd de droit d'adhésion pour un crédit maximum de 5 000
usd ;
· 12,78 % pour la catégorie V, avec 50 usd de
droit d'adhésion pour crédit maximum possible de 10 000
usd ; et
· 3,64 % pour la catégorie VI qui paye 100 usd de
droit d'adhésion etpeut emprunter jusqu'au delà de 10 000
usd.
Signal fort du degré de pauvreté, la
catégorie I qui n'a droit qu'à 100 usd maximum de crédit
pour un membre n'ayant payé que 5 usd de frais d'adhésion occupe
la première place avec 38,39 % alors que la catégorie VI qui
donne droit jusqu'à plus de 10 000 usd de crédit pour 100
usd de frais d'adhésion payés vient en dernière position
avec seulement 3,64 % des membres.
Nous pouvons en déduire que les plus pauvres se sont
le plus intéressés à la micro finance à la
recherche de l'accroissement de leur capacité de financement.
Très limités dans leur capacité réelle, ils ont
adhéré pour la catégorie la moins coûteuse pendant
que les moins pauvres, disposant d'un peu plus de moyens de leur action, ont
opté pour la catégorie la plus coûteuse, à la
recherche certainement des financements plus importants et des
bénéfices qu'ils pourraient apporter.
III.1.3. Nombre de bénéficiaires de
microcrédits de CERP - Gala Letu
Tableau 5 : Nombre de bénéficiaires de
microcrédits de CERP - Gala Letu
Catégorie membre
|
Nombre
|
%
|
Catégorie I
|
307
|
38,33
|
Catégorie II
|
73
|
9,11
|
Catégorie III
|
101
|
12,61
|
Catégorie IV
|
84
|
10,49
|
Catégorie V
|
127
|
15,86
|
Catégorie VI
|
109
|
13,60
|
TOTAL
|
801
|
100
|
Source : Rapports du CERP - Gala Letu
Comme au tableau 4, la catégorie I occupe la
première place. Ce qui confirme le besoin de financement exprimé
par les plus pauvres, mais aussi l'enthousiasme avec lequel cette
catégorie de la population a accueilli l'activité de micro
finance à Kisangani. La catégorie VI gagne 13,60 % de
crédits obtenus. Ceci exprime également le besoin de financement
par cette catégorie de la population composée essentiellement de
commerçants et hommes d'affaires en quête de financement toujours
plus accru en vue de la redynamisation de leurs activités.
III.1.4. Répartition des
bénéficiaires de microcrédits
III.1.4.1. Selon le statut socioprofessionnel
Tableau 6 : Répartition selon le statut
socioprofessionnel
Statut
|
Crédit obtenu
|
%
|
Commerçant
|
138 500 usd
|
22,28
|
Vendeur au marché
|
216 695 usd
|
34,86
|
Artisan
|
79 500 usd
|
12,79
|
Agriculteur
|
87 000 usd
|
13,99
|
Fonctionnaire
|
100 000 usd
|
16,08
|
TOTAL
|
621 695 usd
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Ce tableau renseigne que les vendeurs du marché
viennent en première position avec 34,86 % suivis des commerçants
avec 22,28 % et des fonctionnaires qui ont pris 16,08 % des microcrédits
octroyés. Or, nous savons que l'économie de la ville de Kisangani
est dominée par les activités du secteur informel. Ce secteur est
tenu par les détenteurs de petits capitaux, ce qui explique qu'il
caractérise une situation de pauvreté dans l'économie
générale d'un pays.
Ainsi, forts de leur esprit d'initiative et inventif, les
commerçants, les vendeurs du marché et même les
fonctionnaires, artisans et autres agriculteurs se sont livrés à
la recherche des moyens de financement de leurs initiatives respectives au
travers de la micro finance. Les activités du niveau tertiaire ont
bénéficié de 57,14 % si nous mettons les
commerçants et les vendeurs ensemble ; les activités de
production ont reçu 26,78 % de crédit accordé aux artisans
et aux agriculteurs alors que 16,08 % ont servi à des activités
difficiles à cerner tenues par les fonctionnaires.
III.1.4.2. Selon le statut matrimonial
Tableau 7 : Répartition selon le statut
matrimonial
Statut
|
Crédit obtenu
|
%
|
Marié
|
512 695 usd
|
82,47
|
Célibataire
|
109 000 usd
|
17,53
|
TOTAL
|
621 695 usd
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Nous constatons sur base de ce tableau que 82,47 % de
microcrédits octroyés ont été accordés aux
hommes et aux femmes mariés. Cette catégorie sociale de la
population est normalement la plus vouée à rechercher
l'amélioration des conditions d'existence.
III.1.4.3. Selon l'âge
Tableau 8 : Répartition selon l'âge
Tranche d'âge
|
Nombre
|
%
|
20 à 25 ans
|
7 695 usd
|
1,24
|
25 à 30 ans
|
26 000 usd
|
4,18
|
30 à 35 ans
|
83 000 usd
|
13,35
|
35 à 40 ans
|
327 500 usd
|
52,68
|
40 à 45 ans
|
161 500 usd
|
25,98
|
Plus de 45 ans
|
16 000 usd
|
2,57
|
TOTAL
|
621 695 usd
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Ce tableau démontre que les crédits
octroyés par le CERP - Gala Letu ont bénéficié aux
adultes dans la tranche d'âge de 35 à 40 ans à la hauteur
de 52,68 % suivi de ceux de 40 à 45 ans avec 25,98 % des cas. D'une
manière globale, nous pouvons observer que ces deux tranches
d'âges sont constituées d'adultes, murs, responsables et actifs
qui ont l'espoir en l'avenir et qui luttent pour améliorer leurs
conditions de vie et celle de leurs dépendants. Ceci explique
suffisamment qu'ils soient d'abord plus attentifs à la micro finance, et
ensuite plus habiles à rechercher des financements pour leurs
initiatives.
III.1.4.4. Selon le sexe
Tableau 9 : Répartition selon le sexe
Sexe
|
Crédit obtenu
|
%
|
Masculin
|
432 000 usd
|
69,49
|
Féminin
|
189 695 usd
|
30,51
|
TOTAL
|
621 695 usd
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Contrairement à la tendance générale
connue de la micro finance, les hommes ont été plus nombreux
à solliciter et à obtenir les microcrédits de CERP - Gala
Letu. Les hommes, en effet, prennent 69,49 % des microcrédits
octroyés contre 30,51 % pour les femmes. Ceci nous semble être
lié au statut matrimonial des bénéficiaires des
microcrédits (voir tableau 7) qui sont pour la plus part des
mariés et chefs de ménages.
III.1.4.5. Selon le niveau d'études
Tableau 10 : Répartition selon le niveau
d'études
Niveau d'études
|
Crédit obtenu
|
%
|
Primaire
|
216 695 usd
|
34,85
|
Secondaire
|
335 500 usd
|
53,97
|
Supérieur
|
69 500 usd
|
11,18
|
TOTAL
|
621 695 usd
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Par rapport au niveau d'études, la catégorie
post-primaire ou secondaire constitue la majorité des
bénéficiaires des microcrédits de CERP - Gala Letu avec
53,97 % des cas enregistrés. La catégorie des études
primaires représente 34,85 et celle des études supérieures
ou universitaires enregistre 11,18 % des cas. Ceci donne à penser que
l'on retrouve moins d'intellectuels dans le secteur informel de
l'économie de Kisangani.
III.1.4.6. Selon le montant reçu
Tableau 11 : Répartition selon le montant
reçu
Catégorie membre
|
Crédit obtenu
|
%
|
Catégorie I
|
237 695 usd
|
38,23
|
Catégorie II
|
57 000 usd
|
9,17
|
Catégorie III
|
78 500 usd
|
12,63
|
Catégorie IV
|
65 000 usd
|
10,46
|
Catégorie V
|
98 500 usd
|
15,84
|
Catégorie VI
|
85 000 usd
|
13,67
|
TOTAL
|
621 695 usd
|
100
|
Source : Rapports de CERP - Gala Letu
Nous avons déjà constaté aux tableaux 4
et 5 que la catégorie I était la plus intéressée
à devenir membre et à obtenir le crédit offert par CERP -
Gala letu. Le tableau 11 ci-dessus atteste ce fait avec 38,23 % des
microcrédits octroyés à la catégorie des plus
pauvres.
III.2. Impact socio-économique des
microcrédits sur les ménages des
bénéficiaires
Dans ce point, nous analysons les données recueillies
lors de nos enquêtes auprès d'un échantillon de 50
bénéficiaires de microcrédits rencontrés au hasard
aux guichets du CERP - Gala Letu. L'impact des microcrédits est
analysé sous divers angles, notamment l'évolution du revenu,
l'évolution du nombre des repas par jour, la scolarisation des enfants,
l'accès à l'eau et à l'électricité, la
capacité de stockage des aliments essentiels, la capacité
d'épargner et l'évolution des activités
exercées.
Nous utilisons indifféremment les termes
« crédit » et
« microcrédit », termes dont le sens a
déjà été précisé au chapitre
premier.
III.2.1. Evolution du revenu des
bénéficiaires de microcrédits
A ce point, nous avons analysé dans nos enquêtes
si les revenus des bénéficiaires des microcrédits avaient
augmenté ou diminué après obtention du crédit. Le
tableau ci-dessous rend compte des résultats obtenus.
Tableau 12 : Evolution du revenu des
bénéficiaires de microcrédits
Revenu
|
Clients
|
%
|
Augmenté
|
39
|
78
|
Diminué
|
11
|
22
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
78 % de nos enquêtés ont reconnu avoir
constaté une augmentation de leur revenu à partir des
microcrédits reçus, alors que 22 % se plaignent d'avoir
enregistré une baisse de leur revenu sous l'effet de la micro finance.
Ceci reflète une bonne gestion des crédits obtenus pour 78 % des
cas, alors que pour 22 % des cas, le crédit reçu a
été confondu à une subvention ou à un don, avec
comme conséquence qu'au moment de remboursement, ces
enquêtés ont vu leur revenu diminuer de la somme affectée
à des activités ou à des achats non productifs. Des cas
d'achat de motos, de téléviseurs, de radios ou de vêtements
nous ont été rapportés. Pour d'autres encore, des
investissements précoces ont été réalisé
avec les fonds empruntés ; c'est le cas d'un client qui a
financé la poursuite des travaux de construction de sa maison avec le
microcrédit lui octroyé par CERP - Gala Letu. Le remboursement
dans ce cas a dû se faire sur le revenu ordinaire du
bénéficiaire qui a omis de comptabiliser son investissement et
estimait que son revenu avait diminué.
III.2.2. Nombre de repas par jour
Nous avons admis pour l'analyse de ce paramètre, que
trois repas par jours constituaient une amélioration de la situation du
bénéficiaire de crédit.
Tableau 13 : Nombre de repas par jour
Nombre de repas
|
Avant
|
Après
|
Un repas
|
16
|
9
|
Deux repas
|
22
|
31
|
Trois repas
|
12
|
10
|
TOTAL
|
50
|
50
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Après obtention des microcrédits du CERP - Gala
Letu, les ménages qui prenaient un seul repas par jour ont
amélioré leur situation comme ceux à deux repas
journaliers, alors qu'à l'inverse, ceux qui en prenaient trois ont vu
leur situation se détériorer. L'évolution respective est
de 16 à 9 cas ; 22 à 31 et 12 à 10 cas
observés. La proportion entre différentes évolutions reste
tout de même à l'avantage de l'amélioration. Ce qui nous
fait dire que les microcrédits octroyés par le CERP - Gala Letu
ont amélioré les conditions de vie des
bénéficiaires. La primauté de deux repas, traduit bien la
situation de Kisangani. En effet, comme vu précédemment, le grand
nombre des bénéficiaires de crédits était
constitué des commerçants et vendeurs au marché, qui
partent le matin au lieu de service pour ne revenir que le soir et penser
à préparer ou à prendre le repas.
III.2.3. Situation scolaire des enfants
Par rapport à la scolarisation des enfants, nous avons
établi le tableau ci-après.
Tableau 14 : Situation scolaire des enfants des
bénéficiaires de microcrédits
Situation scolaire
|
Clients
|
%
|
Améliorée
|
0
|
0
|
Restée la même
|
50
|
50
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Le tableau ci-dessus établit que sur 50
enquêtés, aucun n'a améliorée la situation scolaire
des enfants. Ceci est dû au temps très bref sur lequel a
porté notre analyse. En effet, au bout de deux années, il n'est
pas évident d'observer ou d'organiser une amélioration de la
scolarité des enfants.
III.2.4. Accès à l'eau
L'eau et l'électricité ont été
retenues comme paramètre de vérification du niveau de vie ou de
la pauvreté de nos enquêtés. Les résultats obtenus
pour l'accès à l'eau de la REGIDESO sont consignés dans le
tableau ci-après.
Tableau 15 : Accès à l'eau de la REGIDESO
Accès
|
Avant
|
Après
|
OUI
|
47
|
47
|
NON
|
3
|
3
|
TOTAL
|
50
|
50
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Pour l'accès à l'eau, aucune modification n'a
été enregistrée par rapport à la situation avant
l'obtention du crédit. Cette situation est à imputer à
l'adresse de résidence de nos enquêtés.
III.2.5. Accès à
l'électricité
Les résultats obtenus pour l'accès à
l'électricité sont repris dans le tableau 16.
Tableau 16 : Accès à
l'électricité
Accès
|
Avant
|
Après
|
OUI
|
47
|
47
|
NON
|
3
|
3
|
TOTAL
|
50
|
50
|
De même que pour l'accès à l'eau,
l'accès à l'électricité n'a donné aucune
observation particulière. Le même motif de lieu de
résidence est aussi valable pour ce paramètre.
III.2.6. Capacité de stockage des aliments de
base
Constituer un stock d'aliments de base à la maison
nous a semblé être un autre signe de niveau de vie acceptable.
Aussi, avons-nous évalué la situation de nos
enquêtés par rapport à ce paramètre.
Tableau 17 : Capacité de stockage des aliments de
base
Capacité de stockage
|
Avant
|
Après
|
OUI
|
33
|
36
|
NON
|
17
|
14
|
TOTAL
|
50
|
50
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Une légère amélioration est
observée à ce point. Sur 50 enquêtés, 36 soit 72 %
sont capables de stocker les aliments de base après obtention du
crédit contre 33 soit 66 % des cas avant.
III.2.7. Capacité d'épargne
Epargner c'est mettre de côté une partie du
revenu non consommé immédiatement, ou pour une consommation
future. Celui qui épargne donc est supposé être
détenteur d'un revenu lui permettant de couvrir ses besoins
immédiats et constituer une réserve pour ses besoins futurs. Ce
paramètre a été mesuré pour apprécier le
niveau de vie de nos enquêtés.
Tableau 18 : Capacité d'épargne des
bénéficiaires
Capacité d'épargne
|
Avant
|
Après
|
OUI
|
26
|
29
|
NON
|
24
|
21
|
TOTAL
|
50
|
50
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Epargner, c'est aussi une culture. A lire le tableau 18
ci-dessus, il ressort clairement que les microcrédits octroyés
par le CERP - Gala Letu n'ont eu qu'un effet très limité dans le
sens de l'amélioration de la capacité d'épargne.
III.2.8. Evolution d'activités
exercées
Le sens de l'évolution des activités
exercées par nos enquêtés est un signe d'enrichissement ou
d'appauvrissement, selon qu'il est positif ou négatif. Nos observations
à ce sujet sont contenues dans le tableau ci-après.
Tableau 19 : Evolution d'activités
exercées
Evolution
|
Clients
|
%
|
Positive
|
37
|
74,00
|
Négative
|
13
|
26,00
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Les activités exercées par les
bénéficiaires de crédits de CERP - Gala Letu ont
évolué positivement à 74 %.
III.2.9. Capacité de remboursement
La mesure de la capacité de remboursement des capitaux
empruntés traduit le degré d'enrichissement ou d'appauvrissement,
mais aussi l'expression de la personnalité des
bénéficiaires de microcrédits. Le tableau 20
ci-après renseigne sur ce paramètre.
Tableau 20 : Capacité de remboursements des
crédits reçus
Capacité de remboursement
|
Clients
|
%
|
A l'échéance
|
42
|
84,00
|
Après échéance
|
8
|
16,00
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
La capacité de remboursement à
échéance est assurée à 84 %. Ceci témoigne
de l'intérêt porté par les bénéficiaires
à garder et à promouvoir la micro finance ; une simple
expression de la personnalité de ceux-ci. Mais aussi, ce taux de
remboursement dans le délai est un signe d'enrichissement pour les
bénéficiaires de crédits.
III.2.10. Capacité d'investissement
Nous avons cherché à vérifier à
base de ce paramètre si les crédits octroyés ont permis
à leurs bénéficiaires d'améliorer leur
capacité d'investissement. Nous consignons les résultats obtenus
dans le tableau ci-dessous.
Tableau 21 : Capacité d'investissement de
bénéficiaires de microcrédits
Capacité d'investir
|
Clients
|
%
|
Améliorée
|
11
|
22,00
|
Diminuée
|
3
|
6,00
|
Restée la même
|
36
|
72,00
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
La lecture de ce tableau démontre que dans 72 % des
cas, la capacité d'investissement de nos enquêtés est
restée la même ; elle a même diminué pour 6 %
contre une hausse dans 22 % des cas. Cette évolution est due d'abord
à la modicité des capitaux propres exploités puis par
celle des sommes reçues à titre de microcrédits.
III.2.11. Indépendance vis-à-vis du
créancier
En dernier ressort, nous avons estimé la
capacité des bénéficiaires à devenir
indépendants vis-à-vis du créancier. Le tableau 22
résume les résultats obtenus.
Tableau 22 : Indépendance vis-à-vis du
créancier
Indépendance acquise
|
Clients
|
%
|
Plus besoin de recourir au microcrédit
|
7
|
14,00
|
Besoin persiste
|
43
|
86,00
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
Seuls 14 % de nos enquêtés estiment ne plus
avoir besoin de recourir au microcrédit contre 86 % de notre
échantillon pour qui le besoin de microcrédit persiste. Nous
pensons qu'à ce stade, nos enquêtés comprennent le
bien-fondé du microcrédit et restent disposés à
travailler avec ce système pour accroître leur capacité
d'autofinancement jusqu'à devenir indépendants vis-à-vis
du créancier.
III.3. Opinion des bénéficiaires sur le
microcrédit
Notre étude a cherché aussi à
connaître l'opinion de la population de Kisangani sur les
microcrédits. Les réponses reçues sont condensées
dans le tableau 23.
Tableau 23 : Opinion des bénéficiaires sur
le microcrédit
Le microcrédit
|
Clients
|
%
|
Aide à améliorer les conditions de vie à
court terme
|
9
|
18,00
|
Peut être intéressant à long ou moyen
terme
|
23
|
46,00
|
Doit être encore bien organisé
|
12
|
24,00
|
Est une activité d'appauvrissement
|
6
|
12,00
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Source : Enquêtes de l'auteur
46 % des personnes enquêtées pensent que le
microcrédit peut être plus intéressant à long ou
moyen terme ; 24 % pensent que l'activité doit être encore
bien organisée avant de devenir un vrai outil de lutte contre la
pauvreté et 9 % se disent simplement satisfaits de la marche actuelle de
la micro finance pendant que 6 % sont pessimistes et estiment qu'il s'agit
d'une activité d'appauvrissement des plus pauvres.
Au regard de tous les résultats enregistrés
plus haut, nous épousons l'avis majoritaire qui estime que la micro
finance peut devenir une activité plus intéressante et donc un
outil efficace de réduction de la pauvreté à long ou moyen
terme. Ceci nécessite bien entendu une organisation plus
structurée que celle que présentent les IMF aujourd'hui.
III.3. Contraintes rencontrées par les
bénéficiaires
Au chapitre des contraintes rencontrées par les
bénéficiaires de microcrédits, nos enquêtés
ont évoqué :
- La modicité des sommes prêtées ;
- La durée de l'échéance de
remboursement ; et
- Le ralentissement trop brusque de l'activité en fin
d'année 2008.
Notre observation conduit à confirmer ces
difficultés : la majorité des bénéficiaires de
microcrédits appartiennent à la catégorie la plus pauvre
de la classification de CERP - Gala Letu et reçoit au maximum 100 usd de
crédit. Ceux qui sollicitent des sommes plus élevées ne
bénéficient pas des mêmes facilités que les
premiers ; à partir de 3000 usd et plus, l'autorisation d'octroi du
crédit doit être accordée par la direction
générale... Par ailleurs, pour une somme empruntée pour
besoin de financement d'une activité génératrice de
revenu, le délai d'un mois avant le remboursement de la première
tranche nous paraît trop court. En effet, en trente jours, il n'est pas
évident d'avoir investi et produit jusqu'à la hauteur de 20 %
soit le cinquième constituant la première tranche à
rembourser. Par besoin d'honneur personnel, il est plus probable que les
bénéficiaires de crédits aient commencé à
rembourser avant d'avoir tiré tout dividende.
En plus, le ralentissement de l'activité à la
suite de la crise économique mondiale qui aurait touché les
avoirs des initiateurs d'IMF est un fait négatif dans l'histoire de la
jeune micro finance de Kisangani. L'insolvabilité accusée par une
IMF implantée à Kisangani vers le début du dernier
trimestre 2008 a généré un climat de méfiance
généralisée au sein d'une population qui n'était
qu'à ses premières appréhensions dans les IMF et
COOPEC.
III.4. Difficultés rencontrées par l'IMF
CERP - Gala letu
Pour l'IMF, les difficultés rencontrées peuvent
se résumer en termes de manque de respect des délais de
remboursements, de la méfiance développée trop facilement
et trop rapidement par leurs membres et clients à base d'informations
pas toujours vérifiées et de l'insuffisance de l'implication de
l'autorité publique à mieux organiser le secteur.
En effet, les IMF octroient des microcrédits sur
contrat express. Celui-ci précise les modalités de remboursements
conformément d'ailleurs aux statuts et règlements de
l'institution. Pour rentrer dans ses droits, le CERP - Gala Letu est souvent
obligé de se déplacer pour recouvrer ou d'engager des frais
divers pour cette fin. Malgré les efforts consentis à
l'intérieur de l'institution, la déception est parfois grande de
se retrouver en face d'une clientèle devenue de plus en plus hostile
à une activité qui leur a octroyé des crédits et
à soutenu tant soit peu l'épanouissement de leurs
activités.
Face à tout ceci, l'Etat reste indifférent,
aucune intervention du pouvoir public ni pour sensibiliser la population
à la culture de l'épargne, ni pour organiser le secteur.
III.5. Discussion des résultats
Les résultats de notre étude démontrent
que les microcrédits octroyés par l'IMF CERP - Gala Letu à
la population de Kisangani ont permis dans 78 % des cas, d'augmenter les
revenus de leurs bénéficiaires ; d'augmenter le nombre de
repas consommés par les ménages par jour ; d'améliorer
légèrement la capacité de stockage des aliments de base
dans les ménages ; et de faire évoluer positivement les
activités exercées. Par contre, ces microcrédits n'ont pas
encore permis d'améliorer la scolarisation des enfants ; la
problématique de l'accès à l'eau et à
l'électricité reste non résolue ; la capacité
d'épargner n'a pas connu un changement significatif autant que la
capacité d'investissement n'a pas évolué et que
l'indépendance vis-à-vis du créancier n'a pas
été assurée. Néanmoins, les crédits
octroyés ont été remboursés dans 84 % des cas.
46 % de nos enquêtés ont exprimé une
opinion optimiste sur le microcrédit, estimant qu'il peut être une
activité plus intéressante à long ou à moyen terme
alors que 24 % d'entre eux pensent que l'activité doit encore être
bien organisée pour faire bénéficier au meilleur des cas,
ses effets d'outil de réduction de la pauvreté à la
population. La modicité des sommes prêtées,
l'échéance de remboursement jugée trop courte et le
ralentissement brusque de l'activité en fin d'année 2008 ont
constitué des difficultés majeures relevées par les
bénéficiaires de microcrédits. Pour les responsables de
l'IMF par contre, les difficultés rencontrées se résument
dans le non respect des échéances de remboursement, la
méfiance de la population et le manque d'implication de
l'autorité publique dans la sensibilisation des populations sur la
culture de l'épargne et l'importance de la micro finance.
Par rapport à nos hypothèses de recherche, les
résultats ci-dessus décrits nous amènent à la fois
à infirmer et à confirmer notre première hypothèse.
Nous pensons donc, que contrairement à l'impression que cela puisse
donner, l'IMF CERP - Gala Letu a commencé à contribuer à
la réduction de la pauvreté. Les revenus des
bénéficiaires ont augmenté et leurs activités ont
évolué positivement. Ce qui pourrait conforter l'avis de MPANZU
BALOMBA qui estime que la micro finance est une alternative sérieuse aux
diverses politiques de développement expérimentées
jusqu'ici. Mais aussi celui de KUVITUANGA NSIMBA pour qui l'étude de
l'évolution du secteur de la micro finance montre qu'elle est une
solution durable pour le développement du pays.
Tout ceci pouvant réjouir MOHAMMED AMINE qui a conclu
que le microcrédit a pu, à lui seul, relever le défi d'une
stratégie de lutte contre la pauvreté solide et fiable au
Maroc.
Ces effets positifs sont pourtant limités dans leur
impact sur la réduction de la pauvreté des
bénéficiaires qui n'ont pas réussi à
améliorer leur capacité d'accès à l'eau et à
l'électricité, moins encore celle d'épargne et
d'investissement. Ceci tend donc à confirmer notre première
hypothèse au point de rencontrer l'avis émis par IRAGI RUGAMBWA
qui a constaté que les microcrédits assuraient la survie des
ménages et non leur émergence. En ce sens, aucune croissance
d'une micro entreprise ne saurait être attendue comme le démontre
MENIKO NDIBO qui a constaté que les IMF de Kisangani n'ont pas permis la
croissance de PME par une augmentation de capital à base de
microcrédits.
Notre deuxième hypothèse postule que les
difficultés rencontrées par les responsables des IMF seraient
entre autres le problème de remboursement de prêts à
échéance, signe du manque d'amélioration de la situation
financière des bénéficiaires. La première partie de
cette hypothèse se confirme, la deuxième ne se vérifie
pas. En effet, le manque de remboursement des prêts reçus à
échéance constitue une difficulté évoquée
par les responsables de CERP - Gala Letu. Mais, le problème nous a paru
être seulement du délai, de l'échéance calendrier
car en définitive, les crédits octroyés sont
remboursés à la hauteur de 84 % ; ce qui ne traduit pas un
manque d'amélioration de la situation financière des
bénéficiaires.
Par contre, pour ces derniers, la modicité des sommes
empruntées et le délai trop court de remboursement sont des
difficultés réellement vécues. Le remboursement
effectué, surtout au premier mois, est plus une expression de la
personnalité et du sens de l'honneur que celle de l'amélioration
de la situation financière. Nous avons soutenu cette inquiétude
de nos enquêtés, nous estimons que pour une somme de 100 usd
empruntée en vue de financer une activité
génératrice de revenu, il n'est pas évident de produire
suffisamment en un mois pour pouvoir rembourser 20 usd en trente jours. Le
premier remboursement est souvent fait sur le capital emprunté,
diminuant ainsi l'impact attendu du prêt.
Les enquêtés de MPANZU BALOMBA à Kinshasa
- N'djili / CECOMAF et ceux de IRAGI RUGAMBWA à Bukavu ont
exprimé la même difficulté quant à la
modicité des sommes prêtées et le délai de
remboursement trop court. A la seule différence avec IRAGI RUGAMBWA que
dans le cas étudié ici, le taux d'intérêt est de 9 %
contre 20 à 40 % pratiqué en son temps à Bukavu.
Nonobstant ces difficultés, nos enquêtés
semblent plus optimistes que satisfaits. Exprimant leur opinion sur le
microcrédit, 46 % ont estimé que la micro finance peut être
plus intéressante à long ou à moyen terme, 24 % souhaitent
que l'activité soit mieux organisée et 18 % pensent qu'elle aide
à améliorer les conditions de vie à court terme contre 12
% des pessimistes qui pensent que la micro finance est une activité
d'appauvrissement des plus pauvres.
Ainsi, contrairement à PITT et KHANDLER qui ont
constaté que la participation à des programmes de crédit
avait des effets positifs et significatifs au Bangladesh, nous pensons que les
microcrédits octroyés par le CERP - Gala Letu à la
population de Kisangani ont des effets positifs, mais pas encore significatifs
sur la réduction de la pauvreté. Pour ce faire, il nous
paraît impérieux de faire fonctionner le système de
microcrédit en RDC selon l'idée de Clément WONOU, pour qui
l'utilisation de la micro finance comme moyen de réduction de la
pauvreté ou comme outil de développement tout court, passe par la
constitution d'institutions de micro finance solides, viables et
pérennes. La viabilité d'une IMF pouvant être
définie comme sa capacité à couvrir, par ses produits
(hors subvention), l'ensemble de ses charges et à constituer des
réserves pouvant appuyer son développement et, au besoin, lui
servir d'amortisseurs systémiques.
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