CONCLUSION
Nous arrivons au terme de notre étude sur la
« micro finance et lutte contre la pauvreté : cas des
microcrédits octroyés par le CERP - Gala Letu à la
population de Kisangani. De septembre 2007 à décembre
2008 ». A ce niveau, revenons à l'essentiel.
Dans le présent travail, nous avons abordé la
problématique de la pauvreté et de sa réduction.
Préoccupation de l'homme depuis des temps antiques, la pauvreté -
mieux la réduction de la pauvreté - fait l'objet, depuis la nuit
de temps, d'une grande espérance qui mobilise toutes les cultures et
toutes les communautés humaines. La situation de la pauvreté
extrême comme conséquence de l'instabilité
économique que traverse la République Démocratique du
Congo a réussi à mobiliser aussi notre énergie
intellectuelle. Tentant de rechercher un mécanisme capable de
réduire cet état de médiocrité et de
vulnérabilité vécue par la population de notre pays en
général et celle de Kisangani en particulier, nous nous sommes
intéressé à la micro finance comme outil de lutte contre
la pauvreté.
Deux hypothèses ont sous-tendu cette étude,
à savoir :
- L'IMF CERP - Gala Letu, depuis son implantation à
Kisangani n'aurait pas encore contribué à réduire la
pauvreté dans les ménages des bénéficiaires de ses
microcrédits dans la mesure où, non seulement leurs revenus
seraient modiques mais aussi n'arrivent pas à stimuler l'épargne
et l'investissement comme valeur ajoutée. Malgré l'appui de la
micro finance, ces bénéficiaires ne seraient toujours pas
à mesure de stocker les aliments de base, de manger trois fois par jour,
de faire face aux dépenses d'eau et d'électricité et de
scolariser leurs enfants.
- Les difficultés rencontrées par les
responsables de l'IMF seraient entre autres le problème de remboursement
de prêts à échéance, signe du manque
d'amélioration de la situation financière des
bénéficiaires, ou du côté de ces derniers, il y
aurait les problèmes de faible volume du montant octroyé, des
conditions d'obtention de microcrédit et de délai de
remboursement.
Pour vérifier ces hypothèses, nous avons recouru
à la méthode dialectique soutenue par les techniques
documentaire, d'interview structurée et d'observation participative.
Par besoin d'élaboration et de clarté, ce
travail est subdivisé en trois chapitres. Le premier porte sur les
considérations théoriques. Afin de faciliter la
compréhension des concepts utilisés, nous avons tenu à
préciser leur contenu dans ce chapitre.
Le deuxième parle de la pauvreté à
Kisangani où nous avons examiné la situation de la
pauvreté en RDC et à Kisangani. Nous y avons d'abord
présenté ici la ville de Kisangani, cadre physique de nos
enquêtes, avant d'analyser la situation de la pauvreté qui y est
vécue et de fixer les esprits sur les institutions de micro finance dans
cette ville.
Le CERP - Gala Letu et la lutte contre la pauvreté
à Kisangani a été au centre de la réflexion
contenue dans le troisième chapitre. A ce stade, nous avons
analysé l'impact des microcrédits octroyés à la
population de Kisangani. A partir des résultats enregistrés, il
se dégage des appréhensions suivantes :
- Le CERP - Gala Letu est installé à Kisangani
depuis le 1er septembre 2007 et, conformément à son
organisation interne, a octroyé ses premiers crédits trois mois
seulement après soit au 1er novembre 2007. A ce jour,
2 089 personnes ont adhéré à l'institution et 801
microcrédits ont été octroyés pour une somme
globale de 621 695 usd en plus de la collecte de l'épargne du
public, de la tenue des comptes et de l'intermédiation
financière ;
- 82 % des bénéficiaires de ces
microcrédits sont des hommes et des femmes mariés, pour la plus
part chefs de ménage. Les tranches d'âges de 35 à 40 ans et
de 40 à 45 ans ont raflé respectivement 52,68 % et 25,98 % soit
un total de 78,66 % pour une population active, à l'âge mur et
responsables de foyers ;
- Contrairement à la tendance générale
connue de la micro finance, les hommes ont été plus nombreux
à solliciter et à obtenir les microcrédits de CERP - Gala
Letu dans une proportion de 69,49 % contre 30,51 % pour les femmes ;
- Les crédits octroyés étant plus
orientés vers le secteur informel, les intellectuels de niveau
supérieur et universitaire occupent la dernière place avec 11,18
% contre ceux du niveau post-primaire qui viennent en tête avec 53,97 %
des cas observés ;
- Du point de vue des sommes reçues, la
catégorie I de la structure étudiée se place en
première position avec 38,23 % des sommes reçues sur le total.
Cette catégorie se compose des personnes les plus pauvres qui n'ont
droit qu'à un maximum de 100 usd par prêt octroyé.
A l'analyse de l'impact socio-économique des
microcrédits sur les ménages des bénéficiaires, les
résultats de notre étude établissent que :
1. Les revenus des bénéficiaires de
microcrédits ont augmenté. 78 % de nos enquêtés
attestent cette vérité.
2. L'état nutritionnel des ménages de ces
bénéficiaires de microcrédits s'est
amélioré : la catégorie 1 repas par jour a
baissé de 16 à 9 cas ; celle de 2 repas par jour a
augmenté de 22 à 31 cas alors que celle de 3 repas a
diminué de 12 à 10 cas observés.
3. La situation scolaire des enfants est restée la
même autant que l'accès à l'eau et à
l'électricité qui n'ont connu aucune modification.
4. Les ménages ont commencé à stocker
tant soit peu les aliments de base à la maison et l'évolution des
activités de nos enquêtés est positive à 74 %.
5. La capacité d'épargne et d'investissement n'a
pas été améliorée de manière significative
bien que les capitaux empruntés aient été
remboursés à 84 %. Les microcrédits ont plus servi comme
fonds de roulement que comme un levier efficace capable de faire remonter la
pente.
6. Seuls 14 % de nos enquêtés ont reconnu que les
crédits obtenus avaient assuré l'indépendance
économique vis-à-vis du créancier. 86 % d'autres gardent
intact leur besoin de financement.
Cette oscillation de l'impact induit cependant une opinion
plus optimiste que satisfaisante de la part de nos enquêtés, en
dépit des difficultés rencontrées de part et d'autre.
C'est ainsi que l'on peut lire l'intention des bénéficiaires que
l'activité de micro finance soit mieux organisée et
pérennisée, que les sommes prêtées et les
délais de remboursement soient revues à la hausse pendant que les
IMF elles, émettent le voeu de voir la puissance publique s'impliquer
dans la sensibilisation du public à la culture de l'épargne.
Ces résultats nous ont permis à la fois
d'infirmer et de confirmer notre première hypothèse de recherche.
En effet, nous pensons que l'IMF CERP - Gala Letu a commencé à
contribuer à la réduction de la pauvreté à
Kisangani, mais compte tenu du temps resté au court terme, ces effets
n'ont pas encore permis l'amélioration de tous les paramètres
mesurables, tels l'accès à l'eau et à
l'électricité ou la capacité d'épargne et
d'investissement qui traduiraient une réelle amélioration des
conditions de vie de la population. Nous avons pour cela épousé
l'avis de MPANZU BALOMBA admettant que la micro finance est une alternative
sérieuse aux politiques de développement, ainsi que celui de
KUVITUANGA NSIMBA pour qui le secteur de la micro finance est une solution
durable pour le développement du pays.
Mais aussi, les limites auxquelles se soumettent les effets
positifs nous ont fait croire, comme IRAGI RUGAMBWA que ces microcrédits
ont assuré la survie des ménages et pas encore leur
émergence.
La deuxième hypothèse, elle aussi, est
vérifiée en partie. Le manque de remboursement à
l'échéance des prêts accordés constitue en effet une
difficulté évoquée par les responsables de l'IMF, mais au
regard du taux de remboursement définitif qui est de 84 %, il y a lieu
de dire que ces microcrédits n'ont pas manqué d'influer
positivement les avoirs de leurs bénéficiaires même si,
pour ces derniers la modicité des sommes reçues à titre de
microcrédits et les délais de remboursement trop courts sont des
difficultés réellement vécues.
A ce point, nous attestons avec les enquêtés de
MPANZU BALOMBA à Kinshasa et ceux de IRAGI RUGAMBWA à Bukavu, que
la modicité des sommes prêtées et le démarrage du
cycle de remboursement au terme d'un mois constituent des difficultés
réelles.
C'est ainsi que nous disons, à l'opposé de PITT
et KHANDLER que les microcrédits octroyés par CERP - Gala letu
à la population de Kisangani ont certes des effets positifs, mais pas
encore des effets significatifs. Aussi, à l'opposé de MENIKO
NDIBO qui démontre de manière un peu pessimiste que les IMF n'ont
pas permis la croissance des PME à Kisangani, nous consignons dans cette
conclusion une note d'espoir, un optimisme quant à la capacité
des IMF à diminuer les effets nocifs de la pauvreté sur le
vécu du Congolais en général, et du Boyomais en
particulier.
Il faut pour cela réorganiser le secteur,
éduquer la population et appuyer la constitution des IMF solides,
viables et pérennes comme envisage Clément WONOU.
Loin de nous l'idée d'avoir réalisé une
oeuvre parfaite, nous pensons néanmoins que cette étude a le
mérite d'aider à comprendre le phénomène de la
pauvreté et le mécanisme de sa réduction basé sur
la micro finance. Elle pourra servir de référence aux chercheurs
futurs tant au Congo qu'en Afrique ou ailleurs, la question de la
pauvreté étant une question universelle. On trouve des pauvres
partout.
Ce travail étant presque qualitatif, vue la
période très courte qu'il traite, un travail quantitatif pourrait
compléter sérieusement notre étude. C'est ainsi qu'il
faudra quantifier l'amélioration de certains paramètres plus
tard.
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