DE L'INCRIMINATION DE LA TENTATIVE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS( Télécharger le fichier original )par Victor IRENGE BALEMIRWE Université Libre des Pays des Grands Lacs, Goma - Graduat 2008 |
Paragraphe 2. Acte univoque ou acte de commencement d'exécutionHAUSS pense que si l'on ne peut rattacher (ce fait) à un projet déterminé, si l'on ne parvient pas à prouver qu'en exécutant ce fait l'agent a eu le dessein d'accomplir tel crime, il est impossible de considérer l'acte comme une tentative punissable. Quoi qu'il soit certain que l'auteur a agi dans une intention coupable, le crime qu'il a voulu exécuter peut demeurer incertain, parce que le fait étant susceptible d'explications différentes, ne manifeste pas un seul projet criminel déterminé.29(*) Ce qui nous prouve à suffisance que seul le dol éventuel ne suffit pas pour constituer la tentative, encore faut-il déterminer quelle infraction l'agent voulait commettre. Eventuellement, il ne faudra pas qu'il puisse abandonner son projet criminel de son propre chef sinon il sera difficile de parler de la tentative punissable, il faut donc qu'il ait abandonné suite à un événement extérieur à son chef. Comment sera-t-il donc possible de sanctionner un acte, de commencement d'exécution soit-il, alors qu'il est susceptible d'interprétations multiples. Avant d'évoquer la question d'acte univoque que nous avons considéré comme seul acte de commencement d'exécution d'une tentative, rappelons ici que le législateur ne sanctionne pas la simple résolution criminelle, il faut donc qu'en plus de celle-ci, l'agent ait posé des actes matériels qui, à défaut de consommer effectivement l'infraction, constituent à tout le moins son commencement d'exécution. Ainsi donc, la répression de toute tentative, pour qu'elle soit conforme au principe constitutionnel de nullum crimen..., devra porter sur un acte univoque sinon l'acte incriminé risque de ne pas être nécessairement celui que l'agent avait en vue. Une difficulté s'impose cependant pour les infractions en concours idéal, faut-il le dire ici, on parle de concours idéal lorsqu'un seul acte produit concomitamment plusieurs conséquences incriminées par la loi. Dans ce cas, l'on serait sans nul doute enclin à dire à première intention qu'il s'agit d'un acte équivoque. Mais tel n'est pas le cas car il faudra considérer un raisonnement analogique; en effet, si en posant un acte on peut commettre plusieurs infractions, il est donc évident que si cet acte est interrompu dans son exécution par une circonstance ou un événement échappant au contrôle de l'agent, on devra dire et d'ailleurs à juste titre que cet acte a tenté de commettre ces infractions. Par conséquent, le juge devra considérer une infraction après une autre à part et déclarer cet acte univoque vis-à-vis de chacune de ces infractions. Tel sera le cas lorsque par exemple un automobiliste tamponne un passant mais qui succombe sur le champ. L'acte matériel posé a été le fait de tamponner un passant mais cet automobiliste peut valablement être poursuivi tout à la fois pour homicide par imprudence et pour avoir contrevenu au code de la route. Et pour ces deux infractions, il encourt une peine. Voilà pourquoi le juge devra considérer, du moins dans le souci d'administrer une justice effectivement équitable, le fait de tamponner un passant comme acte univoque aussi bien pour l'infraction d'homicide par imprudence et pour la contravention routière. Il ressort donc de l'analyse de cet exemple que l'acte constitutif d'infractions multiples ou mieux lorsqu'il s'agit d'un seul et même acte mais qui donne lieu à plusieurs infractions, le juge pourra considérer chacune de ces infractions à part avec le seul acte comme étant univoque. Il n'y a donc pas lieu de spéculer là-dessus car si le projet de l'agent n'aurait pas été suspendu dans son exécution par une circonstance extérieure à sa volonté, un seul acte, il commettait tout à la fois plusieurs infractions. Les actes univoques sont donc ceux qui ne sont susceptibles de n'admettre qu'une seule interprétation pénale. Ils ne prêtent donc pas à confusion même lorsqu'ils débouchent à plusieurs infractions. Cette affirmation est vérifiée même dans un exemple dans lequel un délinquant violerait sur la plage: il se rendrait coupable, par ce viol, tout à la fois, de viol et attentat à la pudeur Il convient tout de même de dire que la sanction à apporter à une tentative ayant connu son commencement d'exécution par un acte univoque ne doit pas dépasser la sanction qui pouvait être prononcée en cas de consommation effective de l'infraction. Ceci doit être un pur conformisme à l'alinéa deuxième de l'article 4 du code pénal congolais qui veut que toute tentative devrait être sanctionnée ou punie comme une infraction entièrement consommée.30(*) Le juge a donc l'obligation légale de ne rester que dans les strictes limites prévues par la loi. Mais lorsque nous rentrons sur les infractions impossibles, bien que l'agent ait posé des actes matériels de commencement d'exécution, il ne devra pas être puni comme celui qui a consommé l'infraction encore moins comme celui qui l'a tenté. Et lorsque nous voulons clore ce paragraphe et par ricochet ce chapitre et cette section, nous nous devons de placer une petite critique à celle que bien de pénalistes ont fait à une décision de la C.A. de Kinshasa. En effet, les faits étaient les suivants: "A, chef de service à la douane vient d'être muté et laisse sur place deux collaborateurs B et C. D, qui l'a remplacé, constate des irrégularités financières. Alerté par B et C et, sentant le danger, A décide l'élimination physique de D par le moyen magique. Il soumet son projet criminel à ses anciens collaborateurs B et C, et ces derniers contactent à cet effet E, un puissant féticheur, qui marque son accord moyennant paiement. Le féticheur tente de tuer D au moyen d'un chat noir fourni par B et C et sur lequel il pratique des incantations, mais malheureusement sans succès. Il contact un autre féticheur qu'il croît plus puissant, toujours en vain. Finalement il se résout à procéder autrement et tue D d'un coup de fusil. La C.A. de Kinshasa, saisie de cette affaire, retient contre le féticheur E deux préventions à savoir: l'assassinat de D au moyen de fusil et la tentative d'assassinat par des moyens magiques."31(*) NYABIRUNGU mwene SONGA, comme bien d'autres pénalistes dit que bien que le délinquant ait manifesté sa perversité et sa dangerosité sociale, bien que la parapsychologie comme discipline admet qu'on peut poser une action à distance par la seule parole et par la pensée, la C.S.J. n'a pas profité de cette occasion pour faire avancer le droit en la matière.32(*) En effet, la C.S.J. a pris une décision sage car demeurant dans les limites légales lorsqu'elle a considéré qu'il y a eu simplement l'assassinat et que le moyen importe peu. Cette décision demeure à notre humble avis sage car le juge de la C.S.J. avait certainement en vue le principe de légalité. Et la constitution du 18 février 2006 à son art 17alinéa 2 de rappeler que nul ne peut faire l'objet des poursuites pénales pour une question qui n'est pas érigée en infraction par le législateur.33(*) Encore que le juge, de quelque juridiction qu'il soit, n'a pas compétence à incriminer un fait à la place du législateur. Il n'appartient donc qu'au législateur de légiférer et au juge de dire le droit et non l'inverse. Ce qui nous permet de dire qu'on ne peut tenter une infraction qui n'existe pas, un délit dit absurde ne peut être tenté. Nonobstant les agissements du présumé auteur de celui-ci, le juge devra obligatoirement l'acquitter car son action ne s'inscrit pas dans les interdits de la société regroupés dans le code pénal. S'il faut considérer la question du commencement d'exécution comme si elle ne se limitait qu'au seul aspect objectif, nous aurions dit que si ces éléments sont constatés, il faut considérer immédiatement qu'il y a commencent d'exécution. Il s'agit notamment de l'élément constitutif de l'infraction, acte matériel de nature aussi particulière que générale, mais aussi la volonté de l'agent qui doit présenter un caractère irrévocable et dont l'intention coupable doit être avérée. Mais comme cette question touche aussi l'aspect subjectif, il convient que nous puissions tout d'abord le décortiquer avant d'aboutir à une conclusion sur ce qui peut nous permettre de conclure au commencement d' exécution d'une tentative punissable. * 29. HAUSS, Principes généraux du droit pénal belge, 3ième édition, Tome II, Gand, Réimprimé à Bruxelles, 1979, n° 437. * 30. Art 4alinéa 2 du code pénal congolais, Op.Cit, p.6. * 31. Arrêt de la C.A. de Kinshasa, Inédit, 4ième feuillet, Rendu le 8 janvier 1970, En cause M.P c/MATUTU, NGANGA, MAVUNGU, BUNGA et BONGO, Rôle 8415, Cité par BAYONA-ba-MEYA, Discours à l'audience solennelle de la rentrée judiciaire du 16 octobre 1976, In Bulletin des arrêts de la C.S.J., 1977, p227-p238, Cité par NYABIRUNGU mwene SONGA, Op.Cit, p.178. * 32. NYABIRUNGU mwene SONGA, Ibidem, p.179. * 33. Art 17al 2 de la constitution du 18 février 2006, Op.Cit, p.14. |
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