le souci comme être du Dasein chez Heidegger Martin( Télécharger le fichier original )par Serge MUTUMBO Institut saint Jean Bosco kansebula - Graduat en philosophie et sciences de l'éducation 2003 |
1. 2. 1 L'assistanceL'assistance est un existential. C'est une constitution de l'être du Dasein comme être-avec-autrui. Il est tenu à l'assistance envers l'autre de par son être-avec-autrui qui le caractérise. Et dans l'assistance, il y a des modes de déficience et d'indifférence qui caractérisent l'être-en -commun quotidien et ordinaire. Ces modes faussent la compréhension ou l'interprétation de l'être vers « une explication qui réduit de prime abord cet être à la simple subsistance d'une pluralité de sujet »14(*). L'inattention et l'évidence sont des modes négatifs de l'être-avec-autrui tandis que ceux qui sont positifs de l'assistance, se retrouvent entre deux possibilités extrêmes. L'assistance peut vouloir enlever à l'autrui ses « soucis », se substituer à lui. Dans ce cas, l'assistance prend la place d'autrui et se charge de ce qu'il devait se préoccuper. L'autre ne fait plus rien, il ne fait qu'attendre la solution que l'assistance apportera. Il n'a plus à se soucier de quelque chose. Il dépend de cette assistance qui lui enlève tous ses soucis. Cette manière d'assistance conduit à la dépendance et à la sujétion comme l'auteur le dit dans ces lignes : « Cette forme d'assistance qui se substitue à l'autre et le prive de ses « soucis » est déterminante pour de larges secteurs de l'être-en-commun ; elle se borne le plus souvent à fournir la préoccupation de l'autre en étants disponibles »15(*). L'assistance peut vouloir non pas le substituer pour le dominer mais plutôt devancer l'autrui dans les pouvoirs de son existence. Cette assistance veut restituer authentiquement à autrui les pouvoirs de son existence. C'est là le souci authentique que cette assistance apporte à autrui, car elle « aide l'autrui à se rendre lucide et libre pour son souci »16(*). Elle vise l'existence de l'autre et veut que l'autre devienne conscient et responsable de ses soucis. Ainsi, l'assistance est une structure de l'être du Dasein qui le constitue dans son rapport ontologique avec autrui dans le monde dans lequel il vit et se préoccupe et dans son rapport authentique à son propre être17(*). Heidegger le dit : «L'assistance est faite d'égard et d'indulgence »18(*). Le monde nous délivre non seulement l'étant disponible, mais aussi le Dasein (l'être-là) d'autrui dans sa coexistence. L'être du Dasein n'est tel qu'il est que parce qu'il est en vue de lui puisqu'il ne peut avoir lui-même aucune finalité. Bien qu'il soit ainsi, cet être-là est aussi être-avec-autrui. « En tant qu'être-avec-autrui, l'être-là « est » donc essentiellement en vue d'autrui : cette affirmation est à comprendre comme un énoncé existential relatif à l'essence de l'être-là »19(*). Le Dasein est existentialement un être en vue d'autrui, même s'il peut croire à un moment qu'il n'a pas besoin d'autrui. Il reste ou demeure dans son être sur le mode d'être-avec-autrui. La révélation de l'autre conduit à former la significabilité qui voit le Dasein comme un être toujours-déjà jeté dans le monde où il rencontre l'étant disponible et s'offre à la coexistence d'autrui. Cette révélation de la coexistence des autres est incluse dans l'être-avec-autrui comme la compréhension de l'être du Dasein qui ne peut se comprendre que parce qu'il est un être-avec-autrui. « La connaisance mutuelle se fonde sur un être-avec-autrui originellement compréhensif »20(*). Et cette découverte de l'autre ne jaillit que dans notre être-avec-autrui primordial. Avant de clore ce point, nous allons distinguer l'être-à-l'égard-d'autrui et l'être-à-l'égard-de-choses-subsistances. 1. 2. 2 La distinction entre l'être-à-l'égard-d'autrui et l'être-à-l'égard-de-choses-subsistances.L'autre est le mode d'être du Dasein. Il est comme un doublet du soi puisqu'il y a dans l'être-avec-autrui-et-à-l'égard-d'autrui un rapport ontologique d'être-là à être-là. Il devient une projection dans l'autre du rapport d'être de soi à soi. Mais Heidegger ajoute : « La connaisance que nous avons les uns des autres, et qui se développe sur le fondement de l'être-avec-autrui, est souvent dépendante pour sa profondeur à laquelle chaque être-là a acquise de soi-même, mais cela signifie seulement que cette connaissance mutuelle dépend de la profondeur à laquelle chaque être-là a dissimulé rendu transparent son être-avec-autrui originel ; et cela encore n'est possible que si l'être-là en tant qu'être-au-monde est déjà avec autrui. L'Einfühlung n'est pas à l'origine de l'être-avec-autrui : elle n'est possible que sur le fondement de celui-ci ; l'Einfühlung21(*) (empathie) ne nous est nécessaire que parce que les modes déficients de l'être-avec-autrui prédominent dans notre existence »22(*). Ainsi, l'être-avec-autrui est un existential d'être-au-monde. C'est parce que je suis dans le monde que je peux être en relation avec l'autre dans le monde. L'être-avec-autrui qui n'a pas d'égard envers les autres ne fait que compter les autres sans pour autant compter vraiment sur eux et sans avoir le souci de ceux-ci. Heidegger le dira encore : « Dans son comportement à l'égard de l'étant qu'il n'est pas lui-même, l'homme découvre l'étant comme ce par quoi il est porté, à quoi il est ordonné et que, au fond, sa culture et sa technique ne lui permettent jamais d'asservir. Ordonné à l'étant qu'il n'est pas, il n'est pas non plus fondamentalement maître de l'étant qu'il est lui-même »23(*). Les autres ne sont pas simplement des hommes que je rencontre, envers qui je dois manifester de l'indifférence voire du mépris ; mais des Daseins-miens, pour autant que dans mon propre être, je partage avec eux les mêmes réalités ontologiques et ontiques. C'est à partir de ma rencontre avec l'autre que d'une manière ou d'une autre, mon être se définit. Le Dasein qui coexiste avec l'autre en se comprenant à partir du monde ambiant commun de la préoccupation n'est pas lui-même. C'est un monde commun que je partage avec l'autre pas au sens de ce qui serait pour tous, mais au sens de ce que chaque Dasein expérimente profondément sa dépendance à l'autre. Une dépendance non-aliénante, plutôt libératrice, dans la mesure où habite en moi toujours un aller-vers. Le Dasein qui m'est mien ne se structure que dans cet aller-vers, c'est-à-dire dans la rencontre avec l'autre. Autrement dit, la rencontre avec l'autre, comme coexistence, est une détermination essentielle de la vérité du Dasein. L'être-avec-autrui quotidien est souvent sous la forme de « on ». * 14 Ibid., 153. * 15Cf. Ibid, 154. * 16 Ibid. * 17 Cf. Ibid. * 18 Ibid. * 19 Ibid., 155. * 20 Ibid., 156. * 21 Ce mot Heidegger l'a emprunté de son maître Edmund Husserl. * 22 M. Heidegger, op. Cit., 157. * 23 Idem, Kant et le problème de la métaphysique, Ed. Gallimard, 1953, 284. |
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