CHAPITRE II : ALTERNATIVES A LA REFORME CLASSIQUE
Il existe des alternatives possibles pour régler les
problèmes auxquels les entreprises publiques sont confrontées.
Au lieu de résoudre les problèmes des
entreprises publiques par les mutations de la reforme classique1, on
peut plutôt recourir à ce qu'on peut appeler : reforme
organisationnelle, assainissement, réhabilitation ou
réorganisation de la gestion des entreprises publiques.
Nous présentons ici, des solutions à chaque niveau
de décision du GE, solutions valables pour l'OCI, aussi bien que pour
l'ensemble des entreprises publiques en difficulté2.
SECTION 1 : SOLUTIONS AU NIVEAU DU DES POUVOIRS
PUBLICS
a- Amélioration du cadre juridique qui
organise les entreprises publiques : les reformes organisationnelles
Les objectifs des entreprises publiques devraient être
revus. Très souvent, les entreprises publiques sont chargées de
remplir des fonctions trop nombreuses, les objectifs de création
d'emplois, d'industrialisation et de la fourniture de services de base.
Le fait qu'une entreprise publique ait des objectifs multiples
n'est pas mauvais en soi, mais cela peut nuire à la performance des
entreprises, si les objectifs et la priorité relative entre eux ne sont
pas très clairs. Par conséquent, chaque entreprise publique
devrait avoir des objectifs clairs, avec un poids explicite accordé
à chaque objectif. Il serait également utile de réduire le
nombre d'objectifs et fournir des lignes directrices pour concilier des
objectifs potentiellement contradictoires.
Ainsi, le cadre juridique qui organise les entreprises publiques
autonomes devra s'appuyer sur six (6) principes fondamentaux:
1. La constitution d'un nouveau modèle d'organisation
interne qui se rapproche du modèle des entreprises privées ;
2. Une nouvelle approche du concept même de service public
;
3. Une nouvelle répartition des responsabilités
entre l'Etat et les gestionnaires, fondée sur une plus grande autonomie
et sur une clarification des relations entre l'Etat et ces entreprises dans le
cadre d'un contrat de gestion pluriannuel ;
4. Une amélioration de la qualité des
informations concernant la performance des entreprises publiques et un
renforcement de la capacité de l'organisme de surveillance pour traiter
cette information et agir par la suite. Dans certains pays comme le notre les
organismes contrôlant les entreprises publiques ne disposent même
pas de la plupart des informations de base (par exemple, les états
financiers). Par conséquent, il est essentiel que ces informations
soient produites, et que des lignes claires d'audit et un
échéancier soient spécifiés et respectés ;
ceci afin de les utiliser efficacement, de les surveiller et améliorer
le rendement des dites entreprises, sans que le gouvernement ait à avoir
recours à une micro-gestion externe ;
5. Une amélioration du système des primes mis
en place pour ceux qui travaillent pour les entreprises publiques. Un
système d'incitations claires et efficaces devraient être
conçu pour récompenser les gestionnaires et les employés
d'une meilleure efficacité, productivité et d'une meilleure
satisfaction des consommateurs. Toutefois, les "incitations" ici ne devraient
pas nécessairement être étroitement
interprétées comme étant des incitations
matérialistes à titre individuel. Elles devraient inclure divers
types de motivations collectives et non matérialistes ;
6. La création d'un seul organisme dédié
aux entreprises publiques et doté d'un personnel compétent
pourrait également améliorer la surveillance des dites
entreprises.
b- Les contrats plans
L'introduction du régime de contrat de gestion
substitue partiellement la négociation à la définition
unilatérale des missions. Dans un contrat, l'engagement est pris dans le
cadre d'une relation du type principal-agent : l'agent s'engage sur un certain
nombre d'objectifs à atteindre, et le principal garantit qu'un certain
nombre de moyens seront mis à disposition de l'agent pour la poursuite
de missions définies. La condition de transparence de ces contrats est
exigée.
En effet, Les contrats de plan ou de gestion visent
traditionnellement l'amélioration de la performance des entreprises
publiques puisque, dans leur principe, il s'agit d'expliciter les attentes de
l'État-tutelle sous forme d'objectifs et de veiller aux
intérêts de l'État-actionnaire en s'assurant des
résultats atteints. Ces contrats visent plusieurs objectifs à
savoir :
· Rapprocher les objectifs des entreprises publiques
d'objectifs entrepreneuriaux classiques, en posant comme principe
l'équilibre du compte d'exploitation plutôt que la tarification au
coût marginal ;
· Limiter le caractère « multitâches
» de la gestion publique, en individualisant autant que possible les
obligations de service public, dont la charge est alors compensée, et en
évitant d'impliquer le secteur public dans la politique de
redistribution, qui peut recourir à d'autres instruments ;
· Limiter les coûts de transaction entre
l'entreprise publique et l'Etat, en précisant a priori les conditions
dans lesquelles les risques sont partagés ;
· Crédibiliser les engagements de l'Etat ;
· Clarifier la stratégie des entreprises publiques,
en se livrant régulièrement à un exercice de prospective
dépassant l'horizon du court terme.
c- Les injonctions légitimes des
pouvoirs publics
Elles peuvent être de plusieurs natures et intervenir au
moment opportun. Ces impératifs consiste à :
· Réduire le nombre des entreprises publiques
à travers la liquidation, les fusions, ou même la privatisation de
certaines entreprises publiques non essentielles dans le but de réduire
la demande de surveillance des ressources ;
· Mettre en place un bon système de
comptabilité ;
· Améliorer le flux d'informations aux organismes de
surveillance en exigeant régulièrement des rapports
détaillés et réguliers de la part des entreprises
publiques.
· Créer une concurrence accrue si possible ;
· Eviter les nominations politiques aux postes de
direction, car les nominations politiques ont tendance à nuire à
la performance ;
· Améliorer la qualité de la bureaucratie
économique.
d- Règles de fonctionnement
irréductibles du conseil d'administration
· Le conseil d'administration doit se réunir
régulièrement, déterminer un contrôle plein et
effectif sur l'entreprise et assurer la supervision de l'action de ses
dirigeants.
· Une répartition des responsabilités
clairement définie et acceptée doit être mise en place
à la tête de l'entreprise, afin d'assurer un équilibre dans
la structure de pouvoir et d'autorité tel qu'aucune personne ne dispose
d'un pouvoir illimité de décision. Si le Président est
aussi directeur général, la présence au sein du conseil
d'un administrateur indépendant avec une forte personnalité
reconnue est indispensable.
· La stature et le nombre des administrateurs non
dirigeants doivent être tels que leurs avis puissent peser
réellement sur les décisions du conseil.
· Le conseil doit disposer de façon formelle de
domaines de compétence exclusive, afin de lui assurer une maîtrise
réelle de la direction et du contrôle de l'entreprise.
· Il est de la responsabilité du conseil de
présenter une évaluation claire et objective de la situation de
l'entreprise.
· Les administrateurs doivent expliciter
l'étendue de leurs responsabilités dans l'établissement
des comptes, et ce, dans une déclaration figurant dans le rapport annuel
immédiatement avant le rapport des auditeurs où ceux-ci
précisent également leur propre responsabilité.
· Les administrateurs doivent établir un rapport sur
l'efficience des systèmes de contrôle interne dans
l'entreprise.
· Les administrateurs doivent confirmer dans le rapport
annuel la continuité d'exploitation, en indiquant, si nécessaire,
les hypothèses retenues et les points d'incertitudes.
SECTION 2 : SOLUTIONS AU NIVEAU DE LA
GESTION DE L'ENTREPRISE : TRANSPARENCE ET BONNES PRATIQUES
La mise en place d'un certain nombre de dispositifs qui tendent
à améliorer l'efficacité et garantir la croissance des
entreprises publiques est nécessaire.
a- Mise en place d'un outil efficace de
contrôle de gestion
a-1 Le tableau de bord
Le tableau de bord est un support du contrôle
budgétaire. Il permet le pilotage de l'action du responsable
budgétaire. C'est un véritable outil d'aide à la
décision et à la prévision. Avec les modifications
intervenues dans l'environnement technologique, concurrentiel et la structure
des organisations, les indicateurs financiers ne suffisent plus à eux
seuls pour aider à la prise de décision. Le tableau de bord
prospectif apporte une réponse à cela, il est construit suivant
quatre axes :
· axe financier qui prend en compte les indicateurs
financiers ;
· axe client qui traduit la satisfaction des clients ainsi
que leur fidélité ;
· axe processus interne qui rend compte des processus de
production et d'innovation ;
· axe apprentissage organisationnel qui permet
d'apprécier la qualité des ressources humaines.
a-2 La comptabilité analytique
La comptabilité analytique est une comptabilité
tournée vers le futur, construite pour fournir aux dirigeants
d'entreprise des données utiles aux prises de décision. La
comptabilité analytique a trois missions essentielles :
· connaissance des coûts : connaître le
coût de revient en vue de déterminer la politique tarifaire de
l'entreprise ;
· base au contrôle de gestion : l'organisation de
l'entreprise en sections et en coût standard constituent une base pour le
contrôle de gestion surtout pour la notion de centre de
responsabilité et l'analyse des écarts ;
· outil d'aide à la décision : la
comptabilité analytique permet aux dirigeants de prendre des
décisions sur :
V' l'opportunité de l'externalisation ou de la
sous-traitance d'une activité ; V' l'acceptation ou le refus d'une
commande spéciale ;
V' l'abandon d'un produit ou le développement d'un
nouveau produit.
b- Mise en place d'un système
adéquat de mesure de performance
Il s'agit ici de déterminer les indicateurs de
performance qui permettent d'avoir une transparence dans la gestion. Ces
indicateurs sont les ratios significatifs calculés dans le cadre de
l'analyse et de la gestion financière.
En fait, l'amélioration des procédures de
contrôle et de pilotage de gestion, de mesure de performance, est
centrée sur :
· L'audit de performance des services ;
· La définition et mise en place d'outils de
pilotage et de contrôle, de mesure de performance ;
· La modernisation des outils de gestion ;
· La maîtrise d'ouvrage relative aux marchés
publics ;
· La définition de procédures visant à
instaurer une démarche qualité dans une optique de certification
ISO 90001.
SECTION 3 : EXEMPLE DE MANAGEMENT ET
CROISSANCE DES ENTREPRISES D'ETAT DE LA REPUBLIQUE DE COREE:
REORGANISATION DU SECTEUR DES ENTREPRISES PUBLIQUES
En 1984, le gouvernement coréen a réformé
son système d'évaluation des entreprises publiques. Il visait
à répondre aux critiques contre le secteur des entreprises
publiques du pays, qui étaient performantes dans l'ensemble mais qui
pourraient faire encore davantage.
1 ISO 9000 ne représente pas seulement
l'ensemble des normes portant sur la qualité et les moyens, de
l'améliorer, mais aussi et surtout, représente un consensus
international sur de bonnes pratiques du management. Cf. Annexe IV
Les axes de cette réforme étaient les suivantes:
une plus grande autonomie en termes de gestion, un meilleur système
d'évaluation de la performance, et un meilleur système de
primes.
Pour assurer une plus grande autonomie en termes de gestion,
le contrôle du gouvernement quant au budget, aux achats, et à la
gestion du personnel a été réduit. Par exemple,
précédemment tous les achats pour les entreprises publiques ont
dû être faits par le Bureau des ressources. Or, grâce
à la nouvelle disposition, le chef de la direction centrale d'une
entreprise publique pouvait acheter directement de l'extérieur ou de
mandater l'achat au bureau des ressources. Pour éliminer des influences
politiques dans la nomination du gestionnaire, le nouveau système
interdit la nomination de candidats de l'extérieur aux postes de
direction.
Autre changement: l'inspection. Auparavant, le gouvernement
avait suivi les entreprises publiques de très près à
travers diverses vérifications et inspections menées par la
Commission de vérification et d'inspection ainsi que les
ministères concernés. En conséquence, une quantité
énorme de temps et d'énergie de la part des gestionnaires des
entreprises étaient consacrée à la préparation de
ces inspections. Par exemple, en 1981 seulement, la compagnie
d'électricité coréenne a subi huit inspections pendant une
période de 108 jours. Dans le nouveau système, la Commission de
vérification et d'inspection a été désignée
comme le seul organisme d'inspection pour les entreprises d'Etat,
réduisant ainsi le fardeau des inspections tant du côté des
ministères que du côté des gestionnaires des entreprises
publiques.
Cette réforme a aussi introduit un nouveau
système d'évaluation, système auquel le paiement des
primes des employés de l'entreprise était lié. La
performance s'évaluait en utilisant des critères multiples, y
compris les mesures quantitatives (ayant un poids de 70%) telles que la
rentabilité privée, la rentabilité publique, et la
productivité, d'une part, et les mesures qualitatives (ayant un poids de
30%) comme les dépenses en recherche et développement, le projet
de l'entreprise à long terme, les améliorations
organisationnelles, la qualité du produit, et l'amélioration du
système d'encadrement. L'indicateur de la rentabilité pris en
compte était celui du bénéfice brut d'exploitation,
reflétant l'idée qu'essentiellement les activités sans
valeur ajoutée telles que celles d'économies d'impôt ou de
prêts, bien qu'elles ne soient pas activement découragées,
ne devraient pas faire partie de l'évaluation de la performance.
Suite à la réforme, il y avait des changements
apparents dans l'attitude des gestionnaires, qui a conduit à l'adoption
universelle de la planification de l'entreprise à long terme, ce que
toutes les entreprises publiques n'avaient pas mise en oeuvre avant la
réforme. Le bénéfice d'exploitation était en hausse
de 50% en 1984 et de 20% en 1985. Le rapport entre les ventes/recherche et
développement a augmenté
de 1,0% à 1,2% entre1 984 et 1985. En outre, des
améliorations perceptibles en matière de qualité de
produit (des marchandises et des services) ont été
constatées1.
Dans ce chapitre nous avons étalé la liste des
perspectives et solutions qui est loin d'être exhaustive mais qui
cependant peut renouer avec l'efficacité et la croissance des
entreprises publiques que certaines théories2 qualifient
à tort d'inefficaces. La réforme organisationnelle de la
République de Corée en est une illustration.
1 Source: Chang & Singh (1993)
2 Théorie des droits de
propriété
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