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Effets des interactions entre pairs dans l'expression de la théorie de l'esprit chez des enfants de cinq ans

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par Alexandre HIRSCH
IED Paris 8 - Master 1 psychologie du developpement et de l'éducation 2006
  

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CADRE THEORIQUE

1. La théorie de l'esprit

L'étude de la théorie de l'esprit a émergé au début des années 80 à partir des travaux de Premack et Woodruff (1978) en primatologie. Ce terme a ensuite été repris dans le cadre de la psychologie du développement par Wimmer et Perner (1983). Ce nouveau champ d'étude a suscité de très nombreuses recherches au cours des vingt-cinq dernières années qui ont mené au développement de diverses théories sur les modes d'acquisition et les changements cognitifs associés à l'accès à la théorie de l'esprit.

1.1 Définition

L'expression « théorie de l'esprit » désigne la capacité des enfants à attribuer des états mentaux à eux-mêmes et à autrui, ce qui correspond à l'accès à une psychologie « profane ». Plus généralement, l'enfant devient capable de produire et d'utiliser des espaces mentaux détachés de la réalité. L'enfant a ainsi la capacité d'interpréter et de prédire les comportements d'autrui en identifiant des états mentaux comme l'intention, la croyance, l'ignorance ou le désir.

L'acquisition d'une théorie de l'esprit est davantage le fruit d'une évolution progressive des fonctions cognitives au cours des premières années de la vie qu'un simple passage à un niveau de développement supérieur.

Cette étape est décisive pour l'enfant puisque l'accès à la théorie de l'esprit présente une grande importance pour le développement des liens sociaux comme la gestion des conflits, les jeux de fictions à plusieurs, la compréhension des plaisanteries ou des métaphores et enfin le jugement des questions morales.

Tous ces progrès étant sous-tendus en partie par la compréhension et la prise en compte des désirs et des buts d'autrui.

L'absence de théorie de l'esprit appelée « cécité mentale » par Baron-Cohen (1994) serait une des causes de l'autisme à l'origine des difficultés des autistes à donner un sens au comportement de l'autre. (Baron-Cohen, 1998 ; Reboul, 2000)

1.2 Concepts fondamentaux de la théorie de l'esprit

La connaissance du monde est basée sur un système de représentations de la réalité à partir des informations perçues par les organes récepteurs et interprétées par le cerveau. Le terme représentation décrit en fait deux entités : le processus qui consiste à former des états mentaux et le produit de cette activité. Perner (1991) sépare les représentations en représentations primaires qui correspondent aux croyances que chacun élabore sur le monde et les représentations secondaires d'un niveau conceptuel supérieur, qui décrivent par exemple le découplement des représentations, l'objet banane peut par exemple être associé à la représentation du téléphone.

La théorie de l'esprit correspond au passage à un niveau supérieur de représentation, les métareprésentations. En ayant accès à la théorie de l'esprit, les enfants produisent et manipulent mentalement des représentations de représentations.

Pour Reboul (2000), une métareprésentation est une description d'une situation centrée sur l'agent et qui explicite quatre sortes d'information : 1. Qui est l'agent ? 2. Quelle est son attitude propositionnelle ?  3. Quelle est la proposition en jeu ?  4. Que décrit-elle ?

Lorsque les enfants accèdent aux métareprésentations, leurs représentations et celles d'autrui constituent un substrat pour le raisonnement et la compréhension des actions. Les enfants comprennent ainsi que deux personnes peuvent avoir des représentations différentes d'un même objet ou d'une situation selon les informations dont ils disposent. L'enfant comprend que les erreurs de jugement peuvent être dues à un accès incomplet aux informations (le personnage ne sait pas que l'objet a été déplacé en son absence alors que l'enfant le sait). Par conséquent l'enfant réalise que ce qu'il pense et ce que les autres pensent ne correspond pas nécessairement à la réalité mais est directement dépendant de la connaissance (Astington, 1999).

L'acquisition de la théorie de l'esprit permet ainsi d'accéder à une représentation de l'ensemble des états épistémiques (croire, savoir, faire semblant, penser, mentir, rêver).

Figure 1 : Genèse de l'action intentionnelle d'après Bradmetz et Amiotte-Suchet ( Bradmetz, 1999)

Pour affirmer l'existence d'une théorie de l'esprit, il faut comme préalable que la pensée soit considérée comme issue d'une activité rationnelle basée sur la prise en compte de données internes et externes qui mène à l'intentionnalité des actions (Bradmetz, 1999). Une action ne peut donc pas se résumer à la simplification behavioriste qui considère que les actions sont provoquées par des modifications de l'environnement ou par des pulsions. Bradmetz propose le schéma suivant de l'action intentionnelle :

: Est à l'origine de

EMOTIONS

INTENTION

CROYANCES

CONNAISSANCES

DESIRS

ACTION

Selon ce modèle, les désirs et les croyances sont à l'origine d'une intention qui mènera à la réalisation d'une action. Une croyance est issue des connaissances construites à partir de l'observation de la situation et des connaissances antérieures alors que les désirs sont élaborés à partir des émotions. Les deux sources, émotions et connaissances, sont également interdépendantes : Les croyances interagissent avec les émotions comme les connaissances interagissent avec les désirs.

Les jeunes enfants qui n'ont pas encore accès à une théorie de l'esprit justifient leur action par leur croyance mais la relation entre croyance et réalité est directe et « transparente » puisque, pour eux, les croyances ne peuvent pas différer de la réalité. Ainsi, lorsque leur action aboutit à un résultat différent de leur attente, les enfants sont incapables de retrouver leur croyance initiale et la remplacent par une nouvelle qui est souvent en accord avec ce qu'ils ont observé. Cette hypothèse explique les réponses formulées par les enfants dans les tâches de contenu inattendu.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault