Le declin du mythe imperial: proces du colonialisme et de l'apartheid dans Au coeur des tenebres (1902) de Joseph Conrad et dans L'Age de fer (1992) de John Maxwell Coetzee( Télécharger le fichier original )par Amadou Hame NIANG Université Cheikh Anta Diop de DAKAR - Maitrise 2007 |
PREMIERE PARTIEL'héritage des Lumières dans le mouvement impérialisteDans la littérature du XVIIIe siècle, les écrivains ont accordé une place de choix à l'exotisme africain dans leurs écrits. Ce regard implique une construction de l'Autre étranger d'abord et d'un Ailleurs fantastique. Montesquieu et Prévost, Rousseau et Voltaire, Diderot et Condorcet, Madame de Staël et Bernardin de Saint-Pierre allient descriptions tragiques aux aspects pittoresques. L'exotisme pittoresque, abondamment descriptif, est semble-t-il plus soucieux de faire rêver. C'est ainsi qu'après un regard exotique, ce fut très vite une vision engagée au service du projet colonial qui s'imposa. L'existence de l'homme noir et des terres dites « vacantes » obsèdent l'esprit de domination des Occidentaux. Les philosophes des Lumières s'attèleront à « prouver l'infériorité naturelle des fils de Cham, de justifier leur exploitation en se réclamant sinon de la théologie, au moins de l'économie politique, d'une certaine psychologie, voire d'une biologie aberrante.7(*) ». Le discours impérialiste que suggèrent ces textes, n'a pas rencontré l'approbation dans tous les milieux intellectuels. Ainsi Montesquieu ironise : « Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres. (...) Ils est impossible que nous supposions que ces gens soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous mêmes chrétiens8(*). ». Seulement, la conscience collective de l'époque aspirait à la découverte et à la domination des races prétendues inférieures. Aussi la relation avec l'Autre prit-elle un tournant décisif avec les philanthropes qui useront et abuseront de concepts et d'analyses douteux pour justifier l'impérialisme. Rousseau affirme dans Emile que « L'organisation du cerveau est moins parfaite aux deux extrêmes (la zone torride et la zone polaire). Les Nègres ni les Lapons n'ont pas le sens des Européens.9(*) ». Les théories les plus absurdes sont véhiculées pour justifier l'infériorité « naturelle » de la race noire et pour percer le mystère de l' « Afrique sauvage ». La remarque de Hegel sur le rapport du continent noir et de l'Europe est le substrat philosophique sur lequel l'Occident s'est basé pour dominer le monde non européen : « Ce que nous entendons proprement par Afrique, c'est ce qui est sans histoire et fermé, ce qui est encore entièrement empêtré dans l'esprit naturel et qui devait ici être simplement indiqué au seuil de l'histoire mondiale.10(*) ». L'homme noir n'échappe pas aux critères déshumanisants des théoriciens de l'impérialisme. Ils sont tous d'avis qu'il n'y a pas de comparaison possible avec la race « élue ». La différence de pigmentation favorise l'exotisme ; et physiquement le Noir ne répond pas aux critères de la beauté « blanche ». A ces considérations esthétiques, Voltaire ajoute que « Si leur intelligence (aux Noirs) n'est pas d'une autre espèce que notre entendement, elle est fort inférieure.11(*) ». La littérature, dans la logique d'une altérité radicale, s'active à la contextualisation des Africains dans le cadre d'une nature à la fois luxuriante et hostile. Cette hostilité est, semble-t-il, précurseur des conquêtes militaires pour posséder l'Afrique. Dans cette veine de domination du monde extra-européen, Marguerite Yourcenar fait dire à Hadrien : « J'entrevoyais la possibilité d'helléniser les barbares, d'atticiser Rome, d'imposer doucement au monde la seule culture qui se soit un jour séparée du monstrueux, de l'informe, de l'immobile, qui ait inventé une définition de la méthode, une théorie de la politique et de la beauté12(*). » La culture occidentale est revisitée dans tout ce qui fait sa spécificité et sa « supériorité ». Aux explorateurs et missionnaires, est déléguée la « mission » d'imposer cette culture dans les terres inconnues de l'ailleurs ; et « l'essor de la littérature de voyage a contribué à constituer et renouveler l'imaginaire utopique.(...) Le récit de voyage introduit la mise en scène de l'altérité et de la perfection13(*). ». Les philosophes s'attèlent à la description, au classement des « peuples sauvages » et à la comparaison des civilisations pour justifier l'invasion impérialiste.
Chapitre I : La rhétorique de l'ailleurs et de l'altérité1.1: Tableau du paysage physique
L'impérialisme s'est, dans un premier temps, manifesté par une sorte de ruée vers les territoires dits vacants. La géographie intellectuelle des textes littéraires délimite l'Europe comme le centre du monde civilisé, et la périphérie, le « monde sauvage ». L'Amérique, l'Inde ou l'Afrique hantent l'esprit de possession et de domination des Européens. Marlow, le héros de Conrad dans Au Coeur des ténèbres, exprime ces rêves de gloire du monde Occidental : « Quand j'étais petit, j'avais une passion pour les cartes. Je passais des heures à regarder l'Amérique du Sud, ou l'Afrique, ou l'Australie, et je me perdais dans toute la gloire de l'exploration. En ce temps là, il restait beaucoup d'espaces blancs sur la terre, et quand j'en voyais un d'aspect prometteur sur la carte( mais ils le sont tous ), je mettais le doigt dessus et je disais, quand je serai grand J'irai là. » (C.t.91) Il ressort de ce discours la volonté hégémonique de possession et de domination de l'Occident. L'ailleurs représenté par son immensité entre en contradiction avec le vide et la « solitude »(C.t.110) qui le caractérisent. Le rêve de Marlow enfant est consubstantiel au projet impérial. De Defoe à Kipling, ce vide suggère un besoin de possession, et partant, justifie l'entreprise impériale. Robinson Crusoé, échoué sur une île sauvage, vide, prend possession de l'espace, se proclame gouverneur et entreprend la pacification et la civilisation de sa terrae incognitae. Le discours romanesque retrace cette velléité de domination du monde non-européen. Dans Kim (1901) , Kipling décrit une possession coloniale britannique : l'Inde, où pour les dominants, le système colonial est un fait naturel. La trame narrative de l'oeuvre, au-delà du récit d'aventure d'un jeune garçon irlandais en Inde au début du XXe siècle, tente d'inculquer dans l'imaginaire anglais la vacuité. La colonie est décrite comme désordonnée, sauvage et dangereuse, par conséquent, la contrôler et la civiliser sont un impératif utile et salutaire. Dans l'écriture, il y a une répétition obsédante qui suggère l'inconnu, la frayeur et l'étrangeté. La description de la faune comme de la flore plonge le récit dans un ailleurs lointain et fantastique : « De grosses mouches bourdonnaient férocement ; elles ne piquaient pas, elles poignardaient. » (C.t.108). Le réseau sémantique, en restituant l'étrangeté, construit l'Empire dans l'imaginaire des missionnaires, soldats et autres commerçants. Cette appréhension de la nature, dans son essence primitive, dénie toute forme de progrès. Le discours littéraire relègue les différents éléments de la nature dans une extranéité lointaine. Le paysage africain, au regard de Marlow, n'a rien de comparable à celui de l'Europe : « Une mer couleur de plomb, un ciel couleur de fumée. » (C.t.88). Cet aspect mystérieux invite à la conquête ; toutefois, il semble prévenir tout de suite après, des dangers qui menacent ceux qui s'aventurent dans ces contrées lointaines. En effet, devant l'immensité de ce long fleuve, à l'apparence d'un « immense serpent » (C.t.91), des multiples écueils allant des « bancs de sable, des marécages, des forêts » à cette « absolue sauvagerie » (C.t.88), « navigue une espèce de bateau à peu près aussi ferme qu'un accordéon » (C.t.88). Le récit oppose la puissance de la nature à la fragilité des envahisseurs. Ainsi, après la curiosité pour le pittoresque, l'épouvante que cause la « sauvagerie » supplante le rêve d'évasion des conquérants. Tout, dans la nature, prend l'aspect d'un monstre inconnu. Le danger guette, de toutes parts dans la jungle. Du brouillard à la vase primitive, du bruit d'outre tombe des rapides en passant par le soleil cuisant des tropiques, le péril semble omniprésent. Le récit de Au Coeur des ténèbres fait une part importante à cette peur irraisonnée, ce qu'exprime le champ lexical de la mort. La mort traverse toute l'histoire de Marlow. Après la mort de son prédécesseur Fresleven, celle de son timonier, et même de Kurtz dont il a pris la défense, le héros narrateur s'est senti lui aussi tout près de la mort : « Ils faillirent bien m'enterrer » (C.t.190). Dans une vaine tentative pour sauver les « sauvages », il donna l'alerte en tirant la corde « du sifflet »( C.t.186) de son vapeur mais il ne parvint pas à éviter le massacre. L'hostilité que lui manifeste ses compagnons de voyage dans « l'enfer africain », alliée à la hantise de « la mort tapie dans l'air, dans l'eau, dans la brousse »(C.t.88) accentuent la terreur de Marlow. Il ressort de ces clichés une Afrique mystérieuse, « sauvage » mais semble-t-il, indocile. Indocilité qui ressurgit à la fin du XXe siècle en Afrique du Sud. En effet, la représentation du cadre mystérieux, sauvage et hostile du Congo réapparaît en Afrique du Sud, dans les Townships du Cap. Le récit de L'Age de fer se situe en 1986, dans les dernières années de l'apartheid. L'analyse de Coetzee de ce système raciste présente sur le plan littéraire quelques traits de ressemblance avec Au Coeur des ténèbres. Le milieu physique est conquis par les Boers depuis le grand Trek14(*) vers les « terres vierges » des provinces du Natal, Orange et Transvaal. A l'image de Marlow, envoûté par les espaces blancs sur la carte, ici aussi, apparaît le thème de la vacuité des terres de l'Afrique Australe. Ce vide est consubstantiel à l'entreprise impériale. Il reste évident que l'une et l'autre oeuvre sont éloignées dans le temps et dans l'espace, mais le silence inquiétant de la jungle congolaise et les chaumières désertées des villages indigènes prêtent les mêmes caractéristiques à la ville, dans le récit d'Elizabeth Curren. Le corps malade de l'héroïne symbolise l'espace dans lequel seul le cancer constitue une présence signifiante : « Il n'y a pas de vérité si ce n'est la souffrance soudaine qui me traverse quand, dans un moment d'inadvertance m'envahit la vision de cette maison-ci, vide, le soleil déversant par les fenêtres sur un lit vide, où de False Bay sous un ciel bleu, immaculée, déserte, quand le monde où j'ai passé ma vie se manifeste à moi et que je n'y suis pas.»(A.f.33). Ce vide, dans le corps ravagé par le mal « sec, exsangue, lent et froid »(A.f.73), porte les mêmes cicatrices que la « forêt primitive » a laissée dans le coeur des Européens. Dans cette même lancée, Mamadou Gaye affirme que « la ville civilisée comme Londres ou rendue barbare par l'autocratie comme St Pétersbourg, a les mêmes attributs que la jungle africaine.15(*) ». Ailleurs, c'est la présence du Blanc avec tout ce que cela suggère comme portage, travaux forcés et impôts qui est la cause de la désertion des villages. Ici c'est l'insurrection qui entraîne la désolation : « Je songe à ces fermes abandonnées devant lesquelles je suis passée en voiture, dans le Karoo et sur la Côte Ouest, dont les propriétaires ont décampé vers les villes, il y a des années, laissant des façades barrées de planches, les portails verrouillés.»(A.f.32). La solitude de la campagne atteint une dimension dantesque dans le township où l'horreur est à son paroxysme. La vision apocalyptique de l'espace des Noirs est rendue visible par le registre lexical des ruines : « Des lambeaux de plastique, de ferrailles, du verre, des os d'animaux jonchaient les deux côtés du chemin. »(Af.106). Plus loin, sous un déluge de pluie un « spectacle de dévastation, des baraques brûlées dont les débris rougeoyaient, des baraques en flammes d'où montait une fumée noire. »(A.f.107). Ce paysage exsangue explique la solitude ambiante : « A part une vieille femme à la bouche affaissée, debout devant l'embrasure d'une porte, il n'y avait personne en vue. »(A.f.107). Ces images fortes de l'inconnu inspirent la frayeur. Les visions du continent, où fauves, bêtes sauvages et « peuples primitifs » se confondent, ressurgissent à la fin du XXe siècle dans le récit épistolaire d'Elizabeth Curren. A l'image de Marlow, épouvanté par les ténèbres au coeur de la jungle africaine, l'héroïne est terrifiée par le cauchemar qu'elle vit dans le ghetto. A la peur qui la submerge, la fuite se présente comme la seule issue : « Comment faire pour quitter cet endroit épouvantable ? Où était la mare que j'avais traversée ? Où était le chemin qui menait à la voiture ? Il y avait des mares partout, des étangs, des lacs, des plans d'eau. Il y avait des chemins partout mais où conduisaient-ils ? » (A.f.109). En effet, l'immensité du continent, sa démesure et les multiples écueils qui entravent toute volonté de rationalisation semblent être « l'obstacle contre lequel bute la volonté de puissance et de domination de l'Europe.16(*) ». La peur d'Elizabeth Curren dans ce milieu hostile est rehaussée par l'idée que cet « ailleurs » éloigné et proche, était longtemps ignoré. La barrière raciale est encore plus visible dans la délimitation de l'espace. La méconnaissance a favorisé la peur, les affrontements et la mort. La mort est omniprésente dans l'histoire d' Elizabeth Curren. Au fil de la narration, l'idée de la mort entrevue par le diagnostic sans appel du docteur, se concrétise avec la mort des enfants noirs de Guguletu. Le terme devient récurrent et sature le récit d'une présence obsédante. Tout, autour d'elle, revêt des caractéristiques sépulcrales. Le corps cancéreux, métaphore de l'Afrique du Sud immergée dans l'apartheid, devient l'espace où s'exprime la mort sous toutes ses formes. L'Afrique a symbolisé dans la littérature exotique et coloniale une « terre de mort ». Léon-Fanoudh Siefer a étudié la question dans le Roman d'un Spahi de Pierre Loti : « L'Afrique noire devient un pays de mort : son héros Jean Peyral n'y meurt-il pas tragiquement, sa mort entraîne celle de sa maîtresse Fatou-Gaye et de leur enfant ?17(*).». Toutefois la « mort » dans le roman de Loti, telle que l'a analysée Léon-Fanoudh Siefer, entre dans le cadre de la dénonciation de cette volonté de mythification de l'espace africain par les Européens. Il fallait à l'Europe un ensemble de mythes sur l'Afrique et les Africains, pour justifier la « mission civilisatrice ». Quant à Coetzee, il présente à travers son personnage, la mort comme faisant partie de l'idéologie de l'entreprise ségrégationniste. Ceci étant, chaque page du roman s'en trouve imprégnée. Dès l'entame du récit, la narratrice avise : « La première tâche qui m'incombe, dès aujourd'hui : résister au désir de partager ma mort.(...) Accueillir la mort comme mienne, à moi seule. » (A.f.10). Elizabeth Curren semble circonscrire l'espace de la mort; sa fille exilée aux Etats-Unis et la masse indigène opprimée sont absoutes. Le mal qui la domine et dont elle seule semble jauger la souffrance, ne saurait trouver fin que dans l'au-delà, dont l'espace, imagine-t-elle, serait comme « un hall d'hôtel au plafond élevé, où l'Art de la fugue est diffusé par la sono. Où l'on peut s'asseoir dans un profond fauteuil de cuir et ne pas éprouver de la douleur. » (A.f.31). Si l'Afrique du Sud s'est muée en terre exsangue, où prolifère la barbarie, seule la mort pourrait apaiser l'âme. Aussi Albert Memmi voit-il dans cet affliction, une situation laissant une faible marge de manoeuvre aux Noirs : « Quand un peuple n'a d'autres ressources que de choisir son genre de mort, quand il n'a reçu de ses oppresseurs qu'un seul cadeau, le désespoir, qu'est-ce qui lui reste à perdre?18(*) ». Ainsi l'héroïne, convaincue de la situation délétère de son milieu, confond l'idée de mort avec tout ce qui l'entoure ; et la trame narrative sertit le récit de métaphores suggérant la mort. Faisant allusion aux Afrikaners, Elizabeth Curren dira : « Une horde de sauterelles, une plaie de noires sauterelles qui infeste le pays, mastiquent sans relâche, dévorent les vies. »(A.f.35). Nous retrouvons ici, comme chez Loti, l'obsession de la mort. Même l'abattage des poulets, gagne-pain du mari de Florence, est entrevu sous un aspect macabre : « Je suis restée devant la clôture en fil de fer fascinée, tandis que les trois hommes donnaient la mort à ces oiseaux incapables de voler. »(A.f.48). Le sort des enfants noirs, incapable de nouer eux-mêmes leurs propres lacets, mais qui se font tuer au front, devient une « image infâme » (A.f.73), car une vieille femme ravagée par le cancer, au soir de sa vie, persiste elle à hanter le monde des vivants. Elle implore donc sa mort mais comme celle-ci tarde à se manifester, l'idée d'euthanasie qui serait une plaie dans l'édifice de l'apartheid, effleure son esprit : « La mort par le feu, la seule mort décente qui me reste. Avancer au coeur du brasier, flamber comme de l'étoupe. »(A.f.73-74). On se souvient qu'Elizabeth Curren entrevoyait le Ciel comme un hall d'hôtel où toutes les souffrances seront abrégées, car une vie paisible Ici-bas semble impossible. Et c'est ce qui détermine son envie de mourir. En effet, dans ses cogitations, elle pense que : « le fond du cratère d'un volcan » (A.f.125), peut ne pas constituer l'Enfer ; mais s'interroge-t-elle : « Pourquoi l'Enfer ne serait-il pas en bas de l'Afrique, pourquoi les créatures de l'Enfer ne marcheraient-elles pas parmi les vivants ? »(A.f.125). Toutefois, l'idée de mort comme obstacle à l'épanouissement en Afrique du Sud, trouve son contrepoids en l'écriture, prolongement de la vie : « La mort peut bien être la dernière grande ennemie de l'écriture, mais l'écriture est aussi l'ennemie de la mort. »(A.f.132).
1.2: A la rencontre de L'AutreDu Congo belge, « possession » du roi Léopold II, à l'Afrique du Sud, « colonie » hollandaise, le regard des Européens sur l'Afrique est marqué par cette ligne imaginaire qui définit deux univers opposés. Autant la représentation physique de l'ailleurs nourrie d'étrangeté, ramène l'Afrique dans la « nuit des premiers âges »(C.t.136), autant le contact avec l'Autre n'échappe pas aux préjugés égocentriques. Des thèses évolutionnistes de Darwin, aux théories de Lévy-Bruhl sur La mentalité primitive, la pensée des anthropologues du XIXe siècle dénie à l'indigène son essence humaine. Il en ressort une hiérarchisation des races, qui montre la nette différence, selon ces doctrinaires, entre « l'Occident métropolitain et le reste du monde19(*) ». Aucun rapprochement entre le Blanc « civilisé » n'est envisageable avec la race noire, étrange par sa physionomie et ses moeurs. Depuis les premiers récits de voyage, de René Caillié à Pierre Loti, on constate une image dépréciative de l'Autre. Le Noir est à la limite de la caricature. Le discours narratif montre avec des images fascinantes des sociétés archaïques où la barbarie, la sauvagerie, les ténèbres sont à leur paroxysme. Considérés au départ comme de simples récits de voyage à la découverte de l'Autre, ces récits ont ouvert la voie aux expéditions coloniales et « donnent des renseignements sur les voies de communications fluviales, les potentialités économiques et les structures sociopolitiques de l'Afrique. 20(*)». Ils ont imprimé dans l'imaginaire des missionnaires, soldats et commerçants, la justification de leur mission « civilisatrice », et l'apport du progrès, bref de la lumière aux « peuplades » africaines. L'Occident s'érige en « sauveur » des Noirs et justifie par là son discours sur l'altérité. Les justifications religieuses et humanistes ont d'abord été mises au devant de la scène. Il s'agissait d'imposer le Christianisme pour exorciser les ténèbres du paganisme des peuples dits sauvages. La religion, vecteur de la civilisation Occidentale, a eu comme credo, la désintégration des coutumes africaines. La littérature africaine du XXe siècle a largement abordé ce thème. Dans Le monde s'effondre, Chinua Achebe montre la déstructuration des vestiges, us et coutumes. Dans cette démonstration de la « supériorité » de l'Occident, la littérature exotique appréhende l'Autre comme un être très éloigné de la culture. Et de ce fait, le « Blanc qui arrive en Afrique, où ailleurs dans un autre monde que le sien, se croit investi d'une mission civilisatrice.21(*) ». La dévalorisation de l'Autre commence d'abord par une mise en dérision de ses moeurs « archaïques ». les missionnaires, pour construire leurs églises, font fi de tous les interdits indigènes. La profanation de la « Forêt Maudite » dans Le monde s'effondre illustre la volonté de ridiculiser le Noir dans ses croyances « irrationnelles ». Les indigènes, qui s'attendaient à voir les pires calamités s'abattre sur l'envahisseur, ont déchanté en constatant l'impuissance de leurs divinités. Ce renoncement des dieux à punir les imposteurs, a imprimé dans la mentalité des Noirs la suprématie naturelle du Blanc. Kurtz, dans son rapport de l'Association Internationale pour la Suppression des Coutumes Sauvages, écrit à ce propos : « ... nous autres Blancs, du point de développement auquel nous sommes arrivés, « doivent nécessairement leur apparaître (aux sauvages) comme une classe d'êtres surnaturels_ à notre approche, ils perçoivent une puissance comme une déité. » » (C.t.158). La volonté de domination impérialiste s'est donc toujours accommodée du prétexte religieux pour opprimer des races prétendues inférieures. Dans ses rapports avec l'indigène, la marginalisation au quotidien, marquée par le mépris de l'Européen, trouve sa forme achevée dans la nouvelle de l'anglo-polonais. En effet, le récit de Marlow, les relègue en arrière-plan, le narrateur procède par descriptions métonymiques : « Je distinguais, enfoncés dans la confusion obscure des poitrines nues, des bras, des jambes, des regards furieux_ la brousse fourmillait de membres humains en mouvement. »(C.t.150). Cette déshumanisation semble être un examen de conscience pour justifier la domination de l'Autre. En effet, ce n'est qu'en « refusant la qualité d'homme aux indigènes22(*) » que les européens se libèrent du sentiment de culpabilité dont Memmi développe dans la section « Le mépris de soi » du Portrait du colonisé : « Le panégyrique de soi-même et des siens, l'affirmation répétée, même convaincue, de l'excellence de ses moeurs, de ses institutions, de sa supériorité culturelle et technique, n'efface pas la condamnation fondamentale que tout colonialiste porte au fond de lui-même.23(*) ». La dénomination de l'Autre dans la littérature de voyage et particulièrement dans Au Coeur des ténèbres est empreinte d'une animalisation qui éloigne toute parenté avec la « race élue ». Marlow, en parlant du timonier, fait un peu l'éloge de son utilité, mais lui prête un caractère presque simiesque : « C'était un spécimen amélioré (...), le regarder était aussi édifiant que de voir un chien, en une caricature de pantalons et chapeau à plumes, qui marche sur ses pattes de derrière (...), et avec ça il avait les dents limées et trois cicatrices ornementales sur chaque joue. »(C.t.137). Le regard de Loti, à la rencontre des chinois, confirme la volonté de déshumaniser l'Autre : « Une nuée de bonhommes jaunes qui poussaient des cris, envahit tout de suite le bord, apportant du charbon dans des paniers.24(*) ». Par ailleurs, la comparaison des Noirs avec les bêtes sauvages, entre sans doute dans le cadre du rêve impérialiste de l'Occident. Les écrivains font l'apologie de la civilisation européenne, de sa prétendue supériorité d'une part ; et d'autre part, le rejet dans les ténèbres de la sauvagerie, des moeurs de l'Autre. Dans Au Coeur des ténèbres, le tam-tam et la danse épouvantent les Blancs. Le son inquiète par son sens indescriptible : « La nuit parfois le roulement des tam-tams (...). S'il signifiait guerre, paix ou prière, nous n'aurions su dire. » (C.t.135). Si l'écriture met en valeur les coutumes des indigènes, c'est dans l'intention de montrer son infériorité face à la culture occidentale. Aussi semble-t-il contre nature qu'un Blanc intègre la vie des « primitifs ». La sanction est ainsi à la hauteur de la forfaiture. Car le Blanc, au delà de la marginalisation par les siens, n'a d'issue que la folie ou la mort. Kurtz en est arrivé à cet extrême ; et la réaction de Marlow, défenseur des Lumières, illustre le mépris de l'Occidental devant ce fait contre nature : « J'essayais de briser le charme, le charme lourd, silencieux de la brousse_ qui semblait l'attirer contre son impitoyable poitrine en éveillant les instincts oubliés de la brute, le souvenir des passions monstrueuses à satisfaire. Cela seul, j'en étais sûr, l'avait attiré jusqu'au fond de la forêt, jusqu'à la brousse, vers l'éclat des feux, la pulsation des tam-tams le bourdonnement d'étranges incantations. Cela seul avait séduit son âme maudite hors des limites des aspirations permises. »(C.t.183-184). L'hostilité du paysage africain et des « sauvages » qui y habitent constitue une limite à la mission civilisatrice. Kurtz, l'émissaire des Lumières, s'est ensauvagé en Afrique. Ce fait symbolique semble expliquer la peur des Européens de s'ouvrir aux peuples indigènes. Pour ce faire, ils ont établi avec « eux », les rapports de la bête et du dompteur. Dans tout le récit de l'anglo-polonais, seul le Blanc a le don du langage. En sus de l'absence de noms propres pour les Noirs, ils sont « muets ». Ils occupent des rôles subalternes (rameurs, boys, esclaves...) et ils sont relégués à l'arrière-plan de la fiction narrative. Aucun statut social ne leur confère la légitimité d'expression. Cet aspect des rapports entre Noirs et Blancs se poursuit dans L'Age de fer. Parodiant Mamadou Kandji, on peut dire que « Coetzee fait sauter le centre de gravité de Conrad. Ce n'est plus le Congo belge mais l'Afrique du Sud. Ce n'est plus le début mais la fin du XXe siècle, celui de l'apartheid.25(*) » Dans ce récit épistolaire, c'est la situation politico-sociale de l'Afrique du Sud qui est peinte par l'héroïne à sa fille exilée aux Etats-Unis. La fiction narrative insère la trame de l'histoire dans les années 80. Elizabeth Curren, malade d'un cancer, explore son mal, mais au-delà, elle décrypte la société Sud-africaine engluée dans la folie de l'apartheid. Son cancer est en fait une description scrupuleusement réaliste de l'univers où elle a toujours vécu, mais dont elle semble découvrir brutalement la déchéance, à la veille de sa mort. A l'image de Marlow, Elizabeth Curren va à la rencontre de l'Autre, très proche mais aussi très éloigné. Dans ce récit aussi, entre Européens et Africains, la méconnaissance est grande. Sortie de son « cocon de somnolence »(A.f.11), Elizabeth Curren, blanche, découvre une humanité souffrante. Si dans Au Coeur des ténèbres, les personnages sont essentiellement Noirs et Blancs, dans L'Age de fer, la structure du récit, au regard de la narratrice, est un peu plus compartimentée. Elle découvre d'abord les « sans-abris »(A.f.11), à l'image de Vercueil : « Les vautours du Cap dont le nombre ne décroît jamais. Qui vont nus et ne sentent pas le froid. Qui dorment dehors et ne sont pas malades. Qui ont faim et ne dépérissent pas. » (A.f.9). Présentés le plus souvent en arrière-plan des récits, du fait de leur statut : clochards, alcooliques..., Vercueil occupe une dimension importante dans L'Age de fer, car il serait ange ou démon. Ensuite, s'ajoutent les « bandes de rôdeurs » (A.f.11) ; ce sont les enfants noirs révoltés, à l'image des écoliers de Guguletu : « Les garçons aux lèvres maussades, rapaces comme des requins, sur qui l'ombre de la prison commence déjà à s'abattre. Des enfants qui méprisent l'enfance, le temps de l'émerveillement, la saison où l'âme croît. »(A.f.11). La narratrice constate l'abîme entre le monde Blanc et Noir. L'étrangeté est ici la précocité des enfants noirs. C'est en fouillant dans les souvenirs de son enfance, qu'elle se rend compte de la différence avec les « nouveaux gardiens du peuple »(A.f.52). Ces garçons, travestis en hommes, bravent la mort pour dénoncer le système qui les étouffe. Enfin, viennent leurs « cousins blancs » (A.f.11). Elizabeth, qui les connaît pour appartenir à leur monde, découvre aussi leur isolement. Aucun contact avec les Noirs, sinon le langage de la violence. Ils vivent repliés sur eux- mêmes, « l'âme également rabougrie »(A.f.11). A l'image du récit de Conrad, où on note une absence de noms propres pour les Noirs, chez Coetzee les Africains ont tous des noms d'emprunt. Ailleurs, l'appellation métonymique concourre à une volonté de déshumanisation, ici la fréquence des noms d'emprunt semble être plus soucieuse de généraliser la cause des Noirs : « Je l'avais connu naguère sous le nom de Digby maintenant c'est Bhéki. »(A.f.42). Cet anonymat élimine tout caractère spécifique, aucun trait singulier ne différencie ceux-ci de ceux-là ; ils subissent tous l'oppression du système ségrégationniste. Que l'on s'appelle « Vercueil, Verkuil ou Verskuil » (A.f.43), peu importe, on demeure un paria. Le vrai nom perd son sens avec Coetzee, car tous les non-Blancs en Afrique du Sud sont étrangers dans leur propre pays. Comme Marlow remontant le fleuve en « arrière vers les premiers commencements du monde »(C.t.132), Elizabeth Curren descend dans les bas-fonds d'un Township voisin, et l'horreur de l'insurrection s'étale sous ses yeux. Devant cette altérité, elle réalise l'absurdité de la volonté de domination de la race Blanche : « Est-ce que c'est vrai ce qui m'arrive ?(...) Qu'est-ce que je fais ici ? »(A.f.109). Elle pense à s'enfuir, fermer les yeux et se réveiller dans son monde à elle : « J'eus une vision de la petite auto verte qui m'attendait tranquillement au bord de la route. Je n'avais pas d'espoir plus cher que de monter dans ma voiture, de claquer la porte derrière moi, d'exclure ce monde écrasant de rage et de violence. » (A.f.109). La représentation de l'épouvante que cause l'inconnu dans Au Coeur des ténèbres, réapparaît dans le roman de Coetzee. L'appréhension du sort de cette humanité dans cet univers dantesque est représentée sous la forme d'un cauchemar. Mamadou Gaye dit à ce propos que « la frontière entre les deux mondes est presque toujours le rêve ou l'hallucination, l'irréalité aussi. Le héros quitte le monde de la lumière, de la civilisation, du rationnel pour s'enfoncer dans celui de l'obscurité, de la sauvagerie, de l'irrationnel.26(*) ». Au contact de l'Autre, il y a la phobie liée à l'hostilité. Et deux attitudes sont notées chez l'étranger : la sympathie pour une race opprimée et, ou la répulsion que cause la sauvagerie. Elizabeth Curren, comme on le sait, a vécu les deux extrémités. Aux atrocités du Township, elle oppose le cadre protecteur et « civilisé » de l'intérieur de sa petite auto verte ou de sa grande maison vide, du paisible quartier du Cap. Depuis Loti, l'opposition entre « civilisation » et « sauvagerie », sert à sublimer la culture Occidentale : « ...Ce fut une émotion, de retrouver là, à deux pas de l'immonde grouillement chinois, le calme d'une église française.27(*) ». La fuite a tenté Elizabeth Curren mais le « sentiment de culpabilité28(*) », rehaussé par la prise de conscience de la race noire, l'a retenue : « Maintenant, j'ai les yeux ouverts, et je ne pourrai plus jamais les refermer. »(A.f.117). Ainsi, le dominé dans la société Sud-africaine inspire crainte et compassion pour Elizabeth Curren. A la différence de Au Coeur des ténèbres, où les indigènes sont montrés dans leur immobilité et privés de parole, dans L'Age de fer, ils sont actifs et, fait singulier, ils retrouvent le « droit de parole ». Si par rapport au système ségrégationniste, ils répondent à la terreur par le sacrifice de soi, avec Elizabeth Curren, blanche-humaniste, le discours idéologique connote les mêmes caractères de la violence. Le conflit des cultures est mis en avant. Ils évaluent devant cet humaniste, l'abîme culturel et l'écart des privilèges entre Blancs et Noirs. Leur langage est teinté d'ironie. Envers l'héroïne, ils ne manifestent aucune pulsion de violence. Est-ce, à cause de sa vieillesse, de sa maladie ? Ou encore l'épargnent-ils parce que c'est l'unique occasion de parler à une blanche, de la confondre dans l'oeuvre de ses pairs ? Devant les manifestations de peur d'Elizabeth Curren, M.Thabane réplique avec mépris et ironie : « Il n'y a pas à avoir peur, de toute façon, continua-t-il, doucereux ; vos hommes sont là pour vous protéger. »(A.f.115). Quand on sait que les hommes en question, ce sont des militaires surarmés dans « trois camions de transport de troupes »(A.f.115), on imagine la honte d'Elizabeth Curren, pacifiste, d'être associée à ce carnage. Comme apparaît insolite, « Les Noirs qui votent 29(*)», dans L'Age de fer, la fin de la mutité des Noirs est un fait nouveau aussi. Coetzee a pris soin de donner la parole aux trois importantes couches de la société : les femmes (Florence), les hommes (M.Thabane) et les enfants (Bhéki, John). Il ressort, en filigrane, un heurt entre les cultures. Le style ironique semble plus approprié pour mettre en valeur ce conflit. Une joute oratoire entre M.Thabane et Elizabeth Curren illustre ce discours imagé : « - Je vous demande pardon, je ne suis pas sûr de savoir retrouver mon chemin, dis-je. - Continuez jusqu'à la route goudronnée, tournez à droite, suivez les signaux, répondit-il sèchement. - Oui, mais quels signaux ? - Les signaux qui indiquent la civilisation. Et il tourna les talons. » (A.f.122) Ainsi, « les noirs qui parlent », pour paraphraser Simenon, sont chez Coetzee, une affirmation de soi, une revendication de l'identité noire. * 7 Léon-François Hoffman, Le nègre romantique_Personnage littéraire et obsession collectives. Paris, Payot, 1973, p.50. * 8 Montesquieu, De l'esprit des lois, 1748, XV, 5 cité par Léon-François Hoffman, Op. ; Cit. p.70. * 9 Emile, livre Ie, 1762. Cité par Mercer Cook, « J.-J Rousseau and the Negro », The journal of Negro History, 1936, p294 -303; repris par L.F.Hoffman,Op.;cit, p.71. * 10 Cité par Mahamadé Savadogo, Philosophie et histoire, Paris, L'Harmattan, 2003, p.14. * 11 Voltaire, Essais sur les moeurs, 1756, chap.CXLI, cité par L.F.Hoffman, Op. ; Cit. p.71. * 12 Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, Paris, Gallimard, 1974, p.88. * 13 Jean-Jacques Tatin-Gourier, Lire les Lumières, Paris, Dunod, 1996, p.61. * 14 Trek : mot néerlandais signifiant migration. C'est l'exode Boers (1834-1839) mécontents des mesures prises par les Anglais. * 15 Mamadou Gaye, « Crime et Culpabilité dans quelques récits de Joseph Conrad » Thèse pour le Nouveau Doctorat de Littérature Anglaise, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, 1983, p216. * 16 Falilou Ndiaye, « Simenon entre Conrad et Camus » in TRACES No 16. « Georges Simenon et L'Afrique_ Des reportages sur l'Afrique à la recherche d'un nouvel humanisme. » Actes du Colloque qui s'est tenu à Dakar les 1e, 2 et 3 décembre 2003, p192. * 17 Léon-Fanoudh Siefer, Le mythe du nègre et de l'Afrique noire dans la littérature française( de 1800 à la 2e Guerre Mondiale), Paris, Klincksieck, 1968, p60. * 18 Albert Memmi, Portrait du colonisé suivi du Portrait du colonisateur, Paris, Editions Corréa, 1957, p27. * 19 Falilou Ndiaye, « Simenon entre Conrad et Camus », op. Cit. ; p.192. * 20 Ndèye Gnilane Faye, « L'Ailleurs et l'Etranger dans le récit de voyage : Au Coeur des ténèbres (1902) de Joseph Conrad et « L'Heure du nègre » (1932) de Georges Simenon. » Mémoire de maîtrise (Littérature comparée) UCAD _ FLSH, 2005-2006. * 21 Clément Mbom, Frantz Fanon aujourd'hui et demain, Paris, Nathan, 1985, p.35. * 22Jean-Paul Sartre, « Les Temps Modernes », No 137-138, Juillet-août 1957, préface du Portrait du colonisé, op.cit.; p.76. * 23 Albert Memmi, op.cit. ; p.76. * 24 Pierre Loti, Pêcheur d'Islande, Paris, Calmann-Lévy, 1986, p.96. * 25 Mamadou Kandji, « De l'Iléite à l'altérité : l'imaginaire insulaire de Defoe à Coetzee ». Littérature et culture partagée, Actes du Colloque International de l'A.I.L.C., Dakar_8-10 novembre 2001, p.6. * 26 Mamadou Kandji, op.cit. ; p.323. * 27 Pierre Loti, op.cit. ; p.117. * 28 Mamadou Kandji, op.cit. ; p.26. * 29 Georges Simenon, L'Heure du nègre (1932) in Mes apprentissage Reportages 1931-1946, Paris, Omnibus, 2001, p.406. |
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