CHAPITRE 5
Analyse et traitement des résultats
Le but de notre recherche est de mieux comprendre les raisons
pour lesquelles certaines filles et femmes n'ont pas accès à
l'éducation en général et particulièrement
l'éducation en matière de VIH/SIDA. Nous cherchons à
savoir si ce phénomène de la participation ou de la non
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA en particulier est lié à
l'appartenance socio-économique et culturelle des microcosmes
familiaux.
Nous avons postulé des hypothèses et
procédé à des observations pour vérifier si les
informations collectées confirment ou infirment les hypothèses
avancées.
Pour ce faire, nous allons d'abord décrire les
données qui seront présentées sous forme de distribution
de fréquence ou de graphique ; ensuite analyser les relations entre
les variables supposées liées ; comparer les
résultats observés avec les résultats attendus et enfin
tenter d'interpréter les différences.
Ce chapitre rapporte les résultats d'interviews
individuelles réalisées auprès de quatre (4) leaders
d'opinion dans la ville de Dakar. Il s'agit d'un médecin, d'un
responsable de projet de lutte contre le sida, d'une formatrice et d'un leader
religieux musulman.
Le protocole d'interview dresse une liste de 18 questions
regroupées sous six (6) thèmes principaux :Importance du
rôle de l'éducation/Perception de l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida/Avantage de
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le
sida/Accessibilité à la formation en matière de
santé et de lutte contre le sida/Participation à
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
et enfin les causes de la non participation à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida.
Les quatre leaders d'opinion (médecin, responsable de
projet/programme de lutte contre le sida, formateur en VIH et
développement et leader religieux musulman) ont répondu aux
interviews qui ont été enregistrées sur bandes
magnétiques. Une fois les interviews terminées, les
enregistrements ont été retranscrits et soumis à une
analyse qualitative visant à identifier, différencier, et
comparer les éléments fournis par les répondants. Un
schéma du dépouillement du corpus obtenu a été
préparé. Après avoir fait une «lecture
d'imprégnation» de ces interviews afin de nous familiariser avec
leur contenu, nous avons divisé leur contenu en six grandes parties
correspondant aux grands thèmes de réflexion annoncés
précédemment. Tout d'abord la description des
caractéristiques individuelles les plus marquantes des
répondants, qui font apparaître les variables susceptibles
d'expliquer la participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA, et l'analyse qualitative des
items révélateurs.
5.1. Présentation des caractéristiques
des interviewés
5.1.1.Distribution de la variable
âge
Tableau n°9 Variable V1 âge
Age
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
37 ans
38 ans
42 ans
45 ans
|
0
1
1
1
|
1
0
0
0
|
1
1
1
1
|
25%
25%
25%
25%
|
|
|
|
N=4
|
|
La distribution de la variable âge va de 37 ans à
45 ans. Elle nous permet d'avoir confiance en leurs propos puisqu'ils ont
atteint tous l'âge de la raison. Ces leaders sont des responsables. Ils
ont effectué un cursus universitaire jusqu'en maîtrise au moins.
Ils travaillent et ont atteint un certain nombre d'années
d'expérience.
Tableau n°10 Variable V3 statut matrimonial
Statut matrimonial
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Mariés
Célibataires
|
2
1
|
0
1
|
2
2
|
50%
50%
|
|
|
|
N=4
|
|
En ce qui concerne le statut matrimonial, comme le montre le
tableau n°10 ci-dessus, il y a autant de mariés que de
célibataires parmi les interviewés. En tant qu'adultes, leurs
propos pourraient nous édifier sur une signification particulière
de la perception des adultes mariés ou célibataires de
l'éducation des filles et des femmes en matière de VIH/SIDA.
Tableau n°11 Variable V4 niveau d'instruction
Niveau d'instruction
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Supérieur
|
3
|
1
|
4
|
100%
|
|
|
|
N=4
|
|
Tous les répondants sont des diplômés de
l'enseignement supérieur. Ils ont au minimum le baccalauréat plus
cinq ans d'études. De ce fait, en leur qualité de
diplômés supérieurs, leurs propos seraient pertinents et
objectifs concernant l'éducation des femmes en matière de
santé et de lutte contre le sida. Ils pourraient dire des choses
intéressantes à propos de l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida des filles et des femmes. Cette
variable nous permet de vérifier si plus le niveau d'éducation
est élevé chez les leaders d'opinion, plus, ils comprennent,
dépassent certaines considérations et adhèrent à la
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA. Ils auront peut-être une perception positive
de l'éducation en général et de l'éducation en
matière de VIH/SIDA en particulier.
Tableau n°12 Variable V5 Profession
Profession
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Médecin
|
1
|
0
|
1
|
25%
|
Formateur en IEC/VIH/SIDA
|
0
|
1
|
1
|
25%
|
Responsable de projet de lutte contre le VIH/SIDA
|
1
|
0
|
1
|
25%
|
Leader religieux
|
1
|
0
|
1
|
25%
|
|
|
|
N=4
|
|
Pour la variable profession, tous les répondants sont
des professionnels dans leur domaine respectif. Cela pourrait influer sur la
nature des réponses aux questions sur l'importance de l'éducation
en matière de VIH/SIDA chez une fille ou femme. Ils ont tous des
responsabilités au niveau de leurs structures.
Tableau n°13 Variable V8 Religion
Religion
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Musulmane
Chrétienne
|
3
0
|
0
1
|
3
1
|
75%
25%
|
|
|
|
N=4
|
|
La majorité des interviewés sont des musulmans
75% sauf la femme qui est de confession chrétienne. La variable religion
sert de contrôle parce qu'elle peut influer sur la perception de
l'éducation des filles et des femmes en général et en
particulier en matière de VIH/SIDA. Dans nos sociétés
traditionnelles, on ne peut séparer la religion de la tradition.
Certains fanatiques religieux voient en l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida, comme une dépravation des
moeurs alors qu'elle contribue à la protection du VIH/SIDA.
5.2. Analyse des données concernant
l'importance du rôle et des buts de l'éducation des filles et des
femmes
Sous cette thématique, trois (3) questions ont
été regroupées. Il s'agit de :
· Quel rôle joue l'éducation des filles et
des femmes ?
· Est-il nécessaire d'éduquer une fille ou
femme ? Pourquoi ?
· L'éducation peut-elle changer la vie d'une
femme ? Comment ?
Les leaders d'opinion interrogés valorisent tous
l'éducation d'une fille ou femme. Leurs propos ont été
regroupés sous les thèmes éducation et
analphabétisme, éducation et rôle de la femme et avantages
de l'éducation.
-Education et analphabétisme
Les leaders interviewés accordent une importance
capitale à l'éducation. Ils admettent que l'éducation
permet l'épanouissement de la famille à travers la femme. Selon
eux, toute femme éduquée est différente d'une
analphabète parce qu'elle prend en main son destin. L'éducation
change radicalement la vie d'une femme parce que la femme éduquée
contribue au développement de la famille et au delà, toute la
société. D'ailleurs, le leader religieux musulman
affirme :
«quand une femme est éduquée, c'est une
chance donnée aux enfants, le Prophète (psl) a dit que la femme
est la première école qu'il faut protéger» ;
«une femme sans éducation est comme un chauffeur qui n'a pas
étudié le code de la route» ; «une femme
éduquée est très utile dans la
société ; elle peut aider les autres membres de la famille
à respecter certaines règles d'hygiène et de
santé ; bien soigner les enfants malades en se
référant à l'ordonnance du médecin ; et toute
femme non éduquée ne peut connaître ses droits et devoirs
envers les autres».
-Education et rôle de la femme
Dans la société, une femme éduquée
est considérée comme un exemple à suivre. D'une part,
l'éducation rend la femme responsable vis-à-vis de la
communauté, et d'autre part, l'éducation a un impact sur la femme
en tant que personne. La femme éduquée force l'admiration et le
respect parce qu'elle a une mentalité et un comportement dignes d'une
société civilisée. Les leaders ont parlé de la
femme éduquée qui est synonyme d'une bonne mère,
épouse et éducatrice qui partage et participe à
l'épanouissement des enfants. Ils font référence à
la femme éduquée comme une personne phare, pilier de la famille,
elle est donc appelée à exercer des tâches nobles et
à représenter la société. La seule femme parmi ces
leaders interviewés a exprimé son amertume de ne pas voir plus de
femmes éduquées que d'hommes dans la société :
«les femmes sont «un tout» pour la société et
plus responsables que certains hommes, surtout si elles sont
éduquées, c'est aussi un véritable décollage
économique».
-Avantages de l'éducation
Les leaders interviewés voient beaucoup d'acquis
positifs dans l'éducation des femmes. La femme éduquée
jouit d'un prestige et d'un statut dans la communauté qui lui permettent
d'être bien vue. Elle est respectée de tous et
considérée comme responsable. En somme, il faut remarquer que
l'éducation est perçue par les leaders comme essentielle à
l'épanouissement personnel et au développement de la
société. Les leaders estiment que l'éducation est un bien
personnel et aussi un investissement collectif préalable au
développement social de la communauté. En effet, les
interviewés voient l'éducation des filles et des femmes comme
incontournable dans toute société. Si la femme n'est pas
éduquée, c'est toute la société qui en pâtit.
Le manque d'éducation entraîne la recherche d'une alternative
éducative qui a un impact sur la vie des apprenants. D'où la
section qui suit.
5.3. Analyse des données à propos de la
perception de l'éducation des femmes en matière de
VIH/SIDA
Comme dans la précédente partie, les
réponses complémentaires aux questions nous ont permis de
rédiger cette partie qui suit. Les questions posées
étaient :.
· L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida peut-elle avoir un impact sur le rôle que la
femme joue dans la société ? Comment ?
· Que pense votre entourage de l'éducation des
femmes en matière de santé et de lutte contre le sida ?
Pourquoi ?
· La religion est-elle pour ou contre l'éducation
des femmes en matière de santé et de lutte contre le sida ?
Pourquoi ?
Pour les leaders interrogés, l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida prodiguée aux
femmes joue différents rôles. Ces rôles sont : la
protection, l'hygiène de la vie, la fidélité, le
savoir-être, etc. Les leaders interviewés perçoivent tous
le rôle opportun que joue l'éducation en matière de sida
chez la femme parce que cette dernière est plus exposée et plus
vulnérable que son conjoint pour des raisons socioculturelles (poids de
la tradition) et économiques (pauvreté). La vie dans nos
sociétés d'aujourd'hui est devenue plus sûre depuis
l'avènement de l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida qui permet aux femmes de se protéger et
protéger les autres. Le responsable de projet/programme de lutte contre
le sida souligne : «le sida ne connaît ni le riche, ni le
pauvre, ni l'intellectuel, ni l'ignorant, il frappe tout le monde sans
distinction de race, ni de religion si vous ne prenez aucune précaution,
et seule l'éducation des femmes dans ce sens vous préserve du
mal». Cette vision ne fait pas l'unanimité des autres leaders
interrogés. La femme formatrice fait remarquer que «dans nos
sociétés africaines, les femmes subissent le sexe au lieu de le
vivre, elles n'ont aucun pouvoir de décision sur la gestion de leur
sexualité». Cependant, les leaders reconnaissent tous que la
religion ne fait pas d'obstacles à l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida. Mais le leader religieux musulman
déclare qu' «elle exerce un contrôle sur les femmes pour
une question de bonnes moeurs. C'est pourquoi d'ailleurs certains religieux
dans leurs prêches encouragent les mariages précoces dans le but
de préserver la fille de rapports sexuels hors mariage tout en lui
enseignant la fidélité dès le bas âge en lui
interdisant l'adultère». La femme formatrice qui est de
confession chrétienne souligne de son côté que la religion
accorde à la femme la même importance qu'à l'homme :
«la femme est l'associée de l'homme dans la construction de la
vie. Les femmes constituent les parents les plus stables dans la vie de
beaucoup d'enfants».
D'une manière générale, les leaders
reconnaissent que l'environnement social change avec l'existence des programmes
d'éducation en matière de santé et de lutte contre le
sida. Aussi, les conditions de vie des femmes qui ont
bénéficié de ces programmes d'éducation sont
différentes de celles qui n'en ont pas bénéficié.
Tous reconnaissent que dans les circonstances actuelles, l'entourage des filles
et femmes est favorable à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida. Le responsable du projet
d'éducation de lutte contre le sida souligne que «les filles et
les femmes suivent la formation par mimétisme ou sur conseils des pairs.
C'est ainsi que nous recevons beaucoup de clientes qui ont connaissance du but
de la formation par le biais des parents, amis et connaissances».
Quant à la femme formatrice, elle dit que les femmes qui ont
bénéficié de l'éducation en matière de
VIH/SIDA sont «des phares de la société et sont
enviées des autres qui n'en ont pas bénéficié. Ces
femmes éduquées en matière de VIH/SIDA ont la charge
d'enseigner et de fournir un modèle de responsabilité sur le plan
sécuritaire en vue de la prévention du sida parmi les
adolescents, population plus vulnérable de toutes».
Nous avons demandé aux interviewés de nous
décrire les avantages de l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida. Nous présentons leurs opinions
dans la partie suivante.
5.4. Analyse des données concernant les
avantages de l'éducation en matière de VIH/SIDA chez les
bénéficiaires
Les leaders pensent que l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida présente de nombreux
avantages. Elle permet aux bénéficiaires de se préserver
du risque de contamination, de connaître les différents modes de
transmission de la maladie tout en évaluant les risques personnels. Elle
permet aux femmes d'adopter des comportements responsables et d'appliquer les
acquisitions de la formation dans la vie courante. Selon le médecin,
«la femme est le vecteur potentiel sur lequel il faut agir. Il faut
l'encadrer pour l'amener à adopter des comportements responsables face
au libertinage sexuel auquel se livrent certains hommes». En somme,
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
change la vie des femmes dans leurs pratiques quotidiennes. Elles se
libèrent et prennent leurs responsabilités en évitant des
pratiques nuisibles qui hypothèquent leur santé et leur vie et
celle des autres (partenaires, enfants). Cependant, il existe des liens
étroits entre la précarité du statut des femmes dans la
santé, leur prédisposition au risque d'infection, la
pauvreté, l'analphabétisme et leur absence de pouvoir dans la
société. Si on ne règle pas toutes ces questions, les
solutions médicales à elles seules ne peuvent avoir que peu
d'effet.
Quelles sont celles qui accèdent à cette
éducation ? c'est de cette question que nous traiterons dans la
partie qui suit.
5.5. Analyse des données relatives à
l'accessibilité de la formation en matière de
VIH/SIDA
Dans cette partie, les quatre questions ont été
groupées ainsi qu'il suit :
· La formation en matière de VIH/SIDA est-elle
accessible à tous ? Pourquoi ?
· Selon vous, qui bénéficie le plus de
cette formation ? Pourquoi ?
· Selon vous, qu'est-ce qui pousse les femmes à
suivre la formation en VIH/SIDA ?
· Dites-nous comment amener les femmes à
s'intéresser à la formation en VIH/SIDA ?
Les leaders rencontrés n'hésitent pas à
affirmer que la formation en matière de santé et de lutte contre
le sida n'est pas accessible à toutes les femmes, encore moins à
tout le monde. Cela, compte tenu non seulement de l'emplacement des lieux de
formation qui sont généralement situés en ville, mais
aussi du manque de temps des femmes à cause de leurs activités
ménagères.
Quand nous avons posé la question qui
bénéficie le plus de cette formation ? et pourquoi ?
Les leaders ont répondu que seules les citadines parmi lesquelles
certaines catégories socioprofessionnelles y ont accès. Ce sont
les prostituées, les coiffeuses, les serveuses des bars, les marchandes
ambulantes etc. Les militaires, les policiers et les douaniers sont
également mentionnés. Tous ces leaders reconnaissent le danger
auquel ces catégories socioprofessionnelles sont exposées
à cause de leur métier ou de leur précarité
socio-économique. Parmi les leaders, le médecin déplore la
difficulté de communication avec certains religieux musulmans
extrémistes qui pensent que l'éducation en matière de
VIH/SIDA est une passerelle vers une dépravation des moeurs. Cependant,
tous sont d'accord également qu'un travail de sensibilisation et
d'information reste à faire et suggèrent qu'il faut associer
l'éducation en matière de VIH/SIDA à des activités
socio-économiques comme l'apprentissage d'un métier et à
des activités culturelles telle l'alphabétisation pour mieux
attirer les femmes et les maintenir dans le programme jusqu'au bout de la
formation.
En résumé, l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida, n'est accessible qu'à une
partie de la population parce que le savoir-faire acquis connaît des
entraves liées aux facteurs socioculturels. L'opinion du leader
religieux laisserait-elle supposer que les populations fortement
islamisées rejettent ce genre d'éducation qui enfreint les tabous
traditionnels et pousse les gens à parler du sexe, du préservatif
etc. Cependant, des contraintes, voire des facteurs d'ordre économique
freinent toutes les politiques de développement d'éducation pour
les femmes et pour les filles.
La suivante section traite de la question de la participation
à l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida et l'appartenance socio-économique et culturelle des
participantes.
5.6. Analyse des données concernant la relation
entre la participation à l'éducation en matière de
VIH/SIDA et l'appartenance socio-économique et culturelle
Trois questions ont été groupées dans la
présente section.
· Existe t-il un lien entre la participation à
l'éducation en matière de VIH/SIDA et l'appartenance
socio-économique de la femme ?
· Existe t-il de différence de participation
à l'éducation en matière de VIH/SIDA entre les femmes
instruites et les femmes analphabètes ? Justifiez votre
réponse.
· L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida donne t-elle de pouvoir aux
bénéficiaires ?
Les interviewés sur ces questions pensent que
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
est une éducation pour tout le monde sans distinction de statut. Les
leaders soulignent que tous ceux qui pensent n'être pas concernés
à cause de leur pouvoir économique, se trompent. C'est ainsi que
le responsable du projet de lutte contre le sida souligne «En tant
que responsable de structure de lutte contre le sida, je vous dis que personne
n'est épargné et tous avons besoin d'être
éduqués en matière de santé et de lutte contre le
sida pour notre propre sécurité en tant que personne vivant parmi
les autres». Quant à la différence de participation
à cette éducation, il est plus facile pour une femme instruite de
participer à l'éducation qu'une femme analphabète selon le
responsable du projet de lutte contre le sida. «Si une femme n'a
jamais fréquenté l'école, elle a peu de chance
d'accéder à l'information et à cette forme
d'éducation qu'est l'éducation en matière de santé
et de lutte contre le sida» ; «une femme
éduquée se sent plus libre et plus courageuse qu'une
analphabète» déclare le médecin. Dans cette
perspective, l'éducation en matière de santé est
perçue chez les leaders comme une source de pouvoir pour les
bénéficiaires. Pour appuyer ces arguments, la femme
éduquée en matière de santé et de lutte contre le
sida serait plus apte à :
-éduquer la famille en matière de
santé
-convaincre ses pairs
-connaître ses droits et devoirs
-apprendre un métier
Mais souvent, on est plutôt surpris du comportement
jugé impudent des femmes éduquées en matière de
santé et de lutte contre le sida. «Elles n'ont pas honte de
parler du sexe et de négocier le port du préservatif. Cela choque
l'homme qui pense que la femme est allée trop loin. Et puis ces femmes
éduquées sont trop libres, orgueilleuses et ne se plieront pas
aux ordres et aux bons vouloir de leurs partenaires» a dit le leader
religieux musulman. Malgré les bons résultats des programmes
d'éducation en matière de santé constatés
auprès des bénéficiaires, le médecin perçoit
cette éducation comme peu compatible avec les valeurs traditionnelles
africaines. La femme doit s'occuper de la maison, éduquer ses enfants,
et se soumettre entièrement à son époux. Elle doit
être patiente quand son époux manque à ses devoirs envers
elle. Il existe aussi des obstacles réels de communication en
matière d'éducation de lutte contre le sida. L'ensemble des mots
clés liés au concept du VIH/SIDA ne sont pas traduisibles en
langue vernaculaire alors que la plupart des femmes n'ont pas le niveau
d'instruction requis pour la compréhension des messages en
français.
Les difficultés de communication ont également
été évoquées en réponse à la question
des causes de la non participation des femmes à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida.
5.7. Analyse des données relatives à la
cause de la non participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA
Les réponses aux questions regroupées dans cette
thématique nous permettent de rédiger la présente
partie.
Les questions sont les suivantes :
· Existe t-il des raisons qui empêchent les filles
et les femmes de participer à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida ?
· L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida répond t-elle aux besoins de la
communauté ? Pourquoi ?
· Que faut-il pour avoir l'adhésion de toute la
communauté concernant l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida ?
Tous les répondants, sont d'accord sur deux
points :
-Le manque de temps pour les femmes pour suivre la formation
compte tenu de leurs multiples occupations ménagères,
-L'analphabétisme de celles-ci limite leur accès
à l'information et à la formation.
Mais aussi, ils se rendent compte en même temps d'un
obstacle majeur :les tabous traditionnels. Il est délicat de parler
de sexe, de préservatifs aux filles et aux femmes, c'est un
problème de moeurs qui constitue ce blocage.
Mais les leaders pensent qu'il est nécessaire
d'encourager l'éducation en matière de VIH/SIDA surtout
auprès des jeunes générations. Le médecin s'est
montré plus réaliste en disant :
«je préfère parler du
préservatif et du sexe aux jeunes, plutôt que de les voir mourir
gratuitement».
Tous les leaders interviewés proposent une
éducation par les pairs fondée sur les jeunes, par leurs conseils
réciproques et l'accès à des sources d'informations
appropriées tels les centres de santé, les médecins, les
parents et les adultes bien informés.
Dans les quatre interviews réalisées, les
leaders d'opinion ont affirmé leur foi et leur confiance en
l'éducation des femmes et des filles. A plusieurs reprises des propos
comme «éduquer une femme c'est éduquer toute une nation,
ou c'est assurer une chance aux enfants, c'est toute la société
qui gagne» sont revenus. Le ton et le contexte de ces affirmations
sont suffisamment convaincants pour que nous puissions mettre en doute leurs
convictions. L'éducation des filles et des femmes est perçue
d'une part comme le moyen de rendre les femmes autonomes et d'autre part comme
un investissement social et économique pour la communauté. La
femme éduquée est «un tout» pour la
société. Aussi, les leaders apprécient positivement les
programmes d'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida qui proposent : les savoir-être, savoir-faire, et
savoir-devenir qu'ils considèrent comme une amélioration au
modèle scolaire connu jusqu'ici. Les contenus de la formation
constituent un programme réaliste et pertinent pour les
bénéficiaires. D'ailleurs, la femme formatrice parmi les leaders
souligne qu'aujourd'hui les établissements secondaires constituent aussi
des lieux où on tente d'intégrer l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida dans les programmes
scolaires officiels.
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