CHAPITRE 4
Méthodologie
Notre recherche se caractérise par son approche
descriptive. Elle privilégie la combinaison d'approches qualitative et
quantitative. Notre étude porte sur l'effet de l'origine sociale,
économique et culturelle de la participation des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA. Nous voulons vérifier
si la participation des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA est favorisée ou non par l'origine sociale, économique
et culturelle des microcosmes familiaux.
Nous présentons dans ce chapitre la population cible,
l'échantillonnage que nous appliquerons à notre population, les
instruments nous permettant la collecte des données indispensables
à la réalisation de notre objectif et le traitement des
données recueillies.
4.1. Population cible
Amyotte définit une population comme «un
ensemble de tous les faits, de tous les objets ou de toutes les personnes sur
lesquels porte une étude ou une recherche» (Amyotte, 1996
p.11).
Notre population cible pour mener notre recherche est
constituée de filles et de femmes nigériennes âgées
de 15 à 49 ans, célibataires, mariées, divorcées,
veuves ou autres qui suivent les programmes d'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida. Ces filles et femmes
sont scolarisées, déscolarisées ou analphabètes.
Elles sont des employées, chômeuses ou sans emploi. Il s'agit des
filles et des femmes des communes de Niamey et de Maradi.
Nous avons choisi ces deux (2) communes parce qu'elles
présentent des degrés différents d'éducation des
filles et des femmes et de la masse d'informations disponibles sur la
perception de l'éducation en général des filles et des
femmes et en particulier en matière de VIH/SIDA.
La communauté urbaine de Niamey est choisie en raison
de son caractère urbain ; elle est la capitale politique et
administrative du Niger. La plus grande partie des ONG et Associations de lutte
contre le sida au Niger est basée à Niamey où elle
mène ses activités. Nous pouvons raisonnablement avoir les
informations dont nous aurons besoin. En plus, étant nous mêmes
membre d'une des ONG de lutte contre le sida basées à Niamey
dénommée «Mieux Vivre avec Sida», la récolte des
informations nous sera plus aisée.
Quant à la ville de Maradi, elle est
caractérisée par ses activités économiques et sa
proximité avec le Nigeria dont la ville la plus proche est à 50
km de la frontière. Les mouvements intégristes musulmans du
Nigeria en font leur arrière base. Nous sommes également
originaires de ladite région et nous pouvons servir de facilitateur
local pour nos interviews et nos focus-groups.
Le projet éducatif en matière de santé et
de lutte contre le sida est ouvert à tous et à toutes surtout aux
populations vulnérables que sont les filles et les femmes. Ces
dernières bénéficient de cette éducation qui leur
permet d'acquérir un savoir-faire, un savoir-être, et un
savoir-devenir selon leurs intérêts. C'est à partir de 15
ans que la jeune fille est considérée comme sexuellement active
et apte à fonder un foyer surtout si elle ne fréquente pas
l'école.
En l'état actuel des données disponibles, il
n'est pas possible de déterminer la taille exacte et précise de
cette population.
4.2. Echantillon
«Il n'est point besoin de manger tout le plat pour
savoir si nous pouvons le servir (. . .) il n'est point nécessaire, ni
souhaitable, ni possible parfois d'étudier toute la population pour bien
la connaître» (Amyotte, 1996 p.60).
Ainsi, compte tenu de la nature même de notre population
de référence et de l'impossibilité de bien la
circonscrire, nous allons recourir à l'échantillonnage non
probabiliste.
4.2.1. Taille de l'échantillon
Divers éléments sont pris en compte pour
déterminer la taille d'un échantillon. Il s'agit de voir quelques
uns de ces aspects qui sont entre autres : la marge d'erreur avec laquelle
le chercheur accepte de travailler, le caractère homogène de la
population visée, et le niveau d'analyse souhaité.
D'après Albarello, «la taille de
l'échantillon ne dépend nullement du nombre de personnes qui
composent la population de référence. Il faut bannir la
réflexion en termes de «taux de sondage» qui serait une
proportion idéale entre la population et l'échantillon.
L'idée selon laquelle «mon échantillon serait
représentatif parce qu'il comporte 5 ou 10 ou 20% de la
population-parent», bien qu'elle soit une idée
répandue, est une idée inexacte !» (Albarello, 1999
p.109). En ce qui concerne notre recherche, nous ne pouvons calculer la taille
de notre échantillon selon le nombre de filles et de femmes de notre
population-mère dont nous ignorons le nombre exact. Nous allons pour ce
faire, justifier la taille de notre échantillon selon la marge d'erreur
avec laquelle nous acceptons de travailler. Dans ce sens, Albarello
écrit «par exemple, s'il faut un échantillon de 196
individus pour être assuré (à 95 chances sur 100 -ceci est
l'intervalle de confiance-) d'une marge d'erreur maximale de 7%, il faut 267
individus pour une marge de 6%. Il en faut 384 pour une marge de 5% et 600 pour
une marge de 4%». (voir graphique des marges d'erreurs selon la taille de
l'échantillon dans «Apprendre à chercher» de Albarello,
1999 p.110). C'est ainsi que nous avons opté pour une marge d'erreur
maximale à 8%.
Donc, la taille de notre échantillon sera de cent
cinquante (150) unités d'observation, reparties équitablement
entre Niamey et Maradi.
4.2.2. Techniques d'échantillonnage
Après avoir défini la taille de notre
échantillon, nous allons choisir les individus pressentis pour
constituer notre plan d'échantillonnage. Nous allons recourir à
la technique d'échantillonnage stratifié dans le choix des
unités d'observation qui constituent notre échantillon. Cette
technique d'échantillonnage non aléatoire ou non probabiliste est
utilisée dans le cas où on ne connaît pas la taille de la
population-parent. Par conséquent, notre échantillon est
déterminé par la marge d'erreur avec laquelle nous avons
accepté de travailler.
La population peut être divisée en groupes
distincts relativement homogènes appelés strates. Amyotte (1996,
p.69) définit une strate comme étant «un groupe
d'individus relativement homogène au sein d'une population ;
défini par une caractéristique précise».
En effet, l'usage de la technique d'échantillonnage
stratifié se justifie dans notre étude parce qu'elle nous permet
de prélever un échantillon ayant la même composition que la
population de référence. C'est ce que Amyotte appelle «un
véritable modèle réduit de la population» (Amyotte,
1996 p.69)
C'est en fonction des caractéristiques individuelles,
des variables sociales, économiques et culturelles que nous allons
opérer.
Pour chaque commune, nous avons choisi de faire neuf (9)
focus-groups composés de sept (7) individus chacun et douze (12)
interviews individuelles.
Au total, dix-huit (18) focus-groups seront
réalisés avec les bénéficiaires directes du
programme d'éducation en matière de santé et lutte contre
le sida que sont les filles et les femmes, et vingt-quatre (24) interviews
individuelles seront administrées aux leaders d'opinion qui sont les
non-bénéficiaires directs du programme. De par leur situation,
les leaders d'opinion jouissent d'une grande audience et peuvent influencer,
par leurs prises de position, une grande partie de la population. Ils peuvent,
en s'engageant résolument dans la lutte contre le sida, sensibiliser les
gens et les pousser à un changement de comportement. Les leaders
d'opinion peuvent favoriser l'élaboration de politiques et de
stratégies de lutte efficaces et cohérentes en mettant à
la disposition des programmes de lutte contre le sida des moyens de lutte. Ces
leaders d'opinion se retrouvent parmi les hommes et les femmes. C'est pourquoi,
nous les interviewons sans distinction de sexe.
Nous présentons dans le tableau qui suit, notre
échantillon en focus-groups et en interviews individuelles par
localité
Tableau n°8 Les Focus-groups et les interviews
individuelles par localité
Localités
|
Focus-Groups
|
Interviews individuelles
|
Niamey
|
Jeunes filles scolaires, déscolarisées et
analphabètes (21)
|
Leaders religieux (2)
|
Niamey
|
Femmes mariées employées, chômeurs ou sans
emploi (21)
|
Educateurs :
(enseignants, pair-éducateurs, et médecins)
(8)
|
Niamey
|
Femmes divorcées, veuves et autres (21)
|
Responsable de projet/programme de lutte contre le sida (2)
|
Maradi
|
Jeunes filles scolaires, déscolarisées et
analphabètes (21)
|
Leaders religieux (2)
|
Maradi
|
Femmes mariées employées, chômeurs et sans
emploi (21)
|
Educateurs :
(enseignants, pair-éducateurs, et médecins)
(8)
|
Maradi
|
Femmes divorcées, veuves et autres (21)
|
Responsables de projet/programmes de lutte contre le sida
(2)
|
Total
|
126 individus (18 Focus-Groups de 7 personnes)
|
24 interviews individuelles
|
-Les filles et femmes qui participent aux focus-groups sont
choisies parmi l'ensemble des filles et des femmes ayant participé au
programme d'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida dans chacune des localités retenues.
-Les interviews individuelles s'intéressent aux leaders
d'opinion dans chaque localité.
Six (6) critères ont présidé au choix des
participantes :l'âge, le lieu de résidence, la profession, le
statut matrimonial, le niveau d'instruction et la religion.
1. L'âge : pour encourager la libre expression des
participantes, elles seront réparties en groupes d'âge. Cette
homogénéité nous permet d'examiner les points de vue et
les expériences différentes au sujet de la perception de
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
et la participation à cette éducation.
2. Le lieu de résidence : comme signalé
précédemment, sont les communes de Niamey et de Maradi dans
lesquelles sont sélectionnées les participantes. Nous essayerons
de voir s'il existe une différence de participation au programme
d'éducation de lutte contre le sida entre les filles et les femmes du
milieu urbain et du péri-urbain.
3. La profession : nous permet de savoir si les filles et
les femmes participent à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida en fonction de leur profession ou de
leurs intérêts.
4. Le statut matrimonial : nous permet de savoir si le
lien de mariage pouvait avoir un impact sur la participation des femmes
à l'éducation en matière de sida. Nous allons regrouper
les participantes selon leur statut matrimonial.
5. Le niveau d'instruction : nous permet de savoir si la
participation à l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida est une alternative à l'éducation
formelle pour celles qui n'ont pas été scolarisées.
6. La religion : la complexité de
l'intégrisme musulman au Niger particulièrement dans ces deux
régions nous permettra de savoir si la religion facilite ou entrave la
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida.
4.3. Collecte des données
Pour collecter nos données, nous allons procéder
au regroupement des individus et des strates en fonction des localités
(Niamey et Maradi), des lieux et occasions propices aux focus-groups. Nous
définissons les caractéristiques des strates et nous allons
stratifier en fonction des caractéristiques individuelles et de la
nature des variables prises en compte dans notre recherche.
Nous constituerons des groupes de 7 individus qui ont des
caractéristiques ou des intérêts communs et sensiblement le
même statut social.
Enfin, nous nous convenons d'une date, d'une heure, et d'un
lieu de rencontre avec les groupes pour la présentation de
l'instrument.
4.3.1 L'instrument de collecte des
données
Dans notre recherche, les instruments de collecte des
données choisis sont le focus-group et l'interview individuelle. Ils ont
pour fonction de cueillir ou de produire des informations nécessaires
à la vérification de nos hypothèses de recherche.
Il s'agit ici d'une observation indirecte telle que
définit par Quivy & Van Campenhoudt (1995) «dans le cas d'une
observation indirecte, le chercheur s'adresse au sujet pour obtenir
l'information recherchée. En répondant aux questions, le sujet
intervient dans la production de l'information» (Quivy & Van
Campenhoudt, 1995, p.164).
Nous avons choisi la technique du focus-group pour les
bénéficiaires directes du programme d'éducation en
matière de VIH/SIDA pour mieux cerner le sujet de notre étude
sous tous ses angles. Cet instrument de collecte d'informations permet aux
enquêtés d'exprimer leurs perceptions, leurs sentiments ou leurs
attitudes sur les questions de la participation au programme d'éducation
en matière de santé et de lutte contre le sida. La discussion
à l'intérieur du groupe permet aux participants de
réfléchir, de se rappeler des choses oubliées qui ne
seraient pas remontées autrement à la mémoire ; le
groupe agit comme auto-correcteur en permettant à la personne de
modifier son jugement et de donner une opinion plus nuancée ; le
groupe peut recréer une sorte de microcosme social où le
chercheur peut identifier les valeurs, les comportements, les symboles des
participants selon Deslauriers et Graw-Hill (1991, p.33). La richesse de cette
expression spontanée offre des pistes qui permettent de comprendre la
manière dont les filles et les femmes au Niger communiquent sur les
questions de la participation au programme d'éducation en matière
de sida devenue un sujet quotidien.
L'interview semi dirigée qui sera pratiquée avec
les leaders d'opinion, quant à elle, est une forme d'entretien
individuel qui présente plus de liberté de parole parce que la
contrainte sociale y est moins grande que lors d'une discussion de groupe.
«Selon le cas, une interview peut-être libre,
semi-dirigée ou dirigée : elle sera libre lorsque
l'intervieweur s'abstient de poser des questions visant à
réorienter l'entretien ; elle sera dite dirigée lorsque le
discours de la personne interviewée constitue exclusivement la
réponse à des questions préparées à l'avance
et planifiées dans un ordre précis ; elle sera
semi-dirigée lorsque l'intervieweur prévoit quelques questions
à poser en guise de points de repère» De Ketele et
Roegiers (1996, p.19).
L'interview individuelle semi-dirigée pourrait nous
aider à faire ressortir des contradictions culturelles souvent subtiles
mais riches en enseignements. A propos de la procédure, Albarello (1999)
fait remarquer que «les entretiens semi-directifs sont menés
sur la base d'un guide d'entretien constitué de différents
«thèmes-questions» préalablement élaborés
en fonction des hypothèses. Un guide d'entretien comprend
généralement une douzaine de thèmes questions qui, sauf
exception à justifier, seront abordés dans un ordre à
chaque fois identique afin d'éviter que la place du thème dans
l'interview n'influence la qualité des réponses (on ne
répond pas avec la même intensité à une
dernière question qu'à la première
posée)» (Albarello, 1999 p.66).
Nous faisons recours à ces interviews individuelles
parce que nous voulons comprendre l'objet de notre étude en profondeur
à l'aide des personnes témoins privilégiées, bien
placées pour se prononcer. Ce sont les leaders d'opinion qui
désignent aussi bien les leaders religieux, que les éducateurs
(enseignants, pairs-éducateurs, et médecins), les responsables de
projets et programmes d'éducation en matière santé et de
lutte contre le sida.
Les interviews et les focus-groups seront animés par un
assistant ou modérateur formé au préalable et nous
même. Nous les enregistrons sur bandes magnétiques audio et les
retranscrirons intégralement pour ensuite les analyser.
Le guide d'entretien contient des questions fermées, et
des questions ouvertes qui nous ont servi à mener l'enquête.
Les principaux thèmes abordés sont :
-l'identification des participantes :âge, sexe,
niveau d'instruction, statut matrimonial, profession, quartier de
résidence, religion.
-la perception du rôle et des buts de l'éducation
en général des filles et des femmes et en particulier de
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le
sida ;
-les avantages ou les bénéfices de
l'éducation en matière de VIH/SIDA ;
-l'accessibilité de la formation en éducation en
matière de VIH/SIDA ;
Le questionnaire élargit la liste des variables
susceptibles d'avoir un impact sur la participation des filles et des femmes
à l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida telles que la religion pratiquée et la profession
exercée.
Le questionnaire sera d'administration indirecte parce que
nous lirons nous mêmes les questions et les réponses de
l'enquêté seront enregistrées sur bandes magnétiques
audio.
Dans le focus-group, il n'est pas toujours possible ou
souhaitable de se limiter strictement aux questions initialement
prévues. Ces questions servent d'habitude de protocole de base pour les
discussions de groupe. Nous poserons des questions au cours du débat
pour l'explicitation des arguments avancés par les participants, ou pour
les amener à bien exprimer et défendre leurs idées. Cela
permet de minimiser les erreurs et omissions.
4.3.2. Les lieux de l'enquête
Nous avons limité notre champ d'étude aux seules
communes de Niamey et de Maradi comme précédemment
annoncé.
Du point de vue géographique, ces deux communes sont
implantées dans deux régions distinctes du Niger.
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