GENERALITES
SUR LE
PALUDISME
I/DEFINITION
Le paludisme ou encore malaria est une protozoose due à
différentes espèces de parasites du genre plasmodium. La maladie
est transmise à l'homme par la piqûre de l'anophèle femelle
infectée. C'est la parasitose la plus répandue dans le monde,
responsable d'une morbidité élevée, 300 millions de cas
cliniques par an et d'une mortalité élevée avec au moins
un million de mort par an dont les 90 % surviennent en Afrique sub
saharienne.
II-/ EPIDEMIOLOGIE (1, 2, 3,4)
1. Agents pathogènes (22, 7)
1.1. Classification
L'agent pathogène du paludisme appartient :
Phylum des Apicomplexa
Classe des Sporozoae
Sous classe des Coccidia
Ordre des Eucoccidiidae
Sous ordre des Haemosporina
Famille des Plasmodiidae
Genre Plasmodium
Quatre espèces sont parasites pour l'homme, celles-ci sont
regroupées en deux sous-genres :
Sous-genre Plasmodium : P.vivax, P.ovale,
P.malariae.
Sous-genre Laverania :
P.falciparum.
Plasmodium vivax et P. falciparum sont les
plus rencontrés. L'infection à P. falciparum est la plus
sévère et peut entraîner la mort du patient.
1.2- Morphologie et cycle évolutif
[56]
La morphologie change sans cesse dans son aspect et sa taille,
au cours du cycle biologique. Les plasmodies sont des parasites
intracellulaires dont la multiplication nécessite un hôte
intermédiaire vertébré (homme) où se déroule
le cycle asexué ou schizogonie, et un hôte définitif
invertébré (anophèle) chez qui se déroule la
multiplication sexuée ou sporogonie.
1.2.1 Chez l'homme
Au cours d'une piqûre chez l'homme, l'anophèle
femelle infestée injecte avec sa salive dans un vaisseau sanguin, des
sporozoïtes (éléments fusiformes de 8 à 12
micromètres de diamètre) localisés dans ses glandes
salivaires. Ces sporozoïtes se répartissent rapidement dans tout
l'organisme, pénétrant activement et indifféremment dans
différents types cellulaires. Seuls les sporozoïtes ayant
gagné le foie et franchi une dernière barrière
constituée par les cellules de Kupffer, poursuivent leur cycle :
c'est la schizogonie tissulaire ou cycle exo-érythrocytaire. Le
sporozoïte pénètre dans l'hépatocyte et se transforme
en trophozoïte, puis en schizonte. A maturité le schizonte
hépatique encore appelé corps bleu, éclate,
libérant des mérozoïtes : formes
uninucléées qui initieront la phase érythrocytaire. Le
mérozoïte de provenance tissulaire pénètre dans
l'hématie par endocytose et s'y transforme en trophozoïte jeune.
Aux dépens de l'hémoglobine dont il se nourrit, le
trophozoïte élabore des grains de pigment noir :
l'hémozoïne, résidu voisin de l'hématine. Parvenu
à maturité il se forme un schizonte composé d'un certain
nombre de mérozoïtes qui se disposent en une forme
régulière appelée « corps en rosace »,
avec le pigment rassemblé au centre du schizonte. Le corps en rosace
mûr se dilate puis éclate, libère le pigment et les
mérozoïtes qui vont parasiter des hématies vierges. Il
semble que c'est l'éclatement quasi simultané des corps en rosace
appartenant à la même génération qui provoque
l'accès fébrile observé au cours du paludisme.
Cet accès fébrile est de type :
Tierce : toutes les 48 heures, pour P. falciparum,
P.vivax, P.ovale.
Quarte : toutes les 72 heures, pour P.
malariae.
Amorce du cycle sporogonique dans le sang
Plus ou moins tôt après l'invasion du sang,
certains trophozoïtes installés dans les hématies vont subir
une évolution particulière. Leur développement va aboutir
non à la formation des schizontes, mais à la formation de
gamétocytes mâles et femelles. Ces gamétocytes
dépourvus de tout pouvoir pathogène ne peuvent plus
évoluer chez l'homme, ils sont les seuls éléments aptes
à contaminer l'anophèle femelle.
1.2.2. Chez l'anophèle femelle
En prenant un repas de sang sur un sujet infesté,
l'anophèle femelle absorbe les différents stades du parasite. Les
éléments asexués : trophozoïtes et schizontes
sont digérés. Seuls les gamétocytes poursuivent leur
développement.
Le gamétocyte mâle, parvenu dans l'estomac du
moustique, libère 4 à 8 éléments minces,
allongés, flexueux, mobiles : c'est le phénomène de
l'exflagellation. Ces éléments sont appelés
microgamètes. Quant aux gamétocytes femelles, ils subissent une
maturation et deviennent des gamètes femelles ou macro
gamètes.L'un des microgamètes pénètre dans le
macrogamète ; les deux noyaux fusionnent, il y a fécondation
et formation d'un oeuf mobile appelé ookinète. Cet
ookinète, grâce à sa mobilité va s'enfoncer dans la
paroi de l'estomac du moustique pour finalement s'immobiliser entre
l'épithélium et la couche musculaire. Il devient un oocyste qui
va grossir pour atteindre et même dépasser 60 micromètres
de diamètre. Le noyau de l'oocyste se divise plusieurs fois, les
divisions cytoplasmiques suivent. Il se forme ainsi à l'intérieur
de l'oocyste des milliers d'éléments, qui d'abord arrondis, vont
devenir fusiformes, allongés : les sporozoïtes. Parvenu
à maturité, l'oocyste éclate et libère les
sporozoïtes qui vont envahir les glandes salivaires du moustique.
L'anophèle devenu infectante contaminera un nouvel individu en lui
inoculant lors d'un repas de sang, des sporozoïtes. La durée du
cycle sporogonique est en moyenne de 10 à 40 jours, en fonction de la
température, de l'humidité de l'air, de l'espèce
plasmodiale hébergée par l'anophèle.
D'une façon générale P.
falciparum et P. vivax évoluent plus rapidement que P.
ovale et P. malariae surtout.
Le cycle sporozoïque n'est possible qu'au-dessus d'une
certaine température :
17° C pour P. vivax et P. malariae.
2. La Transmission
2-1- Les vecteurs [32,56]
Les vecteurs du paludisme humain appartiennent tous au genre
Anopheles.
Les anophèles appartiennent au phylum des Arthropodes,
à la classe des Insectes, à l'ordre des Diptères, au
sous-ordre des Nématocères, à la famille des Culicidae
à la sous famille des Anophelinae et au genre Anopheles.
On compte environ 400 espèces anthropophiles et
zoophiles d'anophèles dans le monde. Mais seules 60 d'entres elles sont
des vecteurs de paludisme dans les conditions naturelles. Les mâles se
nourrissent uniquement de jus sucrés, ils ne piquent pas. Les femelles
ont besoin de protéines pour assurer le développement de leurs
ovaires ; elles le puisent dans le sang des vertébrés, dont
l'homme. Seules les femelles sont donc capables de transmettre le paludisme.
En Afrique tropicale les vecteurs majeurs sont :
Anopheles gambiae qui est un complexe
d'espèces :
Anopheles arabiensis,
Anopheles melas,
Anopheles gambiae (ss).
Anopheles funestus.
Anopheles moucheti.
Anopheles nili.
Au Sénégal 20 espèces d'anophèles
sont actuellement connues. Mais les principaux vecteurs du paludisme sont
Anopheles gambiae et Anopheles funestus.
2.2. Réservoir de parasites
L'homme infecté et l'anophèle femelle
constituent les réservoirs de parasites pour les principales
espèces. Cependant, P. malariae peut être
retrouvé chez le singe.
2.3. Mode de contamination
Ils sont de trois ordres :
2.3.1 Transmission par piqûre d'anophèle
femelle infestée :
Elle est assurée par des anophèles femelles
anthropophiles âgés, porteurs de sporozoïtes dans leurs
glandes salivaires. Lors d'un repas sanguin chez un sujet infesté,
l'anophèle ingère en même temps les formes plasmodiales
infectantes. Ces plasmodies sont inoculées à un sujet sain lors
d'une nouvelle piqûre. Ce mode de transmission est le plus habituel.
2.3.2 Transmission par transfusion sanguine ou
accident
Elle résulte de la transfusion de sang parasité
provenant de donneurs plus ou moins anciennement infestés apparemment
sains : c'est « le paludisme de seringue »,
rencontré chez les malades transfusés, les toxicomanes et.
2.3.3 Transmission congénitale
C'est la transmission de la mère à l'enfant par
le sang placentaire : c'est le paludisme congénital. [12,
56]
2.4 Hôtes réceptifs
Tous les hommes sont réceptifs mais on observe une
résistance innée chez les sujets présentant des
antigènes DUFFY sur leurs hématies et chez les sujets
présentant une hémoglobinopathie de type S.
2.5 Les facteurs favorisants la
transmission
2.5.1 La température
Le cycle sporogonique nécessite une température
minimale de 15° C pour P. vivax et P. malariae et
22° C pour P. falciparum. La
température optimale se situe autour de 27° C pour
P. ovale.
2.5.2 L'eau et l'humidité
Les eaux stagnantes constituent les gîtes larvaires. Les
pluies, en entretenant ces eaux, participent à la multiplication des
vecteurs et à l'endémie palustre. L'humidité influe
positivement sur la longévité du vecteur.
2.5.3 Les facteurs anthropiques
Des modifications du réseau hydrographique (barrage et
irrigations) entraînent la prolifération des vecteurs.
Les modifications des couverts végétaux, la
déforestation, favorisent la multiplication des espèces dans les
mares ensoleillées.
Le développement des transports, favorisant les
mouvements de population, entraîne une dissémination des
vecteurs.
Les conditions socio-économiques défavorables,
(promiscuité), peuvent favoriser la transmission.
2.5.4 Les facteurs individuels
Grossesse : la diminution de
l'immunité au cours de la grossesse expose la femme enceinte
à un paludisme grave.
Age : les enfants de 0 à 5
ans sont les plus exposés du fait de leur immunité encore
imparfaite.
Profession : toute profession exposant
l'homme à la maladie : médecins, infirmiers, sages-femmes,
techniciens de laboratoire
1. La répartition
géographique
Le paludisme sévit actuellement dans la ceinture de
pauvreté du monde, c'est-à-dire dans les zones tropicales et
intertropicales, à l'état endémique. Il est surtout
redoutable en zone tropicale où il existe Plasmodium
falciparum, agent du paludisme grave, potentiellement mortel. Les zones
impaludées se répartissent ainsi :
Afrique : le paludisme est largement
répandu dans toute l'Afrique intertropicale et à
Madagascar ; par contre il est rare en Afrique du Nord.
Amérique : le paludisme est
présent en Amérique centrale, en Amérique du Sud où
il est en progression, en particulier au Brésil, dans les Guyanes et en
Haïti. Par contre aux Antilles françaises et en Amérique du
Nord il est absent.
Asie : il sévit
intensément en Asie mineure, dans la péninsule indienne, en
Birmanie, en Chine, en Thaïlande et au Vietnam.
Océanie : il est présent
en Nouvelle Guinée, aux îles Salomon. Il est absent en Tahiti, en
Nouvelle Calédonie et aux îles Loyauté. Les foyers du
Nord-est de l'Australie ont disparu.
Europe : le paludisme a
été éradiqué et a disparu de ses anciens foyers.
Mais on observe le paludisme d'importation, surtout en France, qui est en
pleine augmentation du fait de l'essor des déplacements vers les pays
tropicaux et une chimioprophylaxie mal observée
[56]
2. Indicateurs épidémiologiques
(7)
La paludométrie évalue l'intensité de
l'endémie palustre à l'aide de certains indices dans la
population humaine et dans la population vectrice.
4-1. Chez l'homme
L'indice splénique (IS) : il
représente le pourcentage de sujets porteurs de
splénomégalie. Cet indice est apprécié chez les
sujets de deux à neuf ans non soumis à une chimiothérapie.
Il est peu spécifique et reflète les
réinfections successives.
L'indice plasmodique (IP) :
représente le pourcentage de sujets examinés présentant
des hématozoaires dans leur sang périphérique. Il
renseigne sur le degré d'endémicité dans une
collectivité.
Chez l'enfant de moins un an, il reflète la
fréquence des infections récentes. Chez l'adolescent et l'adulte,
il informe sur le degré d'immunité de la population
considérée.
L'indice gamétocytaire,
représente pourcentage de sujets porteurs de gamétocytes dans la
population humaine.
Il indique le potentiel infectant de la population vis a vis
des anophèles et donc le risque d'infectivité.
L'indice
séro-épidémiologique est déterminé
par la moyenne géométrique des titres d'anticorps
spécifiques obtenus chez des sujets donnés.
Les valeurs de ces différents indices,
déterminent les zones d'holo, d'hyper, de méso et
d'hypo-endémie (cf. tableau 1).
Tableau 1 : Définition des régions
d'endémicité palustre
Zone hypo-endémique
|
IS entre 0 et 10 %, IP inférieur à 25 %
|
Zone méso-endémique
|
IS entre 11 et 50 %, IP entre 26 et 50 %
|
Zone hyper-endémique
|
IS entre 51 et 75 %, IP entre 51 et 75 %
|
Zone holo-endémique
|
IS supérieur à 75 %, IP supérieur
à 75 %
|
IS : Indice splénique / IP : Indice
plasmodique.
4.2 Chez le vecteur
L'indice sporozoitique : il
représente le pourcentage d'anophèles d'une espèce
donnée chez lesquels les glandes salivaires disséquées
dans les vingt quatre heures suivant la capture, contiennent des
sporozoites.
L'indice oocystique : il
représente le pourcentage d'anophèles femelles d'une
espèce donnée, chez lesquelles une dissection
exécutée, dans les vingt quatre heures suivant la capture
établit la présence d'oocystes dans l'estomac
5. Faciès épidémiologiques
(68)
On appelle faciès épidémiologique, une
région ou un ensemble de régions où le paludisme
présente, dans ses manifestations pathologiques, des caractères
communs liés aux modalités de transmission du parasite.
Plusieurs faciès ont été
décrits :
Les faciès équatorial et tropical où le
paludisme est stable, présent tout au long de l'année ou
saisonnier. Toute la population est touchée et développe une
prémunition pendant la prime enfance au prix d'une mortalité
infanto-juvénile élevée, les adultes étant ensuite
peu touchés par la maladie.
Le faciès sahélien où la stabilité
du paludisme est intermédiaire ;
Le faciès désertique et montagnard, où le
paludisme est instable. L'irrégularité de la transmission
empêche le développement d'une prémunition et, au cours de
certaines années pluvieuses et /ou chaudes, des épidémies
touchant presque toutes les classes d'âge peuvent éclater.
Ces différents faciès peuvent être
localement modifiés par les cours d'eau, les reliefs et les sols.
* Cas particulier du Paludisme Urbain
En Afrique, le paludisme est une endémie
essentiellement rurale. Il n'existe pas de vecteurs spécifiquement
urbains. En milieu urbain, la transmission est globalement beaucoup plus
faible qu'en milieu rural, cela explique le niveau d'immunité plus
faible des populations urbaines. On assiste depuis quelques années
à une urbanisation accélérée. De plus en plus de
sujets naîtront et vivront en permanence dans les villes ou la
transmission anophélienne est faible, voir nulle. Ils n'acquerront pas
d'immunité de prémunition. Ils s'infecteront essentiellement
à l'occasion de brefs séjours en zone rurale et pourront
développer, quelque soit l'age, des formes graves de paludisme et
particulier des neuropaludismes. Ainsi, de par cette accélération
de l'urbanisation en Afrique, on peut prévoir pour les prochaines
années, une diminution des taux d'incidence du paludisme (les individus
auront une probabilité plus faible d'être infectes), mais surtout
une augmentation de la proportion des formes graves de paludisme de part
l'absence de prémunition. C'est ce qui nous permet d'écrire que
pour l'Afrique « Le paludisme urbain, c'est le paludisme de
demain » (BAUDON et al. Med. Trop., 1996, 4, 56
323-325)
|