II.6 L'impact de la crise dans l'environnement
concurrentiel
Mi 2008, les inquiétudes grandissent quant à
l'avenir de la situation économique mondiale suite à une
aggravation critique de l'état du système financier. Les
objectifs de croissance sont revus à la baisse par les organismes
internationaux, les perspectives de demande s'assombrissent, les cours des
bourses s'effondrent.
Le prix des matières premières tirés
à la hausse pendant des mois par des fondamentaux solides
s'écroulent : le chômage explose, les Etats Unis voient le
marché immobilier et du crédit s'effondrer. Ceux qui pensaient
que la Chine résisterait à la crise voient leurs espoirs
anéantis avec une production industrielle en fort repli, et pour cause,
20% des exportations chinoises sont absorbés par les Etats Unis ;
des milliers d'usines ferment en Chine, et le marché automobile mondial
entre dans la pire crise de son histoire, promettant un avenir sombre à
la demande de métaux de base.
Les investissements massifs engagés quelques mois
auparavant, alors annoncés comme une source garantie de revenus
apparaissent désormais comme un lourd fardeau. Les capacités de
production sont largement trop élevés, les couts fixes ne sont
plus amortis, et les dettes contractées pour les acquisitions
pèsent plus que jamais dans un environnement bancaire qui semble
anéanti.
Cette situation va complètement freiner le processus de
consolidation du secteur, la production mondiale dégringole et les
compagnies minières sont contraintes de réduire leur niveau
d'activité de manière drastique.
Devenus plus flexibles, les marchés réagissent
désormais beaucoup plus vite que lors des crises
précédentes. A titre d'exemple, lors du bas de cycle de la
sidérurgie en 2001-2002, les prix des billettes (lingot de métal,
non encore traité) en Asie ne s'étaient
dépréciés que de 5% en 12 mois, cette fois-ci les cours
des billettes sur le LME ont chuté de 65%.
Coincés entre cette chute des prix et la constante
augmentation des coûts de production, les producteurs ont vu leurs marges
s'évanouir rapidement.
Selon les calculs de Pinetree Capital, un fonds d'investissement
spécialisé dans les matières premières, les
coûts de production d'une tonne de cuivre qui tournaient autour de 1 400
dollars en 2001 ont grimpé vers les 3 000/3 200 dollars.
Certaines entreprises, notamment les chinoises,
bénéficiant de plus grandes marges de manoeuvre en raison de leur
proximité avec leur gouvernement ont pu être beaucoup plus
réactifs localement aux signes envoyés par les marchés
internationaux.
La filière chinoise de l'aluminium a ainsi annoncé
l'arrêt de 4 millions de tonnes de capacités de production
d'alumine. Chalco, qui avait déjà stoppé 300 000 des 1,5
millions de tonnes de capacité de sa raffinerie d'alumine de Shandong, a
finalement réduit sa production à 200 000 tonnes pour
répondre à une baisse de 40% du prix de l'alumine.
BHP Billiton, CVRD (2e groupe mondial) et Rio Tinto
appuient également sur le frein en termes d'investissements. Les
programmes de développement sont tous réétudiés
à la lumière des troubles qui secouent les marchés et d'un
ralentissement de la croissance de l'économie chinoise qui est alors
inévitable. Même si les groupes leaders continuent de tabler sur
le développement interne du pays toujours tiré par son
urbanisation et son industrialisation, ils constatent néanmoins que ses
industries exportatrices ne sont pas isolées d'une récession de
l'OCDE. Ainsi les compagnies minières dans leur ensemble constatent que
la demande chinoise de cuivre d'aluminium et d'intrants de l'acier est en
baisse.
Outre la chute des cours, c'est bien la crise du crédit
qui frappe des projets métallurgiques et miniers toujours plus voraces
en capitaux. Les capitaux sont amenés être rares et chers dans la
période de crise et les petites firmes minières, les «
juniors », souffrent particulièrement. La disparition des juniors
sur lesquels repose la partie la plus importante des investissements de
recherche et d'exploration va limiter le nombre de gisements ouverts à
l'exploration lorsque le besoin s'en fera sentir.
Concernant le cuivre le numéro un, le chilien Codelco, qui
a enregistré une baisse de sa production en 2008 s'est
préparé voir cette tendance se poursuivre l'an prochain. A la fin
de l'année face à la baisse des cours du métal rouge, le
numéro deux du secteur, l'américain Freeport-McMoran se
prépare également à reporter ses différents projets
d'augmentation de ses capacités de production afin de limiter ses
investissements.
Les cours des compagnies minières s'effondrent dans un
contexte de ralentissement sévère de l'activité
économique mondiale. Entre Mai et Novembre 2008, l'action BHP Billiton
perd 75% ; Dans le même temps, sa cible finalement laissée
pour compte, Rio Tinto perd 85%. CVRD voir également son cours de bourse
s'effondrer de 80%.
Début 2009, les prévisions toujours aussi sombres
ne laissent pas espérer un retour à la normale avant 2010 pour
les plus optimistes.
Cependant, comme dans chaque crise, certains intervenants mieux
lotis que d'autres pour diverses raisons vont profiter de la faiblesse des
cours pour prendre des positions qui auraient exigés de les payer au
prix fort.
Ainsi, après avoir pris 10% de Rio Tinto en février
2008, Chalco annonce sa décision d'augmenter sa participation dans le
capital du groupe Anglo-australien.
Rio Tinto, dont le cours de bourse a été
massacré, n'a pas vraiment la possibilité de s'opposer à
cette offre, dans la mesure où le groupe chercher activement des
capitaux afin de rembourser sa dette de 40 milliards contractée lors du
rachat d'Alcan.
Aux termes de cet accord, Chalco obtiendrait une part de 12,3
milliards de dollars dans les actifs de Rio en minerai de fer, dans le cuivre
et l'aluminium, ainsi que 7,2 milliards de dollars de dette convertible, ce qui
doublerait sa participation dans le capital du groupe minier, à 18%.
Cette offre suscite néanmoins des réticences de la
part des autorités australiennes qui assistent à la montée
en puissance des entreprises chinois dans des intérêts
stratégiques nationaux. En effet, Chalco étant 100%
détenue par le gouvernement chinois, les autorités australiennes
craignent que ce deal ne se fasse pas d'égal à égal entre
les deux entreprises.
La prise de participation a été ainsi soumise
à un examen approfondi de la part des instances économiques
australienne. Les actionnaires de Rio Tinto ont refusé pour la plupart
la réalisation de ce deal.
Les dirigeants de Chalco déployé une batterie
d'arguments afin de convaincre à la fois les autorités
australiennes et les actionnaires : la dette serait réduite de
moitié et Chalco s'engage à contribuer à la
création de milliers d'emplois en Australie au travers de ces
entités communes avec Rio Tinto. De plus, en étant soutenue par
le gouvernement Chinois, Chalco dispose des énormes réserves de
cash indispensables dans cet environnement difficile.
Le deal est approuvé par les 2 compagnies mais pas encore
par les autorités australiennes.
Cette prise de participation et cette énorme levée
de fonds ne doit cependant pas masquer les difficultés que connait le
secteur en pleine crise. Même si les métaux depuis le début
de l'année ont connu pour certains de belles embellies (55% pour le
cuivre par exemple,) l'arrêt brutal des investissements et les
importants ralentissements de la production ont non seulement limité la
chute des cours, mais seront également amené à provoquer
une nouvelle hausse brutale des prix des métaux lorsque la conjoncture
se sera retournée.
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