II.3 Focus: la colossale refonte de l'acier Chinois
L'acier est un élément clé du paysage
chinois, et l'une des conditions de sa survie. Premier producteur et premier
consommateur mondial, le pays ne peut plus conserver des aciéries d'un
autre temps.
Dans le secteur de l'acier, L'Empire du milieu occupe sans
difficulté les premières places : premier producteur mondial
d'acier brut, avec 500 millions de tonnes en 2008, soit plus du tiers de la
production mondiale, premier consommateur et premier importateur d'aciers
spéciaux. A titre de comparaison, la seule hausse annuelle de la demande
chinoise correspond au double de la consommation française.
Pour alimenter son secteur du bâtiment en armatures ou ses
constructeurs automobiles en carrosseries, le gouvernement Chinois a
imposé lors de la fixation des plans quinquennaux d'ambitieux objectifs
de modernisation et s'est entièrement couverte de hauts-fourneaux.
Actuellement on estime que sa capacité annuelle de production
excède de 160 millions de tonnes ses besoins en acier de base.
Les restructurations engagées ont provoqué des
revers sociaux, qui ont entrainé d'importantes migrations de
travailleurs, et semble plutôt redoutées par les ouvriers.
Avec l'arrivée de la crise, Pékin justifie
l'urgence de la situation pour mener à bien la restructuration du
secteur : Le gouvernement, d'une part attire les producteurs en mettant
sur la table 32 milliards d'€ pour relancer la construction. D'autre part
l'autre il encourage les fusions et acquisitions des aciéristes
régionaux, afin d'accélérer le processus de
modernisation.
Les problèmes d'infrastructures de la Chine qui reste tout
de même un pays en développement peuvent causer d'importants
dégâts dans le processus de production ; or la Chine
étant le premier producteur mondial, un accident peut avoir des
conséquences mondiales.
Ainsi en juillet 2007, le cours de l'aluminium a battu un record
historique sur le London Metal Exchange, s'établissant à 3.317
dollars. Cette hausse spectaculaire était liée à l'annonce
d'un arrêt d'une partie de la production de Chalco.
Devant le manque d'électricité, le gouvernement de
la province de Shanxi, au Nord-Ouest du pays, a fait suspendre la production
d'aluminium, pour privilégier le secteur agricole. En effet, à
cause du procédé d'électrolyse utilisé dans la
production d'aluminium, le cout de l'électricité
représente 40 % du prix du métal raffiné.
L'équivalent de 5% des capacités totales de
production du pays a été affecté, soit 700.000 tonnes et
les pertes de production ont été estimées à 900.000
tonnes tout au long de l'année.
La Chine sait depuis longtemps qu'elle ne peut plus fonctionner
avec des aciéries d'un autre temps. Depuis une dizaine d'années,
le gouvernement central souhaite répartir sa production d'acier entre
les mains de quelques fleurons, mais cette décision a parfois
été confrontée à des ralentisseurs externes ;
ainsi par exemple, pour ne pas mettre en danger sa candidature aux Jeux
Olympiques, Pékin envisageait dès 1999 de déménager
l'aciérie géante de Shougang et ses 100 000 salariés. Aux
portes de Pékin, cette dernière émettait chaque
année l'équivalent de 40% des émissions du secteur
industriel de la capitale.
Avec la flambée des cours et la cherté des
métaux de base, la nécessité d'une restructuration
à l'échelle nationale s'est fait encore plus sentir. Les
aciéries des années 1950 avaient étaient bâtie aux
portes des villes selon les voeux de Mao, qui voulait pouvoir compter sur elles
en cas de guerre. Aujourd'hui l'idée, totalement anachronique, cause de
nombreux problèmes environnementaux: non seulement ces vieilles
aciéries polluent en CO2 et en dioxyde de soufre, mais elles consomment
beaucoup trop de ressources en eau et en charbon.
Cette inadaptation à la compétition internationale
est d'autant plus flagrante en période de crise. Le gouvernement
multiplie donc les incitations pour favoriser le regroupement de ses
producteurs, liés pour la plupart aux gouvernements locaux afin de leur
permettre de peser face aux géants étrangers avides de se
développer en Chine.
De plus le regroupement de ces producteurs permet à
l'industrie Chinoise de négocier des tarifs plus avantageux
auprès des minéraliers australiens, partenaire stratégique
pour l'approvisionnement en matières premières.
Ainsi, le gouvernement a publié le 23 mars un plan
national d'orientation. Parmi les dispositions annoncées, figurent la
limitation de la production nationale à 460 millions de tonnes en 2009
et la fermeture des structures dont la capacité n'excède pas les
25 millions de tonnes/an.
Le gouvernement ambitionne de situer 40% des nouvelles
installations en bordure de mer afin de réceptionner plus facilement le
minerai de fer australien et brésilien qui arrive par bateau.
Mais le point le plus important dans le cadre de la fixation des
prix du métal concerne surtout l'objectif de la Chine entend faire
émerger 5 géants nationaux, qui détiendront à eux
seuls plus de 45% de la capacité totale du pays.
De fait, on ne compte plus depuis l'an dernier les annonces de
fusions et acquisitions. En mars 2008, Laiwu (8ème) s'associait avec
Jinan (9ème) pour donner Shandong Steel (2ème).
En décembre, c'était au tour de trois groupes du
Hebei de fusionner pour donner naissance au plus grand producteur d'acier
chinois (avec 32 millions de tonnes par an), devançant ainsi le
numéro 1 historique Baosteel.
Le gouvernement Chinois a également pris soin d'imposer de
nouvelles normes environnementales dans ce secteur hautement polluant. De fait
les nouvelles structures sont toutes destinées à d'équiper
de technologies vertes. Selon les promoteurs du nouveau site de Shougang, 100%
des déchets solides et 98% des émissions seront ainsi
recyclés.
Cependant les progrès de compétitivité ont
leur revers : Le protectionnisme des gouvernements régionaux reste
fort. Fermer une aciérie, c'est perdre de l'emploi et des revenus.
Etalée sur plusieurs années, la tempête
sociale des licenciements a d'ores et déjà commencé. Selon
une étude de Galaxy Securities un courtier Chinois, les 100 000 ouvriers
de Shougang ne seront plus que 9000 sur le nouveau site largement
automatisé.
Ces difficultés sont de plus en plus
évoquées par les gouvernements régionaux lors
d'assemblée annuelle du Parti. Dans le cas de l'aciérie Shougang
Malgré les départs à la retraite, les préretraites
et les reclassements, rares sont les ouvriers de base qui ont accepté de
déménager.
Les municipalités sont incités par le gouvernement
central de transformer les friches industrielles (notamment en parcs de
loisirs), le temps sera long avant que l'emploi local retrouve son niveau
d'alors.
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