L'impact de la Chine dans la consolidation du secteur
minier
La flambée des cours a entrainé de massifs
investissements des compagnies d'exploitations minières, qui ont
à la fois misé sur une politique de croissance interne et
externe. Ses investissements ont consolidés le secteur minier et
considérablement accru l'influence des entreprises face aux
états, a priori détenteurs des ressources.
La hausse des prix a en effet permis aux sociétés
impliquées dans le business du métal de réaliser de
d'immenses profits et les a pousser à investir de façon d'autant
plus soutenue que la crise, à l'époque n'existe pas ; Au
contraire, la conjoncture laisse penser que la hausse des cours va se
poursuivre indéfiniment ; Mais c'est un facteur sans
précédent qui va insuffler un large optimisme sur les
marchés mondiaux des métaux : l'entrée de la Chine
dans l'OMC.
A la suite d'intenses négociations entamées depuis
1978 et intensifiée au milieu des années 90, la Chine rejoint
enfin l'Organisation Mondiale du Commerce en 2001.
Cette adhésion, attendue de longues dates à la fois
par les chinois et la communauté internationale des affaires marque un
tournant au niveau global dans les échanges mondiaux, et l'industrie de
base que représentent les métaux n'échappe pas à la
règle, bien au contraire ;
Le Parti Communiste Chinois affiche alors clairement ses
objectifs; ouvrir son marché au commerce international pour quadrupler
son PIB d'ici 2020.
La Chine, désireuse d'achever sa
« Révolution Industrielle » voit alors exploser son
urbanisation, son industrialisation et sa consommation de masse. Les
bénéfices de l'ouverture se font rapidement sentir et font
apparaitre l'appétit de consommation du plus grand marché
intérieur au monde.
Cette ouverture, résulte d'une volonté de
développement qui va forcément passer par l'édification et
la consolidation de nombreux marchés alors manifestement sous
exploités (fautes de moyens, d'expérience, de concurrence) par
les entreprises d'états : automobile, construction,
électronique, aéronautique... Tous ces secteurs destinés
à une modernisation sont d'énormes consommateurs de
matières premières et promettent aux métaux une explosion
potentielle de la demande.
Cette perspective est un tournant majeur pour les majors
mondiales mais verra apparaitre- nous le verrons par la suite- d'ambitieux
compétiteurs locaux.
Mais si les multinationales se ruent sur la Chine, celle-ci ne
bénéficient pas moins de très importantes ressources
naturelles : les métaux de bases abondent dans le sol et la roche
chinoise.
Le pays va lancer de massives politiques d'investissements pour
moderniser l'industrie minière et pouvoir produire lui-même, ce
qu'il va consommer dans le cadre de sa croissance, notamment le secteur des
métaux de base ;
Le gouvernement va ainsi encourager les investissements
étrangers pour structurer son industrie. Le secteur minier Chinois est
en effet immense mais précaire. Très fragmenté, les outils
d'explorations et de productions sont primaires, et les salariés
très exposés : A titre d'exemple le BIT révèle que
près de 10.000 ouvriers chinois trouveraient ainsi la mort tous les ans
dans des mines exploités illégalement.
Rapidement, le pays va s'affirmer comme l'un des acteurs majeurs,
sinon principal, dans l'industrie des métaux de base et bouscule une
hiérarchie établie depuis des décennies.
Ainsi, pour la production de cuivre, la Banque Mondiale a
évalué que la Chine est passée de la 4e place
mondiale avec 1,08 millions de tonnes produites en 1997, à la
première en 2002 avec plus de 2,2 millions de tonnes produites. Dans le
même temps, le Chili, leader historique dans le secteur cuprifère,
voit sa production quasi stagner.
Le pays va même voir sa production continuer à
exploser : entre 2004 et 2007, la production va augmenter de 60% pour
atteindre près de 3,5 millions de tonnes.
Cet afflux massif de nouveaux stocks aurait du entrainer une
chute sévère des cours mondiaux, mais, la tendance inverse va
s'opérer pour une raison simple : De la même manière
que les Chinois produisent massivement, ils consomment d'autant plus en raison
des politiques de modernisation et d'urbanisation engagées par les
autorités. Ainsi le pays devient également leader dans la
consommation de cuivre ; Entre 2004 et 2007, celle-ci va s'accroitre de
45% et faire de la Chine un importateur net de cuivre alors qu'elle se trouve
largement en position de premier producteur mondial. Alors premier producteur,
premier consommateur, l'empire du milieu devient également premier
importateur mondial de cuivre.
Pour l'aluminium, le constat est encore plus frappant: Leader
mondial, entre 2004 et 2007 la production Chinoise augmente de 87%. En juste 3
ans, le poids de la Chine dans la production mondiale passe de 20% à
plus de 30%. Dans le même temps, sa consommation double (+104%) et
soutient les cours, avivant les désirs d'expansion des compagnies
minières.
L'appétit pour les métaux de la Chine s'explique
également au travers de la constitution de stocks stratégiques,
fixée dans le cadre des plans quinquennaux.
Ces stocks ont pour objectif d'établir les réserves
nécessaires à la réalisation des objectifs fixés
par le gouvernement mais sont également destiné à soutenir
les compagnies productrices locales en leur garantissant un maintien des cours.
Le Bureau des Réserves d'Etat, (BRE) est l'organe chargé de
constituer ces stocks, et bien que très discret (suite à une
perte estimée à près d'1 milliard de dollars sur des
positions baissières du cours du cuivre et de l'aluminium en 2005)
bénéficie d'une influence forte sur les cours des métaux
de base ; A titre d'exemple récent, fin Mars 2009, le BRE annonce
sa volonté d'accroitre ses stocks de cuivre en vue du plan de relance
prévue par le gouvernement ; En 2 jours, suite à cette
annonce, le prix du contrat à trois mois sur le London Metal Exchange a
bondi de 360 dollars par tonne, soit une hausse de 10.6 %.
La recomposition de l'environnement
concurrentiel :
Ces dernières années, le paysage concurrentiel du
secteur des métaux a connu des bouleversements. Le facteur Chine a
accéléré le phénomène de globalisation de
l'industrie minière. Les prix records des métaux et la
volonté de peser sur les marchés ont fait tourner la tête
des groupes miniers, lancés dans une course à la taille sans
précédent et ont entraîné tout le secteur dans un
engrenage de fusions géantes.
L'ouverture de la Chine suite à son adhésion
à l'OMC a durablement fait évoluer le marché international
des métaux de bases, aussi bien sur la demande, l'offre, la consommation
et largement contribué à remodeler et son environnement
concurrentiel.
Le facteur « Chine » semble en effet le
critère dominant dans la consolidation rapide engagée par les
géants du secteur.
En raison des opportunités sans précédent
que la Chine représente désormais et de la hausse des cours
causée par entrée dans le commerce international, les leaders
mondiaux vont se lancer dans une course effrénée aux
acquisitions.
Pour expliquer cet entrain massif, les dirigeants des compagnies
impliqués expliquent leur optimisme à différents
égards. Persuadés que les prix vont rester haut, ils envisagent
des bénéfices de plus en plus importants qui leurs permettront de
rembourser l'endettement nécessaires aux acquisitions plus rapidement.
De plus, leur intérêt dans la création d'oligopole est
clair : une telle structure de marché permet aux survivants de
contrôler leur marché et avoir ainsi plus d'amplitude dans la
fixation des prix.
Au début des années 2000, le volume des
fusions-acquisitions entre compagnies impliquées dans le secteur
minier est relativement bas et stagne; Cependant, les années
suivantes vont voir le nombre de rapprochement exploser en raison de la
consolidation nécessaire pour répondre de la manière la
plus compétitive à l'ogre Chinois.
Une étude annuelle de Price Water House Coopers
caractérise les mouvements de consolidations engagés dans
l'industrie minière :
A partir de 2005 le nombre de deals va exploser, aussi bien en
nombre qu'en valeur ; Alors que le nombre de transactions
s'élève à 735, pour une valeur globale de près de
70 milliards de dollars, en 2006 le nombre d'opération augmente de 35%
pour une valeur presque doublée à 133 milliards. La valeur
moyenne de ces transactions a également explosé en augmentant de
près de 60% en une année. Les marchés des métaux
connaissent alors une flambée des cours
Le cours de l'aluminium a par exemple plus que doublé
entre 2003 et 2007, poussant les groupes miniers s'engager dans des politiques
de croissances externes.
En 2007, la progression est d'autant plus spectaculaire avec des
nouveaux records en nombre et en valeur ; Le nombre de deal augmente de
70% à plus de 1730, pour une valeur totale de 160 milliards de dollars,
en hausse de 20% par rapport à 2006.
Le marché est tiré par une vague
d'opérations gigantesque destinées à créer des
géants mondiaux.
Ainsi, le premier mouvement majeur est le rapprochement
opéré en 2001 entre BHP, multinationale australienne et Billiton,
géant minier anglais. Cette fusion crée le plus grand groupe
minier au monde.
Cette fusion géante est le premier signe du
phénomène de globalisation de l'industrie minière, Elle va
provoquer une hausse des cours en raison de la validation par les entreprises
des prévisions d'explosion de la demande à moyen terme.
Cette stratégie est validée, et permet 4 ans plus
tard à BHP Billiton d'étendre encore son influence en
rachetant pour plus de 7 milliards de dollars WMC Ressources, un groupe minier
australien. L'activité de BHP Billiton est alors extrêmement
diversifiée : le groupe possède aussi bien des mines de
diamants, de métaux de base, d'aluminium, de charbon, d'acier, de
manganèse, en Australie, au Canada, en Afrique du Sud...
Ce rachat révèle les enjeux d'acquisitions massives
dans le secteur minier et la course à la taille critique qui permettent
d'éviter toute OPA hostile de la part d'un compétiteur plus gros.
Alors qu'en 2002 son chiffre d'affaires est de 17 milliards de
dollars, pour un bénéfice net de 1,1 milliards de dollars, le
volume d'activité de BHP Billiton en 2007 atteint les 47 milliards et
voit son profit dépasser les 13 milliards. Courant 2007, sa
capitalisation boursière est estimée à 165 milliards.
Entre temps d'autres compagnies se sont engagées dans des
batailles boursières pour être parer à l'extraordinaire
croissance potentielle Chinoise :
Alcan (Aluminium Company of
Canada), alors parmi les plus gros producteurs d'aluminium au
monde acquiert coup sur coup Algroup (groupe Suisse spécialisé
dans l'aluminium et les emballages) en 2001 et le groupe industriel
Français, Pechiney en 2003. Après ces deux acquisitions
géantes, son chiffre d'affaires triple presque pour atteindre 25
milliards de dollars et devient le 3e producteur mondial
d'aluminium. Son profit net augmente d'une année sur l'autre de
près de 30%. Ces éléments pourraient laisser penser que le
groupe est alors à l'abri d'une offre de rachat hostile, cependant, le
mouvement mondial de consolidation de l'industrie minière et du
métal est alors destiné à s'intensifier.
Ainsi, Alcoa (Aluminium Company
of America), lance en Mai 2007 une OPA hostile sur Alcan
à hauteur de 33 milliards d'euros, avec pour ambition de devenir le
numéro un mondial de l'aluminium, en détrônant le
russo-suisse Rusal, né en 2006 de la fusion de Rusal, Sual et de
Glencore.
La société trouve alors en Rio Tinto, un
géant Anglo-australien un « chevalier blanc ». Rio
Tinto voit en Alcan une cible privilégiée, qui lui permettrait de
se renforcer dans le cuivre, l'aluminium et l'acier, associés à
la croissance chinoise.
En Juillet, Alcan et la société anglo-australienne
Rio Tinto publient un communiqué de presse commun annonçant que
Rio Tinto « va formuler une offre recommandée sur Alcan,
entièrement en numéraire » de 101 dollars soit une surcote
de 62% par rapport au cours de Bourse d'Alcan ; Cette offre qui valorise
la compagnie à 38 milliards de dollars est acceptée à
l'unanimité par le Conseil d'administration.
En Octobre 2007, l'offre aboutit et l'entité Rio
Tinto-Alcan est crée. Le conglomérat devient le premier
producteur d'aluminium mondial.
Ces mouvements ont certes formés des géants
mondiaux, mais cela à également contribué à les
endetter lourdement. La flambée des prix a persuadé un temps que
ces investissements seront rentables à moyen terme, et peu alors parlent
de la formation d'une bulle.
Le rachat d'Alcan par Rio Tinto marque les premières
limites des ces politiques d'investissements massifs ; Endetté
à hauteur de 40 milliards de dollars, le nouveau géant se voit
contraint de gérer sa cinquantaine de filiale au cordeau.
Cependant, tirés par la croissance robuste de
l'économie mondiale, l'explosion de la demande provenant notamment des
pays émergents et la maigreur des stocks, les prix des métaux
atteignent des records absolus. Les entreprises sont poussées à
se rapprocher si elles veulent conserver leur place dans une industrie en phase
de mondialisation totale.
Pendant ces péripéties boursières, les cours
des métaux fluctuent deviennent très volatils : entre
février et Mai 2007 les cours du cuivre augmentent de 57% à plus
de 6000 euros la tonne, avant de rechuter de près de 30% les deux mois
suivants. Le métal rouge finira tout de même 2007 en hausse de
près de 10%. Les prix, du plomb, de l'étain ou du zinc affichent
alors des records, motivant des rapprochements.
Les velléités d'expansion des compagnies
minières se poursuivent donc avec notamment comme pic les rumeurs
persistantes d'une volonté de rachat de Rio Tinto par BHP Billiton.
Ainsi, fin 2006, le brésilien CVRD s'est offert pour plus
de 13 milliards dollars le canadien Inco, devenant ainsi le deuxième
groupe minier mondial ; Et ce, seulement quelques mois après que le
suisse Xstrata (lui-même filiale géant Rusal) eut avalé
Falconbridge, au terme d'une bataille boursière avec le même Inco.
En mai 2007, le secteur a encore assisté à une
guerre de titans pour le contrôle du canadien LionOre. Le géant
russe Norilsk Nickel, premier producteur mondial, défie ainsi Xstrata en
surenchérissant, avec une offre de cinq milliards de dollars.
L'américain Freeport McMoRan Copper & Gold a
annoncé en novembre le rachat de son compatriote Phelps Dodge pour 25,9
milliards, une opération destiné à donner naissance au
premier groupe minier américain et au premier producteur de cuivre
coté au monde.
En décembre, l'australien Zinifex et le belge Umicore ont
annoncé leur mariage, devenant le nouveau numéro un mondial du
zinc.
En Novembre 2007, soit un mois après l'acquisition d'Alcan
par Rio Tinto, BHP Billiton annonce officiellement sa volonté de
racheter la toute nouvelle entité. Cette opération
présente un intérêt stratégique évident pour
BHP Billiton. Outre de renforcer et d'élargir ses positions sur les
principaux métaux (du minerai de fer au nickel, en passant par
l'aluminium), elle permettrait au groupe de générer 3,5 milliards
de dollars de résultats opérationnels supplémentaires en
sept ans. Pour convaincre les actionnaires de Rio Tinto, BHP Billiton a
également proposé un programme de rachat d'actions d'un montant
de 30 milliards de dollars. La société s'engage de plus à
refinancer les emprunts contractés par Rio Tinto pour le rachat d'Alcan.
Au total la première compagnie minière mondiale déclare
qu'elle offre 147 milliards de dollars pour acquérir le troisième
groupe minier mondial, soit la 3e plus grosse acquisition de
l'histoire.
Face à cette situation, les commissions de concurrence
s'alarment de voir la possibilité de rapprochement entre le leader
mondial et le 3e ; Si elle devait aboutir, la fusion BHP/Rio donnerait
naissance à un mastodonte qui contrôlerait plus du quart du
marché mondial du minerai de fer et serait l'aboutissement de la
consolidation du secteur en formant un groupe exploitant quasiment tous les
métaux à l'échelle mondiale.
Des contestations émanent des autorités chinoises
qui craignent de voir l'union de deux entreprises produisant des
matières essentielles à son développement.
Rio Tinto rejette sans appel l'offre en s'estimant largement sous
évalué ; Afin de contrer l'offre, le groupe visé
annonce des investissements supplémentaires dans des exploitations
minières en Australie et en Afrique du Sud et promet une politique
actionnariale généreuse.
En Europe, des sidérurgistes demandent à la
Commission Européenne de prévoir des mesures de rétorsion
en cas de position dominante. L'Union Européenne donne un avis
négatif quant à la fusion, mais BHP maintient son offre.
En Novembre 2008, la crise financière se propage, devenant
une crise globale et dans un contexte de détérioration du climat
économique et de baisse des cours des matières premières,
BHP retire son offre.
La consolidation du secteur semble donc devoir freiner pour un
temps après avoir vu la bulle des prix des métaux exploser.
Cependant la crise financière va représenter pour
certains l'occasion unique de prendre des positions inaccessibles jusque la,
notamment pour des compagnies de pays émergents, qui pour leur
développement ont besoin de garantir une production propre.
II.2 La montée en puissance des compagnies
minières Chinoises
En tant que premier consommateur d'aluminium, de cuivre, de zinc
et de la plupart des métaux de base, l'empire du Milieu va lui
même prendre une position de plus en plus influente dans le marché
mondial du métal, en s'affirmant comme producteur.
Les entreprises Chinoises bénéficient de plusieurs
avantages structurels qui leur permettent de se placer en position favorable
dans la concurrence mondiale de l'industrie minière.
Comme toutes les entreprises Chinoises opérant sur des
marchés stratégiques, ces entités appartiennent, sont
gérées et financées par l'état. Celui-ci disposant
de réserves colossales, et prêt à renforcer le paysage
concurrentiel, a investi massivement pour créer des champions nationaux.
La Chine se voit obliger de structurer des industries stratégiques et
l'état réserve une large part de ses achats en métaux de
base auprès des compagnies qu'il a crée de toutes pièces.
Ces bouleversements s'accompagnent de revers sociaux parfois graves.
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