I.II Les nouveaux acteurs du London Metal Exchange
A l'origine le LME avait pour unique but d'offrir une couverture
aux producteurs et acheteurs de métaux ; Avec des progrès
technologiques qui rendent les transactions de plus en plus transparentes et la
financiarisation globale de l'économie dans les années 80, le LME
a vu apparaitre de nouveaux acteurs, qui, ayant pourtant une activité
hors-métaux, ont pris une part croissante dans le volume du LME. Le LME
n'est plus alors un marché réservé aux producteurs ou
acheteurs mais s'étend aux purs investisseurs.
Ces investisseurs sont à la fois des filiales de groupes
producteurs, qui en raison de leur connaissance du marché choisissent de
se positionner sur ce nouveau débouché, ou bien des filiales de
grandes banques d'investissement qui mettent au point des modèles pour
pouvoir maximiser leur gains sur ce qui est au départ un simple
marché de couverture.
Un fait exprimant cette évolution est la composition du la
Clearing House (chambre de compensation) du LME : Au nombre de 12, la
plupart des membres ne sont plus des producteurs comme autrefois mais des
banques et des sociétés d'investissements
spécialisés, dénotant de l'influence de ces nouveaux
acteurs sur le marché.
Depuis l'envolée des cours sur certaines
commodités, l'introduction des matières premières en
général, et de titres « métaux » en
particulier dans le portefeuille d'actifs est devenue une source non
négligeable de diversification des risques.
La perspective de hausse continue des cours avec la demande
croissante des pays en développement, notamment asiatiques, a conduit
un nombre non négligeable d'investisseurs à placer une part de
leurs avoirs sur ces marchés : Les matières
premières, au même titre que les actions et les obligations sont
devenues une classe d'actif à part entière.
Même si selon certains experts, les principaux
investisseurs sur les marchés des matières premières, que
sont les fonds de pension et les hedge funds, n'investissent qu'une part
modeste de leurs avoirs sur les commodités (moins de 5%), l'importance
des fonds qui y sont placé peut avoir un impact non négligeable
sur l'évolution des cours sur ces marchés. Selon une note de
Citigroup, les positions dites spéculatives de ces fonds de placement
auraient triplé entre 2005 et 2007.
Rien qu'en 2006, l'intervention des fonds de pension sur les
marchés des commodités auraient représenté une
injection nette de 29 milliards de dollars faisant croître les craintes
de bulles spéculatives sur certains marchés, notamment sur les
marchés des métaux.
Un autre phénomène qui expliquerait cet engouement
croissant pour les matières premières, est l'apparition sur les
marchés des commodités de divers fonds de placement,
plaçant une large part des fonds levés dans le
« papier » métal. Ces fonds de placements ont fait
abondé des capitaux sur le marché de couverture à terme
des métaux, en n'ayant qu'une visée purement spéculative.
Selon Goldman Sachs, les capitaux investis dans ces fonds auraient atteint 70
milliards de dollars en 2005, contre seulement 15 milliards de dollars fin
2003.
Vu l'importance des capitaux qui sont investis par ces fonds de
pension sur les marchés des commodités, il est tout à fait
légitime de se poser la question de l'impact de ces flux
spéculative sur les prix des matières premières.
Cependant, il est vrai que la spéculation sur les
marchés des métaux ne peut pas à elle seule expliquer la
forte hausse des prix. Il existe en effet une étroite corrélation
entre l'évolution des fondamentaux et l'ampleur de la
spéculation. En période de demande stable et d'offre suffisante,
les prix sur les marchés des commodités fluctuent de
manière limitée, ce qui diminue les possibilités de gain
des spéculateurs et donc limitent l'ampleur de la spéculation.
Inversement, lorsque les marchés sont tendus,
c'est-à-dire en période de demande croissante et d'offre
insuffisante, les prix des commodités fluctuent alors de manière
importante, ce qui multiplie les opportunités de spéculation.
Néanmoins sur certains marchés, la composante
spéculative rejoint, par son influence sur les prix des
commodités, les autres déterminants fondamentaux des prix des
produits de base à savoir l'équilibre entre les offres et les
demandes et les variations de taux de change.
Le marché des métaux est ainsi amené
à muter non plus en fonction de la demande réelle de marchandises
mais en fonction du positionnement et de l'activité de nouveaux acteurs.
Il est cependant important de noter que le marché des métaux n'a
pas été le seul à connaitre cette évolution ;
les commodities dans leur ensemble ont vu « l'intrusion »
d'investisseurs indépendants, voire de purs spéculateurs. La
présence de ces nouveaux intervenants suit une évolution de fond
de l'économie globale, mais cette financiarisation peut
déconnecter le cours des métaux de leurs fondamentaux.
Il est intéressant d'essayer de mesurer l'impact de ces
intervenants extérieurs en se basant sur l'évolution des cours
depuis 2006, pour avoir une vision d'avant et après l'éclatement
de la crise.
Pour appréhender cette part de spéculation, nous
pouvons nous baser sur les fondamentaux de fixations de prix : l'offre et
la demande. L'offre est caractérisée dans le cadre du LME par
l'état de ses stocks ; Dans un environnement économique
sain, ou la croissance est régulière (comme c'est le cas entre
2006 et 2008) une baisse des stocks conduit à une hausse des prix,
tandis qu'une hausse du stock provoque une baisse du prix.
Les variables qui sont à l'origine de ces fluctuations
sont liées à des critères macro économiques et
peuvent être diverses et variées ; par exemple une annonce du
gouvernement Chinois concernant un nouveau plan d'investissement (Janvier
2009), une grève prolongée dans une mine Zambienne (Avril 2008)
ou bien une fermeture d'usines suite a des difficultés
économiques (Venezuela, Décembre 2008).
Or il apparait des irrégularités dans ce qui
devrait être une simple résultante offre-demande.
Courant 2008 et début 2009, le prix des métaux
(notamment du Cuivre et du Zinc) et le niveau des stocks évoluent de
façon similaires ; En février et Juin 2008, par exemple ainsi
qu'en Janvier 2009, alors que les stocks augmentent fortement, les prix contre
toute logique sont tirés à la hausse ;
Des hedges funds spécialisés dans les
commodités et autres sociétés d'investissement font
abonder leur capitaux sur le marché à terme et ainsi fluctuer les
cours à la manière d'un marché boursier sur ce qui est au
départ un marché de couverture. Au jour le jour, les mouvements
des prix remettent en question le fonctionnement du marché à
terme en l'empêchant de jouer son rôle d'assureur contre les
variations futures des cours.
Le LME est devenu depuis quelques années un marché
avant tout spéculatif. La part des marchandises effectivement
livrées suite à l'établissement d'un contrat sur le LME
est tombée à moins de 1%.
Fin Avril 2008, au coeur de l'envolée irrationnelle du
cours du cuivre, le CFCT (Commodities Futures Trading Commission), qui est
chargée de réguler le marché des contrats à terme
sur les matières premières sous entend que de plus en plus de
fonds spéculatifs interviennent de façon massive sur le
marché des métaux faisant grimper les prix de façon
irrationnelle, en annonçant des « prises de positions longues
(achats) en hausse de 27% en une semaine » : les marchés
financiers étant orienté à la baisse, des
spéculateurs se sont réfugiés dans le commerce des
matières premières, notamment le pétrole et les produits
agricoles, amplifiant artificiellement la hausse des cours
De plus, le CFTC dénonce la prise par certains gros fonds
spéculatifs de positions à l'achat sur le cuivre, couplée
avec un achat physique de métaux directement aux usines afin de faire
grimper les cours et de gagner sur les 2 tableaux.
La spéculation et le rôle des fonds
spéculatifs sur le marché des métaux, bien que souvent
évoquée par les compagnies indépendantes de négoce
et les producteurs prend alors une toute autre forme. Le cours du cuivre
s'éloigne de ses fondamentaux.
L'activisme des fonds spéculatifs sur le LME est
particulièrement à partir de 2005/2006. Leur part du volume
d'échange s'accroit rapidement pour atteindre près de 70% fin
2006. L'objectif de ces hedges funds Cette évolution entraine une
certaine défiance de la part des intervenants traditionnels qui
cherchaient originellement à se couvrir. Les professionnels de
l'industrie des métaux notent une part de plus en plus important de la
spéculation dans la fixation des cours, les décorrellant de
l'économie réelle.
Le graphique ci-dessus, est construit d'après des
données recueillies auprès de MF Global, un des membres de la
chambre de compensation du London Metal Exchange.
I.II.2 La spéculation dans la fixation des
cours : L'analyse du BME
Si la crise « rabat » les cartes et entraine des
changements inévitables quant à la structure du marché,
l'impact de la spéculation et de l'intervention d'operateurs
extérieurs suscitait un vif débat lors de l'explosion du prix des
métaux.
Au départ peu évoquée, la spéculation
prend de plus en plus de place dans l'esprit des analystes et
économistes pour expliquer la flambée des prix.
D'après le Bloomsbury Minerals Economics (BME), un
institut phare d'analyse des prix du métal, qui s'attache à
décomposer l'influence des différentes composantes dans le prix,
les fonds d'investissement qui misent sur les indices des matières
premières sont devenus un élément structurel de la
formation des cours des principaux métaux cotés par le London
Metal Exchange.
Le BME, intègre ainsi officiellement l'influence du
facteur « Fonds » dans son analyse de l'évolution du prix.
Comme mentionné plus haut, le prix du métal
était auparavant fixé par 3 critères fondamentaux: le
cycle des stocks officiels de métal physique du LME, le cycle de la
production industrielle, fortement corrélé à
l'évolution de la demande en métaux, et la variable des taux de
change. L'effort de ces fonds s'est accru depuis 2006, et rend donc
incontournable l'influence de ses intervenants dans l'établissement des
cours.
Les fonds d'investissements ont entre la fin 2007 et la mi-2008,
entre 110 et 118 milliards d'euros investis sur le LME. Selon le BME,
En 2007 et début 2008, le critère « fonds
» pèse davantage que le cycle de la demande et du niveau du dollar.
Dans la formation des prix du cuivre et du nickel, les fonds indiciels comptent
autant que le dollar. Dans la fixation des cours du plomb, ils interviennent
à la dernière place. Mais son marché est nettement moins
capitalisé que les trois précédents. Seul l'étain
échappe complètement à l'emprise des fonds, mais son
marché affiche les volumes négociés les plus modestes du
LME.
Cette spéculation est d'autant plus significative qu'elle
s'entretient ; d'après Peter Hollands, le Directeur
Général du BME, la présence de plus en plus importante de
fonds spéculatifs sur les marchés de métaux maintient les
cours élevés et attirent ainsi de nouveaux investisseurs.
La spéculation a clairement eu un rôle à
jouer dans la flambée des cours de ces dernières années,
et la chute s'est faite doublement ressentir. Tout d'abord car de nombreuses
institutions financières qui contribuaient à maintenir les cours
élevés se sont effondrées, et que les capitaux des
survivantes ont fondus ; La crise, au départ spécifiquement
financière, a ensuite rapidement frappé de plein fouet
l'économie réelle, ou les fondamentaux
« véritables » de la fixation du prix du
métal ont été atteint.
La spéculation n'a non pas entraîné la hausse
des cours, mais est responsable d'avoir maintenu ces hausse un niveau
élevé. La spéculation, entraîné par des
tensions sur les fondamentaux empêche les cours de retrouver un niveau
normal.
Cette flambée des cours des métaux a
contribué à transformer et à faire évoluer
durablement le secteur minier, notamment en raison de la Chine.
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