CONCLUSION GENERALE
A quoi tient l'échec du droit et du politique
à garantir efficacement les droits de l'enfant au Tchad ? Telle est
la question centrale qui a conduit à la rédaction de ce
mémoire.
En effet, à travers cette interrogation, nous voulons
cerner les éléments qui entravent la pleine application des
droits de l'enfant au Tchad, alors même qu'il existe des textes nationaux
et internationaux auxquels le Tchad est partie. Et pour en arriver aux causes
nous nous sommes donnés un certain nombre de critères qui doivent
nous aider à les déceler.
En recherchant ces causes, il nous est apparu de prime
à bord que le contexte du pays contribue très fortement au non
respect des mesures de protection de l'enfance. Le contexte marqué par
l'instabilité politique fait que les gouvernants sont plus enclins
à résoudre les questions politiques voire militaires. Les efforts
sont concentrés sur la pérennité du régime à
travers la formation et le réarmement. Outre cette situation de guerre
permanente, l'état de pauvreté vient aggraver de manière
considérable la situation des enfants. Il est évident que les
droits de l'enfant ne peuvent trouver ancrage dans ce contexte. Qu'il s'agisse
de l'Etat ou de la société d'une manière
générale, l'accent est davantage mis sur la survie. On en vient
à se demander si les droits de l'enfant ne seraient pas un luxe.
A ce contexte peu favorable viennent se greffer les questions
techniques telles la législation, les moyens matériels, humains
et budgétaires.
Les questions techniques se résument en premier lieu
à la législation. L'analyse des lois et règlements
nationaux par rapport aux conventions internationales nous a permis de
comprendre qu'il existe un fossé entre les normes nationales et
internationales. Ce fossé se traduit par une contradiction. L'Etat n'a
pas toujours procédé à la modification de son droit
interne, comme le veut le droit international, pour favoriser une application
effective et efficiente des normes internationales des droits de l'enfant qu'il
a souscrit. Ce fossé résulte aussi de la vieillesse des textes
nationaux, très épars dans le domaine de la protection de
l'enfant. Puis viennent les questions de dotations matérielles, humaines
et budgétaires. La traduction concrète des droits de l'enfant
dépend particulièrement des moyens que l'Etat déploie pour
assurer sa mise en oeuvre. Or il nous est apparu, à travers l'analyse,
que de grandes difficultés subsistent dans le domaine des dispositifs
administratifs (manques de structures d'accueil des enfants, de salles classes,
de centres de santé, etc.). Les moyens humains sont en sous nombre
par rapport à la difficile mission d'assurer la protection des enfants.
Et ce sous nombre n'est pas suffisamment bien qualifié pour
réellement contribuer à une bonne application des droits de
l'enfant. De plus les pouvoirs n'accordent pas assez de lignes de
crédits budgétaires à la réalisation des droits de
l'enfant.
Par ailleurs, la difficulté que rencontre l'application
les mesures de protection de l'enfance s'explique aussi par la persistance des
barrières socioculturelles. Une des difficultés majeures
réside dans la considération de la société
tchadienne de l'enfant. Ces considérations sont à l'origine de la
non appropriation et l'intégration par la société des
droits de l'enfant. Elle considère que ces droits sont une
manière étrangère de voir l'enfant et ne correspond
à aucune des valeurs qui lui sont propres.
L'enfant se trouve, s'agissant du respect de ses droits, dans
une double situation d'orphelin, car ni les pouvoirs publics ni la
société ne veulent lui donner les moyens dont il a besoin pour
son plein épanouissement.
Ce travail nous a permis de saisir les raisons qui expliquent
l'échec du politique et du droit à garantir efficacement les
droits de l'enfant au Tchad, mais il n'a pas pu cerner tous les angles de la
question. Il gagnerait en apport si l'angle de la participation des
organisations de la société et de la coopération
internationale avait été abordée. Cet angle aurait pu nous
fournir bien des éléments qui contribuent à la protection
de l'enfant nonobstant les difficultés liées au contexte et aux
questions techniques. Aussi faut-il souligner que ce travail gagnerait
davantage si une enquête de terrain avait été
réalisée pour savoir si les enfants eux- mêmes ont
connaissances des droits qu'ils disposent et qu'ils peuvent revendiquer vis
à vis de la société.
Au demeurant, ce travail nous a permis de savoir qu'il ne
suffit pas uniquement de promulguer les lois ou de ratifier les conventions
internationales pour conclure à leur application. Il faut aussi avoir
une volonté de traduire ces droits de manière à les rendre
justiciables. Cette traduction peut se faire à travers
l'élaboration d'un Code de l'enfant afin de réunir la
législation concernant l'enfant pour faciliter son application. Il
serait aussi judicieux de promulguer le projet Code de la Famille (resté
dans les tiroirs depuis 2000) en modifiant certaines de ces dispositions qui
restent encore contradictoires avec les obligations internationales
contractées par le Tchad.
Le Tchad aurait aussi à gagner en modernisant ses
structures en charge de la protection de l'enfance, et en créant de
nouvelles avec des moyens financiers, techniques et humains suffisants pour
assurer la protection de l'enfance. Il importe aussi qu'un travail de
sensibilisation, d'information et de formation soit fait pour permettre
à la population de se rendre compte de l'importance des droits de
l'enfant afin d'assurer leur protection.
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