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L'applicabilté des conventions internationales relatives au droit de l'enfant au Tchad

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par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique de Lyon - Master 2 Recherche Fondements des droits de l'homme 2007
  

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DEUXIEME PARTIE : L'EFFECTIVITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANCE

Dans cette partie, il sera question de faire une analyse, à l'aide des critères dégagés dans le chapitre premier de la première partie, des lois, us et coutumes tchadiennes de protection de l'enfance en rapport avec les Conventions relatives au droit de l'enfant (CHAPITRE III). Cette analyse a pour ambition de montrer les lacunes qui peuvent être à l'origine du non respect des droits de l'enfant.

Elle permettra aussi de porter un regard sur les dispositifs administratifs ainsi que les moyens matériels, financiers et humains dégagés par l'Etat (CHAPITRE IV) pour permettre aux enfants de jouir des droits issus des conventions internationales. L'accent sera davantage mis sur les carences des moyens.

CHAPITRE III : L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR RAPPORT AUX NORMES INTEde RNATIONALES

Dans ce chapitre, nous ferons un état des lieux d`effectivité, c'est-à-dire l'appréciation rapportée aux normes internationales de protection de l'enfance. Cette appréciation se fera essentiellement sur les lois tchadiennes portant sur la protection de l'enfant aux normes du droit international, qu'ils s'agissent des normes régionales ou universelles (Section I) mais aussi des normes traditionnelles, des us et coutumes (section II) de l'autre.

Section I : Les lois tchadiennes et les normes du droit international de protection des droits de l'enfant

Afin de donner effet aux obligations conventionnelles en matière de protection des droits de l'enfant, le Tchad doit harmoniser les lois pour qu'elles ne soient pas en contradiction avec ses engagements internationaux.

Or, force est de constater qu'il existe un fossé entre les lois nationales et celles issues des obligations conventionnelles contractées par le Tchad. Ce fossé se retrouve aisément à travers le hiatus des lois garantissant les droits civils et politiques (§1) d'un côté et, de l'autre des droits économiques, sociaux et culturels (§2).

§1- L'écart entre les lois et les normes internationales

En analysant les lois tchadiennes qui garantissent les droits civils et politiques par rapport aux normes internationales, de nombreux point d'achoppement apparaissent. Il s'agit tout d'abord de la définition de l'enfant et le droit à la vie qui constitue son attribut (A), ensuite de la liberté d'expression et d'opinion (B), et enfin du principe de l'égalité (C).

A. L'existence de la contradiction au niveau de la définition de l'enfant et du droit à la vie

L'être que l'on désigne par `enfant' se reconnaît par rapport à l'âge. Au regard du droit international, est considéré comme enfant « toute personne n'ayant pas atteint l'âge de dix huit ans »54(*). Pour la législation tchadienne, l'enfant est différemment défini suivant qu'il soit une fille ou un garçon. En effet, selon l'article 144 du Code Civil français de 1958 toujours en vigueur au Tchad, l'âge minimum de mariage est de 18 ans pour le garçon et de 15 pour la fille55(*). Cette différence instituée par la loi a des répercussions considérables sur la vie de l'enfant.

Que ce soit dans la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, dans la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant, ou dans les nombreux textes internationaux56(*) qui organisent et protègent l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant est toujours mis en exergue. Et comme l'indique clairement, à titre d'exemple, l'article 4 alinéa 1 de la CADE, « dans toute action concernant un enfant, entrepris par une quelconque personne ou autorité, l'intérêt supérieur de l'enfant sera la considération primordiale ». Cet intérêt supérieur ne peut se réaliser si le droit à la vie ne se trouve pas bafoué.

Constitutif du noyau dur des droits de l'homme, le droit à la vie est un droit intangible et constitue un attribut inaltérable de la personne humaine qui forme la valeur suprême dans l'échelle des droits de l'homme57(*). Il est consacré dans plusieurs textes internationaux58(*) .

Mais le droit à la vie n'a de sens que si les lois assurent le respect à l'intégrité physique. Or plusieurs dispositions législatives permettent de porter impunément atteinte à l'intégrité physique. Le Code Pénal, dans son article 252, parle volontiers de coups et blessures sans préciser ce qu'il entend par ces termes. Cette imprécision laisse le champs libre à la violence.

En effet, compte tenu du contexte tchadien marqué par des guerres civiles et une pauvreté accrue, l'enfant ne cesse de faire l'objet d'actes de violence. La violence est le lot commun dont souffre la majorité des enfants tchadiens, surtout ceux nécessitant des mesures spéciales de protection. Elle a tendance à être utilisée comme une forme d'éducation familiale et sociale de l'enfant.

Voir des enfants battus, ligotés pour des fautes parfois anodines est un triste spectacle hélas fréquent dans les familles - de la part des parent, des tuteurs ou des employeurs, dans les institutions d'accueil (notamment les mahadjirines59(*)), dans les écoles et les centres de détention, mais aussi dans la rue.

Banalisée, la violence finit par être assimilée par les enfants eux-mêmes qui l'exercent volontiers entre eux, mais aussi contre les adultes et les enseignants en particulier. Le lieu d'éducation aux valeurs positives que devrait être l'école se transforme par endroits en lieu de la culture de la violence.

En dépit de l'existence de la loi n°6 sur la santé de reproduction du 15 avril 2002 qui stipule dans son article 9 alinéa 2 que « toutes les formes de violences telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, les violences domestiques et les sévices sexuels sur la personne humaine sont interdites », l'excision continue d'être pratiquée sans aucune crainte.

Alors qu'aujourd'hui la communauté internationale de manière générale, et les organisations de défense des droits de l'homme en particulier, s'investissent pour éradiquer l'excision dans les pays où elle est encore pratiquée, au Tchad elle semble plutôt gagner du terrain.

Une bonne partie des communautés tchadiennes, qu'il s'agisse des communautés musulmanes et animistes, trouvent des justificatifs à la pratique de l'excision. Les données de 2004 indiquent que plus 45%60(*) des femmes au Tchad ont subi une mutilation génitale féminine. Il ressort de ce rapport que les mutilations sexuelles varient en fonction de la résidence et de l'appartenance ethnique. Ainsi, dans les zones de Batha, Salamat, Ouaddai, et Wadi Fira, 92% des femmes ont été excisées, contre 4% dans les zones du Borkou Ennedi Tibesti. La pratique reste aussi élevée dans les régions du Mandoul et du Moyen Chari avec 80%.

L'imprécision de la procédure pénale sur la répression de la violence permet aussi le développement de la violence sexuelle. Il ressort de l'étude sur les abus sexuels réalisée en 2002 par le Ministère de l'Action Sociale avec l'appui de l'UNICEF, que les cas d'abus sexuels sont rarement déclarés aux services officiels. De 1993 à 2002, seuls 155 cas d'abus sexuels et 24 cas d'exploitation sexuelle sont déclarés aux services officiels.

Cette même étude montre que les abus sexuels signalés touchent beaucoup plus les mineurs âgés de 13 à 15 ans (41,3%), la classe d'âge de 10 à 12 ans (25,8%), celle de 6 à 9 ans (15,5%) et enfin celle de 16 à 17 ans (12,9%). Il faut aussi observer que 94,8% des victimes sont des filles.

En effet, le flou qui existe d'abord dans la formulation des textes et la répression qui s'ensuit fait que certaines violations de l'intégrité physique de l'enfant passe pour un fait banal. Aujourd'hui plus qu'hier, en dépit de l'abondance des textes qui prohibent les atteintes à l'intégrité physique et surtout à la mutilation génitale, les filles continuent de connaître ce triste sort. Cette situation trouve son fondement dans la non transcription de cette pratique dans le Code Pénal. L'atteinte à l'intégrité corporelle telle que visée par la section 2 du chapitre premier du Titre V du Code Pénal, plus précisément l'article 253, évoque amputation, privation et mutilation beaucoup plus dans le sens de coups et blessures et non de mutilation génitale. C'est pourquoi cette violence faite à la fille perdure.

Au regard de cette description, il existe des textes61(*) qui interdisent tout châtiment corporel à tout citoyen. En ce qui concerne le mariage coutumier, l'article 277 du Code Pénal stipule que « la consommation d'un mariage coutumier avant que la fille n'ait atteint l'âge de treize ans est assimilable au viol et punie comme telle ». Cette disposition pose l'âge du mariage à treize ans. Donc, toutes les violences exercées sur les filles de treize à dix-huit ans pour les contraindre au mariage ne seront pas punies car légales.

Ce hiatus laisse libre cours au proxénétisme. Force est aussi de reconnaître que bien des actes assimilables aux violences ne sont expressément visés par les textes. On en voudra pour preuve la non prévision du harcèlement dans le dispositif du corpus pénal tchadien.

Par ailleurs, le fait que la loi opère une distinction entre l'âge légal de mariage d'une fille et d'un garçon, conduit à exclure bon nombre de filles de la protection.

Enfin, il n'existe aucune législation propre qui vise l'interdiction de la production, de la détention et de la diffusion de matériel pornographique. Le droit à la vie se trouve emprise par les diverses sortes de violences qui nuisent à son épanouissement.

Au demeurant, la question de l'adoption reste toujours régie par les dispositions du Code Civil français de 1958. Le projet de Code des personnes et de la famille qui contient des dispositions fortes intéressantes en faveur de la protection de l'enfant ne semble plus être aujourd'hui une priorité de l'Etat.

* 54 C'est la définition retenue par la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant. Cependant, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant retient aussi 18 ans, tout en admettant une possibilité que la majorité puisse être atteinte avant cet âge si la législation interne l'autorise.

* 55 Ceci nous paraît curieux car même le projet du Code des personnes et de la Famille élaboré en 2000 et non adopté n'a pas totalement corriger cette discrimination pour harmoniser l'âge. Pour le projet du Code, l'âge légal de mariage de la fille est fixé à 17ans contre 18 pour le garçon.

* 56 Nous citons à titre illustratif la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination ; la Convention sur les aspects civiles de l'enlèvement internationale d'enfants ; la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, etc.

* 57 CEDH, 22/03/2001Khin Calleuse

* 58 Voir les articles 6 de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant ; 5 de la CADE ; 6 du Pacte des Droits Civils et Politiques ; et 3 articles Communs aux quatre Conventions de Genève de 1949.

* 59 Enfants séparés de leurs familles et confiés à des marabouts pour l'apprentissage du coran dans des institutions Ad hoc ou en itinérantes.

* 60 UNICEF Rapport 2004, enfant santé, éducation, égalité. N'Djamena Inédit.

* 61 Article 18 de la Constitution, article 9 de la loi n°6 sur la santé de reproduction ou des articles 252 et 254 du Code Pénal.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault