Le risque pays dans le secteur bancaire( Télécharger le fichier original )par Mikael Lévy Ipag Paris - Master 1 2009 |
e) Matérialisation du risque18(*)Selon la typologie retenue nous distinguerons la perte d'actifs, la perte sur un marché à l'export, la perte de passifs, la perte de créances bancaires et l'atteinte ou à la liberté des personnels à l'étranger. Sinistres liés aux actifs Par ordre de gravité, on peut citer : - Les destructions ou les dégradations d'actifs. - -Les mains mises ou intervention de diverses natures sur les actifs par les gouvernements19(*). - Les atteintes au bon fonctionnement des filiales étrangères - Il peut concerner une partie ou la totalité d'une créance et affecter un exportateur, une banque ou un État. Non seulement les actifs mais aussi les passifs des bilans peuvent être affectées par le risque pays. On peut par exemple citer les retards de soutien financiers ou de participations qui que les réalisations sont en deçà des ambitions (Euratom). Ces désengagements peuvent faire chuter la valeur de marché des entreprises et affecter toutes leurs stratégies. Comptablement on peut, en cas de liquidation ou de cession de tout ou partie d'une participation dans une entreprise étrangère, réintégrer au compte de résultat l'écart de conversion figurant dans les capitaux propres. Mais cette entreprise est parfois affectée par plusieurs risques de change comme le risque de change de transaction, le risque de change de traduction et le risque de changé économique. Quant aux dettes, si leur niveau est trop élevé et que la firme désire néanmoins couvrir leur position, elle peut mettre en péril sa possibilité à honorer ses obligations. A l'inverse, le manque de précaution en matière de provisions ou d'assurance peut se révéler très vite catastrophique. L'importance de ces rubriques comptables et des précautions juridiques qui peuvent les accompagner sont d'ailleurs caractéristiques du management de nombreuses sociétés présentes sur les marchés à l'exportation. Sinistre sur les marchés à l'export : Il s'agit essentiellement de la perte de marchés étrangers. Elle fait généralement suite à des restrictions à l'exportation (elle est alors causée par le pays d'origine de l'entreprise et concerne les produits dits « sensibles » ou de pays soumis à un boycott), des restrictions à l'importation (politiques protectionniste dans le pays d'accueil ou boycott à l'égard du pays d'origine) ou des événements politique locaux. Les restrictions à l'exportation sont nombreuses et peuvent faire perdre des marchés suite aux révolutions (iranienne ou crise algérienne) , aux volontés de sécurité sanitaire ou alimentaire. De plus, certaines restrictions se font en légiférant comme en 1996 aux USA pour interdire l'exportation de logiciels cryptographiques ou en levant des fonds en France pour préserver nos technologies sensibles (contrôle pour que OPA ou Investissements étrangers soient mieux contrôlés pour technologies sensibles touchant sécurité et défense), en rehaussant les taxes d'exportation des produits pétroliers en Russie, voire en imposant des contingents (avec les quotas russes de réexportations de caviar du Turkménistan avant 2000 ou du pétrole par l'OPEP). Une forme plus insidieuse de sinistre de ce type est constituée par l'appel injustifié de cautions qui peut créer des difficultés financières importantes aux sociétés exportatrices. Enfin, la concurrence, en offrant de meilleurs rapport qualité prix, peut déstabiliser totalement les débouchés habituels ou attendus par des entreprises exportatrices. Sinistres touchant la liberté ou la santé des personnes à l'étranger Lorsqu'on s'en prend à l'entreprise, des déstabilisations peuvent concerner tout ou partie du personnel implanté dans un pays étranger et toucher plus particulièrement la hiérarchie, ce qui peut être lourd de conséquences : restrictions des libertés, chantages, séquestration kidnapping, blessures, mort violente.. On ne saurait oublier la plus grande dépendance aux risques des personnels en pays étranger. C'est la raison pour laquelle sont offerts aux expatriés de nombreuses primes ou dispositions propres à l'expatriation. Aussi certaines entreprises implantées à l'étranger et devant faire face à des risques prononcées peuvent tenter de se protéger par des couvertures « locales » (comme les entreprises françaises lors de la guerre civile au Congo Brazzaville pour protéger leurs employés) ou international (comme la firme Total en Birmanie), voie s'attacher les services de sociétés comme Kroll Associates pour les kidnappings plus particulièrement à Mexico. Cette prise en compte de risques extrêmes peut créer de lourdes tensions au sein des entreprises concernées. Exposition au risque pays et au risque de l'opérateur La manière d'appréhender l'exposition au risque pays et d'en mesurer les conséquences dépend de la nature de l'opérateur et des opérations concernées ; On distinguera ainsi l'exposition commerciale d'un exportateur, celle d'un industriel qui s'implante à l'étranger et celle d'un banquier par rapport à son portefeuille de créances internationales. On examine ici le risque lié à une activité commerciale internationale. Dans ce cadre, De Leersnyder (2001) a proposé une typologie des risques commerciaux en fonction des évolutions socio économiques et sociopolitiques. Nous développerons les risques liés aux évolutions socio-économiques, aux changements sociopolitiques et aux conflits commerciaux. Risques liés aux évolutions socio économiques L'exposition commerciale fait apparaitre des risques induits par la mondialisation ou les nouvelles technologies de transferts d'information. Risques induits par la mondialisation Concernant les implantations ou les présences commerciales dans un pays étranger, on doit expliciter les facteurs à prendre plus particulièrement en compte : - la pauvreté du pays d'accueil - le risque culturel dans des aspects culturels vient faire obstacle à l'entreprise - le risque ethnique, quand une politique de communication ou lorsqu'un produit vient heurter l'éthique d'une population. Risques induits par le commerce électronique des échanges La place des technologies « Internet » affecte aussi grandement la façon dont les entreprises peuvent gérer leurs exportations commerciales. La valeur d'un site Internet dépend très étroitement du nombre de visiteur du site. Pour une société traditionnelle le risque commercial est un risque d'invendu, pour une société de la nouvelle économie le risque commercial prend la forme d'un risque de visites trop faibles. Donc le risque pays s'explique ici par un risque d'intelligence économique. Risques liés aux conflits commerciaux Le risque commercial est considéré comme le risque que représente le non paiement par un acheteur du secteur privé en raison d'un défaut de paiement, une insolvabilité, une résiliation temporaire ou totale d'un contrat ou encore un défaut de prendre livraison des marchandises expédiées conformément au contrat d'approvisionnement. On dénombre quatre sortes de conflits : l'accès au marché, à la défense commerciale, aux pratiques anticoncurrentielles et les conflits commerciaux d'origine géopolitique. - Les conflits liés à l'accès au marché peuvent avoir pour origine des obstacles tarifaires (bien qu'en régression les droits de douane sont encore présents) ou non tarifaires. Ces derniers, au gré de l'imagination des gouvernements, sont très nombreux et diversifiés : restrictions quantitatives unilatérales ou bilatérales (les fameuses RVE ou restrictions volontaires d'exportation), normes de toutes natures, mesures liées aux marchés publics. - Les conflits sont liés à la défense commerciale lorsque l'État propose des mesures de sauvegarde s'il juge que des importations peuvent désorganiser ses marchés intérieurs ou porter atteinte à la production nationale. - Les conflits liés aux pratiques antis concurrentielles sont de plus en plus important. On observe plusieurs types de dumping avec le développement d'une rhétorique antilibérale sur la mondialisation et l'Europe, auxquels s'ajoutent d'autres pratiques :
Risques liées aux conditions sociopolitiques Ces risques proviennent généralement du comportement des dirigeants d'un pays ou d'une région qui peuvent interdire tout ou partie du transfert de marchandises ou de fonds (c'est « le fait du prince »). Les raisons en sont multiples et nous en retiendrons principalement deux. - Un premier risque commercial lié à la géopolitique apparait des que des actions de diplomatie politique viennent biaiser le jeu concurrentiel et le second, un risque commercial lié à la modification des espaces commerciaux qui ne sont plus nationaux, on voit apparaitre des regroupements régionaux plus vastes ainsi que des espaces commerciaux autonomes (espaces techniques, cyberespace, espaces financiers). Parfois, cette mondialisation s'accompagne d'une baisse de la durée de vie des marchés, de l'apparition de bulles financières, voire d'une modification des règles de marché pour protéger les intérêts directs que prend un pays dans certaines sociétés. - Il existe aussi un risque juridique lié à la géopolitique. Ce risque peut prendre deux formes : les sanctions économiques et les changements de réglementation. Enfin la mondialisation n'entraine pas une disparition de la réglementation, celle-ci change simplement de dimension, ainsi on ne peut pas dire que l'intégration européenne fait disparaitre la réglementation, bien au contraire. Le risque industriel peut être défini comme un événement accidentel conduisant à de graves conséquences sur les personnes, les biens ou l'environnement. Ce risque peut provenir de plusieurs causes comme la mauvaise gestion de la sécurité, la malveillance ou un élément exceptionnel (catastrophe naturelle, chute d'avions...). Nous distinguerons l'exposition industrielle d'un projet industriel de celle d'une filiale avant de présenter l'exposition de la firme à la concurrence mondiale. L'exposition d'un projet industriel Il s'agit de projets industriels comme par exemple un grand chantier dans lesquels une entreprise est maitre d'oeuvre ou maitre d'ouvrage. L'exposition d'une filiale Son importance stratégique pour le pays d'accueil : plus un investissement apparait important pour l'indépendance et la puissance économique et politique du pays d'accueil, plus le risque politiqua de nationalisation ou d'une participation majoritaire augment. Le degré de complexité des activités de la filiale. Cette complexité peut être relative à la technologie, au savoir faire ou au degré d'imbrication de la filiale dans un système international de production. Plus ce degré est élevé, plus le risque est faible. Les caractéristiques de l'investisseur : nationalité, ancienneté de la présence, comportement passé et présent, liens locaux... L'exposition d'une firme dans une concurrence mondiale La plupart des entreprises évoluent dans un contexte mondial dominé par les idées libérales de libre concurrence. L'une des conséquences de la conjonction de la mondialisation et du libéralisme est que la concurrence s'est exacerbée. Des lors, la notion de performance devient cruciale et concerne tous les aspects de la vie d'entreprise. Aujourd'hui il n'est plus question de choisir entre une domination par les prix (l'avantage concurrentiel est obtenu en ayant des couts inférieurs à ceux de la concurrence), la différenciation (l'avantage concurrentiel est obtenu en différenciant son produit de celui de la concurrence) ou la focalisation ( qui repose sur l'idée que l'entreprise sur un segment a une plus forte rentabilité que celle de ses concurrents et recherche donc une stratégie de « niche ») comme l'exposait Porter (1998). En effet, la réalité montre que son idée qu'une entreprise qui risque de s'enliser dans la voie médiane en n'appliquant pas l'une de ces trois stratégies est démentie. On est rentré dans l'ère du compromis entre le prix et la différenciation (selon Kerbache et Bruel, 2004). Risques liés à la préférence des fournisseurs étrangers Les risques souvent encourus pour des raisons de prix concernent de nombreux facteurs comme une moindre qualité, des délais d'approvisionnement allongés et aléatoires, la difficulté à faire respecter les termes des contrats. Risques liés aux délocalisations pour raison de couts Ils sont nombreux, le faible du cout de la main d'oeuvre étant souvent assortie d'un certain nombre d'inconvénient qui peuvent caractériser les risques d'implantation à l'étranger. Les risques liés aux aléas des transports : Les risques liés au transport de longue distance se sont accrus et fortement diversifiés. Il s'agit des risques de perte de marchandises, des avaries, des retards, qui sont plus importants dans le transport international que dans le transport de courte distance. Détermination des provisions pour risque-pays20(*) Les organes de contrôle bancaire de nombreux pays exigent par ailleurs que les banques provisionnent les créances à raison du montant dont le recouvrement leur parait peu probable ; Le troisième enjeu essentiel de l'étude du risque pays dans le secteur bancaire est donc la détermination des provisions à constituer sur les créances internationales. Concrètement la commission bancaire et financière établit chaque semestre la liste des pays devant obligatoirement faire l'objet de provision. Ces pays sont répartis en quatre catégories (classes) de risques, qui correspondent chacune à une fourchette déterminée de coefficients de couverture minimaux. La banque doit également constituer des provisions plus importantes si elle estime qu'elle encourt personnellement sur le pays en question justifie un niveau de couverture plus élevé. * 18 Évaluation du RP : Méthodes et cas d'application * 19 Plus récemment, le scandale « Pétrole contre nourriture » en Irak qui éclabousse d'opprobre certain entreprises dans le cinquième rapport de la commission d'enquête indépendant de l'ONU. * 20 Le risque pays dans le secteur bancaire ; Approche multicritère François Gilbart Academia Bruylant |
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