2 2.1 LA
COMMUNICATION
Dès lors que nous utilisons la notion de communication
nous sommes dans la nécessité de la clarifier.
Ce terme est en effet polysémique. Il porte en lui
plusieurs définitions selon que l'on s'interroge sur le processus de
communication ou sur un ou plusieurs éléments de ce processus
à savoir : sur les partenaires, sur le message ou bien sur les supports
de celui-ci. Ou bien encore si nous l'entendons comme "un système
à multiples canaux auquel l'acteur social participe à tout
instant qu'il le veuille ou non"1 En fait chaque
individu est membre actif d'un "orchestre".
Dans la première perspective c'est à dire
lorsque nous l'entendons comme processus, par définition nous faisons
appel à l'ensemble des caractéristiques de la communication,
c'est à dire non seulement l'émetteur mais aussi le
récepteur qui, par son "feed-back" inverse les rôles de l'un et
l'autre mais aussi le message. Le tout pris dans un ensemble cohérent.
On utilise d'ailleurs fréquemment pour désigner ce processus
l'expression "boucle de communication". Le processus est
entier, achevé, lorsque la boucle est bouclée
c'est à dire lorsque l'émetteur reçoit (en réponse
à son propre message) à son tour le "retour d'écoute" ou
"feed-back" (ou réaction). On parle de rupture de la communication
lorsque le processus est inachevé, interrompu.
1-G.BATESON et alii. La nouvelle communication (Y.
WINKIN en avant propos à).
Paris : Seuil, 1981.
"La communication est un terme irritant ajoute-t-il c'est un
invraisemblable fourre-tout, où l'on trouve des trains et des autobus,
des télégraphes et des chaînes de télévision,
des petits groupes de rencontre, des vases et des écluses".
La seconde perspective s'intéresse à l'un (ou
à plusieurs) des éléments du processus de communication.
Lorsque nous entendons la communication comme le message transporté nous
faisons référence à un système de signes
émis et à leur signification, mais aussi aux émetteurs
(source), aux récepteurs (destinataires) et à leurs
stratégies mutuelles.
Les supports de communication s'entendent comme les moyens par
lesquels les messages sont transmis. L'étude de ces moyens montre qu'ils
ont considérablement évolué et gagné de
façon exponentielle des sphères entières de populations
dans le monde.
A l'image de l'économie son pendant, la communication
est inégalement répartie et maîtrisée. (Quels
groupes pilotent INTERNET et qui sont ces dizaines de millions de consommateurs
qui y surfent ?)1
De même, son statut est diversement
apprécié selon les systèmes sociopolitiques.
C'est ce dont traite CHEVALDONNE dans son
ouvrage2 avec moult détails. Non seulement
il y a, dit-il, déséquilibre international dans l'information,
par ailleurs largement admis mais aussi des inégalités à
l'intérieur même de pays en "voie de développement".
Inégalités dans la réception dans la distribution, vite
expédiées par "les mass-médiologues" et utilisées
par eux comme un élément (une preuve) supplémentaire de
l'écart existant entre leur pays et les pays développés.
Celles ci ne peuvent donc leur être imputées.Eléments ou
preuves ces disparités se suffisent par elles mêmes.
Une des principales fonctions des "mass-médiologies"
écrit il est "d'empêcher que puissent être
constituées en objet d'étude les déterminations
concrètes de l'accès à la diffusion (quel problème
peut-il rester quand même les bergers ont le transistor.)".
En préface à l'étude de F.CHEVALDONNE,
J.C PASSERON appuie cette perception. Il écrit :
1-On comptait en janvier 1996, neuf millions et demi
d'ordinateurs reliés à INTERNET. Soit un total d'environ 55
millions d'utilisateurs surfeurs -on considère qu'il y a en
moyenne six utilisateurs pour un ordinateur- (Sources : NETWORK WIZARDS
citées par Arnaud DUFOUR "Que sais-je ?" N° 3073."
INTERNET". Paris : PUF, 1996.)
2-F.CHEVALDONNE : La communication
inégale : l'accès aux média dans les campagnes
algériennes. Paris CNRS, 1981. Cet ouvrage est issu de sa
thèse de 3° cycle "la communication inégale, facteurs de
différenciation quantitative dans la
réception des moyens modernes de diffusion.
Université Paris VIII, mai 1979.
"Dans la conversation des classes moyennes algériennes,
le lieu commun "même le berger a son transistor" dont l'évidence
triviale se renforce des échos idéologiques qu'elle
éveille, à l'infini, suffit le plus souvent à se rendre
quitte de questions embarrassantes sur les inégalités scolaires,
les monopoles d'information ou les
hétérogénéités culturelles".
Dans notre recherche nous nous intéresserons sur le
rapport qui lie une population particulière à une presse
particulière et traiterons de la communication ainsi que l'écrit
Erik NEVEU1 "comme une grille de lecture des
pratiques sociales".
Nous entendons traiter donc de la population algérienne
vivant en France et du type de relation qu'elle établit avec la presse
écrite algérienne disponible en France.
Quelle est la force de ce lien ? Comment les lecteurs
algériens l'expriment ils ? Comment et pourquoi cette population
algérienne "s'inscrit" dans un processus de communication dont la source
est essentiellement en Algérie.
"Il y a mille manières de lire, de voir,
d'écouter. (...) On peut sans doute mesurer au nombre et à la
taille des caractères, ou à la disposition des titres,
l'importance accordée à tel ou tel événement, mais
a-t-on le droit d'en inférer que le lecteur ait accordé à
cette information une importance proportionnelle aux millimètres
carrés qu'elle occupait dans le
journal ?»2.
L'algérien en France achète-t-il (lit-il) la
presse algérienne pour la lire c'est-à-dire pour s'informer ? Ou
bien juste pour la "regarder", la feuille, la posséder comme on
possède un objet, un bien auquel on tient pour ce qu'il
représente ?
Ou bien tout à la fois ? Lire, s'informer et montrer
(exhiber) qu'il lit un journal qui n'est pas d'ici, mais d'un ailleurs qui lui
est propre ? Qui lui appartient ?
1-E.NEVEU. Une société de
communication?.Paris : Monchrestien, 1994.p12.
2-P.BOURDIEU,J.C PASSERON. Sociologues des mythologies et
mythologies de sociologues in LES TEMPS MODERNES 12/1963, p998 à
1021.
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