Section 2 : Contrôle des règles de fond
Pour avoir une valeur légale, la transaction doit :
- être consentie librement par les deux
parties ;
- régler un ou des différends entre l'employeur
et le salarié ;
- contenir des concessions réciproques ;
- et avoir été conclue après la date de
notification du licenciement.
A- Un consentement libre et non
vicié
Comme dans tout contrat, le consentement demeure la condition
fondamentale. Il est exprimé à l'article 58 du Code des
Obligations Civiles et Commerciales (C.O.C.C.) : "il n'y a point de contrat
sans consentement de l'une ou l'autre partie".
Le consentement désigne la manifestation de
volonté de chacune des parties, le concours des deux volontés.
Chacune des parties doit consentir de manière libre et
éclairée.
Il faut tout d'abord avoir la capacité à
transiger. Cette capacité peut être définie comme
l'aptitude à avoir des droits et à pouvoir les exercer. En
principe, toute personne est capable sauf si la loi en dispose autrement.
Ensuite, il faut transiger sur ce qui est légal. La
transaction doit donc être conforme à l'ordre public et aux bonnes
moeurs. Il n'est pas de possibilités de transiger sur les
matières qui intéressent l'ordre public.
Enfin, le consentement devant conduire à transiger ne
doit pas être vicié. L'article 61 du C.O.C.C.
énumère les vices du consentement que sont : l'erreur, le dol et
la violence.
L'erreur commise à l'occasion de la transaction
réside dans l'idée fausse que se fait un contractant de tel ou
tel autre élément de celle-ci .C'est donc une fausse
appréciation de la réalité.
L'article 62 du C.O.C.C dispose que : "le contrat est nul
lorsque la volonté de l'un des contractants a été
déterminée par erreur". Toutefois, pour être retenue comme
vice du consentement, l'erreur doit revêtir un certain degré de
gravité : elle doit d'abord être déterminante
c'est-à-dire que sans elle les parties n'auraient pas transigé,
ensuite le motif qui a déterminé le contractant à
transiger doit être connu de l'autre partie.
Quant au dol, il s'analyse en une tromperie provoquée
à l'encontre de l'autre pour l'amener à donner son consentement.
Le dol se ramène donc à faire naître chez la victime une
erreur. Cependant, deux conditions sont exigées. La première est
un élément matériel : les artifices ou les manoeuvres
émanent du contractant. La seconde est un élément
intentionnel : la claire conscience que l'on a d'induire l'autre partie en
erreur.
Pour ce qui est de la violence, elle désigne la
pression ou la contrainte exercée sur la volonté d'une personne
pour l'amener à transiger. Elle peut être physique ou morale.
En définitive, nous retiendrons que la transaction
n'est valablement conclue que si l'employeur et le salarié ont
donné leur consentement librement et en pleine connaissance de cause.
Ainsi, les signataires doivent-ils être saints d'esprit
et capables de comprendre la portée de la transaction qu'ils ont
signée. En outre, le consentement des deux parties ne doit ni être
affecté par une erreur sur la personne (confusion sur l'identité
de l'une des parties) ou sur l'objet du différend réglé
par la transaction, ni être obtenu par des manoeuvres frauduleuses ou
dolosives ni par violence. Sans volonté libre de transiger, il n'y a pas
transaction.
B- L'existence d'un différend
Pour être valable, la transaction doit résoudre
un différend entre l'employeur et le salarié. En effet, c'est
l'existence ou l'éventualité d'un différend dans
l'exécution ou la rupture du contrat de travail, qui est le fondement du
principe de la transaction. Ce différend, né à l'occasion
des relations de travail, pourra faire l'objet d'une transaction dès que
celui-ci sera effectif.
Le départ transactionnel doit avoir pour origine la
dénonciation du litige portant sur la relation contractuelle qui existe
entre l'employeur et le salarié.
Dans un premier temps, il doit y avoir dénonciation par
l'employeur du contrat de travail pour une cause réelle et
sérieuse reprochée au salarié. Tout d'abord, lors d'un
entretien préalable répondant aux règles de la
législation du travail en vigueur concernant le licenciement,
l'employeur prend le soin de produire des preuves tendant à
démontrer la réalité des fautes retenues à
l'encontre du salarié. Ensuite, il explique que c'est sur la base de ces
fautes qu'il a convoqué le salarié à un entretien
préalable et que par la suite il a procédé à son
licenciement. Il ajoute que la lettre de licenciement comporte
l'énoncé de ces motifs et que le protocole transactionnel
intervenu avait donc bien pour vocation de régler un litige, il n'avait
pas vocation à organiser une rupture à l'amiable entre les deux
parties.
Dans un second temps, le salarié doit contester les
motifs de la rupture de son contrat de travail en répondant par
écrit, tout en indiquant qu'il émet la possibilité de
renoncer à recourir aux tribunaux en contre partie d'une
indemnité financière compensatoire au titre de préjudice
moral.
Exemple: un employeur licencie un salarié pour faute
lourde, alors que ce dernier considère que ce licenciement est abusif et
veut engager une procédure contentieuse devant le juge.
Tous deux peuvent décider de conclure une transaction
ayant pour objet le caractère lourd de la faute, motif du licenciement.
Donc seul un litige existant ente l'employeur et le
salarié peut être à l'origine d'une transaction. Ce litige
doit exister dans les faits, c'est-à-dire que l'employeur doit pouvoir
reprocher certaines choses au salarié et que ce dernier doit pouvoir les
contester. Il en résulte que si l'employeur n'a aucun grief à
opposer au salarié, il ne peut proposer la conclusion d'une transaction.
Une telle convention reposant sur un motif de licenciement inexistant est
juridiquement nulle selon la jurisprudence.
Transiger en l'absence d'un différend entre l'employeur
et le salarié est impossible et il est d'ailleurs conseillé que
l'acte transactionnel indique le motif du licenciement.
C- L'existence de concessions
réciproques
La mention la plus importante de la transaction
concerne les fameuses concessions réciproques tant de la part de
l'employeur que du salarié.
La transaction, pour être valable, doit comporter des
concessions réciproques qui doivent être réelles,
appréciables et non symboliques, procurant au salarié un avantage
réel.
Les concessions réciproques supposent que chaque
partie, l'employeur comme le salarié, renonce à certaines de ses
prétentions.
En règle générale, la principale
concession du salarié consiste à renoncer à agir en
justice pour contester son licenciement. En contre partie, l'employeur s'engage
à lui verser une certaine somme d'argent: l'indemnité
transactionnelle.
En la matière, il convient d'être vigilant car
l'absence de concessions réciproques entraîne la nullité de
la transaction. Et les juges, lorsqu'ils sont appelés à se
prononcer sur la validité de la transaction, contrôlent
très strictement la réalité de ces concessions. Même
s'ils ne vont pas jusqu'à exiger que ces concessions soient parfaitement
équilibrées et strictement proportionnelles, il demeure
primordial qu'aucunes des concessions ne soient dérisoires.
Il suffit d'abord que la transaction comporte des concessions
réciproques réelles, autrement dit que les concessions de l'une
des parties ne doivent pas être seulement symboliques. En effet la
transaction n'est pas valable lorsque l'une des parties renonce à ses
droits pour une contrepartie si faible qu'elle s'avère quasi
inexistante. Il n'est pas inhabituel de rencontrer des transactions où
l'on comprend parfaitement les intérêts d'une partie, mais
où l'on s'épuise à trouver une raison quelconque ayant
poussé l'autre partie à renoncer à l'un de ses droits.
C'est le cas notamment, lorsqu'un employeur, craignant une procédure
devant le Conseil de Prud'hommes, pousse le salarié à transiger
afin de l'empêcher d'entamer toute procédure contentieuse en lui
proposant un "avantage fantôme".
Ensuite, il suffit que ces concessions soient
appréciables. Ainsi, l'indemnité transactionnelle allouée
au salarié ne doit pas être inférieure aux sommes d'argent
incontestables auxquelles il peut légitimement prétendre dans sa
situation. Cette indemnité doit donc être nettement
supérieure à celle à laquelle il aurait normalement droit.
D- La conclusion de la transaction après
notification du licenciement
La transaction, ayant pour objet de mettre fin par des
concessions réciproques, à toute contestation née ou
à naître résultant de la rupture du contrat de travail, ne
peut valablement être conclue qu'après notification du
licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception par la poste.
La transaction doit donc être postérieure au
licenciement. Ainsi, pour être valable, elle ne peut être
signée en même temps que la lettre de licenciement.
La notification du licenciement doit nécessairement se
faire par lettre recommandée avec accusé de réception,
sans quoi la transaction intervenue postérieurement sera nulle. Tout
autre mode de notification (lettre remise en main propre) entraîne
l'impossibilité de transiger sur la rupture du contrat de travail. Seule
la lettre recommandée avec avis de réception par la poste peut
rendre le licenciement définitif.
Mais les juges sont encore plus précis, ils
considèrent en effet que le licenciement n'est définitif
qu'à partir du moment où le salarié a eu connaissance
effective des motifs de son licenciement. La transaction est alors
envisageable, non pas lorsque l'employeur dispose de la preuve de l'envoi de la
lettre de licenciement, mais quand la poste lui aura retourné l'avis de
réception signé par le salarié.
En effet, si l'employeur n'a pas la preuve que le
salarié a bien reçu la lettre de licenciement, il ne pourra pas
justifier que le salarié sait pourquoi il a été
licencié. Or, si ce dernier ne connaît pas les raisons de son
licenciement, il ne sera pas à même de transiger dans son
intérêt.
Par conséquent, la transaction n'est valable que si
elle est signée après la restitution à l'employeur de
l'avis de réception de la notification du licenciement signé par
le salarié. Dans le cas contraire, elle fait l'objet d'une
nullité pouvant être soulevée par l'une des parties, en
l'occurrence le salarié. Cette nullité est instituée dans
le seul intérêt du salarié, donc seul ce dernier peut la
solliciter.
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