Section 2 : Moment et procédure à
respecter pour transiger
A- Moment pour transiger
Annoncer un licenciement est un échec pour l'employeur
et pour le salarié, il faut avoir l'honnêteté de le
reconnaître.
Concrètement, pour ce type de procédure, la
demande doit émaner du manager opérationnel.
Avant de déclencher la procédure, il faut
prendre le temps de consulter le dossier et de s'assurer scrupuleusement que
plusieurs chances ont été données au collaborateur dont on
veut se séparer. Avoir le courage de se séparer de quelqu'un,
dans les meilleures conditions, représente un acte de management de
premier ordre au même titre que son recrutement ou la gestion de sa
carrière.
De ce fait, la personne chargée d'annoncer
« la mauvaise nouvelle » - si possible pas un vendredi soir
ou à la veille des vacances - doit connaître le dossier sur le
bout des doigts, et se garder de toute réaction affective. Attention
à ne pas heurter la sensibilité, l'amour propre du
salarié. Cela pourrait le pousser à refuser un arrangement, et
à aller laver l'affront sur la place publique à travers un
procès, faisant ainsi à l'entreprise une mauvaise
publicité. Une fois le choc encaissé, on évoquera
concrètement les éléments de la transaction.
Ainsi, conclure une transaction s'avère
particulièrement utile pour régler les conséquences
financières et juridiques d'un licenciement, surtout lorsque le
salarié parait en mesure de contester la procédure mise en
oeuvre, la réalité et/ou le bien fondé du motif du
licenciement prononcé à son encontre.
Un départ transactionnel est alors le moyen de
régler un désaccord et par conséquent d'éviter un
conflit prud'homal. Il s'agit du côté de l'employeur comme du
salarié, de tourner la page pour ne pas traîner un boulet
derrière soi, en un mot de clore le dossier.
Surtout pas de précipitation ! Un employeur aura
tout faux en transigeant trop tôt avec un salarié. Outre les
conditions de validité habituelles, les tribunaux ont encore durci le
formalisme de cette opération.
L'employeur doit attendre que la rupture du contrat de travail
soit intervenue et définitive. Pour cela, il devra envoyer la lettre de
licenciement en recommandée avec accusé de réception. Ce
formalisme est très strict ; s'il n'est pas respecté,
l'employeur peut être certain que la transaction sera nulle.
En effet, on ne peut, par hypothèse transiger sur les
conséquences de la rupture du contrat de travail, qu'à condition
que cette rupture soit déjà intervenue par la notification de la
lettre de licenciement au salarié. Si la rupture est antérieure
à cette notification, le salarié peut en demander la
nullité tout en sollicitant des dommages intérêts pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La rupture du contrat de travail se situe alors à la
date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin,
c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée
notifiant la rupture. Cela signifie que cette rupture est
considérée comme acquise dès lors que la lettre de
licenciement a été envoyée, même si juridiquement
les relations contractuelles ne prennent vraiment fin qu'une fois le
préavis expiré.
Les juges vont encore plus loin en exigeant que, avant de
proposer une transaction au salarié licencié, l'employeur doive
attendre que ce salarié ait eu effectivement connaissance des motifs de
son licenciement par la réception de sa lettre de licenciement. Ainsi,
de cette manière, il (le salarié) possède tous les
éléments parmi lesquels figure la lettre de licenciement, lui
permettant de négocier au mieux son indemnité transactionnelle.
Exemple : Un salarié a été
licencié par une lettre datée du 16 janvier. Il a signé
une transaction avec son employeur le 18 janvier suivant, mais n'a
retiré sa lettre de licenciement que le 21 janvier. Cette transaction a
été jugée nulle pour ce seul motif.
Quant au salarié, il ne peut valablement accepter de
transiger qu'à condition de le faire en pleine connaissance de cause,
c'est-à-dire d'avoir connaissance des motifs précis visés
dans sa lettre de licenciement.
En pratique, il est fréquent de voir l'employeur et le
salarié se mettre d'accord sur les conséquences de la rupture du
contrat de travail avant d'engager la procédure de licenciement
transactionnel dans les règles. Dans cette hypothèse, il est
vivement conseillé à l'employeur d'attendre le retour de
l'accusé de réception de la lettre de licenciement avant de
signer toute transaction.
B- Procédure à respecter pour
transiger
Le licenciement transactionnel ne peut prendre aucune
liberté avec la procédure légale. Le fait, pour
l'employeur, de proposer ultérieurement une transaction, ne
l'exonère d'aucune des règles liées au licenciement.
Quelques soient les motifs du licenciement, l'employeur qui a
décidé de transiger avec le salarié licencié, doit
respecter une procédure très stricte.
1- L'entretien préalable
L'entretien préalable n'est obligatoire que pour
l'employeur, qui doit être présent ou être
représenté. Le salarié, quant à lui, n'est pas
obligé de s'y rendre ; son absence n'est pas constitutive de faute
et ne peut être sanctionnée par l'employeur.
L'entretien préalable est pour l'employeur, le moyen
d'annoncer la décision de séparation et d'évoquer la
future transaction.
Selon Stéphane Thiollier, vice-président pour
l'Europe du papetier canadien Cascades, « lorsque je décide de
me séparer de l'un de mes collaborateurs, et que j'envisage de transiger
avec lui, je lui fais d'abord l'annonce de manière informelle lors d'un
entretien préalable.
Dans un premier temps, je lui expose tranquillement les motifs
sur lesquels se fonde ma décision en restant le plus factuel possible.
Puis je le laisse contre argumenter.
Dans un second temps, je lui explique dans le détail
comment va se dérouler la procédure transactionnelle.
A la fin de l'entretien, je lui affirme que ma porte lui est
grande ouverte s'il a besoin d'autres renseignements pratiques et lui laisse
une dizaine de jours pour réfléchir ».
2- La convocation à l'entretien
L'employeur doit remettre au salarié la convocation
à un entretien. Cette convocation doit être envoyée par
courrier à l'adresse du salarié par lettre recommandée
avec accusé de réception, ou être remise en main propre
contre décharge. Elle doit clairement faire référence au
projet de licenciement et préciser que le salarié a la
possibilité de se faire assister ou se faire représenter par un
représentant du personnel.
La convocation doit indiquer la date de l'entretien, l'heure
et le lieu... Dans la teneur de la convocation le motif du licenciement
envisagé ne peut pas apparaître.
3- L'entretien
Il permet d'annoncer le ou les motifs sur lesquels se fondent
le licenciement. La rédaction d'un procès verbal établi en
commun et qui sera signé par les deux protagonistes, est une bonne
précaution.
L'entretien ne peut avoir lieu avant cinq jours ouvrables
après réception de la convocation, et dans tout autre cas, le
salarié doit être informé suffisamment à l'avance
pour préparer sa défense. Il doit se dérouler dans une
langue compréhensible par les deux parties, à défaut
l'employeur doit faire appel à un interprète.
Lors de cet entretien, les propos tenus par le salarié ne
sont pas constitutifs d'une faute; le salarié peut même se faire
accompagner d'un représentant du personnel.
L'entretien est donc pour les parties en présence, le
moyen de s'expliquer.
4 - La notification
Si la décision de licenciement est maintenue
après l'entretien, elle devra être notifiée au
salarié par lettre recommandée avec accusé de
réception.
La lettre de notification doit être envoyée au
moins deux jours ouvrables après l'entretien et doit soigneusement
indiquer avec une grande précision le ou les motifs sur lesquels
reposent le licenciement ; ces motifs ne peuvent être que ceux
évoqués lors de l'entretien et ne pourront plus être
modifiés par la suite.
Exemple : pour un entretien qui a eu lieu le vendredi, la
lettre de notification ne pourra être postée avant le mardi
suivant.
5- La rédaction et la signature de la
transaction
Nombre de protocoles transactionnels se trouvent
attaqués devant la juridiction prud'homale. D'où la
nécessité d'être vigilant dans la rédaction de cet
instrument pour ne pas le voir annulé devant les tribunaux.
La rédaction du protocole transactionnel requiert donc
une technique maîtrisée et une grande attention. A défaut,
le juge pourra l'annuler et il ne produira plus aucun effet.
Lors de cette rédaction, chaque partie doit veiller
à détailler, en préambule de l'accord,
l'énoncé des faits et sa position initiale. La participation d'un
professionnel du droit à la rédaction peut permettre
d'éviter des chausse-trappes. Tout particulièrement
l'intervention d'avocats, est le meilleur moyen d'assurer la
confidentialité des éléments de négociations.
Soumis à la confidentialité des correspondances, les avocats ne
pourront faire état des offres de concessions envisagées par les
deux parties ni auprès d'autres membres de l'entreprise, ni même
auprès du Conseil de Prud'hommes (Tribunal du travail au
Sénégal) si la négociation devait échouer.
Quant à la signature de la transaction, elle ne peut
valablement être faite qu'une fois la rupture du contrat de travail
intervenue et définitive, c'est-à-dire après que le
licenciement ait été notifié par lettre recommandée
avec accusé de réception au salarié.
En d'autres termes, la transaction ne peut pas être
signée avant que le salarié ait accusé de
réception, par sa signature, de la lettre de licenciement.
Au Sénégal, la procédure comprend deux
étapes.
Lors de la première étape qui se déroule
dans l'entreprise, l'employeur expose les motifs qui le poussent à
vouloir licencier le salarié et laisse à ce dernier la
possibilité de contre argumenter. Cette rencontre peut se
dérouler librement, c'est-à-dire entre l'employeur et le
salarié, ou avec arbitrage. Par la suite, ils essayent de trouver un
terrain d'entente à travers la conclusion d'un contrat de transaction.
C'est alors que s'ouvrent des négociations sur le montant de
l'indemnité transactionnelle à allouer au salarié. En cas
d'accord, le protocole transactionnel est signé par les deux parties. En
cas de désaccord, ils peuvent saisir l'Inspecteur régional du
travail et de la sécurité sociale du ressort. Cette saisine
marque le début de la seconde étape.
Dans cette deuxième étape, l'Inspecteur
régional du travail et de la sécurité sociale du ressort
joue le rôle de conciliateur ou de médiateur. Il invite les
parties à revoir leur position initiale et facilite la conclusion de la
transaction.
L'accord conclu peut-être soit une convention, un
protocole d'accord, un procès verbal, soit une conciliation devant
l'Inspecteur régional du travail et de la sécurité sociale
du ressort.
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