2-2 Développement financier, facteur de moindre
importance pour la croissance
D'autres économistes ne croient pas qu'il y ait une
relation importante entre système financier et la croissance
économique. Ainsi, Robert Lucas (1988) pense que le rôle des
facteurs financiers dans la croissance économique est
exagéré. Mayer (1988) affirme qu'un marché boursier
développé n'est pas important pour le financement de
l'entreprise. D'autres auteurs comme Robinson (1952) qui croit que le
développement financier est seulement un côté du
développement économique vient soutenir cette idée qui
mérite d'être mise en lumière.
Mba Nguéma B. (2000) a pour sa part
réalisé une étude sur l'intermédiation
financière et la croissance au Gabon. Il conclut que malgré les
périodes régulières de surliquidité du
système bancaire gabonais, les banques ne
finançaient pas la croissance. Le modèle de Levine qu'il a
utilisé et qui met en relation le taux d'investissement et les
indicateurs du système financier montre que les indicateurs du
système financier gabonais n'influencent pas la croissance de ce pays.
Il aboutit au fait que la contribution du secteur financier à la
croissance ne s'est pas accrue.
Stiglitz (1991) affirmait déjà que la
liquidité des marchés financiers n'a pas d'impact sur le
comportement des gestionnaires de compagnies et donc n'exerce pas un certain
contrôle corporatif.
2-3 Libéralisation financière et
croissance économique
En général, le terme « répression
financière » fait référence aux effets de la
réglementation étroite du système financier et aux
diverses formes de restrictions imposées par l'Etat à
l'activité des institutions financières. L'adoption d'une
politique de libéralisation financière a été
souvent considérée comme une condition nécessaire à
un développement sain et efficient du secteur financier (McKinnon et
Shaw, 1973).
La plupart des études, théoriques comme
empiriques, qui montrent le rôle primordial du secteur financier dans la
croissance, concluent qu'un développement inadéquat du
système financier peut constituer un obstacle à la croissance et
que sa réforme, consistant à développer des
mécanismes de marché, doit être considérée
comme prioritaire. Ces approches ont été à la base de la
vague de la libéralisation financière de nombreuses
économies tant développées qu'en développement. Les
crises bancaires des années 80 ont obligé les pays de l'UEMOA
à libéraliser leur système financier afin d'arrêter
les faillites bancaires et propulser l'investissement. Les réformes
entreprises visant à libéraliser le système bancaire a
commencé depuis la fin des années 80. Les réformes
visaient essentiellement la libéralisation des taux
d'intérêt, le désencadrement du crédit,
l'opérationnalisation du système de réserves obligatoires,
la rénovation du marché monétaire, la création de
la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) et la promotion
du secteur de la microfinance. Ces mesures mises en oeuvre dans le cadre de la
politique de libéralisation dans cette zone monétaire visaient
à améliorer l'efficacité des banques qui est
bénéfique à la croissance économique. Cependant, on
a deux positions sur l'effet de la libéralisation financière sur
la croissance : d'un côté il y a ceux qui soutiennent que cette
politique a un effet réducteur sur la croissance,
et de l'autre côté, il y a ceux qui pensent que
cette répression financière est une bonne chose pour le
développement économique.
Les auteurs comme McKinnon et Shaw (1973), King et Levine
(1993) sont les principaux défenseurs de la libéralisation
financière. Pour eux, un système financier réprimé
où l'Etat contrôle le système bancaire est inefficace car
le gouvernement joue un rôle important dans l'allocation des
crédits, par le biais du maintien des taux d'intérêt
très bas (parfois négatifs en terme réel), des taux
bonifiés pour les secteurs que l'Etat juge prioritaires (surtout les
entreprises publiques) et des réserves obligatoires très
élevés. Par le biais de ses instruments, les autorités
monétaires perturbent les prix relatifs et l'allocation des
ressources.
La libéralisation financière doit d'abord
favoriser une plus grande collecte d'épargne, en élargissant
l'offre d'instruments d'épargne et en rehaussant les taux
d'intérêts réels.
Sur le plan macroéconomique, cette politique de
libéralisation visant à améliorer l'efficacité
bancaire favoriserait la croissance des différents pays de l'UEMOA et de
ce fait de l'union monétaire. Mais selon Igué (2006),
cette politique de déréglementation n'a pas permis des gains de
bien-être au sein de l'UEMOA. En effet, la libéralisation
financière ne s'est pas soldée par une véritable
concurrence sur les marchés bancaires car le système bancaire est
caractérisé par une forte concentration et les marges
d'intermédiation bancaires demeurent élevées. L'auteur
constate enfin que le monopole autrefois détenu par l'Etat existe encore
mais cette fois-ci détenu par le privé et que cette situation est
l'une des causes de la surliquidité des banques de cette zone
monétaire qui peut influencer négativement l'efficacité
bancaire.
Pour McKinnon (1973), dans une économie
financièrement réprimée, la tendance est forte à
financer les investissements moins productifs. Shaw (1973) montre que le
plafonnement des taux aggrave l'aversion pour le risque et la
préférence pour la liquidité des intermédiaires
financiers. Selon Fry (1988,1997), dans un système financier
réprimé il y a rationnement de crédits sur une base autre
que les prix et le crédit est alloué sur la base
d'affinités politiques, de productivité antérieure.
King et Levine (1993) précisent aussi que la
répression financière réduit les services proposés
par le système financier aux épargnants, aux emprunteurs
(entrepreneurs) et aux producteurs. Elle entrave donc l'innovation et affaiblit
le taux de croissance de l'économie. Il s'avère ainsi que
théoriquement, la répression financière affecte
négativement à la fois la
sphère financière et ensuite et surtout la
sphère réelle de l'économie : la solution
préconisée par les économistes consiste à
libéraliser le système financier.
Empiriquement Fisher (1993) a établit une relation
négative entre la croissance, l'inflation pris comme indicateur de
répression financière, et le déficit budgétaire.
Roubini et Sala-iMartin (1992) trouvent quant à eux, une
corrélation négative entre le taux de réserves bancaires
(qui représentent la répression financière) et la
croissance.
Berthélemy et Varoudakis (1998) ont
porté leur analyse sur la contribution du développement financier
à la croissance économique sur 82 pays pendant six
périodes quinquennales dès le début des années
soixante jusqu'aux années quatre vingt dix.
Toutefois ils traitent différemment la variable M2 /
PIB considérée comme un indicateur de développement
financier d'un pays. En effet, le traitement de cette variable est
modifié par rapport aux travaux antérieurs dans la mesure
où ils introduisent le rôle de la répression
financière. Ils ont choisi de synthétiser son incidence par une
variable indicatrice binaire qui vaut 1 pour les périodes
précédentes à la réforme financière et 0
pour les périodes suivantes y compris la période de sa mise en
place. Ces auteurs ont ajouté donc cette variable pour
différencier l'impact du développement financier selon les
périodes de répression financière et de
libéralisation financière. Ils ont obtenu une influence minimale
de la croissance du système financier en période de
répression financière. Le coefficient associé à
cette variable indicatrice multiplié par le ratio (M2 / PIB) est
négatif et significatif. De là, les deux auteurs ont conclut q'un
système financier réprimé, semble avoir une influence
nuisible sur la croissance. Ce résultat confirme la position des
défenseurs de la libéralisation.
Par ailleurs, les deux auteurs ont constaté que le
développement du système financier n'a pas un effet significatif
sur la croissance. Le seul effet mis en évidence est un effet
négatif lorsqu'il est associé à un régime de
répression financière. L'explication proposée pour
interpréter cette situation concerne la possibilité d'existence
d'équilibres multiples de croissance en liaison avec le niveau du
développement financier.
Un « équilibre haut » avec forte
croissance et développement normal du système financier et un
« équilibre bas » avec faible croissance, où
l'économie ne réussit pas à développer son secteur
financier. Entre les deux, il y a un équilibre instable qui
définit un effet de seuil du développement du système
financier sur la croissance. Au-delà de ce seuil, l'économie
converge vers l'équilibre avec forte croissance, alors que, en
déça de celui-ci, elle reste bloquée dans une situation de
piège de pauvreté.
Par le biais de cette analyse, ils ont validé
l'idée suivant laquelle l'impact de l'approfondissement financier sur la
croissance ne se manifeste qu'à partir d'un certain seuil (M2/PIB) au
moins égal à 36,5%. Cela signifie que dans les
pays ayant un faible ratio (M2/PIB) l'impact du développement financier
sur la croissance ne sera pas significatif.
Ouedraogo Idrissa (1985) dans une étude sur
quatre périodes quinquennales de 1965 à 1980 sur les pays membres
de l'UMOA a abouti au fait que la répression financière au sens
de la rémunération négative des encaisses est effective
à des degrés divers dans les six pays de son
échantillon.
A l'inverse une seconde approche soutient que la
libéralisation financière est néfaste à
l'innovation financière et nuisible à la croissance
économique. C'est le cas de J Stiglitz (1981) qui affirme que la
fonction du marché de capitaux, favorisée principalement par la
libéralisation financière est tellement faussée par
l'asymétrie d'information, ce qui remet en cause son efficacité.
Ainsi, par exemple, le responsable des crédits bancaires a moins
d'informations que le demandeur de crédit qui est plus tenté
à prendre des risques. Cette asymétrie d'information peut
entraîner en particulier les problèmes d'anti-sélection,
d'aléa de moralité ainsi que le phénomène de
comportements agrégés.
Cette libéralisation financière a
également permis une plus grande émergence du secteur informel
qui regroupe en majorité les institutions de microfinance. Cependant, la
microfinance qui fait partie du système financier informel surtout dans
les pays en développement a-t-elle un impact sur la croissance
économique ?
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