Paragraphe 2 Théorie actionaliste ou
néo-individualiste
Pour les tenants de la théorie actionaliste, «
ce n'est plus le passé qui détermine à lui seul la
réussite ou l'échec, mais c'est surtout l'avenir ou le projet
élaboré par l'individu et sa famille. » (Cherkaoui,
196). Pour ces auteurs, l'influence de l'héritage n'est sensible qu'au
cours des premières années scolaires. Raymond Boudon pense qu'il
faut prendre en compte la « dimension de la comparaison
couts-avantages dans l'analyse des processus d'orientation scolaire».
Voici quelques conclusions tirées de son livre
L'inégalité des chances12:
« L'inégalité de chance devant
l'enseignement résulte principalement de la stratification sociale
elle-même. L'existence de positions sociales distinctes entraine
l'existence de système d'attentes et de décisions distinctes dont
les effets sur l'inégalité des chances devant l'enseignement sont
multiplicatifs ».
« Les différences dans la qualité de
l'héritage culturel en fonction de la classe sociale n'explique que dans
une mesure très limitée l'inégalité de chance
devant l'enseignement. Elles expliquent les différences dans la
réussite scolaire en fonction de l'origine sociale au jeune âge.
Par contre, elles n'expliquent guère les disparités du niveau
scolaire en fonction de l'origine sociale. [] Les réformes
pédagogiques visant à compenser les disparités culturelles
dues au milieu familial ne peuvent atténuer les inégalités
devant l'enseignement que de façon modérée».
« Les inégalités économiques
sont une dimension majeure de la stratification. []Si on affirme que les
inégalités économiques sont la dimension la plus
importante de la stratification, il résulte de l'analyse qu'une
réduction des inégalités économiques doit avoir des
effets importants sur l'égalité des chances devant
l'enseignement. Une réduction même
12 Raymond BOU DON, L'Inégalité des
chances, Editions Hachette Littératures 1984
modérée des inégalités
économiques peut avoir des effets non négligeables puisque
exponentiels».
Boudon propose comme solution un « curriculum
unique» qu'il reconnait « contradictoire avec la norme d'une
adaptation du curriculum aux gouts et aptitudes des enfants ».
Section 3 Revue des théories et questions
Nous passons en revue, dans cette section, les théories
sociologiques ci-dessus afin de spécifier les questions qui nous
préoccupent dans le cadre de cette recherche.
Paragraphe 1 Revue des théories
Les faits semblent montrer un point un consensus mais les
diagnostiques posés ne révèlent pas de la même
logique.
A. La nudité de faits
Toutes ces théories sociologiques s'appuient sur des
données statistiques réelles et concordantes avec une observation
directe des faits dans les sociétés concernées.
L'héritage culturel a un poids élevé dans le rendement
scolaire. Les élèves issus des milieux populaires proviennent
d'un environnement où le savoir scolaire ne relève pas du
vécu quotidien. Au lieu de vivre des avantages octroyés par leurs
parents, ils s'efforcent, en voulant se faire une place dans la
société globale, de bâtir un nouveau cadre de vie
grâce à l'école. Il est donc normal que l'école
constitue pour eux une « acculturation ». Du même
coup, ils doivent lutter seuls sans l'appui des parents. Ce n'est pas le cas
pour les élèves issus des milieux bourgeois qui ont des parents
informés de la chose scolaire et suivent de près le
progrès de leurs enfants, les aident à réaliser les
travaux scolaires. L'assurance environnementale et économique dont
jouissent les élèves bourgeois fait défaut à leurs
condisciples des milieux populaires. Ces derniers ne peuvent pas s'octroyer des
aires de liberté et se démarquer du savoir scolaire que les
bourgeois considèrent finalement comme inferieur à leur «
culture
héritée ». Le piétinement
et le taux d'échec est élevé parmi les
élèves issus des classes populaires. On les retrouve plus
nombreux dans les filières littéraires que dans les
filières rentables. Tous les auteurs reconnaissent
l'inégalité économique qui règne entre les deux
classes. Si les faits présentés ont une allure consensuelle, il
n'en va pas de même du diagnostic que chaque auteur propose à ce
sujet.
B. La divergence des diagnostics
Comme décrit ci-dessus, le diagnostic des
théories déterministes s'oppose à celui des
théories actionalistes. Pour l'aile culturaliste extrémiste tenue
par Bourdieu, la « culture savante» appartient à la
bourgeoisie. Les enfants issus de ce milieu en héritent. Les enfants
issus des milieux populaires sont étrangers à cette culture.
C'est ce qui explique leur « piétinement» dans un
domaine où ils doivent fournir de l'effort pour en assimiler les
fragments. Bourdieu exclut toute cause économique dans cette
inégalité devant l'école. Pour lui, c'est presque un
destin lorsqu'il affirme qu'il ne faut pas perdre du temps à vouloir
réduire les inégalités économiques pour
espérer améliorer la performance des élèves issus
des milieux populaires. Bernstein va dans le même sens avec sa
théorie sociolinguistique. Le langage « public »,
celui des milieux populaires, est très pauvre et ne permet pas de
communiquer les idées. Il est « inférieur »,
du point de vue scolaire, au langage formel employé par les milieux
bourgeois. Il ne permet pas de communiquer les idées ! C'est donc
à juste titre que l'élève issu des milieux populaires
échoue.
Boudon, du courant actionaliste ou néo-individualiste,
en se basant sur les données microsociologiques, n'est pas
entièrement de ce point de vue. Tout en reconnaissant le poids non
négligeable de l'héritage culturel, il n'est pas d'accord sur le
fait que l'échec des classes populaires lui soit entièrement
imputable. Pour le courant dont il fait partie, l'enjeu du rendement scolaire
n'est pas le passé mais le futur. C'est par rapport au projet futur et
aux décisions présentes pour réaliser ce projet que le
rendement scolaire doit s'apprécier. Pour lui, la stratification sociale
oriente les décisions mais celles-ci sont aussi basées sur les
inégalités économiques. Il affirme que le poids de
l'héritage culturel ne joue que dans les années scolaires, au
jeune âge, mais pas après ces années.
Cette synthèse des diagnostics du rendement scolaire
nous permet de poser les questions qui orienterons l'analyse du rendement
scolaire du Collège Charles Lwanga de Sarh ainsi qu'une réflexion
approfondie sur le sujet.
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