Paragraphe 2 Calculs des indices de sélection et de
productivité
Nous consacrons ce paragraphe au calcul des indices de
sélection et de productivité. A. Indice de
sélection
La sélection « est le résultat de toute
une série de décisions qui peuvent être prises,
soit par l'étudiant, soit par les enseignants, mais aussi par
les employeurs » (OCDE) sur des critères
préalablement fixés par ces différents centres de
décision en vue de ne laisser accéder à
un point donné que ceux qu'on estime éligibles. A ce titre, la
sélection ne peut avoir pour effet que de produire une
pyramide avec à la base les candidats et au sommet les
prétendus éligibles qui ont pu arriver au point choisi.
Dans le cas du Collège Charles Lwanga de Sarh, les
tests d'admission, les examens, le respect de la discipline sont autant de
points de sélection qui réduisent au fur et
à mesure le nombre des candidats éligibles.
Levy-Garboua, cité par
Gravot19, distingue trois stades principaux de la sélection :
la sélection initiale à l'intérieur de
laquelle on trouve l'auto-sélection, la présélection,
la sélection en début de cursus et la
sélection finale, la sélection terminale ou
post-sélectivité et la
sélection postscolaire. Au premier stade, l'auto-sélection
consiste pour le candidat à
19 Pierre Gravot, Cours d'Economie de
l'Education, UT1, 2007
l'entrée d'un établissement à abandonner
son choix d'y entrer ou de quitter l'établissement en cours
d'étude pour toute une série de raisons. La
présélection consiste à admettre les candidats
après consultation de leur dossier. La présélection
géographique (l'établissement de formation ne se trouvant pas
à proximité du lieu de résidence du candidat) et
monétaire peut aussi éliminer certains candidats. La
sélection en début du cursus correspond au fort taux
d'échec qu'on constate souvent dans le premier cycle de
l'université, le taux de réussite au DEUG de droit en est un
exemple. Au deuxième stade, La post-sélectivité se situe
à l'examen final de référence, le baccalauréat pour
le cas du Collège Charles Lwanga avec cette nuance que ce diplôme
est national et ne dépend donc plus de l'établissement qui a
formé. Au troisième stade, la sélection postscolaire - qui
ne nous intéresse pas dans le cadre de cette recherche - est faite par
le marché du travail
Pour calculer le taux de post-sélectivité en
supposant que le baccalauréat est le diplôme final de
référence, on emploiera la formule suivante :
e2 e3 e4
n2 * n3 + n4 + ~
Où les n mesurent les effectifs d'inscrits
dans l'année i et les échecs au même niveau.
Considérons le nombre de redoublants en classe de Cinquième comme
e2 et remontons jusqu'en classe de Terminale que nous notons
e7. Faisons de même avec les effectifs de la classe de
Cinquième (n2) à la classe de Terminale (n7).
Le taux de post-sélectivité du Collège Charles Lwanga
serait égal à :
e2 e3 e4 e5 e6 e7 n2 + n3 + n4 + n5
+ n6 + n7
Application numérique:
4 4 6 8 12 0
89+ 83+ 84+ 70+
69+ 39 = 0,45
Le résultat ici ne nous sert vraiment pas car il est
biaisé par le fait que des 87 élèves entrant nouvellement
en classe de Sixième ajoutés au 10 redoublants, nous ne savons
pas lesquels sont admis, lesquels ont repris leur classe, lesquels ont
abandonné, etc. L'exercice n'aura servi qu'à montrer à
quoi pourrait ressembler le taux de post-sélectivité pour une
cohorte donnée. Gravot20 nous fait remarquer « qu'en
multipliant ce taux de post-sélectivité par le taux de
sélection initiale, on obtient le taux de sélectivité
totale de la filière correspondante ».
B. Indice de productivité
La détermination du taux de productivité des
établissements de formation varie selon l'angle sous lequel on se place.
Sous l'angle des activités, il est égal au rapport des
effectifs-élèves sur les effectifs-enseignants. C'est l'inverse
du taux d'encadrement. Dans l'enseignement supérieur, on distingue dans
l'effectif des enseignants l'effectif physique, le potentiel et la charge
effective d'enseignement. Cette considération n'est pas
transférable à l'enseignement secondaire où les taux sont
fixés statutairement par le ministère de l'éducation et ne
nous intéresse donc pas. Nous retenons simplement que lorsque la
productivité augmente, cela signifie que le taux d'encadrement baisse et
que cela entraine une diminution de la qualité de la formation offerte
par les établissements.
La détermination du taux de productivité en termes
de valeur ajoutée est ce qui nous intéresse ici. Sous cet angle,
elle égale:
DIP ENS
Si on considère R, le rapport
diplômés/inscrits:
DIP INS
20 Pierre Gravot, Cours d'Economie de
l'Education, UT1, 2007
et E le rapport enseignement/inscrits :
ENS INS
sachant que R exprime le taux de réussite et E le taux
d'encadrement, la nouvelle expression de la productivité sera :
R
P= E
L'égalité est parfaitement démontrée
si on procède à la décomposition suivante :
Equation qui égale :
DIP INS
P= INS * ENS
Dans cette nouvelle expression où nous avons
multiplié le premier terme par l'inverse du second, le
dénominateur du premier terme (INS) divise le numérateur du
second (INS) et nous retrouvons l'égalité initiale :
DIP
P= ENS
Dans le cas du Collège Charles Lwanga de Sarh, nous
pouvons calculer le taux de réussite global ou par niveau connaissant
l'effectif des inscrits et celui des diplômés. En revanche, nous
ne pouvons pas calculer le taux d'encadrement car ne possédant pas des
données exactes sur cet aspect, ce qui nous empêche du coup de
calculer le taux de productivité de l'établissement. Le taux de
réussite globale négligeant l'effectif des admis en classe
intermédiaire et des redoublants de la classe de Sixième est
égale à:
39
87 = 0,44
Le taux de réussite par niveau, s'il est
calculé, sera exagérément biaisé par le nombre des
admis en classe intermédiaire ou des redoublants car on peut remarquer
par exemple que l'effectif en classe de Cinquième est supérieur
à celui de la Sixième. C'est qui veut dire
qu'arithmétiquement, le nombre des personnes ayant réussi
dépasse celui des personnes inscrites !
Section 2 Interprétation des indices et taux de rendement
interne
Dans cette section, nous tenterons d'interpréter
objectivement les taux calculés en nous référant aux
données nationales pour ensuite verser dans une interprétation
conditionnelle en déplaçant le principal argument des
ressources.
Paragraphe 1 Interprétation par référence
Après avoir repéré les
références nationales sur lesquelles peuvent être
fondée l'interprétation des taux calculés, nous tenterons
d'opérer une comparaison entre le système général
tchadien et le Collège Charles Lwanga et nous prononcer sur la fonction
« sélection » de cet établissement.
A. Données de référence
»21
Il s'agit en premier lieu de montrer la « pyramide
éducative du Tchad tirée du site
internet Pole-Dakar. Cette pyramide montre la progression des
effectifs du primaire au secondaire.
21
http://www.poledakar.org
Selon ce document de source originale Banque Mondiale:
Division de la Population des Nations Unis, ONUSIDA publié en 2002-2003,
la « pyramide éducative» du Tchad pour l'année
académique 1990-1991 a un sommet très pointu. Avec 59% de taux de
scolarisation brut à l'entrée au primaire, l'atteinte de la fin
de ce cycle n'est que de 19%. Des 10% seulement des élèves
provenant des 19% du primaire, 5% arrivent en fin de cycle secondaire. Des 5%,
3% seulement arrivent au second cycle pour finir à 2% enfin de ce
cycle.
1er
Globalement, 58% vont du primaire au secondaire cycle et 57% du
premier cycle au
second cycle.
Selon le rapport national présenté à la
45e session de la Conférence internationale de l'Education
(Genève, 30 septembre-5 Octobre 1996), le taux de passage du secondaire
1er cycle au secondaire général 2e cycle est de 51,4%
au total dont 52,9% pour les filles pour l'année académique
1994-1995. Le taux de redoublement au secondaire est de 23,1% dont 21,7% pour
les filles pour la même année. Le taux d'abandon pour le
même cycle et la
même année est de 12,8% dont 13,5% pour les
filles. Selon le rapport, l'âge de recrutement dans le secondaire
progresse de 12 à 15 ans dans le même cycle. La norme horaire
prévue par la législation nationale est de 18 heures à 21
heures dans le secondaire général. Du point de vue de
l'encombrement dans les classes, le rapport donne 74,3 « avec des
contrastes de 16 élèves par classe dans les zones peu
peuplées à 130 élèves par classe dans les grandes
agglomérations ».
B. Comparaison avec le système
Sur 77 élèves qui entrent au Collège
Charles Lwanga de Sarh en classe de Sixième et les 10 redoublants qui
s'y sont ajoutés l'année académique 1987-1988, 84 ont
atteint la classe de Troisième soit un taux de 96,55% en
précisant que le taux d'admission directe dans les classes
intermédiaire fera varier en moins ce résultat. Le taux de survie
montrée par la pyramide éducative de 1990-1991 est de 50% sachant
que 10% entrent en Sixième pour finir à 5% en Troisième,
ce qui est presque conforme à la source gouvernementale qui indique
51,4% comme taux de passage du premier cycle au second cycle. Dans le calcul
des taux de réussite, nous avons renoncé à calculer les
taux par niveau à cause de l'effet des admissions dans les classes
intermédiaires qui sera très important. Néanmoins, le taux
de réussite entre la Sixième et la Troisième nous a permis
d'effectuer la comparaison qui nous intéresse.
Pour le second cycle, sur 70 élèves admis en
classe de Seconde y compris les redoublants, 39 arrivent en Terminale soit un
taux de réussite de 55,71%. La pyramide éducative montre 3%
à la base du second cycle et 2% au sommet soit un taux de
réussite de 66,66%. Deux remarques: d'une part, nous employons
indifféremment les termes « taux de passage » et
« taux de réussite» pour les progressions de cycle en
cycle ou à l'intérieur des cycles, d'autre part si nous utilisons
la formule du nombre de « diplômes» sur «
inscrits », nous obtiendrons des chiffres dans l'ordre de 0,55,
ce qui égalise le résultat lorsque l'on procède simplement
par la règle de trois en obtenant 55%.
Le rapport national indique un taux de redoublement de 23,1% au
secondaire. Le tableau que nous avons précédemment
présente un taux de redoublement moyen de
10,64% pour les deux cycles du secondaire. Le nombre moyen de
74 élèves par classe avec un maximum de 130 et un minimum de 16
est inférieur à celui du CCL qui est de 74,42. La comparaison
offre un chiffre supérieur pour le CCL (85,75) si l'on prend en compte
uniquement le premier cycle. La moyenne au second cycle de
l'établissement est de 44,7 avec le chiffre le plus élevé
de 70 en classe de Seconde, les autres ne dépassant guère la
quarantaine.
A première vue, les chiffres sont très proches.
Mais méfiez-vous ! Le Tchad est un pays très vaste, très
peuplé dans certaines zones et peu peuplé dans d'autres comme
l'indique le rapport. Aussi, une moyenne n'a que peu de sens dans cette
analyse. Il en est de même des chiffres relatifs au taux de
réussite. La qualité de la formation au Collège Charles
Lwanga de Sarh est largement supérieure à celle des autres
établissements. Le baccalauréat est une belle preuve qui montre
la réussite à 100% presque chaque année dans toutes les
séries alors que le taux national plane en dessous de 50%.
L'âge des élèves et le taux d'abandon ne
pourront pas être comparés ici car les données dont nous
disposons ne divulguent pas l'âge réel des élèves
dans le secondaire tchadien ainsi que le taux d'abandon pour le Collège
Charles Lwanga de Sarh qui n'est pas disponible.
Comparé aux données nationales, l'effectif des
filles au CCL est très bas. Ceci peut avoir pour raison la
sélection à l'entrée en classe de Sixième mais
l'effet de l'offre doit être une des raisons majeures. Les
élèves de l'établissement proviennent de presque toutes
les régions du Tchad. Les filles connaissent un taux de scolarisation
plus bas que les garçons et les pesanteurs sociales traditionnelles
constituent pour elles un grand frein à l'accès aux
établissements de formation spécialement lorsqu'ils se situent
dans des régions distantes de leur région de résidence. De
Moundou, une ville située à 300 km de la ville de Sarh où
se situe le CCL, un collège catholique féminin (Collège
Notre Dame de Moundou) arrive à faire admettre ses
diplômées mais en nombre très restreint.
En conclusion, le rendement scolaire du Collège Charles
Lwanga de Sarh n'est pas une question d'intelligence de classe mais de
ressources socioéconomiques que nous
tenterons de circonscrire dans le paragraphe suivant. Mais avant
cela, examinons la fonction « sélection » de cet
établissement.
C. Sélection et rendement du CCL
Quelle est la part de la sélection dans le rendement
scolaire du CCL? Il n'y a pas de barème standard pour mesurer le niveau
de sélection d'un établissement. Dans le cas du CCL, nous voyons
simplement qu'il y a environ 90 élèves au départ du
premier cycle et 37 en Terminale. Est-ce cette forte sélection qui a
facilité le succès à 100% des élèves
parvenus en 7 ans en Terminale? Pour une part, oui. Cette sélection est
essentiellement fondée sur le mérite académique et en
partie sur les ressources économiques. Ceux qui travaillent bien et en
mesure de payer les frais de scolarité ne rencontrent aucune
barrière. Ceux qui travaillent bien mais ne peuvent payer changent
d'établissement même s'il existe un système d'aide sociale
qui peut appuyer dans ce sens. Les ressources du CCL étant
limité, tout le monde ne peut recevoir cette aide. La limitation des
ressources est aussi l'argument qui a rendu cette sélection si forte.
Nous estimons que si plus d'élèves étaient admis à
l'internat ou plus d'élèves disposaient des ressources pour
étudier convenablement, le nombre d'étudiants arrivés en
Terminale serait plus élevé.
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