Site maraîcher coopératif de Kimbanseke
Le site maraîcher coopératif de Kimbanseke fait
partie des sites pilotes dans le processus de « coopérativisation
» des sites maraîchers. Il a été loti en 1954 et les
premières installations des exploitants remontent aux années
1957-1958. Le processus de « coopérativisation » proprement
dit a débuté en 1962 et a connu plusieurs restructurations.
À ce jour (février 2006), l'effectif total relevé en son
sein est de 2082 exploitants, parmi lesquels les maraîchers
coopérateurs et non-coopérateurs. La coopérative ne
dispose que de 148 membres, soit un taux de coopérativisation (tc) de 7
%3. Elle dispose d'un bureau assez bien équipé, est
répartie en différents services et dispose d'une organisation
administrative assez performante, ainsi qu'on le remarque à travers ses
rapports d'activité et les statistiques sur ses productions
légumières.
Par rapport aux trois contraintes mises en exergue dans notre
étude et qui représentent autant de dépendances en
ressources pour le site maraîcher coopératif de Kimbanseke, nos
enquêtes ont permis de faire apparaître un certain nombre
d'alternatives anticipatrices.
2. Le taux de coopérativisation est un indicateur
sociologique qui se calcule de façon différente selon la
fiabilité des statistiques disponibles. GENTIL (1984) met en exergue le
nombre de coopérateurs (nc) par rapport à la population
susceptible de l'être (pc).
Contraintes technologiques
Face à cette dépendance, le site
maraîcher de Kimbanseke a mis sur pied un dispositif appelé «
école au champ ». L'école est chargée d'assurer
l'encadrement et la formation technique des maraîchers
coopérateurs du site. Loin de se substituer au ministère de
tutelle, la stratégie observée fait partie de la dynamique
organisationnelle du site afin d'anticiper cette dépendance.
Contraintes financières
La situation économique du pays,
présentée dans le diagnostic relatif à cette contrainte,
rend difficile l'accès au crédit. En conséquence, le site
a développé des activités d'autofinancement telles qu'un
jardin collectif dans lequel les coopérateurs produisent et
commercialisent pour le compte de la structure, la collecte des capitaux
sociaux des membres, la levée de droits d'adhésion et de
cotisations spéciales, les recettes de ventes diverses (documents,
matériels) afin de suppléer aux besoins en ressources
financières de la coopérative.
Contraintes matérielles et intrants
Parmi les stratégies développées par le
site de Kimbanseke afin d'anticiper la contrainte relative aux pesticides et
engrais chimiques, nous avons noté :
· une convergence vers l'usage des fertilisants
organiques, notamment le compost, les sous-produits de la brasserie, les
déchets des fermes porcines et des poulaillers ;
· la disponibilité de ces produits via les
marchés de petits commer-
çants dans les environs des sites
maraîchers (cas des engrais) ;
· le développement de méthodes et de
pratiques agricoles appropriées qui réduisent l'utilisation des
intrants externes, notamment les pesticides.
Site maraîcher coopératif de N'djili
Créé en 1962, après celui de Kimbanseke,
le site maraîcher coopératif de N'djili a subi, comme tous les
autres sites, les effets des pillages de 1991 et 1993. Il compte un effectif
total de 2095 membres coopérateurs et non-coopérateurs et le taux
de coopérativisation (tc) est évalué à 2 %. Ce site
dispose d'un bâtiment en assez bon état, prévu pour le
bureau, mais qui est actuellement utilisé comme magasin d'outillage et
qui sert d'abri contre les intempéries.
Par rapport aux contraintes étudiées, notre
enquête fait état de ce qui suit.
Contraintes technologiques
Le site maraîcher de N'djili n'organise aucune
séance de formation des maraîchers sur place. Chaque
maraîcher se débrouille tant bien que mal pour atténuer les
conséquences néfastes de ce manque de formation et d'encadrement.
Moins de 10 % des maraîchers se réfèrent à leurs
collègues des autres sites en cas de non-maîtrise d'une pratique
agricole, alors qu'il existe par ailleurs une structure habilitée
à assurer ce lien.
Contraintes financières
Les ressources financières du site de N'djili sont
constituées essentiellement des parts sociales des membres, des droits
d'adhésion et de la location du lopin de terre propre au site.
Étant donné l'inattention accordée aux deux autres
contraintes étudiées, les maraîchers ont des
difficultés à maximiser leur production à cause de la
rareté et du coût élevé des intrants et
matériels, ainsi que du manque des techniques agricoles
appropriées.
Contraintes matérielles et intrants
Le site de N'djili n'organise aucune stratégie pour
pallier cette difficulté. Les exploitants se débrouillent chacun
de leur côté. Aucun dispositif collectif n'est mis en place, ce
qui ne manque pas de fragiliser les activités maraîchères
du site car les matériels et intrants constituent des facteurs de
production très importants, qui nécessitent une attention
particulière de la structure.
Discussion
Notons que les deux sites analysés présentent
des caractéristiques internes communes : ils sont régis par les
mêmes principes coopératifs identifiés à travers
leurs statuts et règlements d'ordre intérieur. Ce sont des
structures simples4 avec une présence prédominante de
la femme (Yepez et al., 2001). Ils évoluent dans le même
milieu géographique
3. Selon la théorie des organisations, une structure
simple est une forme d'organisation qui se caractérise par une absence
d'élaboration, une division du travail imprécise, un encadrement
réduit, peu de formalisme et de planification, peu de
différenciation fonctionnelle, une technostructure inexistante ou peu
développée (Hatch, 2000).
(Kinshasa est), subissent les mêmes influences de
l'environnement et sont par conséquent également
dépendants des ressources qui correspondent aux trois catégories
de contraintes environnementales distinguées plus haut. Notre discussion
se basera sur une analyse systématique des stratégies
d'anticipation des contraintes environnementales mises en place par chaque site
en vue d'assurer le développement de la filière
maraîchère à Kinshasa.
Il en résulte que le site maraîcher
coopératif de Kimbanseke dispose d'une maîtrise incontestable de
la dépendance à l'égard des ressources financières
: il dispose de plus de moyens de générer des recettes que le
site de N'djili, qui se limite aux seuls instruments statutaires. Quant
à la maîtrise des ressources technologiques, à nouveau,
seul le site maraîcher coopératif de Kimbanseke peut se
prévaloir d'avoir mis en place une école au champ. Il s'agit d'un
indicateur pertinent car l'école facilite la diffusion de techniques
efficaces face aux maladies des cultures et aux attaques des insectes, ainsi
que des techniques d'application et de respect de la rémanence des
engrais et pesticides chimiques, des techniques agricoles (sarclage, semis en
pépinière et en place), etc. En ce qui concerne la rareté
et le coût élevé des engrais conventionnels (ressources
matérielles et intrants), la confrontation des deux sites
révèle une capacité supérieure du site de
Kimbanseke à mettre à disposition les engrais conventionnels et
à fournir les fertilisants organiques tels que la drêche, le
fumier des fermes, les déchets biodégradables et le compost.
Cette aptitude à utiliser la matière organique constitue une
façon efficace de penser au développement de l'activité de
recyclage des déchets urbains.
L'analyse des différences de stratégies entre
les deux sites de coopératives maraîchères à
l'égard des contraintes environnementales nous a permis d'établir
la plus grande capacité d'adaptation organisationnelle du site de
Kimbanseke par rapport à celui de N'djili :
· d'un point de vue financier: diversification des
sources de recettes ;
· d'un point de vue technologique : encadrement et
formation assurée (école au champ) ;
· d'un point de vue matériel et intrants
: recyclage des déchets organiques pour un usage agricole et
réduction des problèmes d'insalubrité à travers le
ramassage et le stockage des déchets.
Cette capacité d'adaptation supérieure du site de
Kimbanseke est le résultat d'une dynamique organisationnelle
caractérisée par :
· une harmonie et une transparence dans la gestion des
ressources disponibles ;
· une cohésion et une confiance mutuelle entre
maraîchers coopérateurs, étant donné la
régularité des réunions du comité de gestion ;
· une conviction relative aux bénéfices du
travail en groupe, ce qui facilite l'écoute des orientations de
l'école au champ ;
· un souci permanent de trouver des solutions efficaces
anticipant les dépendances en ressources et surmontant les contraintes
environnementales.
Quant au site de N'djili, on constate une faible attention de
la structure aux problèmes épineux des exploitants
maraîchers. Ceci se remarque à travers les faits suivants :
· faible capacité de sensibilisation des membres
coopérateurs à la nécessité de rechercher des
solutions face aux contraintes environnementales ;
· faible assimilation des principes coopératifs
;
· manque de confiance mutuelle et
désintérêt à l'égard des activités de
la coopérative (d'où l'absence d'une école au champ et
d'activités d'autofinancement) ;
· faible légitimité du comité de
gestion (absence de réunions).