Le comportement des sites de
coopératives maraîchères vis-à-vis des
contraintes environnementales
Avant d'aborder ce point, il importe de faire un diagnostic
sur les contraintes qui limitent le développement de la filière
maraîchère à Kinshasa.
Diagnostic des contraintes environnementales qui
entravent le développement de la filière maraîchère
à Kinshasa
Une contrainte est considérée comme un goulot
d'étranglement qui freine la poursuite d'un objectif. Trois contraintes
environnementales ont été retenues pour ce diagnostic. Il s'agit
des contraintes (a) technologiques, (b) financières et (c)
matérielles et intrants (voir typologie des contraintes figure 1). Pour
chaque contrainte, nous avons tenté de présenter un bilan
complet.
a. Contraintes technologiques
Les contraintes technologiques sont avant tout liées
au faible niveau d'encadrement technique. Elles exposent les maraîchers
à des problèmes épineux tels que l'achat de pesticides et
engrais de mauvaise qualité, la brûlure des cultures,
l'intoxication des sols de culture, la contamination de l'eau du sol ou de
l'air par les métaux lourds et la contamination de la population
exposée à la rémanence de ces produits. Les cas de
maladies sont surtout liés à la présence des vecteurs,
à l'usage des engrais et pesticides chimiques, notamment les
organochlorés. Les autres maladies sont associées à
l'utilisation des déchets urbains et des eaux usées sans oublier
toutefois la présence de microorganismes pathogènes
(bactéries, protozoaires, virus, helminthes, etc). Le manque de
formation et de sensibilisation des maraîchers reste la cause principale
de toutes ces difficultés.
b. Contraintes financières
Le capital très faible dont disposent les
maraîchers est une des contraintes les plus importantes en début
de saison. La difficulté financière que rencontrent les sites de
coopératives maraîchères de Kinshasa est
généralement due aux coûts élevés des
intrants et du transport, ainsi qu'à l'inexistence de l'accès au
crédit. Concernant ce dernier point, il
importe de signaler que, dans les pays d'Afrique
subsaharienne, les banques sont des entreprises transférées de
l'Europe qui correspondent à un mode culturel étranger aux
sociétés autochtones (Baumann et al., 1991).
Traditionnellement, les agriculteurs n'ont que rarement recours au
crédit bancaire pour financer leurs activités. L'accès au
crédit est tout aussi limité du côté de l'offre,
surtout avec la libéralisation du secteur bancaire mise en oeuvre dans
le cadre des programmes d'ajustement structurel des années 80 et 90.
Même les nombreuses institutions de microfinance, créées
à la faveur de la libéralisation du système bancaire afin
de financer les activités de survie et de lutter contre la
pauvreté par la création de richesse et de revenus, ne permettent
pas de relever le défi de l'accès au crédit. Elles ne
disposent pas des moyens de leurs ambitions et sont plus promptes à
financer les activités de commerce et de services : elles
considèrent en effet les activités agricoles comme
présentant des risques importants et une rentabilité
aléatoire. Leurs conditions d'octroi (présentation d'un
justificatif de revenu ou d'un compte d'exploitation actuel et/ou
prévisionnel, mais aussi des pièces d'identité des
cautions) sont autant de barrières infranchissables pour la grande
majorité des exploitants maraîchers.
c. Contraintes matérielles et intrants
Parmi les intrants utilisés par le maraîcher kinois,
un diagnostic a été réalisé sur son outillage, les
semences, pesticides et engrais chimiques.
Outillage
Il ressort de nos enquêtes que certains maraîchers
(21 %) sont dépourvus de tout outil, même d'un arrosoir. Un
maraîcher se doit pourtant de disposer d'un minimum d'outils (un
arrosoir, une houe ou une bêche et un râteau).
Semences
On constate que les maraîchers ont beaucoup de
difficultés à s'approvisionner en semences de bonne
qualité. L'analyse de cette situation montre que la pénurie en
semences peut être justifiée par :
· L'insuffisance de l'offre en semences
maraîchères de bonne qualité
Des enquêtes de terrain ont permis de constater qu'il
n'existe aucune structure de production de semences maraîchères
certifiées à Kinshasa. Face à cette insuffisance, les
maraîchers recourent à l'utilisation des semences
récoltées sur certains pieds qu'ils laissent monter en fleur
à
la fin des divers cycles de production. Concrètement,
les statistiques de nos enquêtes indiquent que 74 % des maraîchers
produisent eux- mêmes les semences locales, tandis que 21 % d'entre eux
n'en produisent pas et sont obligés de les acheter. Cette pratique
d'autoproduction s'effectue sans sélection préalable et sans
tenir compte des dégénérescences que peuvent subir les
variétés locales et des défauts de production que peut
induire l'utilisation d'une semence dont les qualités ne sont pas
assurées. Certains maraîchers achètent les semences
importées de cultures européennes. Considérant le fait que
la production locale en semences maraîchères est inexistante, il
est étonnant de constater qu'aucune structure ne s'adonne à
l'importation et à la distribution des semences au niveau national. Les
petits lots trouvés sur place ont un coût très
élevé et par conséquent tous les maraîchers ne
peuvent pas en disposer.
· La faible capacité de mise en oeuvre des
projets
La faible capacité de mise en oeuvre de projets visant
à assurer une production de semences de qualité est
également mise en cause. En effet, l'insuffisance de moyens financiers
des producteurs ne leur donne pas la possibilité de se livrer à
des activités annexes de production. Ils préfèrent
s'investir dans la production de biens de consommation. Ce
désintérêt à l'égard de la production de
semences est le résultat d'un manque d'information de la plupart des
opérateurs du secteur maraîcher. Il faut pourtant relever que la
production et la commercialisation des semences maraîchères dans
les conditions actuelles du marché congolais pourraient être aussi
rentables qu'une production légumière directe, même sans
tenir compte de l'évaluation exacte des prix de revient des semences et
produits maraîchers.
· La faible contribution du secteur de la recherche dans la
diffusion des ressources semencières de haute qualité
Parmi les facteurs essentiels qui contribuent à la
réussite de la culture maraîchère, la qualité des
semences employées revêt une grande importance car la production
attendue en dépend étroitement. En effet, les semis ne peuvent
réussir que si les semences employées disposent d'une
pureté spécifique importante, c'est-à-dire d'une
faculté germinative suffisante, les rendant indemnes de germes et de
maladies pouvant induire une dégénérescence des cultures.
Les opérations qui tendent à stabiliser
l'homogénéité variétale des semences
maraîchères et à conférer à ces
dernières des caractéristiques qui optimalisent la production
sont souvent du ressort de la recherche. Initialement confiées de
manière exclusive à l'Institut national des recherches
agronomiques
(INERA), puis à certains opérateurs
institutionnels (Service national des semences, etc.), ces missions ne sont
plus assurées efficacement aujourd'hui.
Pesticides et engrais chimiques
Les pesticides sont largement utilisés par les
maraîchers en l'absence de toute formation préalable sur les
techniques d'application et sans identification du besoin. Nos enquêtes
indiquent que 92 % des maraîchers de Kinshasa traitent leurs
légumes avec des produits chimiques. Outre leur coût relativement
élevé et leur mauvaise qualité, ces produits sont parfois
très toxiques, d'autant plus que la plupart d'entre eux peuvent
être absorbés dans l'organisme par voie orale, pulmonaire ou
dermique. Les symptômes les plus fréquents liés à
l'ingestion de ces produits sont des problèmes cutanés,
digestifs, neurologiques ou respiratoires.
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