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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.5.4. Gennevilliers (Hauts-de-Seine)

2.5.4.1. Présentation de la ville

Longtemps terres d'agriculture et de pêche, Gennevilliers est resté une commune rurale jusqu'à la fin du XIXème siècle. Ce n'est qu'au début du XXème siècle que l'agglomération, avec un demi-siècle de retard sur les villes voisines, a connu son développement économique et industriel fulgurant. Ses nouvelles dessertes ferroviaires ont favorisé l'implantation de petits ateliers avant l'arrivée à l'aube de la Première Guerre Mondiale, des usines automobiles ou d'aéronautique. L'entre-deux guerre a confirmé cette période de prospérité ; les activités industrielles sont multipliées et le nombre d'usines ont augmenté de façon considérable. Seulement, leur implantation sur le territoire s'est souvent faite de façon chaotique. La petite bourgade paysanne dominée par quelques propriétaires terriens, est devenue entre les deux guerres, une ville plus populeuse et ouvrière, entraînant les problèmes de pauvreté.

Dans l'après-guerre, la ville a continué son développement industriel et a répondu aux besoins de main-d'oeuvre, avec l'arrivée de populations venant des différentes régions de France et de l'étranger (Afrique du Nord, Italie et autres pays d'Europe). Face à ce flux massif des travailleurs et de leurs familles, pour la plupart d'origine pauvre, la ville n'a pu empêcher l'apparition des bidonvilles et des logements insalubres. Parallèlement, un certain nombre de communes d'Ile-de-France comme Nanterre ou Noisy-le-Grand ont connu des phénomènes similaires. Au cours des années 1960, impulsé par la politique de résorption de cet habitat pauvre du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, Gennevilliers a entrepris la construction de quartiers HLM comme le Luth ou les Grésillons. La ville a fini par se fondre dans le tissu urbain parisien au cours des années 1970 et 1980.

Aujourd'hui encore, Gennevilliers garde l'image de la « Banlieue rouge » ; depuis l'après-guerre, la ville a été dirigée exclusivement des élus communistes ayant cumulé les mandats. Et à l'heure actuelle, la ville concentre 64 % de logements sociaux, ce qui représente un des plus forts taux du département. En 2005, on dénombrait 42 900 habitants.

2.5.4.2. La ville et le logement social

Non concernée par la loi SRU, la commune s'est engagée en faveur de la législation et de la nécessité d'avoir un parc social conséquent au niveau national. Dans une interview datant de 2005, le maire Jacques Bourgoin avait fait savoir qu'il réfutait la notion de « rééquilibre » dans l'implantation des logements sociaux : « Nous ne voulons pas qu'il y ait 20 % de logements sociaux à Neuilly et que Gennevilliers, qui en a actuellement 60 % sur son territoire, descende à 20 %. On voit bien le danger qui reviendrait en fait à diminuer le nombre de logements sociaux. »104(*).

La politique de la ville de Gennevilliers est donc caractérisée par l'entretien de son parc social existant. La ville souhaite en effet répondre à la demande locale, mais aussi aux nouveaux demandeurs de logements aux revenus modestes, exclus de Paris et de la première couronne.

La résorption des logements sociaux insalubres appartenant à des organismes privés est l'une des priorités. Par la signature d'une charte avec le préfet et le Conseil général des Hauts-de-Seine, ce programme vise à détruire sept cents logements sur cinq ans, qui sont encore habités par des populations aux revenus modestes. Lors de la signature de la convention, la mairie de Gennevilliers réclamait qu'un logement insalubre détruit soit remplacé par un logement neuf. Cependant, le préfet n'a accordé que la construction d'un logement pour deux détruits. De plus, dans la réalité, la ville rencontre des problèmes avec les propriétaires pour racheter leurs immeubles, d'autant plus que l'Etat peine à maintenir les financements promis.

Parallèlement, à sa politique de destruction, la ville a lancé un plan de réhabilitation, caractérisé aussi par le rachat des logements sociaux aux organismes privés. D'ailleurs, une action similaire de réhabilitation est suivie pour les hôtels vétustes. La mairie de Gennevilliers impose aux propriétaires de présenter des programmes de travaux et de les respecter sous peine de voir leurs établissements fermer. Dans ce dernier cas, la ville prévoit un plan de relogement pour les familles.

Cependant, afin de favoriser la mixité sociale dans son parc de logements, la commune a engagé un programme de diversification, par le biais de l'accès à la propriété privée. Sur quinze ans, la commune s'engage à construire trois cents logements par an ; toute nouvelle construction comprend 50 % de logements sociaux et 50 % d'habitation dont les locataires seront destinés à terme à en devenir propriétaires. Grâce à un prêt locatif d'accession, le locataire a la possibilité d'acheter son logement à 30 % au prix du marché, cinq à sept ans après son emménagement. Si celui-ci ne souhaite pas, l'office des HLM s'engage à le reloger. Ce sont donc des appartements spécifiques qui sont construits comme étant destinés à l'accès à la propriété privée.

Au contraire, les élus de Gennevilliers s'insurgent contre l'accès à la propriété privée du parc de logements sociaux déjà existant. En 2005, le Conseil général des Hauts-de-Seine proposait la vente de quatre mille logements sociaux déjà construits. Derrière cette action, la ville craignait un phénomène d'exclusion sociale supplémentaire ; augmenter le parc privé reviendrait à augmenter le prix de l'immobilier et donc conduirait à des effets de ségrégation. La politique de la ville s'évertue donc à conserver son parc social déjà existant et à introduire des logements privés neufs.

Enfin une dernière action consiste à désengorger les logements sociaux. A l'origine, cette action touchait les bidons-villes qui devaient être désengorgés par la construction de logements HLM. Aujourd'hui, ce sont les logements HLM eux-mêmes qui sont destinés à être désengorger. Par de nouvelles modalités de financement, la ville démoli une partie des logements d'un quartier et en réaménage l'espace. Les populations sont toujours relogées dans le quartier. Ainsi, à la cité du Luth, une partie d'une barre HLM a été abattue afin d'y faire une rue en son centre. Cette politique est destinée à réintroduire les quartiers dans le tissu urbain et limiter l'effet de ségrégation des populations modestes. Et toujours dans cette optique d'intégration, il faut noter, qu'un prolongement de la ligne 13 du métro, actuellement terminus Asnières-Gennevilliers est actuellement en construction. Deux stations supplémentaires sont prévues dont une desservant le Luth.

Lors de la promulgation de la loi SRU, les débats au Conseil municipal avaient porté sur l'application de la loi dans le département des Hauts-de-Seine, les disparités entre les villes étant importantes. La ville s'était tout d'abord insurgée contre la vente du patrimoine de logements sociaux par l'Office départemental des HLM, majoritairement dans les villes de droite. Parallèlement à cette vente et au refus de construire les logements, les villes comme Neuilly-sur-Seine ou Levallois-Perret avaient réclamé la diminution des pénalités auprès du préfet, qui avait la possibilité de les modifier. Le Conseil municipal de Gennevilliers avait savoir son désaccord sur ce point.

Sur la question mixité sociale, la ville encourage aussi la propriété privée avec le principe que toutes les populations peuvent résider n'importe où. Actuellement, 97 % des nouveaux propriétaires venaient préalablement d'habitations à loyers modérées. La ville a mis en place une politique de cohabitation propriété privée et HLM afin que les habitants restent à Gennevilliers, et afin de ne pas créer de ségrégation spatiale due aux différents statuts de logements.

L'analyse de ces trois villes est assez représentatif de l'application de la loi SRU. Au-delà des couleurs politiques et de ses mesures destinées à favoriser le tourisme, Auvers-sur-Oise peine à appliquer la loi SRU car la ville est soumise à une réglementation particulière visant à protéger son parc naturel et voit une partie territoire condamnée à cause de risques naturels. La loi SRU étant une loi uniforme pour l'ensemble des villes, la question de la spécificité se pose.

Concernant Franconville et Gennevilliers, ces deux villes sont caractéristiques du clivage gauche-droite qui anime les débats. La première, dirigée par un maire UMP, ne refuse pas la loi mais privilégie une politique d'accès à la propriété privée. La part des logements sociaux diminue au fil des années, alors qu'elle était très importante sous le mandat communiste. Quant à Gennevilliers, fief communiste et au taux de logements sociaux déjà imposant, la municipalité continue de lancer des politiques actives en faveur de l'habitat social.

* 104 Cité dans MORAN Jacques, « "Construire mais où ?". Entretien avec Jacques Bourgoin, maire de Gennevilliers ». L'Humanité, mercredi 21 septembre 2005.

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