Envoyé Spécial : une approche de l'environnement à la télévision française (1990-2000).( Télécharger le fichier original )par Yannick Sellier Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Histoire et Audiovisuel 2007 |
Première partie :Le retour de l'écologie.(1989-1992)Chapitre 1 :La mise en placed'Envoyé spécial.Ce chapitre, « la mise en place d'Envoyé spécial » porte sur les quelques mois qui se sont écoulés entre l'apparition d'une idée et sa concrétisation. Nous analyserons en quoi cette période a été fondatrice et quels sont ses prolongements vis à vis de l'organisation et de l'évolution formelle du magazine au cours des années 1990. A- De la nécessité d'un magazine de reportage à la télévision.La fin des années 1980 et le début des années 1990 constituent un moment particulier de l'histoire de la télévision. La quasi totalité des ménages est alors équipée d'un poste de télévision et la télévision est en passe de devenir pour nombre de Français le principal moyen d'accès au savoir, si ce n'est à l'information. 1986 a vu l'apparition des chaînes privées dans le but avoué de libérer le contenu télévisuel d'une certaine tutelle de l'Etat. Et l'on s'inquiète encore régulièrement de l'impact de la télévision sur l'opinion publique, au point d'inquiéter cette même opinion sur l'impact que pourrait réellement avoir cette télévision.
a- Une demande accrue d'informations.Dans les années 1980, avec l'amélioration des méthodes d'enregistrement et des moyens de communication, se multiplient les sources potentielles d'information. Conséquemment s'accroît le volume d'informations transmises. Des intellectuels, au sens large, et des professionnels demandent alors au service public de télévision d'accroître le niveau d'exigence dans la présentation et la sélection des informations15(*). Cette demande est relayée par un public dont le niveau moyen d'étude n'a cessé de s'élever depuis les années 1950. La capacité de recul de ce public, par rapport à l'information transmise, a cependant évolué en général vers une méfiance critique à défaut de pouvoir se muer en examen constructif du discours télévisuel - faute d'instance le lui permettant ou d'éducation. Ceci s'est traduit par une défiance à l'égard des experts et décideurs. Et c'est cette même défiance qui a poussé le public, ou du moins ses représentants autoproclamés, à demander un accroissement non pas seulement de la quantité mais surtout de la qualité de l'information, en terme de diversité et de hiérarchisation.16(*) Jacques Campet, dans son rapport sur L'avenir de la télévision publique, remis en septembre 1993 au ministre de la Communication, rappelle à ce titre que « l'information est un bien public constitutif de la démocratie »17(*). L'information, tout en permettant une meilleure connaissance du monde, contribuerait à la circulation des idées et à la défense des droits individuels. En effet, elle doit fournir au téléspectateur des éléments nécessaires à la formation de son jugement. De la qualité de l'information dépend, en quelque sorte, la qualité de l'éventuelle participation aux débats publics, du téléspectateur considéré alors en tant que citoyen. Pour la commission que préside Jacques Campet, si les responsables du service public de télévision reconnaissent la corrélation entre téléspectateur et citoyen, ils n'assument encore que trop partiellement les conséquences de ce constat. Autrement dit, ils ne font que peu d'efforts pour proposer aux téléspectateurs des émissions qui répondent à leurs aspirations en tant que citoyens. Cela veut dire aussi qu'ils ne sont pas non plus totalement défaillants. A la croisée des préoccupations du téléspectateur en terme de décryptage de l'information et de participation aux grandes questions qui structurent la société française dans les années 1990, le traitement de l'environnement par les médias est jugé décevant. D'une manière générale et tout au long des années 1990, lorsque les instituts de sondage les interrogent, les Français s'estiment mal ou en tout cas insuffisamment informés (que cela concerne l'environnement en général, ou des sujets comme l'eau, les déchets, et surtout le nucléaire). Cela se traduit dans l'opinion publique par un sentiment général et latent d'inquiétude. Les Français estiment ensuite que la fiabilité des médias en matière d'information est peu élevée. En 1997, 68% des Français pensaient qu'on « les prenaient pour des abrutis » à la télévision et pour 58 % des Français, les journalistes ne méritent pas leur confiance.18(*) Donc, même si les téléspectateurs regardent les émissions d'Envoyé spécial traitant de l'écologie, rien n'indique qu'ils adhèrent aux propos ou bien même qu'ils soient satisfaits de l'information qu'on leur communique. Malgré tout et en dépit du peu de crédit que le public dit leur prêter, les médias, et en l'occurrence Envoyé spécial, restent malgré tout une source d'informations privilégiée, parce que plus accessible que d'autres supports de l'information (livres, prospectus)19(*). * 15 Mouchon Jean, Visibilité médiatique et lisibilité sociale, dans Esquenazi Jean-Pierre (dir.), La communication de l'information, Paris, L'Harmattan, Coll. « Champs Visuels », 1997, pp.. 51-52 * 16 Mouchon Jean, « Visibilité médiatique et lisibilité sociale » dans Esquenazi Jean-Pierre, La communication de l'information, Paris, Harmattan, Coll. « Champs visuels », 1997, p. 51 * 17 Campet Jacques (commission de réflexion présidée par), « L'avenir de la télévision publique », Paris, Rapport au ministre de la Communication, Septembre 1993, p. 12 * 18 Institut Français de l'Environnement et de la Nature (IFEN), La sensibilité écologique des Français à travers l'opinion publique, Paris, Edition Technique et Documents, 2000, pp.. 34-35 * 19 Cf. les études d'Olivier Donnat à propos des pratiques culturelles des Français. |
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