4.2.4.2. Après déshydratation
La déshydratation des différents gels a
été réalisée par pompage sous vide. Le pompage de
l'eau va ainsi augmenter artificiellement la concentration en sucre du gel.
Notre idée est donc de simuler une déshydratation en milieu
confiné, et d'observer l'évolution de la structure du gel avec la
perte en eau.
La déshydratation s'est réalisée par des
petites évaporations successives afin de ne pas détériorer
prématurément les gels. Une première observation doit
être mentionnée ici: le temps de pompage pour extraire une
quantité d'eau équivalente augmente de manière importante
avec la concentration. En effet, le gel 0% perd une importante quantité
d'eau dès les premières minutes de pompage, et sa structure
macroscopique s'est retrouvée très rapidement affectée, le
rendant inutilisable. Dès lors que l'on ajoute du sucre dans le gel,
l'eau devient beaucoup plus difficile à extraire, et le gel semble plus
résistant. Néanmoins, il semble y avoir une limite entre les gels
30% et 40%. Pour le gel à 30%, le ménisque met un certain temps
à descendre, mais le délai de pompage reste raisonnable. Pour le
gel à 40% en revanche, le ménisque met un temps très long
pour descendre, et il est difficile d'atteindre des niveaux de
déshydratation important. Cette observation pratique peut s'expliquer
par les interactions eau-sucre présentes en solution. Lorsque la
concentration en sucre augmente, le nombre de molécules d'eau par
molécule de glucose diminue jusqu'à devenir critique lorsque deux
molécules de sucre adjacentes partagent une même sphère
d'hydratation. Les interactions sucre-eau deviennent alors
prépondérantes, et il ne reste que peu de molécules d'eau
isolées susceptibles de pouvoir être évaporées. Les
difficultés de pompage sont donc un bon indicateur de l'augmentation du
nombre d'interactions au sein de la solution. Aucune quantification du
phénomène n'a été réalisée pour le
moment, mais ce phénomène reste néanmoins important
à noter pour la suite.
Tous les échantillons ont été
déshydratés avec les mêmes précautions. Cependant,
tous les gels avec des défauts au niveau du ménisque ont
immédiatement présentés une rupture dès les
premiers pompages: c'est le cas, entre autre, des gels 10% et 20%. Le gel 0%,
quant à lui, ne présentait pas de défauts visuels
particuliers, mais a subi des dommages majeurs dans sa structure à cause
de sa faible tolérance à la déshydratation, comme nous
l'avons évoqué juste avant. Après quelques minutes de
*
pompage, le gel présentait des fractures importantes qui
rendaient toute mesure impossible.Seuls les
* Cet échantillon (gel 0%) a été
synthétisé deux fois. A chaque fois, le gel ne résistait
pas à la déshydratation.
gels 15% et 30% ont pu être déshydratés
correctement. Les spectres de ces gels après déshydratation sont
présentés sur la figure 47. La forme de ces spectres sera
discutée en détail dans les paragraphes suivants.
Gel 15% déshydraté
10
1
0.1
0.01 0.1
Q (A1
Gel 30% déshydraté
Figure 47 : Représentation log-log des spectres SANS des
gels 15 et 30% déshydratés par pompage.
Il est bien évident que lorsque l'on évapore une
partie du solvant, les concentrations de la solution confinée seront
complètement modifiées. Afin de calculer un pourcentage massique
virtuel de la solution confinée après pompage, nous devons
connaître la quantité d'eau extraite. Chaque cellule a donc
été pesée avant et après déshydratation, et
les concentrations finales sont listées dans le tableau 24.
Tableau 24: Tableau récapitulatif des pertes d'eau
liées au pompage et des pourcentages massiques correspondants.
Après déshydratation, les concentrations
atteintes sont très élevées et avoisinent les 75-80 wt.%,
dans l'hypothèse bien sûr où seule l'eau lourde est
extraite et de manière homogène dans tout l'échantillon.
Notons également que ces gels, qui emplissaient toute la cuvette en
quartz, ne forment plus maintenant que deux films assez épais qui
recouvrent les deux parois de la cellule. Les spectres SANS de ces gels
déshydratés sont présentés dans la figure 48 et
sont accompagnés des mesures réalisées avant
déshydratation pour comparaison.
10
1
0.01 0.1
Q (A-1)
0.1
(a)
10
1
Gel 15%
Gel 15% déshydraté
0.01 0.1
Q (A-1)
(b)
Gel 30%
Gel 30% déshydraté
Figure 48 : Spectres SANS des gels 15% (a) et 30% (b)
déshydratés par pompage dans la représentation log- log.
Les spectres des gels 15% et 30% sont présentés ici à
titre comparatif.
Gel 15% déshydraté
Si l'on superpose le spectre du gel 15%
déshydraté à celui du gel 15%, nous pouvons voir que leurs
profils en intensité sont identiques (Figure 49 (a)), ce qui signifie
que la structure du gel de silice n'a pas été modifiée par
la déshydratation, alors que la perte en eau est conséquente. Les
molécules de D- glucose semblent donc protéger de manière
active la structure du gel.
Gel 15%
Gel 15% déshydraté
10
1
0.1
0.01 0.1
Q (A-1)
(a)
(b)
0.01 0.1
Q (A-1)
0.001
0.01
0.1
10
1
Gel 15%
Gel 15% déshydraté
Q-2,08
Q-4
Figure 49 : (a) Superposition des spectres SANS des gels 15% et
15% déshydraté, et (b) après soustraction du bruit de fond
incohérent.
La seule différence notable est que le gel 15%
déshydraté est décalé vers des intensités
plus basses. Ceci peut s'expliquer par le fait que le gel ne recouvre plus
l'intégralité de la cuvette, et qu'il forme maintenant un film
sur chaque face de la cuvette, laissant ainsi un espace libre entre les deux.
Par conséquent, le faisceau de neutrons traverse une zone « sans
échantillon » qui conduit inéluctablement à une
baisse en intensité. A cela s'ajoute l'évolution du contraste
lié au pompage du D2O.
Maintenant, si l'on soustrait le bruit de fond incohérent
(Figure 49(b)), nous trouvons deux régimes distincts :
- un premier, à grands Q, avec une pente en
Q-4, qui traduit la présence d'objets uniformes et
non-fractals. Il s'agit du signal des monomères qui constituent la
structure de base du réseau siliceux.
- Un deuxième, compris entre 0,003 et 0,8
Å-1, présente une pente en Q-2, qui indique
que nos particules élémentaires s'organisent pour former une
structure auto-similaire typique d'un réseau de polymères.
Que ce soit avant ou après soustraction du signal
incohérent, les diffusions des gels 15% et 15% déshydratés
se superposent parfaitement confirmant ainsi la conservation structurale de la
silice par le sucre.
Gel 30% déshydraté
Le gel 30% déshydraté et le gel 30%
présentent des profils de diffusion légèrement
différents. (Figure 48 (b)) La superposition de ces deux spectres
après correction du signal incohérent ne montre pas une
modification majeure de la structure. (Figure 50)
10
Gel 30%
Gel 30% déshydraté
1
Q-2,04
0.1
0.01
Q-3,9
0.001
0.010.1
Q (+-~)
Figure 50 : Superposition des spectres SANS des gels 30% et 30%
déshydraté après soustraction du bruit de fond
incohérent.
En fait, cette différence d'appréciation
provient du fait que les bruits de fonds incohérents des deux gels
génèrent une déformation du signal qu'il convient de
corriger. Cette fois encore, une légère différence
d'intensité est visible pour les plus grandes valeurs de Q, entre les
gels 30% et 30% déshydratés, mais cette différence est
malgré tout moins marquée. Après correction, nous
retrouvons bien les deux régimes en Q-2 et Q-4
déjà repérés dans le cas du gel 15%. Cette fois
encore, bien que les pertes en eau soient importantes, la structure du gel
semble résister à cette déshydratation forcée
grâce à la présence du monosaccharide.
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