Chapitre 1
ETAT DE L'ART
1.1. La bioprotection:Le phénomène d 'anhydrobiose
17
1.2. Les sucres ou hydrates de carbone 18
1.3. Interactions soluté-eau 21
1.4. Le rôle des sucres dans les phénomènes
bioprotecteurs 24
1.5. Dynamique moléculaire des sucres en solution aqueuse
30
1.6. Conclusion générale du chapitre 1 32
CHAPITRE 1
ETAT DE L'ART
1.1. LA BIOPROTECTION: LE PHENOMENE D'ANHYDROBIOS
Une variété particulière de plantes
appelée Selaginella lepidophylla ou plus communément
dénommée « Rose de Jéricho » est
extraordinairement résistante à la sécheresse. Ces plantes
florifères apparaissent comme mortes après de longues
périodes sans hydratation, et recouvrent comme par miracle toute leur
splendeur à la moindre trace d'humidité. C'est pour cette raison
qu'elles ont été baptisées plantes de
résurrection.1 La Rose de Jéricho est loin
d'être le seul organisme vivant à présenter un tel
comportement vis-à-vis de la déshydratation. De nombreux autres
spécimens présentant cette même caractéristique ont
été découverts, des plus simples comme les organismes
unicellulaires, à des organismes beaucoup plus complexes comme des
plantes ou des invertébrés (Figure 1). Tous montrent cette
incroyable aptitude à tolérer de très
sévères niveaux de déshydratation* sur de
longues périodes pouvant aller de quelques mois à quelques
dizaines d'années2, le record revenant à un petit
tardigrade qui a recouvré la vie après plus de 120 ans
passés dans un musée italien ! De manière
générale, les organismes capables de résister à de
tels niveaux de déshydratation sont nommés des organismes
anhydrobiotiques (du grec anhydro qui signifie sans eau et biotique qui
qualifie un milieu dans lequel la vie peut se développer).
Figure 1: Deux exemples d'organismes anhydrobiotiques: le
tardigrade (à gauche) et la Borya septentrionalis une plante de
résurrection (à droite).
La déshydratation est l'un des stress environnementaux
les plus difficiles à gérer pour les organismes aussi bien
terrestres qu'aquatiques, car elle cause de nombreux dommages
irréversibles dans les structures biologiques. Les organismes
anhydrobiotiques sont donc, par leur résistance, d'un
intérêt majeur pour les biologistes, un intérêt qui a
débuté il y a maintenant plus de 300 ans.3
L'étude des masses sèches de ces organismes a mis en exergue une
grande quantité de solutés comme la proline, la sérine, la
glycine-bétaine, le mannitol, le sorbitol, les polyols, le
tréhalose, le sucrose et des
* La perte en eau dans ces organismes atteint
régulièrement des valeurs proches des 95 à 99%.
oligosaccharides comme le glucose ou le fructose. En
réponse à la déshydratation cellulaire, qu'elle soit
provoquée par une sécheresse, un froid extrême ou un choc
osmotique, les microorganismes ou les plantes accumulent ces solutés
dits compatibles dans leurs cellules. La plupart sont dans l'incapacité
de protéger activement les protéines et les membranes dans des
cas de déshydratations majeures. Seuls les sucres peuvent
répondre et structuralement et par leurs groupements fonctionnels
à la préservation des édifices biologiques dans de telles
situations.4 Le tréhalose et le sucrose par exemple sont
connus pour protéger la structure des macromolécules et
évitent la fusion des membranes durant les phénomènes
d'hydratation / déshydratation.5,6,7 Ces dernières
années, de nombreuses études ont été
réalisées sur ces systèmes et toutes les théories
invoquées convergent sur le fait que les sucres jouent un rôle
prépondérant sur la conservation des structures biologiques.
1.2. LES SUCRES OU HYDRATES DE CARBONE
Les sucres se composent, comme la plupart des corps
organiques, d'atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène, et ont
pour formule brute Cx(H2O)y, formule à l'origine de leur
dénomination d'hydrates de carbone ou « carbones hydratés
». La famille des hydrates de carbone peut être divisée en
trois sous-groupes : les monosaccharides, les oligosaccharides et les
polysaccharides.
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