Introduction
Le sucre, un nom bien familier...
Connu dès la plus haute Antiquité, le «roseau
sucré », originaire de Papouasie, fournit une
*
substance blanchâtre d'un goût suave et doux
à l'origine du sucre.Considéré alors comme un miel produit
sans le secours des abeilles, le sucre était utilisé en tant
qu'épice mais également comme médicament puisqu'on lui
reconnaissait une origine divine et de nombreuses vertus
thérapeutiques... Même si ces vertus ont longtemps
été surestimées, il n'en reste pas moins que les sucres,
en raison de leur très forte abondance dans les organismes vivants,
forment une classe de molécules biologiques tout à fait
particulière. Le fructose, la chitine, la cellulose, l'amidon, le
lactose, le glucose, le saccharose, le ribose, ..., toutes ces molécules
familières font partie de la très grande famille des sucres, et
sont les constituants de coenzymes, d'antibiotiques, de cartilages, de parois
cellulaires, du sang et même du matériel génétique!
Ils interviennent également dans de nombreux processus biologiques comme
le stockage énergétique, la reconnaissance moléculaire, ou
encore dans les phénomènes de biopréservation des tissus
...
Cette propriété de protection des structures
biologiques (cellules, protéines, tissus, ...) soumises à des
conditions de froid ou de chaud extrêmes est d'un intérêt
grandissant dans une problématique de conservation des organes, des
greffons ou des vaccins en médecine d'une part, ou encore pour
l'amélioration des procédés de stockage par
cryogénie ou par lyophilisation dans l'industrie agroalimentaire d'autre
part.
* C'est en Inde, que le terme sanskrit « sarkara » qui
signifie sable a donné naissance au mot sucre utilisé aujourd'hui
dans toutes les langues indo-européennes.
Mais la stabilité des édifices biologiques est
très dépendante des conditions environnementales comme le pH, la
température, le taux d'hydratation... ; et la congélation ou la
déshydratation, par exemple, causent des dommages irréversibles
voire fatals aux cellules. La présence de certains solutés
compatibles, comme le tréhalose ou le sucrose, dans les liquides
cellulaires permet de stabiliser les membranes en conservant l'espace
intermembranaire en l'état, mais également en évitant la
formation de glace intracellulaire. Les mécanismes moléculaires
à l'origine de ces phénomènes de bioprotection sont encore
assez débattus et différentes théories ont vu le jour
selon le niveau de déshydratation cellulaire considéré :
l'effet déstructurant des sucres, l'effet d'exclusion
préférentielle, la substitution de l'eau d'hydratation, et la
vitrification. Mais toutes ces hypothèses, prises individuellement, ne
permettent pas d'expliquer de manière satisfaisante les processus mis en
jeu sur une grande gamme de température et/ou de concentration.
Néanmoins, derrière toutes ces théories, basées sur
les propriétés exceptionnelles de l'eau et du sucre, se cachent
des problèmes d'interaction entre les molécules d'eau et de
sucre, et donc de dynamique moléculaire... (Chapitre 1)
Les systèmes biologiques en question sont assez
complexes et il est absolument nécessaire d'étudier des
modèles simplifiés. Des mélanges binaires eau/sucre sont
donc une première étape et l'étude de la dynamique des
molécules de solvant et des molécules de soluté en
fonction de la concentration et/ou de la température sera une aide
précieuse à la compréhension des processus de bases.
(Chapitre 2) Pour ce faire, des systèmes eau/monosaccharide seront
étudiés et comparés afin d'apprécier les effets de
la concentration, mais également de la stéréochimie, sur
la dynamique du solvant et du soluté. Mais toutes ces études
présentent un point faible non négligeable: aucune ne prend en
considération les échelles des structures cellulaires. D'une
manière générale, les échelles en question, bien
que variables d'une cellule à l'autre, se rapprochent plus volontiers de
la dizaine de nanomètre que du monde macroscopique... Et à la vue
de tous les changements de propriétés engendrés par la
réduction de taille, ces systèmes binaires gagneront à
être étudiés dans des environnements restreints
stériquement. Parmi la très grande variété de
matrices hôtes, les gels de silice aqueux ont été
sélectionnés pour confiner des solutions de sucre à des
concentrations données. (Chapitre 3) Une étude approfondie de la
structure de ces gels en fonction du taux d'hydratation sera
réalisée par diffusion des neutrons aux petits angles, et le
pouvoir bioprotecteur des sucres sera testé. (Chapitre 4) L'étude
de la dynamique d'un mono- et d'un disaccharide placés sous confinement
dans ces hydrogels sera également entreprise et l'effet de la taille des
molécules sur la dynamique translationnelle discutée. (Chapitre
5) Afin de regarder les effets de l'architecture des pores sur la dynamique,
des silices mésostructurées de type MCM-4 1 ont été
spécialement développées afin de répondre au mieux
aux impératifs de concentration liés au confinement des solutions
de sucre. Une caractérisation structurale complète a
été menée sur cette matrice mésoporeuse. (Chapitre
6) Enfin, les variations thermodynamiques liées au confinement et la
dynamique des molécules de sucre confinées dans ces silices
ordonnées seront étudiées. (Chapitre 7)
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