1.4.2. Cas d'une déshydratation sévère
:
Les dommages émanant d'un séchage à l'air
ou d'une lyophilisation peuvent être attribuées à deux
causes primaires: une modification de l'état physique des membranes
lipidiques et à une dénaturation des protéines. Quand la
déshydratation devient majeure, c'est-à-dire quand la
quantité d'eau atteint des niveaux inférieurs à 0,3 g
d'eau par gramme de matière sèche, parmi tous les solutés,
seuls les sucres peuvent répondre par leurs groupements fonctionnels et
par leurs structures aux impératifs liés à la
préservation des édifices biologiques. Afin d'expliquer comment
les membranes cellulaires peuvent résister à de telles
contraintes et quelle peut être l'action des hydrates de carbone,
différentes hypothèses ont été
élaborées autour des propriétés singulières
des sucres présents dans les liquides membranaires: (i) la substitution
de l'eau d'hydratation51, et (ii) le phénomène de
vitrification.11
1.4.2. 1.Substitution de l'eau d'hydratation
Quand la quantité d'eau devient critique dans les
cellules, c'est-à-dire quand l'eau qui constitue les sphères
d'hydratation commence à être atteinte par le dessèchement,
le phénomène d'exclusion préférentielle ne peut
plus avoir lieu. Tous les équilibres physiologiques sont brisés
et de nombreux dommages irréversibles apparaissent sur les bicouches
phospholipidiques52 comme par exemple la fusion des vésicules
ou encore l'apparition de «fuites» dans la membrane lors de sa
réhydratation (Figure 8).9,32 Les sucres, et plus
particulièrement les disaccharides non-réducteurs comme le
tréhalose, prendraient la place laissée libre par les
molécules d'eau lors de leur dissipation. Crowe et al. ont fait
l'hypothèse d'une substitution de l'eau d'hydratation51 par
certains mono- ou oligosaccharides après avoir observé que les
sucres interagissaient avec les têtes polaires des lipides constituant la
membrane.53,54,55,56,57 Lorsque les dernières
molécules d'eau quittent les têtes polaires, la température
de transition cristal liquide / gel (Tm) des membranes augmente
d'une manière significative, de l'ordre de 70°C. Cette augmentation
est liée en partie à la réduction importante de l'espace
entre les groupements polaires ainsi qu'à une densification des
chaînes acyles des lipides.
(a) (b) (c)
Figure 8: Représentation schématique d'une
membrane biologique en phase lamellaire (a). A cause du séchage, la
phase cristal liquide lamellaire se transforme en phase gel (b) puis
après réhydratation, la phase lamellaire présente des
défauts qui génèrent des fuites.
Cette augmentation de Tm peut être
empêchée par l'ajout de sucres5, qui par
l'intermédiaire de leurs groupements hydroxyles vont interagir, via la
formation de liaisons hydrogène, avec les têtes polaires des
molécules biologiques. Ces liaisons permettent de conserver
l'intégrité de la membrane en maintenant intact l'espace
intermembranaire et l'écartement entre les groupements
polaires.32 Certains sucres comme le tréhalose ou le sucrose
se sont révélés être de très bons
lyoprotecteurs, le premier ayant un meilleur pouvoir bioprotecteur. Le
tréhalose est en effet le seul disaccharide à ne pas
présenter de liaisons hydrogène intramoléculaires lui
permettant ainsi de se lier à un nombre plus important de
molécules d'eau que ces congénères.40,58 De
plus, des simulations numériques ont démontré que le
tréhalose était suffisamment flexible pour pouvoir étendre
ou contracter ses cycles glucose pour s'ajuster à l'espace
intermembranaire existant entre les têtes polaires des
lipides.59
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