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Agriculture urbaine à Kinshasa: Alternative à l'insécurité alimentaire

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par Blaise Muzingu Nzolameso
Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux - Diplôme d'études approfondies "DEA" 2005
  

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2.2.3. Diffusion du maraîchage à Kinshasa

Comme dans la plupart des grandes villes africaines, Kinshasa voit se poser le problème de l'approvisionnement alimentaire d'une ville connaissant une véritable explosion démographique.

2.2.3.1. Période avant l'indépendance

La crise généralisée constatée dans la ville de Kinshasa se traduit aussi par l'extrême raréfaction des biens et des services produits par l'économie « moderne » (capitaliste) et par l'appareil administratif de l'État. Le secteur informel exploite les opportunités qu'offre la pénurie, en mettant sur le marché des produits et des services alternatifs ou de substitutions.

Pour assurer un certain auto-approvisionnement, on commença à s'intéresser tôt au développement de cultures compatibles avec l'urbanisation. Ainsi, dès l'époque coloniale, on s'occupait déjà de maraîchage, exigeant moins de place que la culture de plantes vivrières et occupant de façon privilégiée des zones humides peu favorables à l'habitat.

C'est en 1954 que le projet d'aménagement de la rive droite de la vallée de la N'djili a été lancé pour assurer l'approvisionnement de Léopoldville (actuellement Kinshasa) en légumes frais. Le projet était réalisé sur une superficie de 28 ha répartis en parcelles de 21 ares. En 1957, le projet fut étendu à Kimbanseke où les aménagements concernaient 293 lots de 16 ares chacun. Dans chacun des deux centres, une coopérative de soutien à la production et à la commercialisation a été organisée, et les maraîchers ont été largement encadrés. Mais, il y a lieu de signaler que la production de ces deux périmètres maraîchers concernait essentiellement des légumes de types européen pour répondre à la demande des nombreux Européens présent dans la ville. A côté de ces sites, l'on rencontrait des jardins spontanés et anarchiques, situés entre les quartiers industriels, le pool Malebo, ainsi qu'à N'dolo, qui assuraient la production de légumes- feuilles de types africains pour faire face à la demande émanant de la population locale.

2.2.3.2. Années après l'indépendance (1960-1993)

La colonisation a été une grande productrice de villes en Afrique et ces villes ont une double fonction : le contrôle politique et le drainage des produits. Ces deux fonctions sont fondamentales pour comprendre la crise actuelle des grandes villes. En Afrique, les villes sont « filles de l'État », avec une finalité de contrôle politique. La fonction « drainage » selon Poutier, cité par Tourot (1999), est à l'origine du système dominant catastrophique : le système rentier à l'occurrence. Beaucoup d'États ont une économie directement héritée du système colonial, une économie rentière. Ces économies rentières sont d'une extrême fragilité. Or, ce qui fait vivre la ville, c'est la rente redistribuée en partie par l'État et qui fait vivre le système politique. Une ville reste suspendue à cette distribution, et comme cela ne fonctionne plus, la population est exposée à une crise multiforme. Mais on constate que les troubles qui ont suivi l'indépendance ont rapidement désorganisé certains périmètres maraîchers. L'encadrement ainsi que l'approvisionnement en compost (en provenance d'une usine de compostage qui traitait des gadoues de la ville et qui était située à Masina) et en semences (de légumes de types européen) n'ont plus pu être assurés. Comme en plus les débouchés pour les légumes européens avaient fortement baissé avec le départ de la majorité des européens après la colonisation, les maraîchers se sont reconvertis à la production de légumes- feuilles locales dont la vente était davantage assurée.

En 1964, a eu lieu l'expulsion des Congolais de l'autre rive du fleuve (Congo - Brazzaville). Ceux ci constituaient la moitié des maraîchers du périmètre de N'djili et Kimbanseke ; la désorganisation s'est donc encore accrue. Les autorités ont essayé de les

remplacer par des manoeuvres inexpérimentés mais les résultats ne se sont pas avérés satisfaisants.

En 1965, le calme politique se rétablit et le pouvoir ayant fait de l'agriculture « priorité des priorités », a essayé de relancer le maraîchage kinois5 . Il fit appel à la coopération française pour rendre efficace sa politique en cette matière. Dès le début des années 70, les cultures de légumes - feuilles tropicales ont repris de l'ampleur. Ces légumes indigènes constituent, encore à ce jour, avec environ 80% de la production officielle, la plus grande part de la production maraîchère kinoise.

En 1972, l'aire maraîchère de Kinshasa était estimée à 101 ha (estimation CECOMAF6 1972). Selon le département de l'agriculture, il y avait 4. 300 producteurs ayant la production de légumes comme activité principale en 1981. La superficie moyenne par cultivateur variait généralement entre 0,09 et 0,11 ha.

Au cours des années 70 et 80, des nouveaux périmètres maraîchers sont mis en place et le recensement de l'époque indique jusqu'à 9 périmètres officiels. Il s'agit notamment de :

· la vallée maraîchère de la Funa, située un peu à l'écart des autres au Sud de la ville,

· le centre maraîcher de Lemba- imbu, auquel on rattache le centre de Kinsenso, le centre de N'djili ; le centre de Kimbanseke ; le centre de Manzanza ; la vallée de la Tadi ; la vallée de la Tshangu ; la vallée de la Mango ; le centre de Mokali, auquel on rattache le centre de Bono.

En plus de ces centres «encadrés», on trouve encore quelques centres « non encadrés » notamment dans la vallée de la Bumbu (près de la vallée de la Funa), la vallée de la LukungaIkusu (à l'Ouest de la ville) et un centre aux abords de l'aéroport.

Il y a lieu de remarquer aussi, partout en ville, aux abords des rues, des routes et sur les terrains vagues, de petites parcelles «spontanées» couvertes de cultures maraîchères. La production de ces jardins est difficile à évaluer, mais n'est certainement pas négligeable. On constate aussi qu'une grande partie de cette production est destinée à la vente et participe donc de façon certaine à l'approvisionnement en légumes du centre de Kinshasa.

5 Kinois : relatif à la population habitant Kinshasa

6 Centre de commercialisation des produits maraîchers et fruitiers de la vallée de la N'djili .

L'année 1972, marque une étape importante dans l'évolution du maraîchage à Kinshasa. Il s'agit de la création, par arrêté Ministériel, du CECOMAF. Nonobstant sa dénomination plutôt restrictive, cet organisme intervient également, de façon partielle sinon de façon essentielle, dans l'aménagement des sols, la gestion des installations collectives, l'approvisionnement des exploitants et la diffusion des techniques culturales modernes. Les conditions du marché local ne lui permettent en effet pas d'intervenir directement dans la commercialisation, et son rôle dans ce domaine se réduit finalement à un service de transport.

En 1978, la pisciculture a été relancée sous initiative du CECOMAF par l'introduction d'une espèce de poisson « Tilapia nilotica ». Le centre sera quelques temps après remplacé officiellement par le Projet Maraîchage et Pisciculture (PMP) mais la dénomination CECOMAF continuera à être utilisée.

En 1986, les infrastructures de la CECOMAF sont léguées au PASMAKIN7 . Cependant sa fonction semble fortement réduite suite à un manque de moyens et de personnel. A ces causes, il faut ajouter malheureusement les pillages de 1991 et 1993 ainsi que les conséquences de la guerre de 1997. Cette dernière avait particulièrement déstabilisé l'organisation de ces vallées.

Le changement de projet CECOMAF au projet PASMAKIN entre 1972 et 1996 a amené à la mise sur pied du Service National d'Appui au Développement de l'Horticulture Urbains et Péri Urbaine en sigle « SENAHUP » qui est un service spécialisé du Ministère de l'Agriculture et de l'Élevage relevant du Secrétariat Général au Développement Rural.

Crée par arrêté Ministériel N° 026/CAB/MIN/ AGRIDRAL/96 du 18/09/96, SENAHUP a pour objectifs :

l'intensification des productions maraîchères et fruitières en milieux urbain et péri - urbain par l'intégration de l'horticulture dans la gestion des espaces verts ;

la restauration des techniques culturales et de l'élevage ;

la réhabilitation les périmètres maraîchers pour assurer une régularité des approvisionnements urbains et ruraux à toute période de l'année et augmenter le revenu de l'horticulteur ;

l'éducation coopérative ;

7 Projet d'Appuie et de Soutient aux Maraîchers de Kinshasa

l'identification des ressources humaines capables d'assurer le suivi de la politique nationale en la matière ;

l'implantation progressive des structures autogérées à travers le territoire national.

De ce qui précède, l'évolution rapide de cette agriculture urbaine à Kinshasa bien que le résultat de l'absence d'une politique agricole cohérente et efficace, et l'absence d'une politique sur le développement du milieu rural Congolais, la crise politique et socio économique, elle permet des multiples fonctions.

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