chapitre 2
A- L'introduction de l'irrigation
1- Du plan de colonisation agricole du baron Roger à
la création de la SAED
L'introduction de l'irrigation au Sénégal remonte
vers le XIX ième siècle. Elle résulte de
la volonté des puissances coloniales de substituer le commerce des
comptoirs à une colonisation agricole. Le projet de colonisation
agricole a été encouragé en partie par l'abolition
de l'esclavage. En effet, face aux difficultés d'amener la
main-d'oeuvre là où se trouvait les plantations, la meilleure
solution fut de faire l'inverse c'est-à-dire de transporter le travail
là où il y'avait la main d'oeuvre corvéable (Barry B.
1985 citant Scheffer). Donc c'était le coup d'envoi de la
colonisation agricole qui venait d'être donné avec le
Sénégal, le Madagascar et la Guyane qui furent retenus comme
lieux d'expérimentation.
Au Sénégal, c'est le royaume du Waalo qui fut
retenu par ces tentatives avec la signature d'un traité de concession
des terres entre le gouverneur Schmaltz et Amar Fatim Mborso, brack du Waalo
d'alors. Schmaltz, dans le souci d'alimenter l'industrie naissante en
matière première, avait pensé à la canne
à sucre, le coton et l'indigotier.
Dans l'ensemble, ces tentatives se sont soldées par des
échecs qui ont entraîné le remplacement du gouverneur
Schmaltz par le baron Roger en 1821. Ce dernier créera plus tard un
jardin d'expérimentation à Richard-Toll.
Pour promouvoir la recherche agronomique dans le royaume du
Waalo, Roger mit en place un jardin d'essai à Richard-Toll en 1822.
Ce jardin était placé sous la férule d'un
pépiniériste du nom de Richard. Concernant l'exploitation, des
primes et mesures incitatives telles que bestiaux, machines à
égrener, étaient mises à la disposition des plus
méritants (Maiga M. 1995).
Du point de vue de la conception technique, nous avions de
petites parcelles délimitées par des digues. Le système
d'approvisionnement en eau était calqué sur le modèle
qui prévalait en Algérie : la Noria.
Une gamme très diversifiée de
variétés était cultivée à Richard-toll.
Néanmoins, on peut les regrouper en trois grandes familles : d'abord
les fruits et légumes (manguier, goyavier, papayer, etc. pour les
fruits et chou, carotte, etc. pour les légumes) ; ensuite les
céréales avec le riz comme espèce dominante et enfin
les cultures de rente (coton, mûrier, plantes tinctoriales, etc.).
Le bilan des travaux de Roger a été plus ou moins
décevant avec une exception faite pour les légumes qui ont
connu un franc succès. En plus de cet échec, le royaume du Waalo
était sous la domination des Maures. Cette annexion suscitait de
sérieuses inquiétudes chez les français et il faudra
attendre jusqu'au XX iéme siècle pour voir les vrais
programmes d'aménagements se développer dans le Delta. Vers
1900, l'aménagement de la vallée et du delta était mis
en veilleuse au profit de la monoculture arachidière qui n'avait pas
manqué à exacerber le déficit vivrier du pays (Sarr B.,
1995).
Ce n'est que vers les années 1920 que de nouvelles
possibilités d'aménagement furent étudiées dans
la vallée du fleuve Sénégal avec le plan Augier.
C'était un plan multisectoriel qui comprenait entre autres objectifs
la régularisation du fleuve, une navigabilité permanente
de Kayes à Saint-louis, etc. Ce projet qui était
coûteux va pousser l'administration coloniale à reculer et
à adopter des projets beaucoup plus modestes. En 1935 la MEFS (Mission
d'Etude du Fleuve Sénégal) est créée. Cette
structure était chargée de la conduite et de l'exécution
de tous les travaux expérimentaux à réaliser dans tout
le bassin du fleuve Sénégal. Elle sera remplacée par la
MAS (Mission d'Aménagement du Sénégal) en 1938 qui
n'était rien d'autre que son prolongement.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, face au
déficit céréalier consécutif à la
rupture des importations de riz en provenance d'Indochine, on ordonna
à la MAS de mettre en valeur l'ensemble du Delta (P.S Diagne,
cité par Seck.S.M 1981). L'objectif poursuivi dans tout
cela était l'aménagement en l'espace d'une décennie de
50.000 ha et la production de 80.000 tonnes de paddy afin de couvrir les
besoins nationaux. Ainsi, en 1946, le casier pilote de Richard-toll fut
réalisé et nécessita la mise en place d'un pont-barrage
entre la Taouey et le fleuve Sénégal. Tous ces travaux
pouvaient se traduire par une forte artificialisation de la zone en donnant
un autre cachet à Richard-Toll poussant certains chercheurs comme (S .M
Seck, 1981) à parler de l'émergence d'un «second
Richard-Toll». La gestion de ce casier était assurée par
la SDRS (Société de Développement Rizicole du
Sénégal) et du fait du sous- peuplement du Delta à ce
moment le recours à la mécanisation était imparable.
Dés l'aube des indépendances (1960), la MAS
céda la place à l'OAD ( Organisation Autonome du Delta) dans
le delta du fleuve Sénégal et à l'OAV (Organisation
Autonome de la Vallée), soeur jumelle de l'OAD intervenant au niveau
de la vallée (G. Diemer et E.Van der Laan, 1987). Cependant aucun de
ces deux organismes ne disposait ni d'une personnalité juridique ni
d'une autonomie financière ; ce qui faisait qu'ils atteignaient
très tôt la limite de leurs prérogatives. En 1965, l'OAD
céda la place à une structure beaucoup plus solide avec
le statut de société publique à caractère
industriel et commercial : la SAED
(Société d'Aménagement des terres du Delta).
En 1972, la zone d'intervention de la SAED fut étendue
à la zone de l'OAV (Basse Vallée) puis en 1974 sur l'ensemble
de la rive gauche.
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