7- PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES
ACTEURS
7.1 Attentes des acteurs
7.1.1 Attentes des producteurs
Les producteurs constituent les maillons les plus importants
de la filière coton. Ils ont placé beaucoup d'espoir dans la
conduite des réformes au regard des situations vécues dans le
passé (mauvaise gestion des intrants agricoles dans les GV,
détournements des fonds coton par les secrétaires GV,...). En
effet, le cycle répétitif de la dégradation des cours sur
le marché et le faible niveau d'implication des producteurs dans la
gestion de la filière sous les services publics ne leur ont pas garanti
un revenu décent et stable dans le temps. Les attentes des producteurs
se résument à l'amélioration de leur revenu donc de leur
niveau de vie qui se traduit essentiellement par :
- Le paiement des différentes recettes à leur
profit dans les délais raisonnables
- Le démarrage de la campagne de commercialisation
à temps
- L'implication des producteurs dans la fixation des prix dans un
cadre de concertation et sur base d'un consensus pour garantir un prix
rémunérateur
- La transparence dans la gestion des activités de la
filière
- La mise en place des intrants, de bonne qualité,
à bonne date et à un prix raisonnable
7.1.2 Attentes des distributeurs
d'intrants
Les attentes de ces acteurs se résument à:
-au renforcement de la capacité des OP à mieux
participer à la mise en place des intrants par une bonne expression des
besoins en intrants et une meilleure centralisation des commandes et des
facturations des mises en place dans les GV/GP.
- au non-retour des stocks d'intrants par les GV, une fois la
mise en place faite conformément aux bons de commandes fermes.
- au dénouement du crédit intrant mis en place en
respect de la réglementation en vigueur au niveau des banques.
Les résultats sont en général
intéressants car, le crédit intrant a été toujours
dénoué à 100% et avant le 31 décembre,
conformément au principe retenu. Toutefois, les retours de stocks
d'intrants continuent d'avoir cours, malgré la notion de bons de
commande ferme,
obligeant souvent les distributeurs d'intrants à
concéder les avances sur report à
certains groupements afin de leur permettre d'honorer leurs
engagements vis-à-vis des producteurs.
7.1.3 Attentes des
égreneurs
Les égreneurs attendent d'exercer leurs activités
dans les conditions normales telles
que :
- Démarrage à temps de la campagne de
commercialisation
- L'approvisionnement des usines à leur capacité
nominale, sur la base d'un plan d'évacuation qui tient compte des
réalités du terrain (production nationale, détournement
des chargements,) - L'acceptation d'un prix consensuel et négocié
de tous les acteurs de la filière.
7.1.4 Attentes de la recherche
Pour les acteurs enquêtés au niveau de la
recherche, la « filière est malade parce qu'il y a trop de
laisser-aller ». Malgré le tropisme actuellement favorable à
la libéralisation, le gouvernement devrait s'impliquer davantage dans le
domaine des intrants du coton, en régulant et en sanctionnant les
opérateurs indélicats. Il s'agit pour le gouvernement de
s'investir davantage dans la recherche et le développement, en
partenariat avec les organisations de producteurs tout en veillant au respect
des principes de base de gestion de la réforme dans le secteur.
Si les responsables, à différents niveaux s'y
engageaient de manière transparente, des mesures de régulation et
de contrôle mises en oeuvre par l'Etat pourraient réduire
effectivement les divers risques liés à la production et
améliorer la situation économique des paysans.
7.2 Appréciation de la portée de la
réforme du secteur coton
L'appréciation de la réforme peut être
évaluée par rapport à la qualité des services
offerts, à la qualité de la production, à
l'efficacité du système ou par rapport aux acteurs. Dans cette
étude, nous concentrerons notre analyse sur l'appréciation de la
performance de la réforme par rapport aux différents acteurs du
secteur.
7.2.1 Evaluation par rapport aux
producteurs
constituent le principal terreau auquel le sous-secteur
cotonnier doit son développement. Cependant de nombreuses interrogations
subsistent par rapport aux capacités des OP à vraiment contribuer
au succès des réformes.
En absence d'autres filières organisées, le
constat qui se dégage depuis la mise en place de la FUPRO fait
apparaître que cette structure ne trouve sa raison d'être que dans
la culture du coton. Même si quelques fois, des efforts ont
été entrepris pour intervenir dans d'autres filières comme
celles des cultures vivrières, de l'ananas, de la production animale, il
est difficile pour la FUPRO de ne pas paraître comme une OP
faîtière présente dans la filière coton. Cela
s'explique d'une part par le fait que cette filière est la mieux
organisée dans le pays. En clair, toutes les activités de la
FUPRO sont exclusivement concentrées sur la production
cotonnière. Les ressources que nécessite cette structure doivent
provenir de cette spéculation à moins d'être appuyée
par des subventions extérieures. La filière se trouve alors
asphyxiée parce que, contrainte à supporter plusieurs acteurs. Si
les réformes engagées avaient favorisé une diversification
des spéculations, les multiples parties qui se ruent aujourd'hui vers le
coton, parce qu'étant le seul créneau porteur en matière
de filière, seraient orientés vers d'autres secteurs.
S'il est vrai qu'une culture organisée sert de
locomotive pour d'autres filières, il n'en demeure pas moins qu'à
N'Dali, la situation reste tout autre. L'intérêt que le producteur
tire de cette spéculation, en dehors de sa recette, reste le canal des
intrants qu'ils utilisent, dans l'informel, pour d'autres spéculations
(cas des cultures maraîchères et du maïs). Mais
malheuresement, la production du maïs n'est pas valorisée et il s'y
prête juste une agriculture de subsistance. Avec cette stratégie,
il s'ensuit des impayés en fin de campagne, ce qui affecte en retour la
recette cotonnière. Le paysan se retrouve ainsi dans un cercle vicieux,
miné par les intérêts des puissants acteurs de la
filière coton béninoise.
En effet, avec la tendance à la baisse des cours du
coton sur le marché international depuis quelques années, la
filière traverse une crise aggravée par les résultats
observés suite au transfert de compétence aux organisations
paysannes. Il est tout à fait évident, que la forte
responsabilisation des organisations paysannes, depuis la gestion des intrants
jusqu'à la commercialisation primaire à fait naître des
crises de mauvaise gestion et de malversation. Constatons qu'avec les mutations
qui sont intervenues dans le secteur coton, les organisations paysannes
à tous les niveaux (GV, UCP, FUPRO), sont affaiblies par des
problèmes de gestion et de trésorerie qui sont liés d'une
part au système de gestion et de distribution des intrants coton et
d'autre part à la gestion des mécanismes de la commercialisation
primaire. Le problème d'endettement par crédit intrants est
monnaie courante pour les GV. Par contre,
les Importateurs-Distributeurs d'Intrants, quant à eux,
sont assurés du remboursement des crédits d'intrants à
part entière, grâce au système actuel géré
par la CAGIA, la CSPR et l'Interprofession.
Ces situations d'endettement sont entretenues par
l'inexistence de la notion de spécialisation en certaines cultures; ce
qui a favorisé des déviations dans la gestion des intrants dont
une forte proportion est bradée ou détournée sur les
cultures vivrières, sans autres dispositions pour en assurer le
remboursement du crédit.
La mauvaise application de la notion de caution solidaire a
servi de socle à la dilapidation des ressources collectives par une
minorité, le plus souvent les responsables de ces organisations
paysannes, démotivant ainsi plusieurs producteurs à la base.
Les disfonctionnements observés au sein des
organisations paysannes témoignent que ces acteurs à la base ne
s'étaient pas préparés à ces diverses missions qui
leur ont été assignées avec la réforme. Cette
incapacité à gérer efficacement ces nombreuses fonctions a
engendré des frustrations qui ont servi de tremplin à la
création des structures paysannes parallèles à la
FUPRO.
Cette approche scissionniste des structures paysannes, ne
saurait rien arranger dans cette filière qui a besoin du soutien de tous
ces acteurs, surtout dans le domaine si complexe de la commercialisation
primaire, où la sécurisation des intérêts des
producteurs tient une place de premier choix. Il est vivement conseillé
que les OP des divers réseaux tirent de cet environnement de conflit et
de clivage, des enseignements pertinents qui s'imposent pour une redynamisation
des groupements de producteurs à la base.
En effet, malgré ces nombreuses faiblesses
relevées suite à cette nouvelle orientation organisationnelle de
la filière, l'espoir reste encore permis surtout que le Bénin
fait partie des premiers pays à expérimenter cette politique de
libéralisation et de privatisation du secteur coton. Les
expériences acquises pourront servir pour la réorganisation et la
restructuration des paysans en groupements spécialisés dans la
culture cotonnière; ce qui apaiserait certaines inquiétudes,
notamment sur le plan de la gestion des biens collectifs.
7.2.2 Evaluation par rapport aux autres
acteurs
Avec cette politique de libéralisation-privatisation du
secteur, caractérisée par l'entrée en jeu des acteurs
privés, l'esprit capitaliste s'est développé chez les
opérateurs économiques. La course au profit, par tous les moyens
possibles, au détriment de la classe paysanne, reste alors
l'idéologie au niveau de ces acteurs.
Vu la forte dépendance du secteur des cours
internationaux assez fluctuants, la réforme n'a pas su définir un
appui de stabilisation aussi bien aux Importateurs-Distributeurs qu'aux
égreneurs afin de soutenir ces acteurs et de soulager les producteurs
des coûts de production sans cesse croissants.
Avec la nouvelle plaque institutionnelle qu'impose la
réforme, les acteurs privés notamment les distributeurs et les
égreneurs à la recherche d'intérêts, ne se sentent
plus libres pour mener leurs activités et une guerre
d'intérêts se développe entre ces groupes d'acteurs. Avec
le processus de privatisation des outils industriels en cours, processus
prévu par la réforme, le problème de conflit quant
à la répartition de la production nationale entre
égreneurs pourrait encore s'accentuer. Ces outils étant revenus
aux privés, tous les moyens seront mis en oeuvre pour chercher à
s'approvisionner au moins à la capacité nominale.
Mais toutes ces crises peuvent être jugulées si
chaque acteur prend en compte les principes de base qui régissent
l'organisation de la filière. Dans ce cas, l'espoir est permis et tout
le monde y trouvera son compte. Il reste que l'Etat affiche sa volonté
d'aller jusqu'à bout du processus de façon responsable en
réglant convenablement les divers problèmes qui se posent
à la filière. Une implication de l'Etat dans le secteur en
signant souverainement l'accord cadre qui doit intervenir entre
l'Interprofession et les autres acteurs pour la délimitation des
domaines d'intervention de chaque acteur limiterait les conflits actuels.
En observant les institutions qui assurent la gestion du
mécanisme actuel, il est facile de constater que les «responsables
des structures avant réformes» dont l'inefficacité a conduit
à ces réformes s'y retrouvent toujours.
En définitif, le mécanisme de gestion
imposé par la réforme n'est pas mal en soi. Elle peut permettre
de relever tous les défis qu'elle s'est fixés, seulement le mode
de gestion du mécanisme reste encore inapproprié.
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