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Libéralisation de la filière coton au Bénin

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par Edmond TOTIN
Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Diplôme d'Ingénieur Agronome 2004
  

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7- PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS

7.1 Attentes des acteurs

7.1.1 Attentes des producteurs

Les producteurs constituent les maillons les plus importants de la filière coton. Ils ont placé beaucoup d'espoir dans la conduite des réformes au regard des situations vécues dans le passé (mauvaise gestion des intrants agricoles dans les GV, détournements des fonds coton par les secrétaires GV,...). En effet, le cycle répétitif de la dégradation des cours sur le marché et le faible niveau d'implication des producteurs dans la gestion de la filière sous les services publics ne leur ont pas garanti un revenu décent et stable dans le temps. Les attentes des producteurs se résument à l'amélioration de leur revenu donc de leur niveau de vie qui se traduit essentiellement par :

- Le paiement des différentes recettes à leur profit dans les délais raisonnables

- Le démarrage de la campagne de commercialisation à temps

- L'implication des producteurs dans la fixation des prix dans un cadre de concertation et sur base d'un consensus pour garantir un prix rémunérateur

- La transparence dans la gestion des activités de la filière

- La mise en place des intrants, de bonne qualité, à bonne date et à un prix raisonnable

7.1.2 Attentes des distributeurs d'intrants

Les attentes de ces acteurs se résument à:

-au renforcement de la capacité des OP à mieux participer à la mise en place des intrants par une bonne expression des besoins en intrants et une meilleure centralisation des commandes et des facturations des mises en place dans les GV/GP.

- au non-retour des stocks d'intrants par les GV, une fois la mise en place faite conformément aux bons de commandes fermes.

- au dénouement du crédit intrant mis en place en respect de la réglementation en vigueur au niveau des banques.

Les résultats sont en général intéressants car, le crédit intrant a été toujours dénoué à 100% et avant le 31 décembre, conformément au principe retenu. Toutefois, les retours de stocks d'intrants continuent d'avoir cours, malgré la notion de bons de commande ferme,

obligeant souvent les distributeurs d'intrants à concéder les avances sur report à

certains groupements afin de leur permettre d'honorer leurs engagements vis-à-vis des producteurs.

7.1.3 Attentes des égreneurs

Les égreneurs attendent d'exercer leurs activités dans les conditions normales telles

que :

- Démarrage à temps de la campagne de commercialisation

- L'approvisionnement des usines à leur capacité nominale, sur la base d'un plan d'évacuation qui tient compte des réalités du terrain (production nationale, détournement des chargements,) - L'acceptation d'un prix consensuel et négocié de tous les acteurs de la filière.

7.1.4 Attentes de la recherche

Pour les acteurs enquêtés au niveau de la recherche, la « filière est malade parce qu'il y a trop de laisser-aller ». Malgré le tropisme actuellement favorable à la libéralisation, le gouvernement devrait s'impliquer davantage dans le domaine des intrants du coton, en régulant et en sanctionnant les opérateurs indélicats. Il s'agit pour le gouvernement de s'investir davantage dans la recherche et le développement, en partenariat avec les organisations de producteurs tout en veillant au respect des principes de base de gestion de la réforme dans le secteur.

Si les responsables, à différents niveaux s'y engageaient de manière transparente, des mesures de régulation et de contrôle mises en oeuvre par l'Etat pourraient réduire effectivement les divers risques liés à la production et améliorer la situation économique des paysans.

7.2 Appréciation de la portée de la réforme du secteur coton

L'appréciation de la réforme peut être évaluée par rapport à la qualité des services offerts, à la qualité de la production, à l'efficacité du système ou par rapport aux acteurs. Dans cette étude, nous concentrerons notre analyse sur l'appréciation de la performance de la réforme par rapport aux différents acteurs du secteur.

7.2.1 Evaluation par rapport aux producteurs

constituent le principal terreau auquel le sous-secteur cotonnier doit son développement. Cependant de nombreuses interrogations subsistent par rapport aux capacités des OP à vraiment contribuer au succès des réformes.

En absence d'autres filières organisées, le constat qui se dégage depuis la mise en place de la FUPRO fait apparaître que cette structure ne trouve sa raison d'être que dans la culture du coton. Même si quelques fois, des efforts ont été entrepris pour intervenir dans d'autres filières comme celles des cultures vivrières, de l'ananas, de la production animale, il est difficile pour la FUPRO de ne pas paraître comme une OP faîtière présente dans la filière coton. Cela s'explique d'une part par le fait que cette filière est la mieux organisée dans le pays. En clair, toutes les activités de la FUPRO sont exclusivement concentrées sur la production cotonnière. Les ressources que nécessite cette structure doivent provenir de cette spéculation à moins d'être appuyée par des subventions extérieures. La filière se trouve alors asphyxiée parce que, contrainte à supporter plusieurs acteurs. Si les réformes engagées avaient favorisé une diversification des spéculations, les multiples parties qui se ruent aujourd'hui vers le coton, parce qu'étant le seul créneau porteur en matière de filière, seraient orientés vers d'autres secteurs.

S'il est vrai qu'une culture organisée sert de locomotive pour d'autres filières, il n'en demeure pas moins qu'à N'Dali, la situation reste tout autre. L'intérêt que le producteur tire de cette spéculation, en dehors de sa recette, reste le canal des intrants qu'ils utilisent, dans l'informel, pour d'autres spéculations (cas des cultures maraîchères et du maïs). Mais malheuresement, la production du maïs n'est pas valorisée et il s'y prête juste une agriculture de subsistance. Avec cette stratégie, il s'ensuit des impayés en fin de campagne, ce qui affecte en retour la recette cotonnière. Le paysan se retrouve ainsi dans un cercle vicieux, miné par les intérêts des puissants acteurs de la filière coton béninoise.

En effet, avec la tendance à la baisse des cours du coton sur le marché international depuis quelques années, la filière traverse une crise aggravée par les résultats observés suite au transfert de compétence aux organisations paysannes. Il est tout à fait évident, que la forte responsabilisation des organisations paysannes, depuis la gestion des intrants jusqu'à la commercialisation primaire à fait naître des crises de mauvaise gestion et de malversation. Constatons qu'avec les mutations qui sont intervenues dans le secteur coton, les organisations paysannes à tous les niveaux (GV, UCP, FUPRO), sont affaiblies par des problèmes de gestion et de trésorerie qui sont liés d'une part au système de gestion et de distribution des intrants coton et d'autre part à la gestion des mécanismes de la commercialisation primaire. Le problème d'endettement par crédit intrants est monnaie courante pour les GV. Par contre,

les Importateurs-Distributeurs d'Intrants, quant à eux, sont assurés du remboursement des crédits d'intrants à part entière, grâce au système actuel géré par la CAGIA, la CSPR et l'Interprofession.

Ces situations d'endettement sont entretenues par l'inexistence de la notion de spécialisation en certaines cultures; ce qui a favorisé des déviations dans la gestion des intrants dont une forte proportion est bradée ou détournée sur les cultures vivrières, sans autres dispositions pour en assurer le remboursement du crédit.

La mauvaise application de la notion de caution solidaire a servi de socle à la dilapidation des ressources collectives par une minorité, le plus souvent les responsables de ces organisations paysannes, démotivant ainsi plusieurs producteurs à la base.

Les disfonctionnements observés au sein des organisations paysannes témoignent que ces acteurs à la base ne s'étaient pas préparés à ces diverses missions qui leur ont été assignées avec la réforme. Cette incapacité à gérer efficacement ces nombreuses fonctions a engendré des frustrations qui ont servi de tremplin à la création des structures paysannes parallèles à la FUPRO.

Cette approche scissionniste des structures paysannes, ne saurait rien arranger dans cette filière qui a besoin du soutien de tous ces acteurs, surtout dans le domaine si complexe de la commercialisation primaire, où la sécurisation des intérêts des producteurs tient une place de premier choix. Il est vivement conseillé que les OP des divers réseaux tirent de cet environnement de conflit et de clivage, des enseignements pertinents qui s'imposent pour une redynamisation des groupements de producteurs à la base.

En effet, malgré ces nombreuses faiblesses relevées suite à cette nouvelle orientation organisationnelle de la filière, l'espoir reste encore permis surtout que le Bénin fait partie des premiers pays à expérimenter cette politique de libéralisation et de privatisation du secteur coton. Les expériences acquises pourront servir pour la réorganisation et la restructuration des paysans en groupements spécialisés dans la culture cotonnière; ce qui apaiserait certaines inquiétudes, notamment sur le plan de la gestion des biens collectifs.

7.2.2 Evaluation par rapport aux autres acteurs

Avec cette politique de libéralisation-privatisation du secteur, caractérisée par l'entrée en jeu des acteurs privés, l'esprit capitaliste s'est développé chez les opérateurs économiques. La course au profit, par tous les moyens possibles, au détriment de la classe paysanne, reste alors l'idéologie au niveau de ces acteurs.

Vu la forte dépendance du secteur des cours internationaux assez fluctuants, la réforme n'a pas su définir un appui de stabilisation aussi bien aux Importateurs-Distributeurs qu'aux égreneurs afin de soutenir ces acteurs et de soulager les producteurs des coûts de production sans cesse croissants.

Avec la nouvelle plaque institutionnelle qu'impose la réforme, les acteurs privés notamment les distributeurs et les égreneurs à la recherche d'intérêts, ne se sentent plus libres pour mener leurs activités et une guerre d'intérêts se développe entre ces groupes d'acteurs. Avec le processus de privatisation des outils industriels en cours, processus prévu par la réforme, le problème de conflit quant à la répartition de la production nationale entre égreneurs pourrait encore s'accentuer. Ces outils étant revenus aux privés, tous les moyens seront mis en oeuvre pour chercher à s'approvisionner au moins à la capacité nominale.

Mais toutes ces crises peuvent être jugulées si chaque acteur prend en compte les principes de base qui régissent l'organisation de la filière. Dans ce cas, l'espoir est permis et tout le monde y trouvera son compte. Il reste que l'Etat affiche sa volonté d'aller jusqu'à bout du processus de façon responsable en réglant convenablement les divers problèmes qui se posent à la filière. Une implication de l'Etat dans le secteur en signant souverainement l'accord cadre qui doit intervenir entre l'Interprofession et les autres acteurs pour la délimitation des domaines d'intervention de chaque acteur limiterait les conflits actuels.

En observant les institutions qui assurent la gestion du mécanisme actuel, il est facile de constater que les «responsables des structures avant réformes» dont l'inefficacité a conduit à ces réformes s'y retrouvent toujours.

En définitif, le mécanisme de gestion imposé par la réforme n'est pas mal en soi. Elle peut permettre de relever tous les défis qu'elle s'est fixés, seulement le mode de gestion du mécanisme reste encore inapproprié.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery