6.6. Impacts de la libéralisation sur les pratiques
agricoles en coton: cas du contrôle des ravageurs
6.6.1 Méthode de contrôle des
ravageurs avant la libéralisation
Selon les investigations menées au niveau des
producteurs, il existait seulement une approche de contrôle des
ravageurs. La lutte classique est la seule pratiquée dans toutes les
exploitations de production cotonnière. Mais dans l'application de ce
mode de contrôle des ravageurs, les producteurs ne respectent pas les
doses et les dates d'application.
L'analyse de la figure montre que les petits producteurs
respectent plus les six traitements recommandés que les gros producteurs
; ceci pourrait se justifier par le fait que les petits producteurs se
consacrent plus à leurs exploitations pour se garantir au moins un
minimum de rendement. C'est la tendance générale que traduit la
figure.
Les producteurs qui vont au-delà des six traitements
convenus ne respectent pas les doses recommandées. Ils fractionnent les
doses et répartissent ainsi les traitements sur une
longue période.
6.6.2 Méthode de contrôle des ravageurs
après la libéralisation
Au niveau de cette rubrique, nous distinguerons la
période avant la campagne 2001-2002 (où ont commencé les
dissidences dans les groupes professionnels) et la période après
cette situation.
6.6.2.1 Période avant la campagne 2001-2002
Pendant cette période, deux méthodes de lutte
cohabitent dans le milieu d'étude. Suivant l'objectif de
réduction des coûts de production que s'est fixée la
réforme, la LEC a été identifiée comme un moyen de
lutte efficace. Très rapidement elle s'est répandue dans les
zones cotonnières. Ainsi, dans la zone d'étude, tous les
producteurs enquêtés qui sont restés dans le GV ont au
moins une fois appliqué les produits LEC dans leur champ de coton.
Mais la politique de réforme n'a pas mis en place des
mesures pour encourager cette pratique. Il n'y a pas un système
précis qui définit le mode de mis en place de ces intrants.
6.6.2.2 Période après la campagne
2001-2002
Avec la naissance des dissidences entre les groupes
professionnels, parce que ne retrouvant plus les intérêts en jeu,
les réseaux parallèles ont vu le jour. Les producteurs qui se
sont retrouvés dans ces groupes n'ont plus accès à la
technologie de la LEC. Il y a alors une reconversion de la pratique de
contrôle des ravageurs. Ceux qui utilisaient cette technologie se sont
trouvés contraints à renouer avec la pratique classique (histoire
de vie 2).
En effet, les distributeurs d'intrants qui alimentent ces
réseaux ne mettent plus en place ces intrants LEC parce qu'ils ne leur
sont pas aussi rentables que ceux exigés par la lutte classique. La
technologie est certes utile pour les producteurs mais les distributeurs ne
trouvent pas leur compte. La réforme n'a pas su
définir des mesures pour encourager l'importation de ces intrants. Les
producteurs se retrouvent avec un goulot d'étranglement : ils ne peuvent
plus retourner dans le système GV pour prendre les intrants parce que
d'une part, ce système ne les arrange pas (retard du paiement des fonds
coton, mauvaise gestion des cautions solidaires qui entraîne des
impayés) et d'autre part, leurs productions sont d'avance
destinées à des compagnie précises (SODICOT pour FENAPRA
et MCI pour AGROP) et ils ne peuvent pas bénéficier des intrants
souhaités dans le réseau d'appartenance.
6.6.2.3 La LEC en front avec les intérêts des
distributeurs d'intrants
Les coûts des traitements chimiques varient suivant les
groupements: au niveau des réseaux FUPRO et FENAPRA, les coûts
s'élèvent à 49.500F et à 38.000F dans le
réseau AGROP (au cours de la campagne 2004-2005). Dans le même
temps, les traitements LEC sont estimés à 23.770F, soit en
moyenne 50% des traitements classiques dans les divers réseaux. Pendant
que cette technologie améliore la situation des producteurs en diminuant
les charges de production, elle ne semble par réconcilier tous les
acteurs, en particulier les distributeurs d'intrants. Les intérêts
tirés sur 1 Ha de traitement classique dépassent de loin ceux
générés par le traitement sur seuil (LEC) aux
distributeurs d'intrants, parce que dans ce cas, la quantité de produits
utilisée est faible (3 l au lieu 7 l dans le traitement classique). Ce
manque à gagner au niveau de ces intrants, a fait que cette
année, les distributeurs n'ont pas commandé ces intrants, bien
qu'ayant pris des engagements fermes auprès de la recherche pour assurer
la mise en place.
Cette rupture dans le processus d'adoption de la technologie,
rupture qui a marqué plusieurs paysans, pourrait constituer un frein
dans sa diffusion. Les paysans pourraient rester méfiants de la
technologie parce qu'ils se disent, suite à la non mis en place de ces
intrants, « avoir été trahis par l'Etat». En effet, il
a été montré par Rogers (1983) que la perception que les
paysans ont d'une innovation reste un élément déterminant
de son adoption. Si déjà, ils perçoivent une trahison de
l'Etat dans la technologie, ils pourraient se réserver quant à
son utilisation. Ainsi, la non disponibilité de ces intrants vient de
«briser» le pont entre paysan et l'innovation.
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