6.5 La libéralisation de la filière et le
transfert de pouvoir aux mouvements paysans
Avec le projet de libéralisation du secteur cotonnier,
l'Etat s'est engagé à transférer un certain nombre de ces
fonctions aux organisations paysannes, dont les activités de production
et de commercialisation. Mais le transfert de pouvoir aux producteurs a t-il
changé leur position de «subordonné» dans le
système coton ?
6.5.1 Les producteurs et la fixation du prix du
coton graine
Le prix du coton est généralement fixé,
à l'ouverture de la campagne de commercialisation, par des
comités nationaux formés de représentants du gouvernement,
de l'organisme public de commercialisation et d'organisations de
producteurs.
Les prix aux producteurs dépendent pour une large part,
du prix du coton sur le marché mondial et de la rentabilité des
activités de transformation et de commercialisation du coton. Le prix du
coton graine est aussi influencé par les contextes politiques. Ainsi, en
1998- 1999, le prix aux producteurs a été fortement
influencé par les enjeux électoraux, passant ainsi de 165 F (en
95-96) à 200 F (en 97-98) puis à 225 F(en 98-99), le prix le plus
culminant de toute la série, depuis la production du coton au
Bénin.
Malgré l'implication des producteurs dans ces processus
de fixation des prix du coton, la tendance est restée constante. Ainsi,
le partenariat entre les acteurs dominants de la filière et le paysannat
se trouve déséquilibré et les producteurs ne parviennent
pas à influencer les décisions ou même à se faire
entendre pour défendre leurs propres intérêts. Les
producteurs sont alors contraints à subir toutes ces décisions
prises pour eux et « avec eux » mais sans une réelle
intégration ou un véritable pouvoir pour influencer le
système. Ainsi, ils se trouvent obligés, dans le cadre de la
restructuration du secteur, d'intégrer les prises de décisions ;
mais quand il s'agit de défendre les intérêts des acteurs
représentés, on pense que là n'est pas leur rôle.
Il s'agit là d'un véritable paradoxe qui
caractérise les pratiques des acteurs dominants de cette filière
où il semble que le paysan ne peut être à la fois «bon
à produire» et «bon partenaire» avec qui on devra
négocier (Oloulotan, 2001). Ce paradoxe traduit assez bien le climat qui
règne actuellement au sein du monde de développement en ce sens
que, si certaines personnes pensent que les responsables paysans peuvent (ou
doivent) contribuer avec efficacité à la bonne gestion de leur
filière, d'autres, très attachées à une logique
très ancienne de répartition des rôles au sein de la
filière, ne font pas d'effort pour accepter que les paysans soient
capables de prendre en main leur destin.
Est-ce que les mouvements paysans peuvent influencer les prix
des intrants agricoles ? La forte dépendance des intrants coton et du
système de crédit d'intrants, fait en sorte que la filière
coton est très susceptible à des troubles d'ordre organisationnel
ou institutionnel. Si ces intrants arrivent tard dans la saison ou s'ils sont
de mauvaise qualité, la production en prend un coup.
Conscients de cette position clé qu'ils occupent dans
la filière, les distributeurs d'intrants n'entendent pas négocier
le prix des intrants avec les producteurs. Les prix de vente des intrants sont
fixés par une commission et homologués par le gouvernement
après transmission des propositions de prix. Dans le système, les
producteurs, tout comme dans le cas de la fixation des prix d'achat du coton
graine, n'ont pas une force déterminante pour influencer les prix. Le
désengagement de l'Etat a certes donné des droits aux
organisations paysannes, mais ils semblent ne pas être acceptés
par les autres acteurs, les plus dominants du système.
6.5.2 Effets de la réforme sur le
bien-être des producteurs de coton
Les achats de coton cumulés pour les trois campagnes
ont généré près de 205 milliards de F CFA
versés à divers acteurs de l'économie nationale (CAPE,
2004). Environ 60% de ce montant, soit 123 milliards sont allés
directement vers les producteurs dans le cadre du paiement du coton vendu. La
différence, soit 82 milliards de F CFA est allée vers le secteur
de la distribution des intrants agricoles.
Au titre des ristournes payées toujours aux
producteurs, environ quatre milliards ont été versés
à ceux-ci.
De façon analytique, le cumul des revenus primaires
(à l'endroit des producteurs) déversés dans la
filière chaque année se chiffre en moyenne à plus de 45
milliards. Cette importante somme doit avoir une incidence sur le niveau de vie
des producteurs si elle est bien utilisée. Quant aux ristournes et frais
de prestation de service, ils sont destinés à assurer
20
15
10
5
0
Petits prodcteurs Gros producteurs
6 trait à dose normal Moins de 6 trait Plus de 6 trait
Traitements
le fonctionnement des OP et à la réalisation
d'infrastructures socio-communautaires.
Les réformes entamées (censées profiter
aux producteurs), n'ont pas permis d'améliorer le prix d'achat aux
producteurs. Le prix au producteurs est resté sensiblement stable
(autour de 200 F) alors que le prix des intrants et celui du coton sur le
marché international ont fortement varié, avec une tendance
à la hausse. Les réformes entamées ne semblent pas
améliorer le bien-être des paysans. Dans tous les cas, la question
majeure qui préoccupe tous les acteurs de la vie économique est
de savoir quel sera l'avenir du secteur après sa libéralisation
complète. D'aucuns pensent que la libéralisation de la
filière exposerait les producteurs de coton à des risques
liés au secteur et particulièrement la volatilité des
cours mondiaux du coton pouvant leur être préjudiciable. Par
contre la Banque Mondiale (Baffès, 2002) est plus optimiste et elle
pense qu'une réforme bien conduite et transparente du secteur cotonnier
améliorerait sa contribution au développement économique,
en particulier au développement des zones rurales à travers une
amélioration du prix au producteur (une réduction de
l'écart du prix aux producteurs au prix international).
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