6. EFFETS DE LA LIBERALISATION SUR LE SYSTEME DE
PRODUCTION
Les réformes actuelles ont engendré des
mutations dans le secteur cotonnier. Nous avons évalué dans ce
chapitre l'impact de ces réformes sur les acteurs et aussi le niveau
d'avancement qu'à connu le secteur par rapport au système
centralisé avec l'Etat au centre de toutes les activités.
6.1 La libéralisation du secteur cotonnier : la
solution attendue ou une impasse pour les acteurs du secteur ?
Il a été tout à fait normal de revoir les
mécanismes d'intervention étatiques autrefois en vigueur dans le
secteur cotonnier, mécanismes qui donnent un monopole à la
SONAPRA, eu égard au manque d'efficience, d'effectivité et
d'équité. La nécessaire restructuration du secteur
pourrait cependant prendre différentes formes qui vont de la
privatisation totale à la restructuration des offices publics de
commercialisation, sans remise en cause des principes de base de «
l'approche filière ». De nombreuses études (Ton, 2001 ;
Dévèze, 2004) ont montré que cette approche a joué
un rôle décisif dans le développement rural, en Afrique de
l'Ouest.
Face au bilan déficitaire du secteur coton au cours des
années 80, les organisations de producteurs et le secteur privé
ont été jugés capables d'assurer la coordination et
l'exécution des activités et d'augmenter ainsi les
bénéfices des producteurs. Mais de tels changements dans
l'organisation du secteur ne garantissent pas que les producteurs puissent
obtenir une juste part des revenus et profits du secteur.
La libéralisation a favorisé l'implication de
plus en plus, des producteurs dans des aspects pratiques des activités
du secteur. Mais, leur participation aux décisions, au suivi, au
contrôle, à la fixation des prix reste encore très
limitée (Ton, 2001). Jusqu'à présent, les organisations
paysannes ont eu une petite place au sein des débats concernant l'avenir
du secteur : elles ont été toujours considérées
comme des « receveuses de politiques »1plutôt que de
véritables partenaires.
Avec l'entrée des nouveaux acteurs privés, il
paraît maintenant plus difficile de coordonner les diverses
activités du secteur. Le marché du coton graine n'est plus
transparent qu'hier et des problèmes de planification apparaissent tout
au long de la chaîne de production. Cette restructuration
institutionnelle a plus que jamais dessoudé les relations entre
différents
1 Nous empruntons cette expression à Oloulotan
(2001)
groupes d'acteurs en créant au sein de chaque groupe,
des catégories de « mécontents ». Ces diverses
catégories ont utilisé la faille ou les marges de manoeuvre du
réseau original pour mettre en place des circuits dissidents pour servir
leurs intérêts. Ainsi, au niveau de la filière, chaque
acteur essaie de « tirer le drap de son côté » compte
tenu du fait que les intérêts en jeu sont importants.
Cette libéralisation qui devrait permettre à
l'Etat, de faire des gains de devises, n'a pas su diminuer l'appétit des
différents acteurs, tant au niveau de l'Etat, qu'au niveau des groupes
professionnels, à utiliser les revenus du secteur à d'autres
fins. Si l'ouverture de la filière, avec l'éclatement du monopole
de l'Etat, a permis de créer d'emplois pour plusieurs autres acteurs (
des postes dans les nouvelles institutions mises en place, dans les compagnies
privées), elle n'a pas manqué de faire perdre aussi de nombreux
intérêts à l'Etat. Les revenus que généraient
ces compagnies autrefois à l'Etat se limitent aujourd'hui seulement aux
taxes et impôts qu'il doit prélever maintenant au niveau de ces
compagnies. Mais vu le fait que la politique s'en est mêlée et les
responsables de certaines compagnies privées sont sous protection
politique, donc pouvant se passer de payer ces impôts à l'Etat, il
n'est pas évident que la situation économique du secteur soit
meilleure à celle d'avant libéralisation. Au mieux, cette
situation pourrait arranger un petit groupe d'acteurs au détriment de la
grande masse des producteurs qui doivent faire face à des coûts de
production, sans cesse croissants, amenuisant ainsi leur revenu.
En général, la politique de
libéralisation du secteur semble ne pas encore lever le goulot
d'étranglement au niveau de la filière. Elle ne
reste pas non plus sans impacts sur les divers compartiments de la
filière. Examinons alors les mutations engendrées par les
réformes sur les différents sous-secteurs de la
filière.
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