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les problèmes fonciers en zone de front pionnier agricole: cas de Dèrègouè dans la province de la Comoé

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par Sihé NEYA
Université de Ouagadougou - URF/SH - département de géographie - Maîtrise 2006
  

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CHAPITRE VI : LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION FONCIERE

Les exploitants agricoles de la zone d'étude ne restent pas inactifs face aux problèmes fonciers auxquels ils sont confrontés. Ils mettent en oeuvre diverses stratégies, c'est-à-dire qu'ils prennent des initiatives de prévention dans la perspective de consolider leur emprise sur les terres qu'ils exploitent. Ces mesures de prévention sont multiples et changent selon le statut social des exploitants. Ces stratégies ont été analysées sur la base des informations collectées à partir du questionnaire et des guides d'entretien.

6.1. LES STRATEGIES DE SECURISATION DES MIGRANTS

Plusieurs initiatives sont prises par les migrants dans le but d'assurer la stabilité de leurs droits d'usage sur les terres qu'ils exploitent. Parmi ces stratégies, nous avons relevé :

· La sécurisation par les relations sociales

Cette stratégie consiste à maintenir de bonnes relations avec les propriétaires terriens, notamment ceux qui leur ont cédé les parcelles qu'ils exploitent. Les migrants tentent de satisfaire les chefs de terre en leur rendant souvent divers services, par exemple fournir à ces autochtones la main d'oeuvre dans les champs. Cette attitude permet de maintenir de bonnes relations qui pourraient leur épargner des situations de remise en cause de leurs droits d'usage sur la terre. Par ailleurs, les « étrangers » participent aux cérémonies des autochtones telles que les mariages, les funérailles, les baptêmes, etc. Cela leur permet d'entretenir entre les propriétaires terriens et eux des relations d'amitié et de confiance. Mais, ces stratégies adoptées par les migrants sont moins suffisantes pour endiguer certaines pratiques telles que la remise ne cause des droits d'usage sur la terre.

· La sécurisation par le versement régulier du loyer en nature

Sur les 150 chefs d'exploitation migrants enquêtés, 96 soit 64% sont des métayers. Ceux-ci sont dans l'obligation de verser, outre le « landa », une certaine quantité de leurs récoltes de céréales après chaque campagne agricole aux chefs de terre qui leur ont cédé des parcelles. Le versement régulier ou non de cette redevance est déterminant dans l'évolution des relations entre les migrants métayers et les propriétaires terriens. Le non-respect du versement de ce loyer en céréales peut amener les chefs de terre à retirer la terre à un métayer

et la réattribuer à une autre personne. En effet, 34.3% des exploitants agricoles enquêtés préfèrent verser régulièrement cette rente céréalière pour maintenir de bonnes relations avec leurs hôtes, en vue d'empêcher toute tentative de remise en cause de leurs droits sur les terres qu'ils exploitent.

Dans le contexte de raréfaction de la terre conjuguée à la forte demande dont elle fait l'objet, les propriétaires terriens cherchent des moyens pour satisfaire les nouveaux demandeurs. Par conséquent, l'absence de régularité dans le versement du loyer par les métayers peut être un alibi pour remettre en cause leur droit. Conscients de cet état de fait, certains exploitants qui n'arrivent pas à verser la rente prennent le soin d'aviser leurs hôtes afin qu'ils leur accordent la possibilité de s'en acquitter la saison de culture suivante.


· La sécurisation par la plantation d'arbre

Les arbres sont perçus par les paysans autochtones et migrants, comme un élément qui garantit la stabilité des droits d'usage sur la terre. De ce fait, des exploitants agricoles, notamment les migrants, tentent de consolider leur emprise foncière par la plantation des arbres. Cette stratégie représente 25.5% des mesures de sécurisation foncières. Cependant, l'approche adoptée pour planter ces arbres diffère selon la situation socio-économique des migrants. Au cours des enquêtes, nous avons identifié deux stratégies de sécurisation par la plantation d'arbres à Dèrègouè. Il s'agit de :

- la plantation des arbres par l' « achat » du droit de planter : il concerne les migrants métayers à qui le droit de planter a été interdit. Parmi eux, certains achètent le droit de planter qui leur permet de consolider davantage leur emprise sur la terre qu'ils exploitent.

- la plantation d'arbres à l'insu des propriétaires terriens : dans ce cas de figure, l'exploitant plante des arbres sans prévenir le chef de terre. Ainsi, lorsque celui-ci constate les faits, il lui est difficile de retirer la parcelle. Lorsqu'il demande à l'exploitant d'arracher les arbres, il est le plus souvent convoqué devant les autorités administratives. Une fois arrivée devant les autorités, un arrangement est conclu pour permettre au migrant de conserver sa parcelle et ses arbres.

Ainsi, l'arbre n'est donc pas planté pour seulement des besoins économiques, mais aussi dans le but de prévenir les situations d'instabilité des droits d'usage sur la terre. Car très souvent l'exploitant plante quelques pieds d'arbres pour seulement marquer une présence pérenne.

· La sécurisation par l'achat de terre

L'une des caractéristiques de l'«achat» de terre est l'importante somme d'argent versée en échange de la parcelle acquise. Cette contrepartie en espèces permet de consolider le contrôle foncier de l'acheteur, qui devient un recours pour le cédeur lorsqu'il est dans des situations difficiles : besoin d'argent pour la résolution de certains problèmes. Le rapport qui naît ainsi entre l' « acheteur » et le « vendeur » empêche le dernier d'entreprendre des tentatives de remise en cause des droits d'usage sur la terre de l'acquéreur. Aussi, épargne-t-il le bénéficiaire des interdits relatifs à la réalisation d'investissements durable. Tout se passe dans l' « achat » de terre comme si l'acheteur venait de bénéficier d'un « droit de propriété ». C'est pourquoi là où la notion de « vente » intervient, les bénéficiaires arrivent à réaliser des investissements pérennes sans que les cédeurs s'y opposent.

Malgré l'assurance qu'engendre cette transaction foncière en ce qui concerne l'exploitation à long terme des terres, des réserves sont émises par les bénéficiaires quant à durée de leurs droits. Pour eux, l'acquisition de « papiers » qui attestent les transactions est plus rassurante. Toute chose que les propriétaires terriens refusent. De ce fait, certains n'hésitent pas à recourir au « fama » (terme employé pour désigner les autorités administratives) pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre.

· La sécurisation par l'autorité administrative

Pour les exploitants migrants, le recours à l'autorité administrative est aussi un moyen pour sécuriser les droits d'usage sur la terre. Lorsque les propriétaires terriens coutumiers manifestent le désir d'interdire l'exploitation d'une parcelle à un migrant, celui-ci n'hésite pas à interpeller l'autorité, notamment le préfet. Le plus souvent, c'est lorsque le migrant se sent victime d'une injustice qu'il recourt à l'administration ; dans le cas contraire il s'abstient. Deux des migrants enquêtés ont interpellé l'administration lorsque les propriétaires terriens ont tenté de retirer leurs parcelles, ce qui leur a permis de continuer l'exploitation de leurs champs.

· La sécurisation par le morcellement des terres acquises

Suite à la forte demande de terre dans un contexte de saturation foncière, des champs font l'objet de réduction en superficies pour satisfaire les nouvelles demandes. En revanche, pour éviter que leur parcelle ne fassent l'objet d'une réduction, certains migrants morcellent leur terres et les cèdent à des parents à travers des contrats de courte

durée, souvent renouvelables. Cette stratégie leur permet ainsi de marquer une présence humaine sur leurs réserves foncières, afin de réduire la probabilité des réductions de superficies ou de retrait de terres.

Si la cession de droits précaires, c'est-à-dire de courte durée, constitue un problème d'instabilité pour certains migrants, pour les cédeurs de ces types de droits, elle représente une stratégie de consolidation des droits.

Les migrants ne sont pas les seuls à adopter des stratégies pour garantir leur contrôle foncier à Dèrègouè. Ces mesures préventives contre toute situation d'insécurité foncière concernent également les autochtones. Au fait, ce qui est souvent perçu comme un élément de sécurité pour les migrants est appréhendé comme une source d'insécurité pour les autochtones et vis-versa. Aussi prennent-ils des initiatives pour consolider leur emprise sur les espaces cultivables relevant de leurs autorités.

Tableau n°8: Fréquence des stratégies de sécurisation foncière des migrants

Stratégies de sécurisation

Fréquence

Maintenir de bonnes relations avec les propriétaires terriens

29.4

Verser régulièrement le loyer en nature

34.3

Planter des arbres

25.5

Acheter la terre

2

Interpeller l'autorité administrative

2

Morceler les terres

1

Néant

5.9

Total

100

 

Source : enquête de terrain2005/2006

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