5.2. 3. L'instabilité des clauses des modes
d'accès à la terre
Elle se traduit par l'évolution dans le temps des
contreparties versées par les exploitants pour accéder à
la terre et la défricher. Par exemple, le coût du « landa
» en espèces versé avant tout défrichement d'un
espace à Dèrègouè ne cesse d'augmenter. Elle est
passée de 1.500 à 12.500 FCFA, voire 15.000 FCFA entre les
années 1970 et 2000 (Cf. Tableau n°7).
Tableau n 7: Evolution du coût du
« landa » en espèce
Période (année)
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Coût (en FCFA)
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1970-1985
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1.500 à 5.000
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1985-1995
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5.000 à 7.500
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1995-2005
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7.500 à 15.000
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Source : Enquête de terrain, 2005/2006
Cette dynamique de la contrepartie influence les pratiques
foncières des paysans dans un contexte de raréfaction de la
terre. Les espaces cultivables sont « finis» et les demandes de terre
par les migrants ainsi que le coût du « landa » augmentent, ce
qui pousse souvent les propriétaires terriens à réduire la
superficie des champs en exploitation ou en jachère. Certains
exploitants pensent que c'est pour gagner de l'argent
à travers les nouvelles demandes que les propriétaires
réduisent les superficies. Par ailleurs ce sont souvent les migrants qui
demandent aux chefs de terre de leur permettre d'exploiter une parcelle mise en
jachère par un autre migrant au prix d'une forte somme d'argent.
De plus en plus pour accéder à un lopin de
terre, un paysans migrant n'a pas moins de 10.000 F CFA à donner en plus
du loyer versé régulièrement à son chef de terre,
raison pour laquelle des efforts sont faits pour satisfaire ces nouvelles
demandes même si la terre est en manque. D'où les pratiques telles
que les retraits de terre et les réductions de superficie qui alimentent
les incertitudes pour ce qui concerne l'exploitation durable des champs par
certains paysans.
5.2.4. L'implication des jeunes dans la gestion
foncière
Les jeunes sont des groupes sociaux subordonnés aux
personnes âgées. Ils n'interférent dans la gestion
foncière que sur l'accord des plus âgés. Cependant, ces
dernières années ceux-ci s'y ingèrent sans l'entremise de
leurs aînés. Ils concluent des accords avec des nouveaux
demandeurs, retirent les terres que leurs aînés avaient
cédées à des migrants sans le consentement de ceux-ci.
Cette implication des jeunes dans la gestion foncière a fait perdre
à la terre son caractère sacré, car l'on estime dans la
zone que leur forme privilégiée de transactions foncières
est la « vente » de terre. Pour cette jeune génération,
la terre est une source de revenus, ce qui est en contradiction avec la vision
des vieux qui estiment que cette ressource est sacrée,
inaliénable et ne doit pas être vendue.
L'implication des jeunes dans la gestion des terres a vu le
jour dans un contexte où la terre est « finie ». Or
les demandes d'espaces cultivables par les migrants et, surtout les «
nouveaux acteurs » et les « rapatriés » ne
cessent d'augmenter. En conséquence, à défaut de pouvoir
retirer la terre de certains migrants, ils les réduisent pour satisfaire
les nouvelles demandes de terre qu'ils estiment plus rentables sur le plan
économique.
OS est un jeune autochtone dont l'implication dans la gestion
foncière est récente suite au décès de son
père qui assurait de fait la fonction de chef de terre de leur domaine
foncier coutumier à Dèrègouè. Celui-ci s'est
impliqué dans la gestion foncière à un moment où la
quasi-totalité des terres relevant de leur autorité ont
été attribuées. Pour tirer le maximum de profit dans ce
contexte de forte demande et de pression foncière, OS procèderait
souvent à des retraits de terre et des réductions de parcelle
sans le consentement de ces aînés, ce pour satisfaire les
nouvelles demandes qui lui sont faites. « On leur a dit de ne pas
vendre la terre
car elle est précieuse, mais il refuse
d'écouter » affirmait OM, un autre jeune autochtone dont le
père n'apprécie pas le fait que les jeunes cèdent les
terres en contrepartie de forte somme d'argent.
Aux facteurs démographiques et
socio-économiques explicatifs de la dynamique des pratiques
foncières, et surtout de l'émergence des problèmes
d'insécurité et de précarité, s'ajoutent
l'intervention de l'Etat.
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