Elle se traduit à travers :
· La monétarisation des modes
d'accès à la terre
Il faut entendre par monétarisation des transactions
foncières, l'introduction de la variable argent dans les clauses qui
régissent l'accès à la terre. En lieu et place des
contreparties en nature, les paysans versent des contreparties en espaces.
Cette pratique a été
introduite avec l'arrivée des migrants. Lorsqu'ils
sont arrivés dans la zone d'étude, les migrants ont
demandé aux chefs de terre qu'on leur permettre de verser les
contreparties en nature (poulets, chèvre, etc.) sous forme
espèce, ce qui a été accepté par ces
propriétaires terriens coutumiers. Au fil des années, cette
contrepartie en argents a augmenté. Elle est passée de 1.500
à 7.500 F CFA entre 1970 et 2000 lorsque l'exploitant migrant
décide de ne pas habiter dans son champ, et de 3.000 à 10.000 F
CFA, voire 15.000 F CFA lorsqu' il choisit de construire une concession et
d'habiter dans son champ.
Par ailleurs, les enquêtes ont
révélé qu'à cause de la forte demande de terre par
les migrants, celle-ci est devenue une véritable source de revenus
monétaires. Ainsi, les paysans nantis sont privilégiés par
rapport aux démunis dans la compétition foncière. De plus,
les terres attribuées et qui ne sont pas marquées par des signes
attestant une présence humaine font de plus en plus l'objet de retraits
et de réductions de superficie ce, pour satisfaire les nouvelles
demandes qui permettent d'engranger des fortes sommes d'argent. Dans ce
contexte, seuls les paysans démunis sans véritables assises
sociales et économiques solides sont défavorisés dans la
course pour l'accès à la terre.
· L'influence économique des nouveaux
migrants : les « rapatriés » et les nouveaux acteurs
»
Comme mentionné auparavant, le terme «
rapatrié » est employé pour désigner les
émigrés burkinabé de Côte d'Ivoire qui ont
été contraints de retourner au Burkina Faso suite à la
crise qui a déclenché dans ce pays en 1999. Á leurs
arrivés, la majorité de ces migrants se sont installés
dans les régions telles que Banfora où le potentiel
agro-climatique est quasi semblable à celui de leurs zones de
provenance. Ces « rapatriés » ont une
expérience des transactions monétaires et de la culture des
arbres qu'ils tentent de pratiquer dans leur zone d'accueil dont
Dèrègouè. Ainsi, l'engouement pour la culture de rente,
notamment la culture arbustive, a pris de l'ampleur. Ce qui a amené les
autochtones à attribuer le droit de planter en contrepartie d'argents
pour s'adapter au changement socio-économique dans un contexte où
l'autorité coutumière, même si elle prévaut, n'est
épargnée des remises en cause incessantes.
Le retour au pays des émigrés burkinabé
de la Côte d'Ivoire et leur installation dans la zone d'étude
représentent des enjeux socio-politiques et économiques. En
effet, les autorités administratives ont mobilisé les populations
pour faciliter l'installation de ces migrants. Ainsi dans la zone de
Sidéradougou, il a été demandé aux paysans,
notamment aux chefs de terre, de faciliter leur installation et leur
accès à la terre. Bien qu'ils aient été favorables,
cette sollicitation a été une opportunité pour les chefs
de terre qui cherchaient des alibis valables
pour légitimer leur projet d'occupation de la zone
pastorale dont l'aménagement a remis en cause leur contrôle
foncier sur cet espace. C'est ainsi que les terres de la ZP ont
été attribuées à de nombreux «
rapatriés ». Cette occupation a été de courte
durée puisqu'ils ont été déguerpis en mai 2004 sur
le site sous l'ordre des autorités administratives du département
de Sidéradougou.
Les « nouveaux acteurs » regroupent les
fonctionnaires, les opérateurs économiques, etc. qui investissent
dans les activités agro-pastorales à
Dèrègouè. Ils influencent les pratiques foncières
à travers leur pouvoir économique par « l'achat » des
terres. L'intérêt qu'ils accordent à la terre et les moyens
financiers qu'ils y investissent ont donné une valeur marchande à
cette ressource. Par conséquent, les propriétaires terriens
préfèrent conclure des arrangements avec ces derniers pour tirer
le maximum de profit de leur patrimoine. Par ailleurs, l'intervention des
« nouveaux acteurs » a entraîné l'émergence de
certaines transactions telles que l'achat de terre par troc.
Á l'influence économique des migrants qui a
entraîné la monétarisation des modes d'accès
à la terre et accentué la compétition pour l'accès
à la terre, s'ajoute l'instabilité des clauses qui
régissent les contrats fonciers.