CONCLUSION GENERALE
Notre essai d'évaluation de la politique
laitière en perspective de l'adhésion à l'Organisation
Mondiale du Commerce et l'intégration à la Zone de libre
échange a permis d'établir un diagnostic de la filière
lait et de comprendre les actions entreprises en sa faveur dans le cadre du
développement du pays et en particulier celui de l'élevage bovin.
On peut d'ores et déjà conclure que la
contribution des programmes antérieurs de développement dans leur
ensemble, visant une augmentation effective de la production laitière,
n'a pas été significative au point de créer les conditions
réelles d'une croissance permettant d'espérer à terme la
couverture de l'ensemble des besoins. Les interventions de l'Etat en termes de
soutien aux prix et à l'investissement n'ont eu que des résultats
limités. Dans sa structuration actuelle, la filière n'est pas
rentable et non compétitive ; elle subirait fortement les
conséquences du marché international, en zone de libre
échange.
Les hypothèses de travail de l'essai se
vérifient d'elles- mêmes, et l'on peut avancer que les actions
contenues dans le dernier plan de développement (PNDA) constituaient un
point de départ significatif dans la mesure où elles ont
été orientées spécifiquement vers la ferme. Leur
renforcement est fortement pressenti car elles concordent avec les disciplines
exigées par le libre échange en ce qui concerne le lait en
particulier. Toutefois les résultats attendus ne peuvent être
significatifs qu'à moyen terme avec un appui soutenu et sans cesse
croissant au développement.
Il peut être aussi affirmé que les politiques
d'intervention gouvernementale sur les prix et le soutien à
l'investissement, vont connaître des adaptations successives aux
différents contextes nouveaux tels qu'ils se présenteront dans
le cadre d'une intégration au libre échange. Ce sont des
politiques qui viseraient le moyen terme dans une première phase
jusqu'à la fin de la période transitoire (12 ans) qui verra
disparaître l'ensemble des taxations et impositions. Ces politiques, au
risque de créer des distorsions entre les différents segments de
la filière, s'orienteront de manière irréversible vers
l'appui au développement du pays et la participation à
l'amélioration des ressources physiques et la meilleure maîtrise
des moyens de production.
Notre diagnostic montre que la
filière n'est pas structurée pour pouvoir affronter le
marché et encore moins le libre échange. Elle est
constituée d'un ensemble de maillons de nature éparse sans
relations perceptibles d'intérêts économique et social. Ce
sont des agriculteurs, des producteurs de fourrages, des importateurs
d'aliments du bétail, des unités de transformation aussi, des
structures administratives et financières, des organismes de conseil au
niveau régional et national sans incidences effectives sur le devenir
immédiat et concret de l'évolution à imprimer à la
filière.
La demande en lait au niveau national s'est fortement
accrue ; elle pourrait être de l'ordre de 4,5 Mt et n'est couverte
qu'aux deux tiers (2/3) seulement dont 70% sont fournis par les importations.
Tous les efforts menés jusqu'à présent par l'Etat pour
améliorer la production se sont soldés par des fluctuations peut
convaincantes et ne répondent pas aux besoins croissants de la
population. La filière lait reste déstructurée avec un
taux de collecte frôlant les 10% ; et d'intégration dans le
processus de transformation de 5% seulement. L'absence d'organisation à
la base de la filière fait que, quel que soit le type de soutien, il
sera totalement absorbé sans résultat visible.
Le renforcement des maillons de base par la mise place de
formes d'organisation susceptibles d'agir pour le compte et au nom des
producteurs, avec la capacité de gérer, l'amont et l'aval de la
ferme constituera un progrès indéniable en mesure de faciliter la
structuration logique de la filière dans un contexte de libre
échange. L'unité d'organisation élémentaire est un
maillon de base nécessaire à la prise en charge des actions de
développement, de négociation et de démarches
administratives et juridiques portant sur l'intérêt des
producteurs.
Le développement de l'agriculture en
général et celui du bovin en particulier, sont fortement
liés à la politique de l'eau. Les insuffisances en matière
de mobilisation et de distribution ainsi que les cycles de sécheresse
subis depuis l'indépendance ont fait que les efforts consentis sont
restés peu significatifs au regard des besoins à la consommation.
Aujourd'hui, l'agriculture et l'élevage sont engagés dans un
double processus de négociations et de reformes qui déterminera
leur devenir.
Le nouvel environnement socio- économique qui se
crée va-t- il contribuer à leur essor ou bien les
précipiter dans un tourbillon duquel il leur serait difficile de
sortir ? Cette question qui relève de la pertinence des arguments
avancés lors des négociations en matière de
possibilités de protection d'une agriculture ne disposant pas de moyens
pour se mesurer à celles qui dominent le marché international,
est d'une importance capitale. Elle permet de définir les niveaux de
soutien concédés dans le temps et l'espace pour la
réalisation d'objectifs permettant de sortir du cycle de
sécurisation alimentaire à partir du marché international,
à celui de la satisfaction des besoins par l'auto- suffisance et
garantir le libre échange dans un contexte de concurrence et
d'égalité des chances sur le marché.
Bien que le modèle de croissance local ait fortement
accentué la logique d'importation par rapport à la recherche
d'une dynamique productive interne fondée sur la construction d'un
patrimoine de connaissances technologiques, il n'en demeure pas moins qu'il
dispose de ressources suffisantes capables d'organiser le secteur productif
agricole et d'élevage en particulier, et de les rendre performants au
point de pouvoir négocier chaque étape de développement du
libre échange, en tenant compte de ses propres insuffisances.
Il est certain que les prix des produits connaîtront des
fluctuations significatives au cours des prochaines années.
L'application de nouvelles règles de commerce international, en
conformité avec les règles de la Zone de libre échange
avec l'Union Européenne et celles régies par l'Organisation
Mondiale du Commerce vont entraîner une modification progressive mais
soutenue de la structure des prix. Ces règles sont exigeantes dans la
réduction de tout système de protection d'une part mais elles
présentent des faiblesses dans la capacité de gérer de
manière rigoureuse le jeu des subventions aux produits agricoles des
agricultures dominatrices du marché international et leur organisation
de la régulation des stocks d'autre part.
Notre essai a permis d'identifier une zone d'étude dans
laquelle un échantillon de fermes s'adonnant à l'élevage a
été retenu. Une analyse des politiques laitières au
travers de l'intervention gouvernementale a été
réalisée. Elle montre que le prix de revient du lait cru à
la porte de la ferme (24,16 DA / litre) est nettement inférieur à
celui (28,26 DA/ litre) de la ferme qui assure la fourniture du marché
international dans le contexte d'une absence totale de subvention à
l'exportation. L'intervention gouvernementale locale est une protection
positive négociable dans un cadre global de transfert. Elle montre aussi
que l'efficience de la filière locale est faible par rapport à
celle du niveau international qui possède un énorme potentiel
encore peu exploité.
Notre étude indique que l'intégration dans la
Zone de libre échange de la filière lait va être à
l'origine d'effets positifs pour l'unité de transformation par la
nécessité de libéralisation des prix administrés et
par conséquent la possibilité d'enregistrer un profit, jusque
là pratiquement absent. Ce profit proviendra de l'élimination des
taxations d'une part et d'autre part du calcul d'un prix de vente réel
à la porte de l'usine.
L'élevage du bovin pour le lait est un système
peu rentable dans le contexte actuel de l'agriculture mais intimement
lié à celui de la viande qui lui permet la couverture de
l'ensemble des dépenses de la ferme. Il est difficile de les dissocier.
Par contre, il est hautement significatif de les rendre complémentaires
par la définition des seuils à partir desquels la nature et les
formes de soutien se différencient dans l'un et l'autre des
systèmes. Au dessous d'une surface de 11, 5 ha dont 2,75 ha à
l'irrigué pour le vert, il s'agit de ferme d'élevage entrant
dans le cadre de la production de viande et faisant partie d'un système
d'élevage de subsistance à caractère familial où
les troupeaux sont de faibles tailles, rendant l'encadrement technique
rapproché difficile à mettre en place et l'introduction de
l'innovation technique, imperceptible dans l'immédiat et constituant
une entrave majeure quand à la modernisation et l'intensification de la
production laitière. Pour cette forme d'élevage, la
caractéristique essentielle est le soutien nécessaire pour
l'acquisition de nouvelles surfaces en mesure d'être exploitées
pour atteindre le seuil de producteur de lait.
Parallèlement, la faiblesse de technicité chez
les éleveurs dans la maîtrise et la rigueur de la conduite du
troupeau, la rationalisation de l'alimentation, l'exploitation des techniques
de reproduction, incite à une révision globale des
systèmes de formation et d'acquisition des données qui n'offrent
aucune possibilité d'organisation des éleveurs, et par
conséquent l'absence d'un potentiel de négociation face aux
acteurs des autres segments de la filière notamment au niveau du
marché et de l'approvisionnement. C'est de la capacité de pouvoir
s'organiser que dépendra de loin la vitesse de croissance de la
filière et de l'établissement de politiques adéquates dans
un cadre de libre échange.
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