IV.- CONCLUSION DE LA PARTIE III :
Au terme de cette analyse des politiques
laitières, il apparaît nettement que de graves lacunes subsistent
à toutes les étapes, partant de la conception de ces politiques
aux systèmes mis en place pour compenser les insuffisances
observées tout au long de la trajectoire que suit le lait, de sa
production à sa transformation.
Dans cette partie, nous avons présenté la zone
d'étude dans laquelle ont eu lieu l'ensemble des travaux de terrain qui
ont été menés pour déterminer les
caractéristiques de ces politiques laitières et les
paramètres d'analyse y afférents. Nous avons montré que
cette zone d'étude de par ses critères socio-économiques,
géographiques et climatiques, est représentative de
l'élevage bovin laitier que l'on peut rencontrer à travers le
territoire national. Elle est à la moyenne des niveaux de concentration
du cheptel et des systèmes d'élevage existants.
L'échantillon d'exploitations agricoles, retenu
reflète la structure des systèmes de production des zones
laitières du pays. Les données recueillies, ont été
obtenues à partir d'une collecte de terrain et d'interviews souvent
difficiles à effectuer tant les contraintes indépendantes de
notre volonté étaient présentes, de l'exploitation d'une
documentation souvent partielle qu'il a fallu reconstituer tout au long des
travaux et enfin d'une étude de ces données en utilisant un
modèle de matrice d'analyse des politiques.
Nous avons pu déterminer le coût moyen du litre
de lait cru à la porte de la ferme, le coût moyen du litre de lait
pasteurisé et conditionné à la porte de l'usine et le
coût moyen du litre équivalent transformé en fromage.
L'analyse de ces coûts rapportés aux prix pratiqués
à la consommation a permis de comprendre l'ampleur des
difficultés rencontrées par la production laitière
nationale.
On peut avancer que sans le soutien économique et
financier de l'Etat, la production de lait cru est vouée à
l'échec dans les conditions actuelles malgré les efforts
consentis par les producteurs pour atteindre des niveaux de production
appréciables. Souvent, on observe que ce sont les produits de la ferme,
autres que le lait qui, de loin, sont à l'origine de la couverture des
dépenses. Le lait intervient dans ce cas comme un appoint sur lequel il
serait hasardeux de compter pour pouvoir subvenir aux besoins familiaux.
Ainsi l'auto consommation du lait cru est courante. Elle
indique que l'agriculture de subsistance est encore fortement présente
dans les zones d'élevage.
La production laitière est fortement subordonnée
à la production de viande et non pas le contraire. Pour pouvoir inverser
cet état de fait, des efforts considérables restent à
consentir. Il s'agit d'investissements de développement dans les zones
à haut potentiel mais dépourvues des moyens appropriés, en
vue de démultiplier leurs capacités de production. La
rareté des terres irriguées est une dimension dont il est
nécessaire de tenir compte.
Le niveau de concentration du cheptel en est une autre.
L'élevage laitier au même titre que le reste des
spéculations exigeantes, demande par sa présence l'introduction
et l'application de critères d'équilibre des systèmes de
production et la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement agricole
en adéquation avec les potentialités inventoriées.
Dans cette troisième partie nous avons analysé
aussi les politiques laitières sous l'aspect de l'intervention
gouvernementale. On s'aperçoit nettement que la production du lait
pasteurisé et conditionné en sachet sur la base d'importations
massives de poudre de lait est, une activité qui a créé
de l'emploi et a permis de satisfaire les besoins en lait d'une population
croissante.
En l'absence de l'intervention gouvernementale dans le cadre
d'un libre échange, la suppression du profit observé jusqu'alors
au niveau de cette activité disparaîtra, le prix du litre de lait
pasteurisé et conditionné en sachet augmentera d'environ 30% par
rapport à son prix actuel à l'étalage.
Malgré le fait que les coûts des biens non
échangeables (infrastructures de base, main d'oeuvre, etc.), soient
inférieurs localement à ceux du niveau international, il n'en
demeure pas moins que des efforts considérables devront être
déployés pour atteindre la satisfaction en qualité
notamment. Le produit local, pour être concurrentiel, devra aussi
être en mesure de couvrir et maîtriser le marché, ce qui
demanderait la mise en oeuvre de nouvelles politiques de commercialisation
jusqu'alors imperceptibles parmi lesquelles, par exemple le marketing.
Cette situation au point de passage à l'économie
de marché est paradoxale du fait du maintien d'un état de
dépendance accru en approvisionnement, pour un produit comme le lait, de
large consommation avec une intervention gouvernementale fortement
présente.
La transformation du lait cru en fromage reste dans ce
contexte une voie de prospection assez viable avec l'acquisition de
l'expérience dans le domaine de la qualité dans la mesure,
où mis à part l'aspect label au niveau international, le produit
local est concurrentiel sur le marché local. Il peut le devenir sur le
marché international dans les mêmes conditions de soutien et de
prix. La recherche d'une qualité (label) se justifie dans ce sens par
l'introduction de la notion de fromage de terroir et la dimension
traditionnelle au niveau du marketing pour la consommation.
Cette troisième partie a permis de montrer que
malgré les efforts des producteurs et de l'Etat d'une part et la
volonté affichée de satisfaction des besoins de la population
pour ce produit fortement incrusté dans le modèle de
consommation, l'intervention gouvernementale ne pourra à elle seule
contrecarrer les réalités du libre échange dont les
conditions sont liées à la présence d'un marché
porteur.
Quel que soit le niveau de soutien dans le cadre légal
du libre échange, il sera difficile pour l'élevage local de
s'élever au rang de producteur laitier, sans la mise en oeuvre de
projections à long terme impliquant d'une part l'accumulation des
ressources par la valorisation des potentialités et d'autre part
l'application des conditions d'approche du marché.
Ces conditions d'approche s'identifient aux formes de
participation au développement de l'élevage par
l'intégration effective de la production de lait dans la filière
et la construction de fonctions : production de lait cru, production de
lait pasteurisé et conditionné, production de fromages ou tout
autre dérivé, dont la viabilité est directement
liée au marché de la consommation. En d'autres termes, il s'agit
de construire de façon concrète la filière lait, dans
laquelle chaque maillon devrait être dépendant du reste.
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