B- Présentation pratique.
a) Le Médiateur de la République et ses
délégués.
1. La fonction :
Le Médiateur de la République a
été institué par la loi du 3 janvier 1973 (plusieurs fois
modifiée). C'est une autorité administrative
indépendante qui a pour mission de rechercher un règlement
amiable dans les litiges opposant un administré et une administration de
l'Etat, une administration territoriale, un établissement public ou avec
tout autre organisme investi d'une mission de service public
(organismes sociaux, entreprises publiques...). C'est sur ce dernier chef qu'il
est amené à intervenir en matière de droit de la
consommation, car il pourra intervenir dans un litige opposant par exemple un
citoyen lambda à EDF-GDF ou à France Télécom ou un
office public d'HLM.
Par contre, il ne pourra pas intervenir dans des litiges
entre personnes privées ou entre un citoyen et une administration
étrangère, ou pour le compte d'un agent public encore en
activité (celui disposant de sa propre hiérarchie en cas de
contentieux).
Dans son travail, le Médiateur de la
République est entouré de délégués sur
l'ensemble du territoire. Dans la Haute-Garonne, par exemple, il y a sept
délégués dispersés sur l'ensemble du territoire du
département (six pour la région toulousaine et un pour la
région de Saint-Gaudens). Leur activité étant
encadrée par un coordonnateur départemental.
La saisine des délégués du
Médiateur est simple et sans formalités. Il suffit de se
présenter aux permanences. Toutefois, certains
délégués demandent à ce qu'il soit fournit par les
personnes les consultant une lettre les saisissant et décrivant le
litige.
En revanche, le Médiateur de la
République ne peut être saisi de la même
façon. La demande de saisine doit absolument
passer par l'intermédiaire d'un parlementaire (un
député ou un sénateur) au choix du plaignant. Il faut
quand même savoir que les députés ne refusent jamais de
transmettre une demande au Médiateur, les sénateurs par contre le
refusent plus souvent.
Les délégués du Médiateur de la
République ont exactement la même compétence que le
Médiateur lui-même. L'avantage est qu'ils sont plus nombreux et
sur place, donc le litige est solutionné plus rapidement. En outre,
souvent ce sont d'anciens fonctionnaires (préfecture...) connaissant
parfaitement les services auxquels ils doivent s'adresser.
2. Le Délégué du Médiateur :
C'est surtout à lui qu'il faut
s'intéresser, car il est le plus sollicité. En effet, le
Médiateur de la République n'interviendra que si le litige ne
peut se résoudre au niveau local.
Les délégués font des permanences dans des
lieux dits de proximité : dans les préfectures, Maison de la
Justice et du Droit, Mairies...
Le délégué est nommé pour
une période de un an renouvelable par le Médiateur de la
République lui-même. Avant d'entrer en fonction, il doit suivre
une semaine de formation dispensée par la Médiature
nationale. Cette formation est destinée à familiariser
les différents délégués aux problèmes les
plus courants qu'ils sont susceptibles de rencontrer au cours de leurs
fonctions.
Le délégué est un
bénévole. Il doit seulement disposer de certaines qualités
telles qu'une grande capacité d'écoute et de la diplomatie,
puisqu'il est institué pour faire de la médiation amiable et ne
dispose d'aucun pouvoir de décision.
3. Le travail du Médiateur ou de son
délégué:
Le dossier est traité de la manière suivante :
1. Ouverture d'un dossier suite à l'entretien avec la
personne,
2. Instruction de l'ensemble des pièces
annexées,
3. Intervention écrite auprès de l'administration
ou de l'organisme concerné,
4. Suivi du dossier jusqu'à son terme.
Il faut savoir que lorsque le
délégué écrit à l'Administration, il lui
fait une proposition que celle-ci accepte ou non.
Si elle accepte, le dossier est clos. Mais si elle refuse la
proposition du délégué ou du Médiateur, le dossier
est également clos, la personne reste cependant libre d'ester en justice
si elle le souhaite.
Dans cette hypothèse d'action en justice
postérieurement à l'intervention du Médiateur, le plaideur
aura la possibilité de joindre à son dossier les échanges
d'écrits de l'Administration et du Médiateur. Les travaux de
médiation n'ont pas de caractère secret.
Quand le délégué écrit à
l'administration ou à l'organisme en cause, il envoi
systématiquement un double de la lettre qu'il a fait et de la
réponse reçue. La personne, bien qu'ayant confiée son
litige au délégué, est toujours informée de
l'évolution de celui-ci.
4. Les résultats :
En 2003, en Haute-Garonne, les
délégués du Médiateur ont été saisis
de 1183 demandes dont 844 réclamations (le reste étant
des demandes d'informations). Au niveau national, ce sont 50 619 affaires qui
sont portées devant les délégués
départementaux (dont 21 159 réclamations).
Sur ces 844 dossiers, 522 médiations ont
été tentées avec un taux de réussite de 66
% (346 médiations réussies).
Les domaines d'intervention sont variés mais pour la
plus grosse part cela concerne des problèmes sociaux (URSSAF, ASSEDIC,
CPAM, CAF...), fiscaux (problèmes de redressement, d'application de
pénalités et de majoration d'impôt...). Mais ils peuvent
aussi intervenir concernant des litiges d'administration
générale, concernant le droit des étrangers,
l'urbanisme...
Quant à leurs résultats, les
délégués doivent en informer deux fois par an le
Médiateur de la République en lui envoyant un rapport
d'activité très détaillé et des exemples (12) de
cas de médiation réussie. Le Médiateur de la
République étant lui aussi soumis à l'obligation de
présentation d'un rapport d'activité (global) au Président
de la République, ou à défaut le Premier Ministre.
En outre, au niveau local, une conférence de
presse est organisée une fois par an (en décembre) pour informer
le public de l'activité et des résultats de l'ensemble des
délégués dans le département.
b) Les autres médiations « institutionnelles
» : Il sera cité deux médiateurs impliqués dans
le droit de la consommation.
En premier lieu, le Médiateur du
Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Il
peut être saisi par un usager du ministère (particuliers,
entreprises, associations). Il faudra qu'il soit effectué une
première démarche auprès du service concerné sans
aucune satisfaction obtenue. Le médiateur n'intervient pas dans les
litiges entre personnes privées, et entre un agent du ministère
et l'Administration qui serait son employeur (à l'image du
Médiateur de la République).
Il peut être saisi uniquement par courrier, fax, ou par
courrier formulaire en ligne.
Le médiateur enverra un accusé de réception
dès l'arrivée de la demande de l'usager.
S'il n'est pas compétent, il en expliquera les raisons par
écrit.
Lorsque la demande relève de sa compétence, le
médiateur procède à son instruction en vue d'aboutir
à une proposition de solution dans les meilleurs délais.
Il propose une solution appelée « recommandation
», qui n'a aucune force contraignante.
En second lieu, le « Médiateur de la
consommation » de la Chambre de la Consommation d'Alsace. Cette
structure a été contactée par téléphone pour
les besoins de l'étude. Elle est en effet la seule à avoir mis en
place une médiation de la consommation.
Cependant il se révèle que cette
médiation ne l'est que de nom. En effet, les médiateurs qui y
travaillent réalisent au sein de la Chambre de la Consommation
exactement le même travail que n'importe quel juriste au sein d'une
association de consommateurs. La médiation n'est pas utilisée
dans son sens juridique en tant que mode de règlement amiable.
Il existe alors un réel doublon entre la Chambre de la
Consommation et les associations présentent dans la
région.
c) Les médiateurs d'entreprise:
Nombre d'entreprises ont mis en place en leur sein des
médiateurs. Certains sont issus de la pratique et la loi est venue leur
en faire l'obligation dans certaines activités.
Il ne sera cité que les plus connus à titre
informatif.
1. Le médiateur des télécommunications:
Ce médiateur des télécommunications est
compétent en ce qui concerne les litiges commerciaux opposant un
consommateur à un opérateur de services de
téléphonie signataire de la charte les y engageant (France
Télécom, Cegetel, Orange, SFR, Bouygues, Télécom,
Télé 2, 9 Télécom).
Le médiateur ne peut être saisi que si le
consommateur a, au préalable, épuisé toutes les voies de
recours internes. A cette fin, il dispose d'un délai de un an.
La saisine se fait par courrier lequel doit mentionner un
certain nombre d'éléments : identité des parties, les
faits, les courriers échangés, les démarches entreprises,
les prétentions du demandeur...
Dans un premier temps il se prononce sur la
recevabilité du dossier, aux délais très courts, puis s'il
est recevable, il communique son avis à chacune des parties dans un
délai de trois mois. Cet avis n'a aucune force exécutoire,
cependant la saisine suspend les délais pour agir en justice. L'avis en
confidentiel, il ne peut être produit en justice.
Depuis la Directive Européenne, « paquet
télécoms », du 7 mars 2002 les
télécommunications sont désormais dénommées
« communications électroniques ». La communication
électronique englobe les télécommunications et
intègre l'internet. Les compétences du médiateur tendent
donc elles aussi vers un élargissement.
2. Le médiateur des assurances:
Le recours à un médiateur en assurance par les
particuliers a été mis en place depuis le 1er octobre
1993. Il est saisi lors d'un litige entre un particulier et une
société d'assurance. Il faudra au préalable avoir
utilisé toutes les possibilités de dialogues, de
réclamations, et de recours auprès de la
société.
Chaque société d'assurance a son
médiateur. Soit les entreprises disposent de leur propre
médiateur, soit elles s'en remettent au médiateur de
l'organisation professionnelle dont elles sont membres.
Il s'avèrerait cependant que malgré son
appartenance, directe ou indirecte, à la société
d'assurance, le médiateur est indépendant, car il est
considéré comme étant extérieur à
l'entreprise ou à l'organisation.
Ce recours est gratuit.
La saisine doit se faire par écrit. Certaines mentions
doivent y figurer : le nom de la société d'assurance, les dates
des principaux évènements, les décisions ou
réponses de la société (photocopies), les
prétentions du demandeur, les numéros de contrat d'assurance et
du dossier en cas de sinistre.
Le médiateur rend un avis motivé qui n'a aucune
valeur exécutoire pour les parties. Cet avis est confidentiel, il ne
peut être produit en justice.
3. Le médiateur bancaire :
La procédure est sensiblement la même. Elle
ressort des nouvelles dispositions de la loi n°2001-1168 du 11
décembre 2001 portant Mesures Urgentes de Réformes à
Caractère Economique et Financier, dite loi Murcef.
La médiation bancaire est soumise à l'obligation
de confidentialité. La saisine du médiateur ne peut se faire
qu'après avoir épuisé les voies internes de la
société bancaire. Le recours est gratuit. La procédure
n'excède pas deux mois.
Toutes les informations pour le contacter figurent sur les
relevés bancaires ou postaux depuis le 12 décembre 2002.
Les autres médiations existantes auprès
des professionnels se calquent sur le même régime.
Cette médiation appelle toutefois quelques
critiques : sur l'impartialité du médiateur dans le
traitement des dossiers, sur l'impact de son avis. Il ressort de beaucoup
d'acteurs auditionnés que ces médiateurs seraient une
procédure dilatoire en faveur du professionnel en cause afin de faire
gagner du temps et pour décourager le consommateur.
d) La médiation dans les Maisons de Justice et du
Droit:
1. Présentation :
C'est une structure instituée comme lieu d'accueil
et de concertation (L. 18 déc. 1998, Code de l'Organisation Judiciaire
art. L 7-12-1-1) afin d'assurer une présence judiciaire de
proximité avec la mission de concourir à la prévention de
la délinquance, à l'aide aux victimes et à l'accès
au droit. Elle a vocation à servir de cadre en matière
pénale et civile aux travaux de médiation et de conciliation sous
l'autorité des chefs du Tribunal de Grande Instance.
Les Maisons de Justice et du Droit (Les MJD) font de la
médiation et de l'accès au droit. Ils donnent des dossiers d'aide
juridictionnelle, distribuent des bons de consultation gratuite auprès
des avocats.
C'est un regroupement de partenaires, pas une entité
juridique. D'ailleurs elle n'a pas de personnalité juridique. Ce n'est
ni une instance décisionnelle ni une instance sanctionnatrice.
Les Maisons de Justice et du Droit sont à
l'origine une création de fait. La première MJD au niveau
national existe depuis 1989. La cinquième MJD fut créée
à Toulouse (quartier de la Reynerie) en 1991, c'était alors la
seule au niveau départemental. A ce jour il y a 70 maisons en
France.
Les partenaires sont la police, les transporteurs, les
bailleurs, les associations, les assistantes sociales ou les Conseillers
Principaux d'Éducation dans les écoles (ils ont beaucoup de
contacts avec l'éducation nationale)
Les partenaires des MJD bénéficient de
subventions : médiature, la Service d'Aide aux Victimes, d'Information
et de Médiation (SAVIM), l'ASPJ, les avocats (convention avec le
barreau), maison droit de l'enfant, l'Association Départementale
d'Information sur le Logement (L'ADIL), une association pour les violences
conjugales, la PJJ (Protection judiciaire jeunesse).
Les associations partenaires font de la médiation.
L'accueil est assuré par des agents de justice qui renvoient aux
associations de consommateurs quand elles estiment être
incompétentes.
Les avocats font du conseil, ils interviennent en tant que
généralistes. Ce ne sont jamais les mêmes, un
système de rotation a été mis en place. La convention a
été signée entre le Comité Départemental de
l'Accès au Droit et le Barreau.
Depuis, un greffier a été détaché
auprès des MJD.
Un substitut à la section des mineurs est responsable
(référant) des MJD.
Dans les MJD, il n'y a pas de conciliateurs car ils ont une
compétence territoriale limitée à celle d'un canton, alors
que les MJD couvrent une compétence plus large. Selon lui les
conciliateurs auraient cependant leur place dans les MJD, apparemment le
blocage viendrait aussi du coordinateur des conciliateurs actuel.
2. Le volet consommation :
Il faut distinguer les litiges de consommation civils de
ceux pénaux.
En civil :
Les Maisons de Justice et du Droit ont un besoin massif de
partenaires en droit de la consommation.
Cependant un partenariat avec les associations de
consommateurs est impossible en raison de leur nécessité
d'adhésion (perçu comme du clientélisme) or cela
est inadapté au travail des MJD. Les associations partenaires
n'ont pas ce système d'adhésion comme l'ADIL ou la maison de
l'enfant. Le problème est qu'à part ces associations il n'y a
personne d'autre, c'est un vrai dilemme. Le besoin est pourtant bien
réel, «ce serait une bouffée d'oxygène ».
En pénal :
La base textuelle est l'article 41-1 du code de procédure
pénale.
Il s'agit de trouver par l'intervention d'un tiers une solution
librement négociée entre les parties dans un conflit issu d'une
infraction pénale.
Le tiers est un médiateur pénal, professionnel qui
travaille seul (profession libérale) ou membre d'une association
(salarié).
Les Maisons de Justice et du Droit ont une quinzaine de
dossiers droit de la consommation en médiation pénale depuis le
1er janvier 2004. Il y a beaucoup de professionnels
contrôlés par la Direction Régionale de la Concurrence,
Consommation et Répression des Fraudes qui sont orientés vers
eux, surtout en matière de soldes.
En matière pénale ils n'ont pas besoin des
associations de consommateurs car elles ne sont pas compétentes et la
procédure de médiation pénale existe.
Les médiateurs pénaux effectuent soit un rappel
à la loi soit une réparation. Cette issue est plus rare car le
préjudice a, soit déjà été
réparé, soit le dédommagement n'a pas été
nécessaire. Lors du rappel à la loi on sensibilise, on
éduque, c'est une sorte de «stage ». Ils ne refont pas
l'enquête.
C'est le Ministère public qui seul décide de
l'opportunité d'une médiation pénale.
Le coordinateur des MJD rencontré est un
médiateur pénal. Il fait de la médiation pénale
pour des infractions au droit de la consommation. Il constate que dans
la plupart des dossiers les professionnels ne sont pas des malveillants, ils
sont ignorants en matière de législation. Ils sont plutôt
francs, il n'y a ni faux-fuyants ni de cachotteries. En médiation
pénale, le pourcentage de réussite est entre 65 et 68%, elle ne
semble soumise à aucun délai.
Les MJD n'ont aucun contact avec la Chambre de Commerce et de
l'Industrie, ni avec les associations de consommateurs, ni d'ailleurs avec la
Direction Régionale de la Concurrence, Consommation et Répression
des Fraudes, alors que certains médiateurs pénaux lisent avec
attention les recommandations de l'Administration dans les dossiers.
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