II. Deuxième partie :
Les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits
partiellement maîtrisées par les parties.
262. Dans cette partie, la liberté des parties quant
aux choix de la voie amiable se restreint à la saisine de ces modes.
L'issue est totalement incertaine puisqu'elles remettent dans les mains d'un
tiers le litige dans l'espoir que la solution proposée corresponde
à leurs attentes.
263. Ces modes restent cependant amiables. En matière
de médiation, les parties peuvent refuser la solution proposée
(Chapitre Ier). En matière d'arbitrage, c'est un choix conventionnel
préalable (Chapitre IIème).
A. Chapitre Ier :
La Médiation en droit locatif.
264. Il est difficile de distinguer nettement la conciliation
de la médiation. Il s'agit de deux procédures qui ont le
même objet : la recherche d'une solution mettant fin au litige, sans
l'imposer. Elles font toutes deux intervenir un tiers.
265. La différence est
méthodologique126, comme l'exprime la recommandation du
Conseil de l'Europe : «la conciliation a pour objet
de rallier les parties entre elles, de les amener à rapprocher leurs
positions, de les conduire à trouver entre elles un point d'accord
commun "tandis que la médiation" donne
à la personne qui la réalise un rôle d'intermédiaire
entre les parties pour aboutir, à partir des positions des parties,
à une proposition de solution».
266. La différence principale réside dans
l'issue de la procédure. Le médiateur est « une
variété de conciliateur » ; sa mission est cependant plus
nette : alors que le conciliateur assiste les parties dans leur recherche de
conciliation, le médiateur prend une part plus active à la
tentative de règlement amiable du différend.
Le médiateur étudie le litige, fait des
propositions, émet des recommandations qui servent de canevas pour un
éventuel procès-verbal de conciliation. Le régime
juridique de la médiation ne diffère pas de celui de la
conciliation, les auteurs ne distinguent pas entre ces deux
institutions127.
267. la conciliation constate l'existence d'un accord ou la
persistance d'un désaccord tandis que le médiateur exprime la
solution qui paraît devoir être retenue128.
268. Dans la pratique, la distinction est encore moins
facile. Les termes de médiation ou de conciliation sont très
souvent utilisés à mauvais escient. On assiste depuis quelques
années à l'institution de médiateurs dans tous les
secteurs de la vie administrative qui joue plutôt un rôle de
conciliateur entre les usagers et l'administration129.
269. à titre d'exemple, il existe : le médiateur
du cinéma130, le médiateur de l'éducation
nationale131, le médiateur du service universel
postal132, etc.
Mais il ne s'agit pas véritablement de tiers
indépendants par rapport à l'Administration à l'image de
l'action du Médiateur de la République, il est difficile de
considérer leurs interventions comme de véritables modes
alternatifs.
270. Il existe bon nombre de médiateur, à titre
d'exemple nous en citerons quelques uns pour que nous rendions compte de
l'évolution de cette institution. Tous ont en commun d'être tenus,
comme tous les acteurs des modes amiables, à l'obligation de
confidentialité.
126 F. Munoz, JurisClasseur Procédure civile, Fasc. 160 :
Conciliation et Médiation.
127 V. B. Oppetit, Arbitrage, médiation et conciliation :
Rev. arb. 1984, p. 307.
128 P. Delvolvé, « Rapport général
in Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités
administratives et les personnes privées », Conférence
multilatérale de Lisbonne 31 mai-2 juin 1999 : Éd. du Conseil de
l'Europe, 2000, p. 13 s.
129 M. Guillaume-Hofnung, La médiation : AJDA 1997, p.
30.
130 Loi n° 82-652, 29 juill. 1982, art. 92.
131 Décret n° 98-1082, 1er déc. 1998, art.
2.
132 Code des Postes et Télécommunications, art. R.
1-1 et s., rédaction issue du D. n° 2001-1335, 28 déc.
2001.
271. Les médiateurs d'entreprise :
Nombre d'entreprises ont mis en place en leur sein des
médiateurs. Certains sont issus de la pratique et la loi est venue leur
en faire l'obligation dans certaines activités. Tels que :
272. Le médiateur bancaire :
Il ressort des nouvelles dispositions de la loi
n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant Mesures Urgentes de
Réformes à Caractère Economique et Financier, dite loi
Murcef, la mise en place d'un médiateur bancaire. Sa saisine ne peut se
faire qu'après avoir épuisé les voies internes de la
société bancaire. Le recours est gratuit. La procédure
n'excède pas deux mois. Toutes les informations pour le contacter
figurent sur les relevés bancaires ou postaux depuis le 12
décembre 2002.
273. Le médiateur des assurances :
Le recours à un médiateur en assurance par les
particuliers a été mis en place depuis le 1er octobre 1993. Il
est saisi lors d'un litige entre un particulier et une société
d'assurance. Il faudra au préalable avoir utilisé toutes les
possibilités de dialogues, de réclamations, et de recours
auprès de la société.
Chaque société d'assurance a son
médiateur. Soit les entreprises disposent de leur propre
médiateur, soit elles s'en remettent au médiateur de
l'organisation professionnelle dont elles sont membres.
Ce recours est gratuit. La saisine doit se faire par
écrit. Certaines mentions doivent y figurer : le nom de la
société d'assurance, les dates des principaux
évènements, les décisions ou réponses de la
société (photocopies), les prétentions du demandeur, les
numéros de contrat d'assurance et du dossier en cas de sinistre. Le
médiateur rend un avis motivé qui n'a aucune valeur
exécutoire pour les parties. Cet avis est confidentiel, il ne peut
être produit en justice.
274. Le médiateur des
télécommunications :
Ce médiateur des télécommunications est
compétent en ce qui concerne les litiges commerciaux opposant un
consommateur à un opérateur de services de
téléphonie signataire de la charte les y engageant (France
Télécom, Cegetel, Orange, SFR, Bouygues, Télécom,
Télé 2, 9 Télécom).
275. « Le médiateur du droit de la
consommation » :
Des « Médiateurs de la consommation »
exercent au sein de la Chambre de la Consommation d'Alsace. C'est une structure
régionale dont l'objectif est d'être un lieu clef du droit de la
consommation.
Auprès de cette Chambre, les consommateurs peuvent
s'informer, rencontrer diverses associations de consommateurs, et de
locataires. Ils peuvent aussi s'adresser aux médiateurs de consommation.
Elle est la seule à avoir mis en place une « médiation de la
consommation », ces médiateurs n'existent à ce jour qu'en
Alsace133.
Cependant il se révèle que cette
médiation ne l'est que de nom. En effet, les médiateurs en
fonction réalisent, au sein de la Chambre de la Consommation, un travail
d'information voir de conseil juridique. La médiation n'est pas
utilisée dans son sens juridique en tant que mode de règlement
amiable, ce n'est qu'un « titre » sans aucun contenu.
133 Informations recueillies et confirmées dans le
cadre de l'« Etude de faisabilité d'une structure de
règlement amiable des litiges de consommation »
réalisée en avril-juin 2004 pour la DRCCRF
Midi-Pyrénées, par Mlle J. Hoarau et l'auteur du présent
mémoire.
276. L'attribution de titre juridique dépourvu de tout
respect des principes régissant ces MARC, tel que décrit en
Alsace, est chose commune. Ainsi avant d'exposer les différents types de
médiation existants en droit locatif (section IIème), une
présentation de cette institution amiable sera faite (section
Ière).
Section Ière : La Médiation :
présentation, textes et mécanismes .
Comme pour la Conciliation nous définirons la
Médiation (I), puis nous distinguerons celle judiciaire de celle qui ne
l'est pas (II), nous présenterons les acteurs de la Médiation
(III), sa durée (IV) et son issue (V).
I. Définition .
277. Du latin mediare : s'interposer, entremise.
278. La loi du 8 février 1995, articles 21 à 26,
et le décret du 22 juillet 1996 consacrent l'institution.
La loi n°95-125 du 8 février 1995 relative
à l'organisation des juridictions et à la procédure
civile, pénale et administrative consacre un chapitre à la
conciliation et à la médiation judiciaires.
279. Il existe différents types de médiation : la
médiation pénale, la médiation familiale, la
médiation entre l'Administration et les usagers (Médiateur de la
République et ses délégués).
280. Pour ces différents types de
médiation, il ressort trois critères fondamentaux :
- Un litige
- Un tiers
- Une mission consistant en la recherche par ce dernier d'une
solution
susceptible de recueillir l'accord des parties.
281. La médiation ne peut s'effectuer sans
l'intervention d'un tiers, un intermédiaire : le médiateur. Il
n'impose rien, il se contente d'assister les parties, et le cas
échéant leur propose les termes d'un accord. La médiation
peut aboutir à une transaction.
282. La mission du médiateur est plus difficile
à cerner que celle du conciliateur. Il est certain que cette mission
n'est en rien juridictionnelle. Elle peut devenir judiciaire mais le
médiateur en aucun cas ne peut trancher un litige : Le médiateur
ne tranche pas le litige, il ne se substitue pas au juge qui conserve son
imperium.
II. Distinction médiation conventionnelle et
judiciaire. A. Médiation conventionnelle ou extra judiciaire.
283. Ce sont les parties par leur volonté propre qui
recourent d'elles-mêmes à la médiation. Par exemple, en
rédigeant une clause contractuelle. Elle est régie par le
principe général du droit des contrats.
284. Cependant, elle ne pourra pas porter sur des droits
indisponibles ni violer les règles d'ordre public. La clause de
médiation peut poser des problèmes dans les relations
professionnel/consommateur et peut parfois être considérée
comme abusive.
285. Le rôle de médiateur pourra être plus ou
moins important selon ce qui a été prévu dans la
convention.
Les textes la régissant sont les mêmes que ceux de
la médiation judiciaire.
B. Médiation judiciaire.
286. La médiation judiciaire, comme la conciliation
judiciaire, déléguée à un tiers remplissant
certaines conditions, constitue une nouvelle étape de
développement « d'une justice de dialogue »134.
287. Elle est réglementée par la loi du 8
février 1995, et son décret d'application, insérés
dans le Nouveau Code de Procédure Civile aux articles 131-1 à
131-15. Elle n'a guère d'histoire : ce n'est qu'en 1995 que la loi est
venue le reconnaître de façon officielle.
288. Le juge, saisi d'un litige, a le pouvoir de confier
à un tiers, spécialement désigné à cet
effet, la mission d'aider les parties à négocier un accord
contractuel. L'article 21 de la loi du 8 février 1995 et l'article 131-1
du Nouveau Code de Procédure Civile135 prévoient que
ce pouvoir appartient même au juge des référés.
289. La mise en place de cette médiation judiciaire a
fait l'objet de vives critiques, elle a même été
qualifiée de « mécanique à allonger les
procédures et à rendre la justice plus coûteuse
»136.
290. Les chances d'aboutir à un accord
consécutif à une médiation s'amenuisent au fur et à
mesure que le procès avance : pour de plus grandes chances de
succès l'intervention d'une médiation judiciaire au plus
tôt est le mieux. Il est tout de même plus opportun de rendre cette
phase de médiation judiciaire, dans la procédure, non
obligatoire.
Instituer une phase obligatoire de règlement amiable est
totalement contraire à l'esprit de l'amiable, forcer les parties en ce
sens n'aboutira qu'à une perte de temps.
291. Le tribunal fixe le montant de la provision à valoir
sur la rémunération du médiateur, ainsi que la
durée de sa mission qui en principe n'excède pas trois
mois137.
292. À l'expiration de la mission, le juge est
informé de la réussite ou de l'échec de la tentative. En
cas de réussite, un accord est signé par les parties qui
concrétisent leur volonté d'un règlement consensuel de
leur différend. Le juge l'homologuera à la demande des parties.
L'homologation relève de la matière gracieuse.
En cas d'échec de la médiation, le médiateur
adresse au juge un rapport succinct de fin de mission.
134 Perrot, « Droit judiciaire privé : cours de
droit 1977 », p.500.
135 Intégré D. n°96-652, du 22 juillet
1996.
136 Propos du sénateur Jacques Larcher lors du vote de la
loi.
137 Article 131-3 du Nouveau Code de Procédure Civile.
293. Le juge est autorisé à confier une mission de
règlement amiable à un tiers, parce qu'il dispose lui-même
de ce pouvoir et devoir de tenter de concilier les parties138.
Les parties peuvent emprunter cette voie en tout
état de la procédure, en première instance comme
en appel, au référé comme au fond.
III. Les acteurs .
A. Les parties.
294. Il faut que les parties, avant de procéder
à la médiation, consentent à utiliser cette voie. Leur
accord est nécessaire quant au choix de ce Mode Alternatif de
Règlement des Conflits et quant à l'acceptation de la solution
proposée par le médiateur.
Comme dans les autres MARC, les parties doivent être
capables. Dans l'hypothèse de représentation le mandat produit
doit porter sur l'accord du choix de ce mode et sur l'accord de la solution
proposée.
B. Le médiateur.
295. Il n'est pas tenu par le principe du contradictoire, car
c'est un principe directeur du procès et que la médiation est un
mode non juridictionnel.
296. Le médiateur doit satisfaire à cinq
conditions139 :
- Il ne doit pas avoir fait l'objet d'une condamnation.
- Il ne doit pas avoir été l'auteur de faits
contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes
moeurs.
- Il doit posséder, par exercice d'une activité, la
qualification requise eu égard à la nature du litige.
- Il doit justifier d'une formation ou d'une expérience
adaptée à la pratique de la médiation.
- Il doit présenter les garanties d'indépendance
nécessaire à l'exercice de la médiation.
297. Le médiateur est tenu à l'obligation de
secret à l'égard des tiers et du juge, sauf accord des parties.
Les constatations et déclarations ne peuvent être « ni
produites ni invoquées » devant le juge sans l'accord des
parties. Les concessions que les parties étaient prêtes à
faire lors de la médiation ne leur seront pas opposées par le
juge en cas d'échec de la médiation.
298. Le médiateur est un tiers, autre que le juge, une
personne physique ou une association. Le médiateur entend les parties en
vue de trouver une solution au conflit. Il n'est pas investi du pouvoir de le
leur imposer, à la différence d'un arbitre ou d'un juge.
138 Article 21 du nouveau code de procédure civile.
139 Article 131-5 du Nouveau Code de Procédure Civile.
IV. La durée de la médiation .
299. Article 131-3 du Nouveau Code de Procédure Civile
: « La durée initiale de la mission ne peut excéder trois
mois. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une
même durée, à la demande du médiateur ».
300. Cette durée de trois mois s'applique dans le
cadre de la médiation judiciaire. Il faut cependant remarquer qu'en
dehors de cette hypothèse, ce délai ne sert que de
référence. Les délais sont en effet variables selon les
différentes médiations. Mais afin d'éviter de porter
préjudice aux parties, la procédure de médiation se
déroule en tenant compte des délais de prescription propres aux
matières juridiques objet de la médiation.
V. Issue de la médiation .
301. Selon le type de médiation et la matière en
jeu, deux issues à la médiation sont envisageables.
302. La première est bien
évidement un règlement amiable entre les parties. Il se formalise
par une convention entre les parties, rédigé par le
médiateur.
Cet acte est dénommé dans le cas d'une
médiation extra judiciaire : Protocole d'accord.
303. Dans le cas d'une médiation judiciaire et extra
judiciaire, l'accord est une convention ayant valeur contractuelle entre les
parties. Les parties s'obligent l'une envers l'autre à respecter cet
accord140. Cet accord tient lieu de loi entre les parties
signataires141. En cas d'inexécution par l'une ou l'autre des
parties, la saisine d'un juge est envisageable pour y remédier.
304. La deuxième hypothèse est
« la recommandation ». Certain médiateur ne peuvent
qu'émettre des recommandations et non rédiger des accords, tels
que le médiateur des télécommunications, celui des
assurances ou encore le médiateur bancaire.
Une recommandation peut aussi être émise par un
médiateur judiciaire, mais il faut rappeler la règle de
confidentialité de cette procédure. Si les parties ne consentent
pas ensemble de s'appuyer sur les éléments connus lors de la
médiation, ils ne peuvent l'être. Ainsi la recommandation du
médiateur ne pourra être connue, conformément à
l'article 131-14 du Nouveau Code de Procédure Civile142.
140 Article 1101 du code civil : « Le contrat est une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou
plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire
quelque chose ».
141 Article 1134 alinéa 1 : « Les conventions
tiennent lieux de loi à ceux qui les ont faites ».
142 Article 131-14 NCPC : « Les constatations du
médiateur et des déclarations qu'il recueille ne peuvent
être ni produites, ni invoquées dans la suite de la
procédure sans l'accord des parties, ni en tout état de cause
dans le cadre d'une autre instance ».
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