Section IIème :
La Conciliation dans les rapports locatifs .
177. Dans cette section nous nous attacherons aux acteurs de
la conciliation en droit locatif. En l'espèce, seront
présentés les conciliateurs d'ordre général (I),
puis plus spécifiquement les conciliateurs de justice, dont le
développement ici présent est le fruit de recherches doctrinales
et de l'exposé du coordinateur des conciliateurs de justice de Toulouse
(II).
Nous consacrerons une partie sur le Tribunal d'Instance qui
connaît de la conciliation et qui est compétent en droit locatif
(III). Enfin un développement sera consacré aux Commissions
Départementales de Conciliation des Rapports Locatifs qui est le Mode
Alternatif de Règlement des Conflits par excellence en matière de
rapport locatif (IV).
I. Les tiers de la conciliation : Les Conciliateurs 102.
178. Les conciliateurs ont été institués par
un décret du 20 mars 1978 modifié en dernier lieu par un
décret de 1996.
Avant la loi du 8 février 1995 et du décret du
22 juillet 1996 qui leur ont donné ces dénominations de
conciliateurs de justice, un décret modificatif en date du 25
février 1993 a exigé d'eux, pour l'avenir tout au moins, trois
années d'expérience en matière juridique103.
179. Leur mission est de faciliter en dehors de toute
procédure judiciaire, le règlement amiable du différend
portant sur les droits dont les intéressés ont la libre
disposition. À cette fin le conciliateur convoque les parties, les
écoutes et s'efforce de rapprocher leurs points de vue.
180. Le conciliateur peut être saisi par toute personne qui
le souhaite sans forme particulière. Cette saisine ne suspend ni
n'interrompt les délais de prescription ou de recours.
181. Il n'est pas aisé de présenter un
développement sur les conciliateurs puisque les textes du Nouveau Code
de Procédure Civile s'intéressent essentiellement aux
conciliateurs de justice. Les conciliateurs d'une manière
générale se doivent néanmoins de respecter un certain
nombre de principe le secret professionnel, l'impartialité ou encore
l'expérience juridique.
II. Les Conciliateurs de justice104.
Nous aborderons tour à tour leurs fonctions (A), l'acteur
« conciliateur » (B), son organisation dans sa mission (C) et son
aboutissement (D).
102 Un développement est consacré dans ce
mémoire aux conciliateurs de justice, confère les
développements suivants et complète celui-ci.
103 D., 20 mars aux 1978, art.2, al.2, modifié D.
n°96-1091, 13 décembre. 1996, art.3.
104 La présentation de ces conciliateurs de justice est
ici complétée par l'audit réalisé par Mlle J.
Hoarau et l'auteur du mémoire et des propos recueillis, le 22 avril
2004, auprès de M Foissac, Coordinateur des Conciliateurs de Justice de
la région Toulousaine.
A. Leurs fonctions .
182. Ils ont été créés pour
pallier à la suppression des juges de paix (1959), car le juge
détenait toujours ses prérogatives de conciliation, mais il ne
disposé plus de temps. L'encombrement des tribunaux est une
conséquence de leur instauration.
183. Il est possible de faire de la conciliation en audience.
Elle sera judicaire si elle est faite en audience, par opposition à
celle qui a lieu en dehors de toute audience qui sera alors extrajudiciaire.
Des conciliateurs ont donc été instaurés
dans les tribunaux, mais certains magistrats (de petits tribunaux) n'en ont pas
voulu préférant continuer à faire la tentative de
conciliation eux- mêmes.
184. En effet, la conciliation est plus ou moins bien
acceptée selon les régions : certaines personnes veulent
absolument aller en justice quelle que soit l'importance du litige (par exemple
en Ariège). A Toulouse, la population est plus dense ce qui
entraîne un volume de demandes plus important, le juge aura d'autant
moins de temps à se consacrer à la conciliation. Donc les
magistrats acceptent facilement les conciliateurs qui les déchargent en
quelque sorte d'une partie de leur travail. Par contre à St Gaudens,
circonscription moins peuplée, c'est une « juridiction plus
tranquille »105, les juges préfèrent faire la
conciliation eux-mêmes et acceptent mal les tiers conciliateurs.
185. Le conciliateur va s'efforcer de rapprocher le point de
vue des parties. Il peut, avec l'accord des parties, entendre toute personne
dont l'audition lui paraît utile et il peut se rendre sur les lieux.
B. Le conciliateur de justice .
186. Le conciliateur est un auxiliaire de justice
assermenté : il prête serment avant la prise de fonction. Il est
tenu au secret.
187. Il n'y a pas de limite d'âge pour exercer ces
fonctions, ni d'âge minimum, il faut seulement avoir eu une certaine
expérience en matière juridique (au moins 3 ans).
Néanmoins, certaines qualités sont requises :
disponibilité, qualité d'écoute, de bon sens,
rapidité. D'autant que le conciliateur est bénévole.
Le conciliateur laisse toujours la personne parler. Il est
là pour apaiser les choses, il faut que la personne se sente à
l'aise, en confiance. Il doit rester totalement impartial, il
ne doit pas prendre parti, son rôle n'est pas d'accabler la personne.
188. D'après le décret de 1978, le conciliateur
de justice est un généraliste. Il a une compétence
générale en droit privé. Mais il y a quand même des
conciliateurs « spécialisés » comme dans le domaine des
assurances, du droit médical... Il peut intervenir dans de vastes
domaines juridiques ou en fonction de la connaissance des litiges.
189. Il peut tout faire sauf concilier des droits
indisponibles, état des personnes : divorce, filiation,
tutelle, et intervenir dans des litiges touchant aux relations entre
Administration et
105 Idem : M Foissac, Coordinateur des Conciliateurs de Justice
de la région Toulousaine.
administrés. Ces derniers relevant de la
compétence du médiateur de la République ou de ses
délégués. Ajoutons qu'en pratique dès que le
conciliateur apprend que la personne a un avocat, un procès en cours, il
se retire, se déclare incompétent ; pour éviter de
commettre des erreurs, être en contradiction avec un autre Mode
Alternatif de Règlement des Conflits ou la décision d'un juge.
190. Ils sont nommés par ordonnance du Premier
Président de la Cour d'appel, et sur proposition du Procureur
général. La nomination vaut pour une année la
première fois, reconductible par période de deux ans ensuite. Ils
prêtent serment devant la Cour d'appel. Ils sont rattachés au
tribunal d'instance. Leur activité est bénévole.
191. La conciliation est soumise au principe du secret. Les
conciliateurs sont tenus au secret professionnel à l'égard des
tiers et à l'égard du juge sauf accord des parties. Mais ils ont
une obligation d'information à l'égard du juge.
Les constatations et les déclarations recueillies par le
conciliateur ne peuvent être évoquées devant le juge saisi
du litige qu'avec l'accord des parties.
C. L'organisation .
192. A titre d'exemple, il y a 93 conciliateurs dans le
ressort de la Cour d'Appel de Toulouse, auxquels il faut ajouter 8 juges de
proximité, 6 dans le Tarn et Garonne, 25 dans le Tarn, 5 en
Ariège et 57 dans la Haute-Garonne. Ces conciliateurs siègent en
principe dans les Mairies des chefs-lieux de canton, mais compte tenu de la
population, certains siègent dans les mairies annexes du canton ; par
exemple pour Toulouse à Blagnac, ou à Muret.
La liste des conciliateurs est établie d'après une
liste valable dans chaque département, par appartenance syndicale.
193. Le conciliateur a une compétence par canton :
c'est-à-dire que pour pouvoir lui exposer un litige il faut être
habitant du canton où il exerce ses fonctions ou que l'objet du litige
se situe dans le canton en question.
194. D'un point de vue plus pratique sur l'organisation des
conciliateurs, il faut noter que le conciliateur peut se déplacer chez
les personnes, mais sous réserve d'avoir signé une
décharge formalisant l'accord de l'intéressé.
Il peut convoquer les parties, pour les faire venir. A
Toulouse, la présence physique est imposée pour la conciliation.
La conciliation doit être contradictoire et doit être issue d'un
débat entre les parties.
Parfois, il arrive que le conciliateur règle l'affaire
par courrier ou par téléphone si le litige n'appelle pas de
complications particulières.
195. Le règlement des litiges par les conciliateurs
connaît un certain succès, Les conciliateurs de justice ont
prouvé leur utilité puisque pour l'an 2000, les 1728
conciliateurs de justice du territoire national ont été saisis de
106 891 affaires pour lesquelles 50 116 ont abouti à une conciliation,
soit un taux de réussite de 47 %. En moyenne un conciliateur de justice
traite entre 75 et 100 dossiers par an106.
106 Y. Desdevises et Ch. Suaud, « Conciliateurs et
conciliation, in Les modes alternatifs de règlement des litiges : les
voies nouvelles d'une autre justice par P. Chevalier, Y. Desdevises et Ph.
Milbrun », Dir. : Doc. Fr., Coll. Perspectives sur la justice 2003,
p. 219 s.
196. Ils enregistrent une augmentation de 13 à 15% des
demandes chaque année. Par exemple, en 2002, en Haute-Garonne : il y a
eu 2455 saisines, contre 2586 en 2003. Mais ce succès est en partie
dû aux résultats, puisque le taux de réussite des
conciliateurs est d'environ 50% des affaires traitées (soit 1156 accords
signés pour 2586 dossiers en 2003).
197. Quand la conciliation aboutie, elle va être
formalisée par un procès-verbal d'accord signé par les
deux parties et par le conciliateur.
Les parties conservent ensuite la possibilité de
demander l'attribution de la force exécutoire pour ce constat d'accord
afin de lui donner une force juridique certaine et de contraindre la partie
adverse d'exécuter les engagements pris si elle s'y refuse. Mais
globalement, il y a peu de demande en ce sens, les parties s'inclinant devant
cet accord. Cela en raison du travail pédagogique effectué par le
conciliateur ayant pris soin de bien expliquer aux parties
l'intérêt de signer cet accord qui les engage
contractuellement.
D. « L'accord » .
198. Si les parties parviennent à un accord, le
constat d'accord rédigé est déposé aux greffes du
tribunal d'instance auquel est rattaché le conciliateur. Le constat
d'accord est, en fait, facultatif sauf s'il y a renonciation à un droit
par les parties.
Ces dernières peuvent demander au juge d'instance de
donner force exécutoire à l'acte exprimant leur accord.
L'homologation par le juge relève de la matière gracieuse.
199. En cas d'échec de la conciliation, la mission du
conciliateur cesse les parties pouvant saisir le juge compétent. En la
matière ce sera le juge d'instance et depuis peu surtout le juge de
proximité.
III. Le Tribunal d'Instance.
200. Nous nous intéresserons au juge d'instance en raison
de sa compétence exclusive en la matière et de l'aspect
procédural particulier devant cette juridiction : la conciliation
préalable.
201. Il existe deux types de conciliation devant le Tribunal
d'Instance :
A. La tentative de conciliation préalable:
faculté du demandeur avant assignation .
202. La tentative de conciliation préalable :
faculté du demandeur avant assignation : Il a été
mis en place, devant le tribunal d'instance, une procédure de tentative
préalable de conciliation prévue aux articles 830 à 835 du
Nouveau Code de Procédure Civile. C'est une faculté
conférée au demandeur de provoquer une tentative de conciliation
avant d'assigner. Cette procédure est simple : la demande est
formée verbalement ou par lettre simple.
203. Précisons que ce procédé juridique
n'existe plus que devant le tribunal d'instance. C'est une faculté fort
utile : « Il arrive assez souvent qu'une personne ne parvienne pas
à obtenir ce qui lui est dû simplement parce qu'elle se heurt
à un mur de silence. Une citation de conciliation devant le juge
d'instance permet parfois de sortir à peu de frais d'une situation
bloquée »107.
Il s'agit ici d'une tentative facultative, tentative qui est
à la disposition du demandeur. En effet, plutôt que d'assigner
« à toutes fins », le demandeur peut préférer
directement provoquer une tentative de conciliation avant même
d'assigner108.
204. Selon l'article 831, « la tentative
préalable de conciliation peut être menée par le juge ou
par un conciliateur remplissant les conditions prévues par le
décret du 20 mars 1978, n°78- 381, modifié relatif aux
conciliateurs, désigné à cet effet ».
Le greffier avise le demandeur et convoque le défendeur
à une date déterminée où les parties devront se
présenter en personne.
Dans le cas de cette tentative préalable de
conciliation, les parties doivent se présenter en personne. La
durée initiale de la mission du conciliateur ne peut excéder un
mois, renouvelable une fois à la demande du conciliateur. Cette
procédure de tentative préalable ne peut avoir lieu sans l'accord
des parties109.
205. À l'expiration de sa mission, le conciliateur
informe pas écrit le juge de la réussite ou de l'échec de
la tentative préalable de conciliation.
En outre concernant, la tentative préalable de
conciliation devant le tribunal d'instance, l'article 832-10 du NCPC dispose
que « la décision ordonnant ou renouvelant la conciliation ou y
mettant fin n'est pas susceptible d'appel ».
206. En cas de conciliation, même partielle, le
conciliateur établit un constat d'accord signé par les parties.
Le juge, s'il a concilié, dresse un procès-verbal qui a force
exécutoire.
207. En cas d'échec, le greffe adresse aux parties une
lettre recommandée avec demande d'avis de réception leur
rappelant qu'elles ont la faculté de saisir la juridiction
compétente aux fins de jugement110. Le juge remet au
demandeur un bulletin de non-conciliation qui lui permettra d'assigner
directement à fin de jugement.
208. La demande de tentative de conciliation n'interrompt pas
la prescription, sauf si l'assignation est délivrée dans les deux
mois à compter du jour de la tentative de conciliation111,
des notifications prévues aux articles 832-6 et 832-7 du Nouveau Code de
Procédure Civile ou encore de l'expiration du délai
accordé par le demandeur au débiteur.
107 R. Perrot, « Les cours de droit 1977 »,
fascicule II, p.409. ; Edition du Juris-Classeur, procédure civile,
fascicule 160, p.17.
108 Articles 887 du Nouveau Code de Procédure Civile.
109 Article 832-1 du Nouveau Code de Procédure Civile.
110 Articles 832-7 du Nouveau Code de Procédure Civile.
111 Article 835 du Nouveau Code de Procédure Civile.
B. La conciliation obligatoire : procédure classique
devant le Tribunal d'Instance .
209. Devant le tribunal d'instance, l'application du principe
général conférant au juge une vocation de concilier
à tout moment n'est qu'exceptionnelle et subsidiaire puisque devant
cette juridiction la tentative de conciliation est érigée en
institution particulière.
210. Si une tentative préalable de conciliation n'a
pas eu lieu, la procédure normale devant le tribunal d'instance implique
que le juge s'efforce de concilier les parties. Cette tentative de conciliation
peut également être conduite par un conciliateur de justice
désigné sans formalité particulière par le juge
avec l'accord des parties. En effet l'assignation à toutes fins devant
le tribunal d'instance, l'est « à fin de conciliation » et,
à défaut, de jugement.
À défaut de conciliation, l'affaire est
immédiatement jugée en l'état, ou est renvoyée
à une audience ultérieure.
211. La tentative de conciliation est ici une obligation pour
le juge d'instance. La procédure débute par une requête
conjointe, la présentation volontaire des parties ou par assignation
dite « à toutes fins » : c'est-à-dire à fin de
conciliation et, à défaut de jugement.
Le tribunal d'instance est saisi par remise au juge de la
requête conjointe ou par la signature d'un procès-verbal
constatant la présentation volontaire des parties ou pas remise d'une
copie de l'assignation au secrétariat de greffe.
En vertu des articles 840 et 847 du Nouveau Code de
Procédure Civile, le juge doit s'efforcer de concilier les parties.
Cette tentative de conciliation peut avoir lieu dans le cabinet.
212. Le juge conserve ici une place essentielle. C'est lui qui,
sans se dessaisir, peut décider de recourir à un
conciliateur112 .
Il conserve la maîtrise de la procédure. En
effet, s'il désigne un conciliateur, il fixe la durée de sa
mission113. Elle est en principe de un mois, le juge pouvant
renouveler sa mission ou y mettre fin prématurément, soit
d'office, soit à la demande des parties, soit à la demande du
conciliateur.
Il doit être tenu informer par le conciliateur des
difficultés qu'il rencontre dans l'exercice de sa mission.
213. Rien n'empêche le juge d'instance en application du
droit commun de la conciliation, au cours de la procédure, de constater
un accord entre les parties.
C. Le recours à un tiers : soumis à l'accord
des parties.
214. Si le juge prend l'initiative de recourir à un
tiers afin de tenter de concilier les parties, il n'en demeure pas moins que
les parties conservent la maîtrise du déclenchement de cette
modalité : le recours à un tiers nécessitant
l'accord des parties114.
112 Article 21 de la loi du 8 février 1995.
113 Article 23 de la loi de 1995.
114 Article 21 de la loi du 8 février 1995.
215. S'il s'agit d'une tentative de conciliation devant le
tribunal d'instance, le juge doit aviser les parties, de son intention de
désigner un conciliateur, par lettre simple et les inviter à lui
faire connaître leur acceptation dans les 15 jours1 15.
Concernant le tribunal d'instance : l'accord des parties ne
porte que sur le principe du recours à un tiers. Cet accord n'a pas
à porter sur la personne du conciliateur puisque celui-ci doit remplir
les conditions du décret du 20 mars 1978 et qu'il a un domaine de
compétence territoriale limitée.
216. La volonté des parties d'accepter le recours
à un conciliateur doit non seulement se manifester préalablement
à la désignation du tiers mais aussi se maintenir tout au long de
sa mission. Ainsi une partie peut, à tout moment, demander au juge de
mettre fin à la mission du conciliateur.
Les parties doivent aussi donner leur accord pour que le
conciliateur puisse entendre des tiers au litige.
D. Conciliation aboutissant à un accord.
217. Que ce soit dans l'une ou l'autre des deux
possibilités de conciliation devant le tribunal d'instance : la
conciliation totale ou partielle est constatée dans un
procès-verbal, à la demande des parties si elles se sont
conciliées d'elles-mêmes116, ou à l'initiative
du juge s'il a procédé lui-même à la tentative de
conciliation.
218. Si un conciliateur est intervenu, celui-ci établit
le constat d'accord signé par les parties et par lui-même.
Lorsque les parties demandent au juge d'homologuer leur
accord, il a le pouvoir de s'assurer de la qualité de l'accord intervenu
entre les parties et de vérifier que la convention ne heurte aucune
disposition d'ordre public.
219. Le procès-verbal est signé par le juge et
les parties. Lors d'une conciliation judiciaire en cours d'instance, il a
été jugé qu'une partie refusant le lendemain de signer un
accord suite à une conciliation intervenue devant le juge : cette
conciliation produit tout de même ses effets117.
220. Les extraits du procès-verbal de conciliation valent
titre exécutoire. La constatation faite par le juge n'est pas
susceptible de recours.
221. Un développement dans la seconde partie sera
consacré au Tribunal d'Instance et au juge de proximité en tant
qu'acteur intervenant dans le droit locatif.
115 Articles 832-1 du Nouveau Code de Procédure Civile.
116 Article 384 alinéa 3 du NCPC : « il
appartient au juge de donner force exécutoire à l'acte constatant
l'accord des parties, que celui-ci intervienne devant lui ait été
conclu hors sa présence ».
117 Tribunal de commerce Châlons-sur-Marne, 1 juin 1978 ;
GP 1978, 1, jurispr., p. 555.
IV. La Commission Départementale de Conciliation des
rapports locatifs de Haute-Garonne.
A. Fondement textuel .
222. La loi n°82-524 du 22 juin 1982 avait
créé des commissions départementales des rapports locatifs
et le décret n°82-1164 et du 30 décembre 1982 avait
prévu une formation de conciliation.
223. Le texte de mise en place de ces commissions sera la loi
Méhaignerie du 23 décembre 1986. Cette loi abrogeât les
dispositions précédentes et créa les Commissions
Départementales de Conciliation.
Modifiée ultérieurement par l'article 20 de la
loi du 6 juillet 1989, n° 89-462. Puis par le décret n°
2001-653 du 19 juillet 2001, paru au journal officiel du 21 juillet 2001, qui
est venu compléter ces dispositions sur la composition et les
modalités de fonctionnement de ces commissions.
B. Sa composition .
224. C'est le décret n° 2001-653 du 19 juillet
2001, abrogeant le décret n° 87-449 du 26 juin 1987, qui organise
la composition des Commissions Départementales de Conciliation des
Rapports Locatifs.
225. La Commission est composée paritairement, en
nombre égal, de représentants de locataires et de
représentants d'organisation de bailleurs. Le préfet arrête
la liste des organisations représentatives118.
226. La commission est constituée en deux sections
chargées chacune d'examiner les litiges ou des difficultés dans
le parc privé, dite « section A », et dans le parc Public,
« section B ». En effet suivant les questions concernées, le
collège des bailleurs comprend des représentants des bailleurs
privés ou des bailleurs sociaux, ou des représentants des
bailleurs sociaux et privés en nombre égal.
227. En ce qui concerne les représentants de locataires,
ce sont généralement les mêmes. Quelque soit le
caractère privé ou public des litiges examinés.
228. Ainsi en Haute-Garonne, ce sont quatre associations de
locataires qui siègent à la Commission Départementale de
Conciliation : la Confédération Nationale du Logement, CNL,
l'association Consommation Logement et Cadre de Vie, CLCV, la
Confédération Générale du Logement, CGL, et la
Confédération Syndicale des Familles, CSF.
En Haute-Garonne les représentants de bailleurs pour le
parc privé sont des gestionnaires d'immeubles : la
Confédération Nationale des Administrateurs de Biens (CNAB),
la
118 Article 2 du décret n° 200 1-653 du 19 juillet
2001.
Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM), le
Syndicat National des Professionnels Immobiliers (SNPI) et la Chambre des
propriétaires.
229. Quels qu'ils soient, ces représentants doivent
répondre aux critères de représentativité
définis à l'article 43 de la loi Méhaignerie du 23
décembre 1986.
Pour les représentants de locataires, les
critères retenus sont le montant global des cotisations,
l'indépendance, l'expérience et l'activité de
l'organisation dans le domaine du logement. Dans le cadre d'organisation de
locataires, les critères seront le nombre et la répartition
géographique de leurs adhérents.
Pour les organisations de bailleurs et des gestionnaires, il est
tenu compte du nombre de leurs adhérents et du nombre de logements
détenus ont géré par leurs adhérents.
230. L'essentiel, pour les audiences, est que
représentants des bailleurs et représentants des locataires
soient en nombre égal. Ils sont nommés pour trois années
renouvelables par arrêté préfectoral.
231. Le secrétariat des Commissions
départementales de conciliation est assuré par la DDE, direction
départementale de l'équipement, plus précisément
par son service du logement et de l'habitat.
C'est une sorte de service de greffe. Elles disposent d'une
copie de chaque dossier, c'est d'ailleurs le secrétariat qui fournit les
dossiers aux membres de la commission. Ces fonctionnaires prennent des notes
pendant les séances et rédigent les actes de conciliation ou les
avis dictés par les membres de la commission à la fin du
traitement de chaque dossier.
C. Son organisation.
232. L'article 3 du décret du 19 juillet 2001
prévoit que la Commission fixe son règlement intérieur qui
peut prévoir notamment qu'elle se réunit en formation unique ou
en plusieurs sections. Dans ce dernier cas, elle devra respecter le principe de
parité.
233. Chaque commission désigne son président,
choisi pour une année parmi les représentants des locataires ou
ceux des bailleurs, un vice-président appartenant au collège qui
n'a pas la présidence étant également
désigné pour la même durée.
Le président et le vice-président
représentent chacun un des collèges. Les collèges
alternent successivement ces fonctions. Les membres de ces commissions sont
indemnisés forfaitairement.
Les membres sont nommés pour une période de trois
ans renouvelable.
234. Les commissions tiennent leurs séances
généralement dans les locaux des directions
départementales de l'Équipement qui assurent le
secrétariat de la commission ; à Paris, c'est la direction de
l'Urbanisme, du Logement et de l'Équipement du département qui
assure cette fonction.
D. Rôle .
235. La commission a pour mission de rapprocher les parties afin
qu'elles se concilient d'elles- mêmes.
Son rôle n'est pas de dire le droit mais de
rapprocher les parties en vue de trouver un accord. La
commission s'engage à cette fin à respecter les principes
d'impartialité et de confidentialité.
E. Domaine de compétence .
236. Elle intervient tant dans le domaine du secteur
privé que dans ceux du secteur social, en l'occurrence le secteur public
des HLM.
À l'origine, les commissions départementales de
conciliation ne concernaient initialement que le parc privé, puisque
leur rôle consistait à donner un avis sur diverses
évolutions des loyers119. La loi du 13 décembre 2000,
dite loi SRU, a étendu le champ de compétence des Commissions
départementales de conciliation, en ouvrant notamment le collège
des bailleurs à des représentants des bailleurs sociaux.
237. De même sa compétence a été
étendue, elle n'est plus limitée à l'augmentation des
loyers.
Depuis la loi SRU, les Commissions Départementales de
Conciliation sont compétentes en matière d'état des lieux,
de dépôt de garantie, de charges locatives et réparations,
d'application accords collectifs nationaux ou locaux et de modalités de
fonctionnement de l'immeuble ou groupe d'immeuble.
1) Compétence à saisine facultative.
238. Les Commission Départementale de Conciliation des
Rapports Locatifs sont saisies par l'une ou l'autre des parties. Cette saisine
est une possibilité pour les parties, une alternative, une
faculté.
239. Sa compétence a été largement
élargie conformément à l'article 188 de la loi SRU en date
du 13 décembre 2000 :
- Litiges relatifs au loyer en application des articles 30 et 31
de la loi du 23
décembre 1986, pour les propositions de sortie de baux de
la loi de 1948.
- Litiges relatifs à l'état des lieux, au
dépôt de garantie, aux charges locatives et
aux réparations locatives.
- Difficultés consécutives à l'application
des accords collectifs nationaux ou locaux,
du plan de concertation locative et des modalités de
fonctionnement d'un immeuble.
240. Dans le secteur social, la promulgation de la loi SRU
lui attribue aussi une compétence. Elle concilie les locataires et
bailleurs sociaux sur les litiges d'état des lieux, de
dépôt de garantie, de charges locatives et de réparations
locatives.
119 Loi du 23 décembre 1986.
De plus, elle est compétente pour examiner les
difficultés résultant de l'application des accords collectifs
nationaux ou locaux prévus aux articles 41 ter et 42 de la loi
n°86-1290 du 23 décembre 1986, de l'application du plan de
concertation locative créé par l'article 193 de la loi SRU, ainsi
que des modalités de fonctionnement d'un immeuble ou de groupe
d'immeuble.
241. Les litiges les plus récurrents concernent les
retenues opérées sur les dépôts de garantie, 70
%120.
Devant ces commissions on retrouve des situations types
où la saisine est opérée par le locataire pour une
non-restitution, ou une restitution partielle, du dépôt de
garantie par le bailleur. Les saisines, portant sur une absence totale de
justificatifs pour légitimer la retenue de ces dépôts de
garantie, sont légions.
242. C'est en principe la commission qui décide si les
dossiers sont recevables, le secrétariat déclare cependant
à la commission ceux qui sont manifestement irrecevables.
243. Il n'y a qu'un seul cas de saisine obligatoire, dans les
autres cas la saisine est facultatif : l'article 17 C de la loi du 6 juillet
1989.
2) Cas particulier : saisine obligatoire de la commission,
l'article 17 C de la loi du 6 juillet 1989.
244. La saisine de la commission départementale de
conciliation est obligatoire dans ce cas, nécessairement
préalable à la saisine éventuelle du tribunal.
245. La saisine de la commission est obligatoire dans les cas
d'augmentation de loyer au terme du contrat de bail de l'article 17c de la loi
du 6 juillet 1989. L'augmentation de loyer est soumise à une demande
formalisée stricte.
Elle doit être présentée six mois à
l'avance aux locataires.
246. Il est admis que la saisine de la Commission constitue
un préalable nécessaire à la saisine du tribunal. La
saisine de la Commission Départementale de Conciliation est un
préalable obligatoire à la saisine du juge afin de fixation du
loyer lors du renouvellement du bail d'habitation121.
247. À défaut de saisine de la commission dans le
délai imparti, le tribunal ne peut donc être valablement
saisi122.
Le bailleur qui a notifié à son locataire une
nouvelle proposition de loyer, puis saisi la Commission de conciliation dans
les délais de la loi du 6 juillet 1989, doit saisir le tribunal dans les
deux mois123 en cas d'échec de conciliation.
120 Statistiques 2004 de la Commission Départementale de
Conciliation des Rapports Locatifs de Haute-Garonne.
121 Cass. 3è civ., 19 févr. 2003 : Juris-Data
n°2003-017801 ; Procédures de 2003, comm. 94, obs. O. Fradin.
122 CA Paris, 6è ch., 11 mai 1992 : Juris-Data n°
1992-021021.
123 CA Paris, 6è ch., 8 avril 1992 : Juris-Data n°
1992-021203.
F. Sa saisine.
248. La commission est saisie par lettre recommandée avec
avis de réception adressée à son secrétariat.
Tout dossier doit être adressé au
secrétariat de la commission par lettre recommandée avec avis de
réception et comporter la lettre de saisine de la commission, la
réclamation préalable adressée par le demandeur au
défendeur sur l'objet du litige ou de la difficulté, d'une copie
du bail ainsi que tous documents nécessaires à la
compréhension et l'examen du dossier.
Cette lettre doit comporter les noms et adresses des deux
parties et l'objet du litige.
249. Le secrétariat convoque les parties quinze jours au
moins avant la date de l'audience de la commission.
Pour une tentative de conciliation, et une conciliation
possible, les parties doivent être présentes ou
représentées par des mandataires investis du pouvoir de
concilier.
G. Délais.
250. En matière de litige relatif au loyer, l'avis de la
commission doit intervenir dans un délai de deux mois maximum à
compter de sa saisine.
Dans les autres matières, la commission rend son avis
sans qu'aucun délai ne lui soit imparti.
251. Cependant les Commission Départementale de
Conciliation des Rapports Locatifs s'imposent d'elles mêmes, dans leur
règlement interne, un délai. Il est de quatre mois
124en moyenne.
Il est pourtant fréquent qu'entre la lettre
recommandée avec accusé de réception de saisine et
l'audience un délai plus long se soit écoulé.
252. Précisons que la saisine des Commission
Départementale de Conciliation ne suspend pas ni n'interrompt les
délais de droit d'agir en justice. Ce sont les principaux
inconvénients de ces modes.
On peut relativiser la critique en rappelant que les
délais en matière de droit locatif sont en principe quinquennaux,
donc suffisamment longs pour une tentative de règlement amiable.
253. Seuls les litiges, ou difficultés, nés
après le 21 juillet 2000 peuvent être examinés par la
Commission (date de publication du décret portant sur les Commissions
départementales de conciliation des rapports locatifs), relatifs aux
nouvelles saisines possibles.
H. Conciliation des parties, à défaut avis de la
Commission.
254. Après examen de chaque affaire en commission, un
document reprenant l'exposé du litige ou de la difficulté est
établi par le secrétariat. Il précise s'il y a lieu ou non
à une conciliation et son contenu, à défaut il sera
retranscrit le contenu de l'avis.
124 Tel est le cas pour la Commission Départementale de
Conciliation des Rapports Locatifs de Haute-Garonne.
255. Comme le nom l'indique, les commissions ont pour
tâche de tenter de concilier les parties qui lui soumettent un
différend. Si une conciliation intervient, un procès-verbal,
« document de conciliation », signé par les parties, le
Président et le Vice-président de la commission, constate cette
conciliation.
256. À défaut de conciliation, la CDC
émet un avis : s'il est unanime, il est unique ;
à défaut, il prend la forme d'un avis émanant de
façon distincte du collège des bailleurs et de celui des
locataires.
Cet avis n'a cependant aucune valeur juridique. « La
commission de rapports locatifs émet simplement un avis qui, selon un
auteur, peut-être communiqué aussi bien un arbitre qu'à un
juge étatique »125 . En pratique cependant, il
facilitera le travail du juge puisque une qualification et une analyse
juridique auront déjà été effectuées. Il est
rare que le juge statue dans un sens contraire.
257. Nous insistons sur la conciliation aboutissant à
un procès-verbal de conciliation, il est signé par les parties,
par le Président et le Vice-président de la commission et par les
représentants de l'administration. Cet acte a une valeur
contractuelle.
I. Bilan.
258. Elle est souvent l'antichambre de la juridiction, quand la
commission rend un avis il est généralement suivi par le juge.
Cet avis n'a cependant aucune valeur juridique.
259. Il apparaissait en 2002 que l'activité des CDC
demeurait centrée sur les différends relatifs aux loyers pour la
moitié des cas en province, pour les deux tiers en
Île-de-France.
238. On notait cependant un développement de la saisine
de la commission départementale de conciliation en matière de
dépôt de garantie, de charges locatives et de
réparations.
Ce rôle accru conféré aux commissions
départementales de conciliation a contribué à structurer
leur fonctionnement et à les rendre plus efficaces : sans que des
chiffres précis ne soient disponibles, les membres de ces commissions
indiquent souvent qu'une conciliation intervient près d'une fois sur
deux, ce qui constitue un succès non négligeable de ce mode
alternatif de règlement des litiges.
260. Pour la Haute-Garonne en 2003 il y a eu 18
séances tenues par la commission, contre 12 en 2002. En moyenne cinq
dossiers par séance sont examinés. 45 % des affaires
traitées aboutissent à une conciliation.
261. Dans cette première partie, notre étude
portait sur les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits dont les
parties avaient la maîtrise à la fois de la saisine et de la
solution. Dans la seconde partie nous étudierons les Modes Alternatifs
de Règlement des Conflits dont les parties ne maîtrisent que la
saisine. Les modes concernés sont la Médiation, qui soumet une
solution que les parties acceptent ou non, et l'Arbitrage qui rend une sentence
arbitrale qui s'impose aux parties.
125 P. Ancel, « Conventions d'arbitrage : conditions de
fonds, litiges arbitrables », J.-Cl. Procédure civile, Fasc. 1024,
1986, n°85.
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